par Thor Erik Nordeng1, Gilbert Brunet2 et Jim Caughey3
Introduction
Jusqu’ici, deux années polaires ont été organisées, à 50 ans d’intervalle. La première Année polaire internationale, qui a eu lieu en 1882/83, a créé un précédent en matière de coopération scientifique internationale. La deuxième, organisée en 1932/33, a permis d’étudier les conséquences planétaires du «courant jet» découvert depuis peu. La troisième — l’Année polaire internationale (API) — a lieu en 2007/08 et consiste en un programme international d’activités coordonnées et pluridisciplinaires de recherche et d’observation, menées dans les régions polaires.
Grâce à un réseau d’observation perfectionné, à l’utilisation très élaborée des nouveaux produits d’observation et à une meilleure compréhension des processus physiques propres aux régions polaires, l’API 2007/08 devrait permettre d’accomplir, en matière de prévision numérique du temps et de prévision environnementale (PNTE), des progrès comparables à ceux qui ont résulté de la première expérience mondiale du GARP (Programme de recherches sur l’atmosphère globale) organisée en 1979. La PNTE constitue l’une des plus importantes réussites technologiques et sociétales du siècle dernier. Dans le monde entier, on convient de l’incidence positive des prévisions météorologiques et environnementales sur la santé, la sécurité et la compétitivité économique. Les avantages qu’offrent les applications de la PNTE dans les régions polaires ont été quelque peu retardés en raison de la priorité accordée à la prévision dans les régions tropicales et de latitude moyenne, plus densément peuplées. Compte tenu des préoccupations suscitées par l’amplification des changements climatiques anthropiques aux latitudes élevées, conjuguées à l’intérêt croissant de nombreux gouvernements pour ces questions, il est impératif de mieux comprendre les processus météorologiques, environnementaux et climatiques propres aux régions polaires, de manière à accroître notre capacité de produire des prévisions quantitatives fiables. L’API fournit un cadre international propice pour le renforcement des capacités de prévision météorologique et environnementale dans les régions polaires.
Programme mondial de recherche sur la prévision du temps (PMRPT) — Expérience concernant la recherche sur les systèmes d’observation et la prévisibilité (THORPEX)
L’API et le PMRPT THORPEX
L’expérience THORPEX relevant du PMRPT de l’OMM a fondamentalement pour but d’accélérer le développement des capacités de prévision numérique du temps à l’échelle mondiale et régionale, notamment en ce qui concerne les phénomènes météorologiques à fort impact. Dans le cadre de l’API, le PMRPT THORPEX jouera un rôle de premier plan, avec les grands objectifs suivants:
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Procéder à l’évaluation et chercher à améliorer la qualité des analyses opérationnelles et des produits de réanalyse aux fins de recherche dans les régions polaires;
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Contribuer à l’amélioration des techniques d’assimilation des données pour les régions polaires, notamment par des études de sensibilité;
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Évaluer les capacités de prévision des phénomènes météorologiques à fort impact d’envergure polaire à mondiale pour différentes stratégies d’observation aux latitudes élevées;
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Démontrer l’utilité d’une meilleure utilisation des produits de prévision d’ensemble dans le cas des phénomènes météorologiques à fort impact et pour les activités menées dans le cadre de l’API, s’il y a lieu;
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Formuler des recommandations pour la conception du Système mondial d’observation (y compris pour l’atmosphère moyenne) dans les régions polaires dans la perspective de la prévision du temps;
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Mener des campagnes sur le terrain pendant la période d’observation intensive de l’API, afin de faciliter la réalisation de ces objectifs;
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Améliorer la représentation des nuages, des interactions des nuages et du rayonnement et des autres principaux échanges d’énergie aux latitudes élevées;
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Élaborer et évaluer des modèles relatifs à la neige (y compris le chasse neige élevé);
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Étudier les relations réciproques des régimes météorologiques polaires et subpolaires;
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Mettre en œuvre, améliorer et évaluer des modèles dynamiques ou thermodynamiques détaillés des glaces de mers, couplés avec les courants océaniques dans le bassin arctique;
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Mettre en œuvre et évaluer l’assimilation des données d’observation relatives à la température de la mer en surface et au mouvement des glaces au moyen de systèmes d’assimilation variationnelle des données.
