Campagnes Match de mesure de la déperdition d’ozone stratosphérique: une contribution clef à l’Année polaire internationale 2007/08

01 octobre 2007

par Markus Rex* et Peter von der Gathen*


Année polaire internationale 2007/08

L’année 2007 est une date importante dans l’histoire des sciences de la Terre vu qu’elle correspond au 125eanniversaire de la première Année polaire internationale (API), qui a eu lieu en 1882 et 1883.  Les activités ont démarré lors de la première API, et celles qui ont suivi en 1932/33, surtout lors de l’Année géophysique internationale 1957/58, ont jeté les bases de l’étude scientifique du système terrestre et, dans une large mesure, de la connaissance que nous en avons aujourd’hui.  Forte de ce succès éclatant et désireuse de poursuivre sur cette lancée, la communauté géoscientifique internationale a instauré l’Année polaire internationale 2007/08, qu’elle espère tout aussi novatrice.

Le fait de mettre l’accent sur les régions polaires démontre d’une manière générale que l’observation et l’étude du système terrestre ont beaucoup progressé mais que notre compréhension d’un grand nombre de processus dont ces régions sont le siège se heurte encore à l’insuffisance des données les concernant.  Un très large éventail d’activités sera consacré, durant l’API à tous les aspects de la recherche polaire, qu’il s’agisse de l’océanographie, de la physique de la croûte terrestre, de l’étude de l’atmosphère et de la cryosphère, etc. (http://www.ipy.org).

Durant l’API, la recherche atmosphérique sera axée sur la destruction de la couche d’ozone stratosphérique dans les régions polaires, l’une des preuves les plus éclatantes de l’influence qu’exerce l’homme sur le système climatique de la planète.  Les campagnes de mesure Match font partie des principales activités de recherche sur la stratosphère polaire entreprises pendant l’Année polaire internationale.

Destruction de la couche d’ozone dans le milieu polaire

La couche d’ozone est une importante composante de l’environnement planétaire.  En absorbant les rayons ultraviolets (UV) nocifs en provenance du soleil, elle protège l’atmosphère et réchauffe la stratosphère.  Ainsi, toute modification concernant la circulation atmosphérique et l’émission de substances anthropiques susceptible d’avoir une incidence sur la concentration d’ozone dans l’atmosphère se répercute directement sur le système climatique planétaire.  Il est par ailleurs indispensable de bien connaître tous les processus qui régissent la répartition de l’ozone dans l’atmosphère pour pouvoir établir des prévisions climatiques fiables et pour estimer les futurs niveaux de rayonnement ultraviolet en surface — paramètre important pour la biosphère.

À partir des années 60, l’humanité a rejeté dans l’atmosphère de grandes quantités de chlorofluorocarbures (CFC) et de composés bromés (halons).  Dans la troposphère, ces substances sont extrêmement stables et faiblement réactives, leur durée de vie atteignant localement plusieurs siècles.  Toutefois, elles s’élèvent lentement pour atteindre la stratosphère où elles se décomposent sous l’effet du rayonnement ultraviolet de courte longueur d’onde, et donc hautement énergétique, au-dessus de la couche d’ozone.

En se décomposant, les CFC et les halons libèrent des radicaux chlore et brome qui ont un pouvoir de destruction de l’ozone très élevé.  Les cycles de destruction de l’ozone font intervenir un groupe de «composés chlorés actifs» appelés les CIOx (chlore (Cl), monoxyde de chlore (ClO) et peroxyde de chlore (Cl2O2)).  Par bonheur, en réagissant rapidement avec d’autres corps présents à l’état de traces dans la stratosphère, les CIOx sont piégés par les espèces réservoirs inactives que sont le nitrate de chlore (CIONO2) et le chlorure d’hydrogène (HCI), quasiment inoffensifs pour la couche d’ozone.  Par conséquent, la concentration de composés chlorés dans la stratosphère est généralement très faible. 

Les radicaux brome ne parviennent à détruire l’ozone, vu la teneur actuelle de la stratosphère en brome, que si les concentrations de CIOx sont très élevées.  Aussi les effets des émissions de CFC et de halons sur l’ozone stratosphérique sont-ils très limités aux latitudes moyennes et tropicales.  Dans ces régions, la destruction de l’ozone n’est sensible que dans la partie la plus élevée de la couche d’ozone, là où le rayonnement ultraviolet est suffisamment intense pour déclencher des réactions susceptibles de libérer de grandes quantités de radicaux chlore jusqu’alors retenues par les espèces réservoirs plus persistantes.

