par André Kamga Foamouhoue1, Jose María Baldasano2, Emilio Cuevas Agulló3, Aïda iongue-Niang4, Carlos Pérez García-Pando2, Eugene Poolman5 et Madeleine Thomson6
Introduction
Nos capacités de prévision en ce qui concerne la qualité de l’air, le climat et le temps ont bénéficié d’améliorations spectaculaires et durables (Hollingsworth et al., 2005; GIEC, 2008; Uppala et al., 2005; etc.). Les demandes de prévisions plus précises se sont cependant multipliées par suite de la croissance démographique exponentielle, des changements climatiques et de la sensibilité accrue de nos sociétés aux catastrophes naturelles et à la médiocre qualité de l’air découlant de la concentration des populations dans les centres urbains, les zones côtières et les vallées fluviales.
Les stratégies d’atténuation constituent un défi particulier pour l’Afrique, où se trouvent beaucoup de nations en développement, dont une bonne trentaine faisant partie des 49 pays les moins avancés (PMA) de la planète. Ces nations ne sont guère en mesure d’atténuer les effets des catastrophes naturelles qui menacent la sécurité publique et engendrent en outre des ondes de choc qui fragilisent un peu plus l’activité économique. Ainsi, au Mozambique, les inondations dues aux cyclones tropicaux ont ramené le taux de croissance annuel de 8 % à 2,1 % en 2000. Les épisodes de sécheresse qui se sont produits en Afrique de l’Est ont amoindri le potentiel hydroélectrique du Kenya, qui a été obligé de contracter un prêt d’urgence de plus de 50 millions de dollars des États-Unis. De plus, la piètre qualité de l’air due à la combustion de la biomasse, aux tempêtes de sable et de poussière et à la pollution atmosphérique est un sujet de préoccupation croissant.
En conséquence, les Services météorologiques et hydrologiques nationaux (SMHN) des pays africains, dont la principale occupation consistait jusqu’alors à effectuer des observations météorologiques, ont réorienté leurs activités vers une contribution marquée au développement durable en soutenant les mesures de sécurité publique et les activités économiques sensibles (Afiesimama, 2007). Ce changement d’orientation est fondé sur l’ingéniosité et l’esprit d’initiative des SMHN, agissant souvent en partenariat avec des Membres d’autres Régions de l’OMM, ce qui s’est traduit à la fois par un meilleur usage des produits de modèles et par l’utilisation locale de modèles à domaine limité par plusieurs SMHN africains. Ce changement radical est aussi facilité par la collaboration internationale active qui s’est instaurée sous l’égide de l’OMM.
Le présent article décrit trois projets dont la portée s’inscrit entre les avantages immédiats que l’Afrique peut retirer d’une amélioration des possibilités de consultation et d’utilisation des produits de prévision élaborés par les pays développés et la formulation d’un plan décennal de recherche-développement visant à renforcer les capacités de prévision et d’atténuation en Afrique.
Élucidation des effets du temps, du climat et des tempêtes de sable et de poussière sur les épidémies de méningite en Afrique centrale
Dans le Sahel, les épidémies de méningite à méningocoques causée par la bactérie Neisseria meningitidis se produisent à la fin de la saison sèche, lorsque souffle l’harmattan, un alizé sec et chargé de poussière. Qu’est-ce qui déclenche précisément ces épidémies? Est-il possible de mettre en place des systèmes d’alerte précoce à des échéances suffisamment longues pour trouver la parade? La complexité de ces questions alimente le débat entre les spécialistes des sciences de l’atmosphère et les milieux de la santé. Le Projet d’élaboration de techniques d’information sur les risques de méningite dans le milieu ambiant (MERIT) s’est développé grâce à la collaboration active de l’OMS et d’un certain nombre de membres des secteurs de l’environnement, de la santé publique et de la recherche. Ce projet vise à renforcer les capacités actuelles afin de pouvoir faire une synthèse plus efficace des informations environnementales et des connaissances relatives à la méningite à méningocoques épidémique sur la base d’une analyse prenant en compte les informations et données sur la répartition des cas de méningite, la démographie, l’environnement et le climat, la situation en matière de vaccination et les caractéristiques des différentes souches.