Le programme PMRPT THORPEX jouera aussi un rôle majeur, de concert avec les spécialistes de la prévision climatique, pour combler les lacunes entre les prévisions météorologiques et les prévisions climatiques, ce qui devrait permettre d’améliorer les connaissances et les techniques et d’obtenir des prévisions plus fiables pour les échéances souvent négligées de 10 à 60 jours, c’est-à-dire la plage comprise entre les échelles de temps météorologique et climatique.
La sensibilisation, l’information et la communication avec les communautés du Nord joueront un rôle important pendant toute la durée de l’API. Toute une série d’activités seront organisées (réunions à l’intention des communautés, visites sur place, projets de recherche communs, sites Web, etc.). À titre d’exemple, les chercheurs du projet canadien ETA (Études des tempêtes dans l’Arctique) ont établi des liens avec des organismes du territoire du Nunavut et des organisations inuit, dont le gouvernement du Nunavut (ministère de l’Environnement, ministère des Services communautaires et gouvernementaux, ministère du Développement économique et des Transports), l’Institut de recherche du Nunavut et le collège de l’Arctique du Nunavut.
Les chercheurs du projet ETA collaborent déjà au maintien de stations météorologiques portables qui recueillent des données servant à étudier des plans de situation pour l’implantation de nouveaux ensembles résidentiels à Iqaluit. Ils collaborent aussi avec l’Association des chasseurs et trappeurs de Clyde River à la création, dans la communauté, d’un centre de recherche qui recueillera les observations d’éventuels changements effectuées par les Inuit et les recoupera avec les données d’observation obtenues par des méthodes scientifiques classiques, dans le but d’élaborer des stratégies d’adaptation. Le projet ETA offre par conséquent des possibilités d’emploi aux habitants et aux étudiants locaux comme techniciens pour les observations en altitude à Environnement Canada.
Le bouquet PMRPT THORPEX API
L’OMM et le Conseil international pour la science (CIUS) ont institué un Comité mixte de l’API et sollicité des déclarations d’intention, qui devaient être communiquées avant novembre 2004. Le bouquet API THORPEX a été formé sur la base de ces déclarations d’intention, étroitement liées aux objectifs mentionnés ci-dessus. Plus de 30 projets ont été retenus comme éléments potentiels du bouquet et, au moment où ces lignes sont écrites, 10 d’entre eux jouent un rôle particulièrement actif.
Les auteurs du présent article présentent en premier lieu certaines des conditions météorologiques particulières aux régions polaires (l’accent étant mis sur l’Arctique), cernent certains défis en matière de prévision numérique du temps, notent l’importance du Système mondial d’observation de l’OMM (et du Système d’observation composite d’EUMETNET (EUCOS)) et décrivent brièvement quelques-uns des projets du bouquet API THORPEX.
Conditions météorologiques et défis à relever en matière de prévision météorologique
On recueille peu de données dans la région, du moins par les moyens d’observation classiques. La figure 1 recense les observations effectuées en surface et par radiosonde entre le 1er et le 15 octobre 2005. Les points bleus correspondent aux stations qui transmettent des données plus de 90 % du temps, alors que les points d’autres couleurs correspondent à des stations dont le taux de transmission est plus aléatoire. Dans le centre du bassin polaire et sur le plateau antarctique, les observations classiques sont pratiquement inexistantes. Les aéronefs commerciaux n’y sont d’aucune utilité (données AMDAR), car il y a très peu de vols dans ces zones. Les satellites y joueront par conséquent un rôle important. Cela pose cependant certains problèmes, car la collecte de données satellitales dans les régions polaires se révèle difficile en raison de la couche de neige ou de glace qui recouvre les terres émergées et de la présence à basse altitude de nuages froids constitués principalement de cristaux de glace.