La situation est différente dans les régions polaires: à l’intérieur du tourbillon polaire, système dépressionnaire isolé qui se forme chaque hiver dans la stratosphère polaire, les températures chutent et, en-dessous de –78°C environ, des nuages stratosphériques polaires peuvent se former (figure1).  À la surface des particules de glace se produisent des réactions chimiques hétérogènes à la faveur desquelles les composés chlorés inoffensifs formant des réservoirs peuvent redevenir en quelques heures des composés actifs, les fameux CIOx.  Lorsqu’arrive le printemps, les CIOx détruisent l’ozone par réaction catalytique nécessitant la présence de la lumière du soleil.  La présence de radicaux brome engendre un deuxième cycle catalytique qui vient accentuer le processus de destruction de l’ozone.  Pendant plus de 20ans, ces processus ont entraîné la formation, presque chaque année au printemps, d’un trou dans la couche d’ozone au dessus de l’Antarctique (OMM, 2007).

 
 
polar clouds
  Figure 1 — Nuages stratosphériques polaires

Contrairement à ce qui se passe en Antarctique, les conditions météorologiques qui règnent dans la stratosphère durant l’hiver arctique sont beaucoup plus variables et les températures sont généralement beaucoup plus hautes: les nuages stratosphériques polaires sont donc moins fréquents et moins généralisés dans cette région.  Au début des années90, on ne savait pas bien si des processus chimiques analogues à ceux que l’on observe en Antarctique entraîneraient la destruction de l’ozone dans la stratosphère arctique.  Pour des raisons liées à la dynamique de l’atmosphère, le champ d’ozone de l’Arctique est très différent de celui de l’Antarctique et les signes révélateurs de la destruction chimique de ce gaz sont difficiles à déceler.

Plusieurs méthodes ont été mises au point pour déceler et quantifier les pertes d’ozone dans le milieu arctique, caractérisé par une grande variabilité.  On mentionnera la méthode Match, qui a été élaborée pour mesurer avec précision le rythme de destruction chimique de l’ozone dans la stratosphère polaire.  Depuis le début des années90, la déperdition d’ozone dans l’Arctique sous l’effet des activités humaines a été mise en évidence pendant un certain nombre d’hivers particulièrement froids.  La comparaison détaillée des rythmes de destruction de l’ozone qui ont été mesurés avec les résultats de modèles montre que notre connaissance quantitative du processus de destruction de l’ozone est encore très incertaine et que les incertitudes majeures inhérentes aux paramètres cinétiques clefs nécessaires au calcul des rythmes de destruction de l’ozone avec un modèle chimique revêtent une importance primordiale.  Aussi une nouvelle campagne Match est actuellement menée en Antarctique dans le cadre de l’Année polaire internationale afin de faire progresser notre connaissance quantitative du processus de destruction de l’ozone et d’asseoir sur des bases plus solides les prévisions numériques portant sur l’avenir de la couche d’ozone.

Quantification de la déperdition d’ozone sous l’effet des activités humaines: la méthode Match

La concentration d’ozone au-dessus d’une station polaire donnée change constamment en raison de la variabilité des processus de transport.  Or ces fluctuations qui ont une origine dynamique tendent à occulter la destruction chimique de l’ozone sous l’effet des activités humaines, et il importe par conséquent de bien les distinguer.  Au lieu de recueillir des séries chronologiques de données d’observation de l’ozone en des lieux fixes (c’est-à-dire d’un point de vue eulérien), on procède à des mesures répétées dans des masses d’air données qui se déplacent au-dessus de la calotte polaire et s’approchent parfois d’une des nombreuses stations de sondage de l’ozone situées dans les régions polaires.  C’est ce que l’on appelle la méthode Match, qui repose sur des mesures lagrangiennes.

Le principal avantage de cette méthode est que les termes d’advection qui régissent les fluctuations de l’ozone dans le contexte eulérien disparaissent dans la formulation lagrangienne de l’équation de continuité.  On peut aussi limiter l’incidence des termes de diffusion sur ladite équation en sélectionnant soigneusement les masses d’air à observer en fonction des caractéristiques de l’écoulement.  La méthode permet d’attribuer à des facteurs chimiques toute modification de la concentration d’ozone observée dans le laps de temps séparant deux mesures.  L’analyse statistique d’un grand nombre de mesures de ce type prises deux par deux permet d’observer directement la destruction chimique de l’ozone sous l’effet des activités humaines et d’en mesurer le rythme in situ.