La poussière en particulier est considérée comme un élément important susceptible d’être pris en compte dans un système d’alerte épidémique précoce. Bien que le mécanisme par lequel la poussière peut influer sur l’apparition de méningites épidémiques soit encore mal connu, on s’accorde généralement à penser que les dommages qu’elle cause par temps sec aux cellules épithéliales tapissant le nez et la gorge permet aux bactéries de pénétrer facilement dans les vaisseaux sanguins. De ce fait, des prévisions plus fiables concernant le climat et la poussière pendant la saison sèche dans le Sahel pourraient servir à déclencher des alertes précoces aux épidémies de méningite. On s’attend à ce que ce projet ait une incidence immédiate sur les résultats obtenus en matière de santé publique en Afrique, puisqu’il devrait contribuer à renforcer l’efficacité des stratégies de prévention et de lutte contre la méningite.
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Projet de démonstration concernant la prévision des conditions météorologiques extrêmes
Parmi les moyens dont disposent actuellement les principaux centres de prévision numérique du temps (PNT) figurent des modèles déterministes à haute résolution, qui fournissent les meilleures estimations possibles de l’évolution future des conditions météorologiques, et des systèmes de prévision d’ensemble (SPE), qui essaient de rendre compte de l’ensemble des résultats possibles et qui élargissent l’éventail des prévisions exploitables. Grâce à ces progrès, l’échéance des alertes aux phénomènes météorologiques extrêmes a augmenté bien au-delà des deux jours habituels, puisque des prévisions exploitables sont diffusées sur une base régulière jusqu’à cinq jours à l’avance, avec des perspectives d’évolution sur plusieurs jours de plus. Malheureusement, peu de SMHN de pays en développement ou faisant partie des pays les moins avancés (PMA) ont convenablement accès aux produits à haute résolution et peuvent en faire largement usage, et encore bien moins utilisent des systèmes de prévision d’ensemble pour parvenir à de telles échéances.
Pour que les pays en développement et les PMA puissent aussi bénéficier des progrès spectaculaires des techniques de prévision, la Commission des systèmes de base (CSB) de l’OMM a lancé le Projet de démonstration concernant la prévision des conditions météorologiques extrêmes, qui a notamment pout but d’améliorer la fiabilité et l’échéance des prévisions des phénomènes météorologiques extrêmes, de reculer l’échéance des alertes relatives à ces phénomènes et de renforcer les liens entre les SMHN et les autorités chargées de la gestion des situations d’urgence avant et pendant les événements.
Le projet de démonstration utilise le réseau de centres du Système mondial de traitement des données et de prévision (SMTDP) pour fournir des produits opérationnels de pointe par le biais d’un processus de prévision en cascade (par exemple, des centres mondiaux de production aux SMHN en passant par les centres régionaux). Le premier sous-projet régional a été mis en œuvre en Afrique du Sud-Est de novembre 2006 à novembre 2007 avec le concours du Centre européen pour les prévisions météorologiques à moyen terme (CEPMMT), des Centres nationaux de prévision environnementale (NCEP) des États-Unis d’Amérique et du Met Office du Royaume-Uni, qui ont fait office de centres mondiaux de produits.
Le Centre météorologique régional spécialisé (CMRS) de Pretoria (dont les fonctions sont assumées par le Service météorologique sud-africain) s’est chargé de mettre en ligne sur un site Web spécialisé les produits de PNT et SPE à l’intention des cinq SMHN participants (Botswana, Madagascar, Mozambique, République-Unie de Tanzanie et Zimbabwe), qui gardaient le pouvoir de décision final pour ce qui est de la transmission des alertes aux autorités chargées de la gestion des situations d’urgence dans leurs pays respectifs. Le CMRS de Pretoria a aussi fourni quotidiennement des produits de base concernant les possibilités de fortes pluies ou de vents forts pour les cinq jours suivants, lesquels produits étaient fondés sur une analyse de tous les produits de PNT et SPE disponibles. Le CMRS de la Réunion, qui est chargé de diffuser des prévisions relatives aux cyclones tropicaux dans le sud de l’océan Indien, a maintenu ses activités habituelles et appuyé le projet en communiquant des informations fiables sur les cyclones tropicaux. Le projet comprenait aussi des activités de formation destinées aux cinq SMHN participants, afin de faciliter l’usage des produits de base et des produits de modèles figurant sur le site Web du CMRS de Pretoria. Le projet est actuellement élargi à l’ensemble des 16 pays d’Afrique australe et devrait constituer un modèle utile pour les pays en développement et les PMA d’autres parties du globe. Pour plus de précisions sur ce projet qui a tenu pleinement ses promesses, on consultera l’article récent de Poolman et al. (2008) paru dans l’édition de décembre de MétéoMonde (http://www.wmo.int/pages/publications/meteoworld/index_fr.html).