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Figure 1 — Messages SYNOP (à gauche) et TEMP (à droite) reçus par les centres du Réseau principal de télécommunications (RPT) pendant la période comprise entre le 1er et le 15 octobre 2005 en Arctique (en haut) et en Antarctique (en bas) |
En raison des caractéristiques de la basse troposphère et de la grande variabilité horizontale de la stabilité et de la température, les systèmes à petite échelle à évolution rapide sont assez fréquents. Au nombre des exemples les plus connus figurent les dépressions polaires, mais les fortes précipitations (neige) résultant de systèmes convectifs, les fronts à basse altitude et les courants jets correspondants ainsi que les ondes sous le vent des reliefs montagneux piégées sous une inversion posent tous des problèmes dans le domaine de la prévision météorologique.
D’après les vérifications effectuées régulièrement à l’Institut météorologique de Norvège, la qualité d’ensemble des produits de la prévision numérique du temps aux latitudes élevées est inférieure à celle obtenue plus au sud (voir la figure 2). Cette baisse de qualité est probablement due à la rareté relative des données et à l’augmentation de fréquence des systèmes à petite échelle.
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Figure 2 — Erreur type des prévisions concernant la pression moyenne au niveau de la mer effectuées au moyen du modèle norvégien à haute résolution et à domaine limité (HIRLAM) sur une période de deux ans (mer de Barents en rouge et mer du Nord en bleu) |
Les processus polaires peuvent avoir une incidence marquée sur les phénomènes météorologiques qui se produisent à des latitudes élevées et moyennes en Europe. Le fort relief du Groenland, conjugué à la rareté des données dans le nord du Canada, fait que ces régions peuvent donner lieu à des évolutions inattendues, susceptibles d’exercer leurs effets sur le continent européen dans des délais relativement courts. Kinker et Ferrant (2000) se sont intéressés aux résultats relativement médiocres du modèle du Centre européen pour les prévisions météorologiques à moyen terme (CEPMMT) pour l’été 1999 par rapport à l’été 1998 et ont montré que des erreurs d’analyse dans les régions polaires peuvent avoir un effet négatif sur la capacité de prévision en Europe. Il semble que le résultat dépende des conditions de circulation dans l’atmosphère. La période qui a fait l’objet de cette étude était ainsi marquée par un fort courant barocline circulant du Groenland vers l’Europe en passant par l’Atlantique Nord.
Cette influence entre les phénomènes météorologiques qui se produisent aux latitudes élevées et ceux des latitudes moyennes est non seulement tributaire de la configuration de la circulation atmosphérique, mais aussi réciproque. D’après des études de sensibilité adjointe telles que celle qui est illustrée à la figure 3, les perturbations (ou les erreurs concernant les conditions initiales) qui ont leur origine à des latitudes moyennes peuvent s’amplifier rapidement à mesure qu’elles se propagent dans les régions polaires. Ces études seront indispensables pour la planification stratégique de la prochaine génération de réseaux d’observation en altitude et à partir de l’espace.
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Figure 3 — Exemple de carte de sensibilité adjointe, fondée sur les 10 principaux vecteurs singuliers relatifs aux conditions observées le 5 janvier 2005. Les vecteurs singuliers ont été calculés à l’aide du modèle global environnemental multiéchelle (GEM) canadien, la durée d’optimisation étant fixée à 48 heures. À l’instant initial, on a utilisé la norme de l’énergie totale pour la planète entière et, à l’instant final, la norme limitée aux latitudes supérieures à 70° N. L’erreur de prévision sur 48 heures a fait l’objet d’une projection pour les 10 principaux vecteurs singuliers à l’instant final, de manière à définir la combinaison linéaire de ces vecteurs qui explique le mieux l’erreur de prévision à cet instant. La figure indique l’énergie totale (en J/kg) de cette combinaison à l’instant initial ainsi que la distribution spatiale de la composante à croissance la plus rapide des erreurs relatives aux conditions initiales qui influeront sur la prévision à 48 heures au nord de 70° de latitude nord. |
La figure 4 présente un résultat caractéristique d’un modèle à domaine limité de la dernière génération. Des isohypses correspondant au niveau moyen de la mer sont superposés à une image satellite, et l’on peut constater que la zone centrale de la dépression à l’échelle synoptique consiste en fait en un certain nombre de tourbillons à plus petite échelle. Dans de telles situations, le défi en matière de prévision consiste à déterminer lesquels de ces maximums rotationnels locaux s’intensifieront, dans quelle direction et à quelle vitesse ils se déplaceront et de quelle intensité seront les vents connexes.