Avec la méthode Match, les mesures sont effectuées à l’aide de sondes d’ozone lâchées à de nombreuses stations polaires et subpolaires.  Pour recenser les «situations Match», c’est-à-dire les situations où des masses d’air individuelles sont généralement mesurées deux fois de suite à différentes stations, les trajectoires sont calculées à l’aide des données du Centre européen pour les prévisions météorologiques à moyen terme (figure2).  Pendant l’hiver arctique 1991/92, ces situations ont été recensées après le lancement de quelque 1200 sondes d’ozone, sans coordination en temps réel (Rex, 1993; von der Gathen et al., 1995).  Depuis l’hiver 1994/95, on a reproduit des situations Match en procédant à plusieurs centaines de sondage d’ozone par hiver avec une coordination en temps réel. 

  globe
 

Figure 2 — Illustration de la méthode Match:  les points rouges correspondent aux stations de mesure de l’ozone et la ligne bleue décrit une trajectoire type, la partie éclairée par le soleil étant indiquée en rouge.

Lors d’une expérience Match, c’est souvent 300 à 600 sondes d’ozone qui sont lâchées à une trentaine de stations dans l’hémisphère Nord ou à neuf stations dans l’Antarctique.  On fait aussi appel aux données de satellite, mais à cause de la présence, dans l’écoulement, d’un cisaillement vertical de grande ampleur, on a uniquement recours à des détecteurs qui peuvent fournir des données à haute résolution verticale (1-1,5km au moins).  Les données recueillies lors de campagnes de mesure de la couche d’ozone et des aérosols au-dessus des pôles, par le spectromètre atmosphérique avancé à visée au limbe et par les satellites SAGE (Expérience sur les aérosols et les gaz de la stratosphère) ont été dûment mises à profit.  Des campagnes Match ont été menées pendant 10hivers arctiques et un hiver antarctique (2003), et la deuxième campagne Match de l’hémisphère Sud est en cours actuellement.  

La recherche sur l’ozone repose à maints égards sur la méthode Match.  Celle-ci a permis de mettre en évidence pour la première fois, et de façon indiscutable, le processus de destruction chimique de l’ozone dans la stratosphère arctique sous l’effet des activités humaines.  Les données in situ recueillies dans ce contexte ont révélé par ailleurs que la lumière du soleil était nécessaire au déclenchement de ce processus, ce qui vient confirmer un élément important de la théorie édifiée dans ce domaine.  Il a été aussi démontré que la dénitrification était susceptible d’aggraver la déperdition d’ozone au-dessus de l’Arctique en cas d’hiver particulièrement froid (Rex et al., 1997).  On ne savait pas auparavant que la dénitrification produisait cet effet ailleurs que dans la stratosphère antarctique.  Portant sur plusieurs années, les données recueillies lors des campagnes Match ont mis en évidence l’influence des changements climatiques sur la destruction de l’ozone au-dessus de l’Arctique, ce qui est déterminant lorsqu’il s’agit de faire des projections concernant la déperdition de ce gaz dans une atmosphère polaire en évolution. 

Il a été décidé de poursuivre les campagnes Match sur la base de deux constatations résultant des travaux de recherche effectués ces 10 dernières années.  Tout d’abord, les masses d’air échantillonnées lors des campagnes Match sont bien décrites, et les produits élaborés à partir de ces informations se prêtent particulièrement bien à des comparaisons détaillées avec des résultats de modèles numériques fortement contraints.

Cela permet de se faire une idée précise de la mesure dans laquelle le processus de destruction de l’ozone a été élucidé.  Il est apparu récemment que notre connaissance théorique de la cinétique des processus chimiques en jeu était encore entachée de grandes incertitudes.  Or la poursuite des campagnes de mesure Match pourrait contribuer à réduire ces incertitudes grâce aux nouvelles observations recueillies.

Ensuite, bien que la rigueur ou la clémence des hivers dans la stratosphère arctique soit déterminée par la variabilité interne du système climatique, on a observé une tendance à un net refroidissement ces 40dernières années, ce qui a contribué aux fortes déperditions d’ozone observées depuis le milieu des années90 dans cette région.  On ne sait pas bien si cette tendance va se poursuivre et quelles en seront les conséquences sur la couche d’ozone arctique.  Ces deux questions sont abordées plus en détail ci dessous.