Tempêtes de sable et de poussière en Afrique: possibilités de mieux surveiller et prévoir le processus de réduction des risques
Lorsqu’il souffle avec force sur des sols dénudés et desséchés, le vent peut soulever de grandes quantités de sable et de poussière et les transporter dans l’atmosphère, avec des effets perceptibles à des centaines de milliers de kilomètres de distance. Quelque 1 000 à 3 000 téragrammes (millions de tonnes) de poussière sont ainsi extraits des régions sources chaque année. Le désert du Sahara est la plus importante source d’aérosols constitués de particules minérales et est à l’origine de 50 à 70 % de la poussière dégagée dans le monde entier. Dans les pays sahariens ou exposés aux vents en provenance du Sahara, le sable et la poussière en suspension dans l’atmosphère font peser une menace sérieuse sur l’environnement, les biens et la santé. La poussière d’origine saharienne joue aussi un rôle important sur le plan climatique et météorologique en raison de ses effets directs (forçage radiatif) et indirects (nuages, précipitations) sur l’atmosphère.
Au début des années 90, il était entendu que, si les teneurs en poussière étaient prises en compte comme variables prédictives dans les modèles de prévision numérique du temps, il serait possible de formuler des prévisions fiables pour les processus liés à la présence de poussière dans l’atmosphère (émission, brassage turbulent, dépôt). Une première prévision expérimentale concernant la poussière a été formulée en 1993 pour l’Afrique du Nord et la Méditerranée. Il n’est cependant pas possible d’effectuer une modélisation comportant une composante «poussière» fiable sans observations correspondantes. Au début des années 90, on ne disposait que d’observations synoptiques de la visibilité et d’images peu précises de Météosat indiquant la présence de poussière au-dessus de la mer pour valider les prévisions relatives à la poussière. Plusieurs projets et initiatives ont ensuite été lancés en vue d’améliorer nos connaissances au sujet de ces processus liés à la poussière et de leurs incidences en Afrique, dont une période d’observation spéciale relevant de l’Analyse multidisciplinaire de la mousson africaine (AMMA), le Programme d’investigations sur la poussière minérale du Sahara (SAMUM) et la campagne BoDEx (Bodélé Dust Experiment) 2005 (la dépression de Bodélé est considérée comme la plus vaste zone de soulèvement de poussière au Sahara).
La modélisation relative à la poussière et les mesures connexes ont considérablement progressé durant les 15 dernières années. Il existe actuellement un certain nombre de modèles perfectionnés concernant la poussière atmosphérique, qui fournissent des prévisions expérimentales quotidiennes; plusieurs autres modèles servent à des fins de recherche, dont certains à très haute résolution. Un certain nombre de produits de satellite plus récents de la NASA (MODIS, CALIPSO, etc.) et de l’ESA (Météosat seconde génération) peuvent détecter la poussière au-dessus du Sahara en modes haute résolution et observer sa structure verticale. Il existe aussi d’autres activités d’observation complémentaires telles que celles menées au moyen des réseaux de lidars (par exemple, le Réseau de lidars pour l’observation des aérosols dans le cadre de la VAG (GALION) de l’OMM), d’héliophotomètres (VAG, AERONET/PHOTONS, SKYNET, etc.) et de réseaux d’observation des matières particulaires. Six modèles de prévision des soulèvements de poussière en Afrique et en Méditerranée tournent de façon régulière et fournissent des produits accessibles au public.