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Figure 4 - Pression moyenne au niveau de la mer prévue par le modèle opérationnel HIRLAM de l'Institut météorologique norvégien pour le 23 janvier 2003 à 03 UTC
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La théorie barocline linéaire simple (petites perturbations de la circulation de base) montre que, dans les régions polaires, l’accroissement maximal peut intervenir à des échelles horizontales beaucoup plus petites qu’aux latitudes moyennes, en raison de l’altitude relativement basse de la tropopause, de la faible stabilité statique et de la valeur relativement élevée du paramètre de Coriolis. La plupart des dépressions polaires se développeront cependant comme un mécanisme de perturbation fini (Montgomery et Farrel, 1992), où une perturbation (par exemple un maximum rotationnel potentiel) à haute altitude interagit avec une zone barocline à basse altitude. Par suite du caractère très contrasté des caractéristiques à basse altitude (pleine mer, mer englacée, terres émergées couvertes de neige, courants océaniques «chauds» et froids, etc.), il existe de nombreuses possibilités d’interaction avec les maximums transitoires du tourbillon circumpolaire à haute altitude. La libération de chaleur latente par les phénomènes de convection apporte une source d’énergie supplémentaire à l’instabilité barocline.
Pour simuler convenablement ces phénomènes, il est par conséquent nécessaire de pouvoir compter sur une résolution élevée et une paramétrisation correcte des processus physiques en jeu. Il semble malheureusement que les modèles de prévision numérique du temps rencontrent des difficultés aux latitudes élevées. Les résultats du modèle du CEPMMT, par exemple, ont été comparés aux mesures effectuées pendant la campagne SHEBA, et l’on a relevé d’importantes différences entre les quantités modélisées et les quantités observées (figure 5). Cela est quelque peu préoccupant, puisque le passage d’un air chaud à basse altitude résultant de flux intenses de chaleur et d’humidité à des invasions d’air froid est un important facteur de préconditionnement de l’atmosphère à la formation de dépressions polaires (Nordeng et Rasmussen, 1992).
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Figure 5 - Flux de chaleur modélisé et observé a) stabilité b) de novembre à décembre 1997, obtenus dans le cadre du programme SHEBA: la stabilité est définie comme la différence de température potentielle entre 300 mètres et 2 mètres (d'après Beesley et al., 2000) |
Pour obtenir une description correcte des schèmes relatifs aux propriétés radiatives et effectuer la paramétrisation des phénomènes microphysiques, il est indispensable de décrire la fraction de la teneur en eau des nuages dans ses différentes phases. Les schèmes actuels semblent avoir du mal à décrire la teneur (étonnamment) élevée en eau liquide observée même à basse température (figure 6).
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Figure 6 - Relation entre la température à la base des nuages et la phase de condensat, déduite du taux de dépolarisation. Si l'on effectue une lecture selon l'axe vertical à partir d'une température donnée sur l'axe horizontal, la distance jusqu'à la ligne en trait plein correspond à la fraction des nuages qui se présente à l'état liquide, la distance entre la ligne en trait plein et la ligne en trait discontinu, à la fraction dont la phase est ambiguë et le reste, à la fraction à l'état solide (glace). La ligne en pointillé indique comment le condensat des nuages se répartit entre phase liquide et phase solide en fonction de la température selon le modèle du CEPMMT (échelle à droite) |
Il importe également de décrire correctement les propriétés des nuages, afin de pouvoir assimiler par des méthodes variationnelles les valeurs de la luminance énergétique recueillies par satellite dans les modèles de prévision numérique du temps. Les régions polaires sont pauvres en données d’observation classiques, mais riches en données transmises par les satellites en orbite polaire, et il faut donc se fier aux données satellite. Or, ces régions sont généralement couvertes de nuages (en particulier l’Arctique). Il est, en outre, difficile (pour les schèmes de radiation) de distinguer les surfaces froides (glace et neige) et les nuages.