Évaluation quantitative du processus de destruction chimique de l’ozone

Il est indispensable d’asseoir sur une base théorique solide l’évaluation quantitative des rythmes de destruction de l’ozone observés pour pouvoir prévoir avec la fiabilité requise la répartition de l’ozone stratosphérique dans une atmosphère où les concentrations de gaz à effet de serre s’accroissent et celles de substances halogénées diminuent.  On a mis au point des modèles plus ou moins complexes pour calculer ces taux dans les masses d’air sondées pendant les campagnes Match.  Les constatations les plus fiables sur l’état actuel des connaissances résultent de simulations numériques où le degré d’activation du chlore est spécifié au préalable.  Ce mode de calcul permet de déterminer avec précision, sur la base de notre connaissance théorique de la chimie de l’atmosphère, les déperditions maximales d’ozone auxquelles on peut s’attendre.  Or il s’avère qu’avec cette hypothèse, les limites supérieures calculées pour la destruction de l’ozone sont systématiquement inférieures de quelque 20% aux rythmes de destruction de ce gaz observés en janvier dans l’Arctique lors d’hivers froids (Rex et al., 2004).

Tous les modèles prennent pour point de départ une concentration donnée de substances bromées dans la stratosphère.  On a pensé pendant longtemps que seules les substances bromées persistantes telles que le bromure de méthyle et les halons pouvaient atteindre la stratosphère.  Les observations récentes donnent toutefois à penser que les substances bromées persistantes ne sauraient expliquer à elles seules la concentration stratosphérique de brome constatée actuellement, ce qui laisse supposer qu’une partie des substances bromées très éphémères peut aussi atteindre la stratosphère.  La présence d’une plus grande quantité de brome dans cette couche de l’atmosphère permettrait d’expliquer dans la moitié des cas environ l’écart constaté entre le maximum calculé pour les rythmes de destruction de l’ozone et les valeurs effectivement relevées.

Les calculs numériques reposent sur des paramètres cinétiques recommandés environ tous les quatreans par un groupe de chimistes travaillant en laboratoire.  Les observations comparées, faites in situ, de la teneur de la stratosphère en monoxyde (ClO) et en peroxyde (ClOOCl) de chlore révèlent cependant que la vitesse de photolyse de ce dernier dépasse d’environ une fois et demie la valeur actuellement recommandée (Stimpfle et al., 2004), tout en restant dans les limites de la marge d’incertitude.  Si l’on prend pour base la valeur la plus grande, le rythme de destruction de l’ozone calculé par le modèle augmente encore, ce qui permet d’éliminer la plupart des écarts encore inexpliqués (Frieler et al., 2006; OMM, 2007).  Ces résultats ont incité les scientifiques à effectuer de nouvelles mesures en laboratoire des sections efficaces de photolyse du ClOOCl (Pope et al., 2007).  Il est intéressant de noter que ces nouvelles mesures améliorées donnent des valeurs inférieures de presque un ordre de grandeur aux sections efficaces qui sont déduites de mesures in situ et qui reproduisent assez fidèlement les rythmes de destruction de l’ozone observés.  Les sections efficaces de Pope et al. (2007) ne permettent pas d’expliquer le processus de déperdition d’ozone dans les régions polaires, ce qui reflète les grandes incertitudes qui subsistent dans notre compréhension théorique d’un des plus importants processus chimiques provoqués par l’homme dans l’atmosphère planétaire. 

Raréfaction de l’ozone et changements climatiques

La figure 3 illustre les fluctuations de la destruction chimique de l’ozone au-dessus de l’Arctique depuis le début des années90.  Elles sont beaucoup trop marquées pour refléter la seule influence de l’évolution, durant la même période, des concentrations atmosphériques de chlore et de brome.  En fait, les variations des pertes d’ozone sont régies principalement par la forte variabilité des conditions météorologiques et notamment par les réactions hétérogènes qui se produisent au niveau des nuages stratosphériques polaires.  La figure4 montre la relation entre la déperdition d’ozone et le paramètre VPsc (paramètre basé uniquement sur la température et qui, en gros, désigne le volume d’atmosphère, moyenné pour un hiver donné, où les températures sont inférieures au seuil de formation des nuages stratosphériques polaires). 

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  Figure 3 — Variations des pertes d’ozone total depuis le début des années 90

On peut déduire de la pente de la courbe, qui reflète la relation linéaire compacte entre la déperdition d’ozone et le paramètre VPsc (figure4), la mesure dans laquelle le processus de destruction de l’ozone au-dessus de l’Arctique est sensible aux changements climatiques qui pourraient se produire dans la stratosphère polaire.  On peut s’attendre, étant donné la concentration actuelle de substances halogénées, à une déperdition d’ozone supplémentaire d’environ 15unités Dobson par degré Kelvin en moins dans la stratosphère arctique.  La figure4 permet aussi de comparer les données d’observation avec les résultats d’un modèle qui reprenait les hypothèses standard sur lesquelles reposait l’évaluation de la couche d’ozone réalisée par l’OMM en 2002.  Or ce modèle sous-estimait par un facteur de trois (environ) l’influence du climat sur la destruction de la couche d’ozone arctique.  Des améliorations ont été apportées à ce modèle qui est aujourd’hui mieux à même de simuler et donc de prévoir la sensibilité de la couche d’ozone aux conditions climatiques.