Quinze pays de la région ont indiqué qu’ils étaient disposés à renforcer leurs capacités de prévision et d’analyse des processus liés à la poussière. Compte tenu de cet intérêt et avec le concours du Quatorzième Congrès météorologique mondial, le Secrétariat de l’OMM a mis en place en 2007 le Système d’annonce et d’évaluation des tempêtes de sable et de poussière (SDS WAS), en tant que projet commun du Programme mondial de recherche sur la prévision du temps (PMRPT) et de la Veille de l’atmosphère globale (VAG) relevant de la Commission des sciences de l’atmosphère de l’OMM. Ce système a pour but de développer l’aptitude des pays à diffuser en temps opportun des prévisions, des données d’observation, des informations et des connaissances de qualité concernant les tempêtes de sable et de poussière à l’intention des utilisateurs, par le biais d’un partenariat international des milieux de la recherche et des milieux qui s’occupent de l’exploitation. Ces produits seront élaborés et mis à la disposition des utilisateurs via le Web, dans le but d’obtenir les mêmes résultats avec les divers modèles participants, affichés sous des formes de présentation identiques pour un domaine unique et uniforme défini d’un commun accord. Le projet comprendra également un système de vérification en temps quasi réel. Le renforcement des capacités sera l’une des principales composantes du Centre régional pour l’Afrique, car il s’agira à la fois d’améliorer les techniques d’observation et de développer la capacité des pays à tirer parti des observations et des produits de prévision concernant les tempêtes de sable et de poussière pour répondre aux besoins de leurs populations. Les projets SDS-WAS et MERIT sont aussi des activités du GEO destinées à favoriser le renforcement des capacités.
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Figure 1 — Le réseau international du projet SDS WAS constitué d’antennes fédérées bénéficiant du soutien de centres régionaux
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Un centre régional du projet SDS-WAS pour l’Afrique du Nord, le Moyen-Orient et l’Europe est actuellement hébergé par l’Espagne. Cette antenne régionale a généreusement fourni du personnel d’appui technique, des systèmes de stockage des données et des moyens d’accès au Web, avec la possibilité de tirer avantage de la puissance de calcul des systèmes informatiques locaux. Pour satisfaire les besoins des utilisateurs, le Centre régional établi en Espagne fournit déjà quotidiennement des produits de prévision concernant la poussière pour l’Afrique du Nord (www.bsc.es/projects/earthscience/DREAM/). Le groupe directeur pour cette région s’est réuni en novembre 2008 à Tunis Carthage en vue de mettre en place un système en temps quasi réel en 2010 et d’amorcer le processus de sollicitation de la participation officielle des centres de modélisation opérationnels et de recherche. Les utilisateurs nationaux et les organisations internationales seront consultés pour la mise au point de produits et d’outils utiles. Cet effort régional englobe aussi un produit de réanalyse sur une période de 40 ans contenant une base de données historiques des prévisions concernant la poussière, aux fins de mise au point d’outils climatologiques et de soutien d’applications telles que celles destinées aux milieux de la santé (voir encadré page 42). Par ailleurs, un centre régional pour l’Asie est depuis peu hébergé par l’Administration météorologique chinoise. La coordination entre les centres régionaux est assurée par le Comité directeur pour le projet SDS-WAS de l’OMM.
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Figure 2 — Domaine envisagé pour l’antenne du projet SDS-WAS concernant l’Afrique du Nord, l’Europe et le Moyen-Orient |
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Réduction des incidences des catastrophes naturelles et contribution à la sécurité alimentaire en Afrique
Pour ce qui concerne la qualité de l’air, le temps et le climat, l’Afrique doit faire face à de nombreux défis (OMM, 2008). Sa population de plusieurs centaines de millions de personnes exerce de fortes contraintes sur les ressources et sur l’offre et la demande de produits alimentaires, en particulier aux confins des déserts. C’est aussi l’une des régions du globe les plus vulnérables aux catastrophes hydrométéorologiques. Les systèmes d’observation et de modélisation de la région présentent des insuffisances relativement marquées. De plus, les déficiences des moyens de communication dans la plupart des pays africains ont fait obstacle à la diffusion des produits de prévision. Compte tenu de ces défis, on devrait tirer grandement profit d’une stratégie à long terme destinée à améliorer non seulement la capacité prédictive des modèles, mais aussi l’infrastructure et les compétences scientifiques et techniques de l’Afrique. Ces avancées devraient permettre aux Africains de jouer un rôle beaucoup plus important dans l’élaboration et la mise en œuvre des améliorations apportées en matière de prévision des changements concernant le temps, la qualité de l’air et le climat et d’atténuation de leurs effets négatifs.