Systèmes mondiaux d’observation de l’OMM
Actuellement, l’OMM exploite ou coparraine les systèmes d’observation suivants:
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Le Système mondial d’observation (SMO) de la Veille météorologique mondiale (VMM) — paramètres physiques de l’atmosphère;
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La Veille de l’atmosphère globale (VAG) — paramètres chimiques de l’atmosphère, y compris l’ozone;
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Le Système mondial d’observation de l’océan (GOOS) — paramètres physiques, chimiques et biologiques de l’océan;
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Le Système mondial d’observation du cycle hydrologique (WHYCOS), qui est un élément du Système mondial d’observation terrestre (SMOT) — paramètres du cycle hydrologique;
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Le Réseau terrestre mondial pour le pergélisol (GTN P) et le Réseau terrestre mondial pour les glaciers (GTN G), relevant du SMOC — paramètres de la cryosphère.
Tous ces systèmes joueront un rôle important pendant l’API. S’agissant du Système mondial d’observation de la VMM, on s’emploiera en particulier à réactiver les stations d’observation en surface et en altitude déjà en place et à en installer de nouvelles; à mettre à l’eau de nouvelles bouées dérivantes; à tirer parti au mieux des navires d’observation bénévoles et de la retransmission des données météorologiques d’aéronefs (AMDAR); et à faire usage des satellites opérationnels en orbite polaire existants et nouveaux, et notamment des satellites dotés de capacités d’observation des régions polaires.
Le Système d’observation composite d’EUMETNET4 (EUCOS) jouera également un rôle important pendant l’API, et cela de diverses façons. Sa contribution favorisera la réalisation des objectifs d’EUCOS, à savoir l’amélioration de la prévision numérique du temps en Europe et, par voie de conséquence, des informations sur la manière de renforcer les réseaux d’observation en vue d’améliorer la prévision numérique du temps au niveau régional. Des crédits supplémentaires ont été alloués afin de faciliter les activités d’observation menées en plus de la diffusion opérationnelle continue des données d’observation émanant du programme EUCOS dans la région de l’hémisphère Nord couverte par l’API.
Au nombre de ces activités figurent la collecte de données AMDAR supplémentaires par les aéronefs relevant du programme E-AMDAR; la réalisation d’observations par radiosonde supplémentaires depuis la flotte E-ASAP présente dans la région, et principalement des navires danois et islandais; la réalisation d’observations par radiosonde supplémentaires à partir des réseaux de radiosondage au sol des membres d’EUMETNET; la prestation de services de contrôle de la qualité des données; et la mise au point d’un système de ciblage des données dans le cadre du programme EURORISK-PREVIEW parrainé par la Commission européenne (en vue d’effectuer des observations météorologiques supplémentaires dans des régions sensibles clefs, d’élucider les questions relatives au ciblage des données et de favoriser à l’avenir la prestation de services plus fiables susceptibles de faciliter la prévision et l’annonce précoce des phénomènes météorologiques à fort impact en Europe et de rendre les prévisions moins incertaines).
Le bouquet API THORPEX
Le bouquet API THORPEX comprend actuellement 10 projets de l’API émanant de neuf pays, dont les objectifs sont les suivants:
Envisager l’utilisation de données satellite et d’observations optimisées pour améliorer les prévisions des phénomènes météorologiques à fort impact (pour les campagnes THORPEX dans les régions polaires) et/ou fournir des données d’observation supplémentaires en temps réel par l’intermédiaire du Système mondial de télécommunications de l’OMM;
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Mieux comprendre les processus physiques et dynamiques propres aux régions polaires;
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Mieux comprendre les phénomènes météorologiques à petite échelle;
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Utiliser des prévisions améliorées au profit de la société, de l’économie et de l’environnement;
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Utiliser le Grand ensemble interactif mondial relevant du programme THORPEX (TIGGE) relatif aux prévisions météorologiques aux fins de prévision polaire.
Un plan de recherche et de mise en œuvre a été élaboré afin de faciliter la coordination des activités dans leur ensemble. Les projets couvrent un certain nombre de questions scientifiques allant de la recherche sur le climat à la prévision du temps. En bref, ces projets sont les suivants:
Expérience sur la distorsion des flux au Groenland
Ce projet met l’accent sur les «tip jets», les interactions air-mer, les «barrier winds» et les cyclones de moyenne échelle au Groenland. La campagne sur le terrain aura lieu en février 2007 (Ian Renfrew, Université de East Anglia, Royaume-Uni).
Étude des tempêtes dans l’Arctique
Ce projet comprend la réalisation d’observations améliorées dans la partie de l’Arctique correspondant à l’est du Canada pour ce qui concerne l’écoulement dans les cols, les interactions air-mer, les précipitations orographiques, les interactions des cyclones et de la topographie, etc. (John Hanesiak, Université du Manitoba, et Ron Stewart, Université McGill, Canada).
Concordiasi
Assimilation des données d’interféromètre atmosphérique de sondage dans l’infrarouge (IASI) en Antarctique, assimilation des données transmises par des dropsondes lancées à partir de «ballons driftsondes», processus polaires, tourbillon circumpolaire, utilisation des données IASI pour la surveillance du climat, couches limites stables, nuages polaires et ozone, etc. (Florence Rabier, Météo-France).
API-THORPEX norvégien
Optimisation des nouvelles données satellite, modélisation améliorée du cycle de chaleur latente, phénomènes météorologiques extrêmes, prévision numérique du temps opérationnelle améliorée, simulations d’ensemble (Jon Egill Kristjansson, Université d’Oslo, Norvège).
Initiative THORPEX concernant la prévision météorologique et environnementale en Arctique (TAWEPI)
Étude de divers aspects des conditions météorologiques et du système climatique en Arctique (processus d’enneigement, nuages polaires, interactions mer glaces et couche d’ozone); élaboration et validation d’un modèle régional de prévision du temps et utilisation des données d’observation par satellite au-dessus de l’Arctique. La collaboration entre le gouvernement, les universités et les communautés du Nord facilitera la réalisation des travaux de recherche, qui seront menés dans différentes provinces canadiennes. Ces travaux contribueront également à améliorer la compréhension scientifique des phénomènes arctiques et de leur influence sur le temps dans le monde (Ayrton Zadra, Environnement Canada).
Jets du Groenland
Ce projet portera sur les flux à moyenne échelle, y compris les perturbations orographiques, les mésocyclones et les flux de surface (Andreas Dornbrack, Centre aérospatial allemand).
GREENEX
Ce projet concerne la prévision des phénomènes météorologiques à petite échelle, y compris les phénomènes extrêmes. Flux à moyenne et petite échelle à proximité de reliefs montagneux et de glaces de mer, évolution du temps en aval et interactions d’échelles (Haraldur Olafsson, Islande, en coopération avec le Centre aérospatial allemand).
Projet de comparaison de modèles climatiques régionaux en Arctique
Observations ciblées au-dessus de l’océan Arctique à partir de la station du pôle Nord; rétroaction entre la couche limite planétaire et les mésocyclones; processus et rétroactions climatiques au sein du système couplé Arctique climat (Klaus Dethloff, Institut Alfred Wegener, Allemagne).
Incidences des flux de surface sur les fortes tempêtes arctiques, changement climatique et processus orographiques côtiers en Arctique
Ce projet comprend des études de l’activité des tempêtes dans la partie ouest de l’Arctique, compte tenu des flux de surface résultant de l’évolution des conditions propres aux glaces, à l’océan et aux terres émergées. Il comprend aussi des études des processus océaniques côtiers et une évaluation des facteurs météorologiques et climatiques extrêmes susceptibles d’avoir une incidence sur les communautés humaines (Will Perrie, Institut océanographique de Bedford, Canada).
Campagne THORPEX dans la région Pacifique-Asie
Ce projet comprend des études de la transition extratropicale et des liens entre les conditions météorologiques dans les régions tropicales ou aux latitudes moyennes et dans les régions polaires (David Parsons, National Center for Atmospheric Research, États Unis d’Amérique).
API-THORPEX bénéficie du soutien d’EUCOS et du CEPMMT, qui assurera des passages ciblés ainsi que l’assimilation des données d’observation recueillies lors des campagnes sur le terrain.