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Figure 3 — Eau disponible en Afrique en 1990 et en 2025 |
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Dans le cadre du programme THORPEX (Expérience concernant la recherche sur les systèmes d’observation et la prévisibilité) relevant du PMRPT de l’OMM, un ambitieux plan décennal a été élaboré afin de faciliter la mise en œuvre de ces améliorations. Le programme THORPEX a été lancé en 2003 par le Quatorzième Congrès météorologique mondial en tant que programme international décennal de recherche développement, afin de mettre l’accent sur les travaux de recherche susceptibles d’accélérer les progrès en matière d’exactitude des prévisions à échéance d’un jour à deux semaines pour les phénomènes météorologiques
à fort impact et de procurer les avantages d’ordre sociétal, économique et environnemental connexes (Shapiro et Thorpe, 2004; THORPEX/Comité directeur international restreint, 2005). Le plan scientifique PMRPT THORPEX pour l’Afrique a été élaboré en 2006 et 2007, à la suite de réunions de planification qui ont eu lieu à Ouagadougou (Burkina Faso) et à Karlsruhe (Allemagne) en février et novembre 2007, respectivement. Un plan de mise en œuvre a été formulé sur la base du plan scientifique, une troisième réunion de planification PMRPT THORPEX pour l’Afrique organisée à Pretoria (Afrique du Sud) ayant permis de se mettre d’accord sur une vision d’avenir définitive. Ces trois réunions ont joué un rôle essentiel dans la formulation des plans scientifiques et de mise en œuvre THORPEX pour l’Afrique et l’instauration d’un Comité régional.
Les efforts déployés dans le cadre de la mise en œuvre du programme THORPEX en Afrique contribueront à la réalisation des objectifs de développement approuvés lors des conférences et sommets des Nations Unies (par exemple, le Sommet mondial pour le développement durable, organisé à Johannesburg (Afrique du Sud) en 2002, ou la Conférence internationale de l’OMM sur le thème «Sécurité et avenir de l’humanité: les avantages socio-économiques des services météorologiques, climatologiques et hydrologiques», organisée à Madrid en 2007). Le programme a été élaboré par des chercheurs africains pour l’Afrique. Après que la version actuelle de ces plans aura été examinée soigneusement par les SMHN et les autres participants potentiels au début de 2009, une version définitive sera établie pendant l’été 2009. Le plan THORPEX pour l’Afrique met en particulier l’accent sur les activités qui procurent des avantages sociétaux et sur l’exploitation des progrès réalisés en matière de modélisation déterministe SPE. Adapté aux besoins des utilisateurs, ce plan privilégie les domaines d’application clefs suivants:
Gestion des ressources en eau: Pour bon nombre de pays africains, la vulnérabilité en matière d’approvisionnement en eau, le stress hydrique et la pénurie d’eau compromettent tout développement pérenne et durable. Le programme THORPEX contribuera à la mise en œuvre d’une gestion intégrée des ressources en eau grâce à l’amélioration de la qualité des prévisions et des alertes en cas de fortes pluies et d’inondations.
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Figure 4 — Malnutrition et pénuries alimentaires en Afrique |
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Sécurité alimentaire: Ces dernières décennies, la plupart des pays africains ont dû faire face à la malnutrition avancée, à la pénurie alimentaire ou à la famine. Le système d’alerte rapide aux risques de famine (FEWS) de l’USAID, qui est déjà opérationnel en Afrique, collaborera avec THORPEX Afrique pour tester des systèmes de prévision perfectionnés, afin de compléter les alertes précoces par des prévisions intégrées à échéance variant de quelques jours à une saison. Pour sa part, le Consortium pour la recherche économique en Afrique évaluera les conséquences des phénomènes météorologiques à fort impact du passé pour ce qui est de la sécurité alimentaire et élaborera des outils permettant d’estimer les avantages additionnels.
Énergie: Les phénomènes météorologiques dangereux contribuent à aggraver les pénuries d’énergie en Afrique, car ils endommagent les moyens de production et de distribution, ce qui a pour effet de réduire l’offre et d’augmenter la demande. Les pénuries d’énergie se sont multipliées en Afrique au cours de la dernière décennie, et THORPEX Afrique envisage de collaborer avec les principales compagnies d’électricité en vue d’élaborer de meilleures estimations concernant l’offre, la demande et les messages d’alerte précoce et d’indiquer la manière de procéder.
Transports: Pour la plupart des SMHN africains, les services fournis à l’aviation constituent une importante source de revenu. Le programme THORPEX relevant du PMRPT permettra d’apporter de nouvelles améliorations à ces services météorologiques, de façon à préserver et à renforcer le dynamisme et la notoriété des SMHN et à faciliter de ce fait l’élaboration et la mise en œuvre du projet AMDAR Afrique.