Comme on peut le constater, ces activités concernent principalement l’Arctique. L’une d’entre elles met cependant l’accent sur l’Antarctique, et l’un de ses objectifs consiste à valider et à améliorer l’assimilation des données satellite IASI dans les modèles numériques, en particulier pour ce qui concerne les régions polaires. Parmi les autres questions importantes qui seront examinées dans le cadre de l’API-THORPEX figurent le rôle du Groenland en matière de distorsion des flux et son incidence sur la prévision du temps au niveau local et aux latitudes moyennes et sur la circulation thermohaline; la comparaison des modèles climatiques régionaux pour l’Arctique; l’utilisation envisagée de données satellite et d’observations optimisées pour améliorer les prévisions des phénomènes météorologiques à fort impact; et la meilleure compréhension des processus physiques et dynamiques propres aux régions polaires, notamment pour ce qui concerne les phénomènes météorologiques à petite échelle.
Résumé
Les projets PMRPT-THORPEX API devraient permettre d’acquérir une connaissance et une compréhension nouvelles des conditions et processus météorologiques propres aux latitudes élevées. Cela concerne la compréhension de la physique des systèmes à petite échelle (par exemple des dépressions polaires), du rôle des reliefs montagneux arctiques, notamment au Groenland, et de l’incidence des latitudes élevées sur le système climatique.
Les observations in situ spécialisées devraient principalement s’effectuer pendant la période de l’API, même s’il serait souhaitable que certaines observations «traditionnelles» se poursuivent; il est clair cependant que la plupart des données d’observation futures qui serviront à la prévision météorologique et environnementale numérique seront transmises par des satellites qui bénéficient d’un point de vue unique pour ce qui est des systèmes atmosphère-océan glaces des régions polaires. L’utilisation combinée des données d’observation in situ disponibles recueillies pendant l’API et des données d’observation obtenues par télédétection et le recours à des méthodes de paramétrisation plus fiables devraient permettre d’améliorer considérablement la qualité des prévisions météorologiques et environnementales.
La mise au point de nouveaux systèmes de prévision météorologique et environnementale dans le cadre des projets PMRPT-THORPEX API constituera une étape importante vers la production des informations météorologiques, hydrologiques et cryologiques nécessaires à la surveillance continue et à la prévision de l’état environnemental actuel des régions polaires avec un degré d’exactitude sans précédent, ce qui permettra de quantifier leur variabilité spatiale et temporelle à toute une série d’échelles, depuis quelques heures jusqu’à plusieurs semaines.
Ces améliorations engendreront à leur tour des avantages socio-économiques pour les communautés polaires. Cela aura pour effet de renforcer la viabilité des communautés de l’Arctique, en facilitant la synthèse des savoirs inuit traditionnels et des connaissances scientifiques au sujet des systèmes climatiques et météorologiques des latitudes élevées en pleine évolution. Autre exemple d’avantage socio-économique, notre compréhension de la climatologie et de la physique des champs de vent à basse altitude en Arctique facilitera l’évaluation du remplacement possible de l’énergie tirée de la combustion de combustibles fossiles par de l’énergie éolienne dans les communautés du Nord éloignées. Cela contribuerait à améliorer l’état de santé des membres de ces communautés et à réduire la pollution et les émissions de gaz à effet de serre.
Références
Beesley, A., C.S Bretherton, C. Jakob, E.L. Andreas, J.M. Intrieri et T.A. Uttal, 2000: A comparison of cloud and boundary layer variables in the ECMWF forecast model with observations at surface heat budget of the Arctic Ocean (SHEBA) ice camp. J. Geo. Res., Vol. 105, D10, 12337-12349.
Klinker, E. et L. Ferranti, 2000: Forecasting system performance in summer 1999. Part 1—Diagnostics related to the forecast performance during spring and summer 1999. Technical Memorandum No. 321. European Centre for Medium-Range Weather Forecasts.
Montgomery M. T. et B. F. Farrell, 1992: Polar low dynamics. J. Atmos. Sci., 49, 2484–2505.
Nordeng, T.E. et E. Rasmussen, 1992: A most beautiful polar low. A case study of a polar low development in the Bear Island region. Tellus, 44A, 81-99.
1. Institut météorologique norvégien, Oslo (Norvège)
2. Environnement Canada, Québec, Canada
3. PMRPT-THORPEX, Bureau international du programme THORPEX, OMM
4. EUMETNET est un réseau regroupant 22 Services météorologiques nationaux eurpéens
(au 31 août 2007).