Santé: Le paludisme, la méningite, la fièvre de la vallée du Rift et le choléra comptent parmi les maladies liées au temps et au climat auxquelles sont exposées les populations africaines. Le partenariat instauré entre l’OMM et l’OMS pour la mise en œuvre du projet MERIT (voir encadré page 42) est une initiative qui devrait inciter les milieux de la santé à mener des études pour mieux comprendre les relations unissant le temps ou le climat et la santé et améliorer les plans de préparation et d’intervention en cas d’épidémie.
... les Services météorologiques et hydrologiques nationaux (SMHN) des pays africains, dont la principale occupation consistait jusqu’alors à effectuer des observations météorologiques, ont réorienté leurs activités vers une contribution marquée au développement durable en soutenant les mesures de sécurité publique et les activités économiques sensibles. |
Le lecteur intéressé peut consulter la version intégrale du plan scientifique et du plan de mise en œuvre sur le Web (http://www.wmo.int/thorpex) et est d’ailleurs invité à formuler d’éventuelles observations. Voici quelques points saillants du Plan de mise en œuvre PMRPT THORPEX pour l’Afrique:
Favoriser l’emploi des techniques d’observation disponibles, et notamment de la télédétection par satellite, évaluer la performance en matière de prévision des réseaux d’observation opérationnels et spéciaux et faire des recommandations à la Commission des systèmes de base de l’OMM à propos d’un réseau d’observation bon marché optimal sur la base des perspectives d’évolution des phénomènes météorologiques à fort impact;
Un système d’information météorologique pour l’Afrique sera élaboré avec le concours du Centre international de physique théorique de l’UNESCO, dans le but de recenser les phénomènes météorologiques à fort impact, les données sur les incidences en question ainsi que les méthodes et outils d’analyse. Cela facilitera les initiatives communes prises par les spécialistes des questions socio-économiques, de l’environnement et de la prévision en vue d’élaborer des produits et services de bout en bout. Un atelier consacré à la définition du contenu de ce système sera organisé en 2009. On s’emploiera ultérieurement à définir les capacités de prévision de façon à pouvoir repérer les éventuelles insuffisances dans la chaîne des activités allant des prévisions de modèle à l’utilisation des informations météorologiques;
THORPEX Afrique contribuera à la mise en place en Afrique d’un système de prévision intégré sans discontinuité, utilisant des produits déterministes et SPE à échéance variant de quelques jours à quelques saisons ou décennies. Cette activité débutera par un inventaire des produits existants à diverses échelles de temps (jour, semaine, quinzaine, mois) dans les centres mondiaux et par une évaluation de leurs caractéristiques (accessibilité, qualité, utilité, valeur ajoutée potentielle);
Il sera procédé à une vérification des prévisions et à une évaluation des dommages, des pertes et des avantages par rapport aux coûts du point de vue des utilisateurs, et des systèmes d’analyse coûts-avantages seront élaborés dans le cadre d’un partenariat avec les milieux de la recherche socio-économique;
Des projets de démonstration en matière de prévision, des activités de formation et d’autres activités de renforcement des capacités ou de développement des infrastructures sont prévus, conformément aux prescriptions énoncées dans le Plan d’action de Madrid (mars 2007) et dans le Programme d’action de Bruxelles en faveur des pays les moins avancés (PMA) adopté par la troisième Conférence des Nations Unies sur les PMA (mai 2001). Ces projets de démonstration devraient prendre en compte des SPE, des systèmes de prévision déterministes à haute résolution de la prochaine génération et des centres d’applications satellitaires (par exemple, Météosat seconde génération d’EUMETSAT). Ces efforts contribueront à mieux faire connaître les SMHN dans certains pays, ce qui facilitera le recrutement et le perfectionnement du personnel;
THORPEX Afrique collaborera avec la Veille météorologique mondiale et le Système d’information de l’OMM pour évaluer les points forts et les points faibles du Système mondial de télécommunications en Afrique et pour élaborer et mettre en œuvre un projet de télécommunication aux fins de mise en réseau des laboratoires universitaires africains, des instituts de recherche, des SMHN et des centres de données régionaux et internationaux et d’échange des méthodes, outils et produits. À cet effet, il sera tenu compte de l’importance grandissante des communications par l’Internet ou les téléphones portables et du renforcement des nouveaux usages des moyens de communication locaux.
Conclusions
Le présent article présente trois initiatives internationales coordonnées par l’OMM, qui visent à développer les capacités de prévision au profit des populations africaines. La première de ces initiatives est le Projet de démonstration concernant la prévision des conditions météorologiques extrêmes, dont l’un des aspects les plus intéressants consiste en la notion
de prévision en cascade, qui devrait permettre de doter les pays en développement de capacités de prévision opérationnelles de pointe à un coût relativement faible. Le deuxième projet est le Système d’annonce et d’évaluation des tempêtes de sable et de poussière (SDS-WAS), qui dote l’Afrique d’un nouvel outil de prévision. Ce projet est aussi fondé sur un renforcement des liens avec les utilisateurs finals et devrait servir de point de convergence pour l’amélioration des modèles, l’élaboration des produits et les nouvelles capacités de prévision d’ensemble en ce qui concerne les tempêtes de sable et de poussière. Il a bénéficié de ressources nationales pour la création d’un centre régional en Espagne ainsi que d’une coopération active des divers partenaires concernés.
Le troisième projet, à savoir THORPEX Afrique, est un projet à long terme visant à renforcer les capacités de prévision et de recherche en Afrique, contrairement aux deux autres projets qui sont plutôt fondés sur des capacités situées hors d’Afrique. Un projet de développement à long terme oblige les SMHN et les utilisateurs africains de produits de prévision environnementaux à procéder à un certain nombre d’achats. Même en tenant compte de la forte contribution présumée de presque toutes les composantes de l’OMM, un effort coordonné s’impose pour dégager les ressources nécessaires à la concrétisation des perspectives offertes par THORPEX Afrique. L’une des étapes du processus de mobilisation des ressources—et de renforcement des liens avec les utilisateurs finals et des avantages dont ils peuvent bénéficier—consiste en la reconnaissance récente de THORPEX Afrique comme tâche du Groupe sur l’observation de la Terre (GEO). Le présent article vise à obtenir des informations en retour de la part de la communauté africaine au sens large et d’autres partenaires en vue de la mise en œuvre de cette vision.
Remerciements
Nous remercions les participants sans les contributions desquels l’OMM n’aurait pu déployer ces efforts en faveur de l’Afrique.
Bibliographie
Afiesimama, E.A., 2007: Prévision du temps en Afrique de l’Ouest au cours des 25 dernières années. Bulletin de l’OMM, 56 (1), 50-52.
Hollingsworth, A. et al., 2005: The transformation of earth-system observations into information of socio-economic value in GEOSS. Q.J. R. Meteorol. Soc., 131, 3493-3512.
Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, 2008: Quatrième rapport d’évaluation: Climate Change 2007—The Physical Basis. Cambridge University Press.
OMM, 2007: Déclaration et plan d’action de la Conférence de Madrid. Conférence internationale «Sécurité et avenir de l’humanité: les avantages socio-économiques des services météorologiques, climatologiques et hydrologiques. http://www.wmo.int/pages/themes/wmoprod/documents/madrid07_ActionPlan_w…
Poolman, E., H. Chikoore et F. Lucio, 2008: Public benefits of the Severe Weather Forecasting Demonstration Project in south-eastern Africa. WMO newsletter MeteoWorld. http://www.wmo.int/pages/publications/meteoworld/swfdp_en.html
Shapiro, M.A. et A.J. Thorpe, 2004: THORPEX International Science Plan. WMO/TD-No. 1246, WWRP/THORPEX, No. 2, 51 p.
THORPEX/International Core Steering
Committee, 2005: THORPEX International Research Implementation Plan, WMO/TD-No. 1258, WWRP/THORPEX, No. 4, 95 pp.
Uppala, S.M. et al., 2005: The ERA-40 re-analysis. Q. J. R. Meteorol. Soc., 131, 2961-3012.
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1. Centre africain pour les applications de la météorologie au développement
2. Département des sciences de la Terre, Centre de calcul intensif de Barcelone, Centre national de calcul intensif
3. Directeur du Centre de recherche atmosphérique d’Izaña, Service météorologique national
4. Direction de la Météorologie nationale, Sénégal
5. Prévisionniste principal: Réduction des risques de catastrophes, Service météorologique sud africain, Pretoria, Afrique du Sud
6. Présidente du Programme régional pour l’Afrique, Institut international de recherche sur le climat et la société (IRI)