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  Figure 4 — Relation entre la diminution de l’ozone total et le paramètre VPSC (paramètre basé sur la température et désignant le volume d’atmosphère, moyenné pour un hiver donné, où les températures sont inférieures au seuil de formation des nuages stratosphériques polaires).  La valeur correspondant à l’année 2007 (carré noir) est déduite de données préliminaires.

La figure 5 montre l’évolution du paramètre VPsc sur les 40dernières années (Rex et al., 2006; OMM, 2007).  Il y a toujours eu des hivers cléments où la VPsc est minimale.  À l’opposé, c’est lors des hivers froids, où la VPsc est maximale, que pourraient se trouver réunies à l’avenir les conditions propices à une forte déperdition d’ozone, voire à la formation d’un trou dans la couche d’ozone au-dessus de l’Arctique. 

Depuis 40 ans, les hivers froids ont fortement tendance à le devenir encore plus.  Or la probabilité de retrouver une telle tendance dans une série chronologique aléatoire est inférieure à 10-6 (Rex et al., 2006).  Il y a deux explications possibles: soit cette situation est due à un forçage externe, par exemple à l’augmentation de la concentration de gaz à effet de serre dans l’atmosphère, soit elle est liée à la variabilité interne du système climatique à l’échelle décennale.  L’augmentation des gaz à effet de serre tend en effet à refroidir la stratosphère, mais le refroidissement observé pendant les hivers froids est beaucoup trop prononcé pour qu’on puisse l’expliquer facilement et pourrait traduire l’existence d’un mécanisme de rétroaction dynamique.  Il est nécessaire d’engager des recherches dans ce domaine ainsi que sur le rôle de la variabilité interne d’échelle décennale de la stratosphère arctique et d’entreprendre des études de modélisation à trois dimensions à l’échelle du globe.  Il est primordial en effet de mieux comprendre les causes de la tendance observée à ce jour avant de pouvoir évaluer la probabilité qu’elle se maintienne.

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  Figure 5 — Évolution du paramètre VPSC depuis 40 ans

Les fortes déperditions d’ozone constatées dans l’Arctique lors de certains hivers récents étaient dues aux changements de longue durée observés dans la distribution du paramètre VPsc et, partant, à une modification durable des conditions climatiques régissant la stratosphère de l’Arctique en hiver.  Autrement dit, on n’aurait pas assisté à une telle diminution de l’ozone si les conditions météorologiques n’avaient pas changé depuis les années 60, même en présence d’une forte concentration de substances halogénées, comme c’est le cas aujourd’hui.  Aussi est-il nécessaire de mieux cerner les causes de ces bouleversements météorologiques pour pouvoir établir des prévisions fiables concernant l’évolution, sur les décennies à venir, de la répartition de l’ozone dans la stratosphère arctique.

Le programme d’observations de l’Année polaire internationale permettra d’y voir plus clair.  La campagne d’exploration de toutes les facettes du milieu arctique rassemble d’innombrables scientifiques venus du monde entier.  C’est une entreprise captivante qui offre à l’humanité une occasion sans précédent d’élucider bon nombre des mystères qui planent encore sur cette région du globe certes inhospitalière mais d’une éblouissante beauté.

Remerciements

Nous tenons à remercier tous ceux qui ont participé aux campagnes Match en fournissant ou en lâchant des sondes d’ozone, en mettant à disposition des données météorologiques (par exemple le Centre européen pour les prévisions météorologiques à moyen terme) et des produits météorologiques dérivés et en prenant part aux précieux débats scientifiques qui ont marqué toutes ces années.  La coopération internationale à laquelle donnent lieu les campagnes Match est le fruit du dévouement d’un grand nombre de personnes, trop nombreuses en fait pour être mentionnées ici.  Nous tenons aussi à remercier tous les bailleurs de fonds, en particulier la Direction générale de la recherche de la Commission européenne, pour le soutien apporté aux divers projets.

Références

Frieler, K., M. Rex, R.J. Salawitch, T. Canty, M. Streibel, R. Stimpfle, K.Pfeilsticker, M. Dorf, D.K. Weisenstein et S.Godin-Beekman, 2006: Towards a better quantitative understanding of polar stratospheric ozone loss, Geophys. Res. Lett., 33, L10812, doi:10.1029/2005GL025466.

OMM, 2003: Scientific Assessment of Ozone Depletion: 2002, Global Ozone Research and Monitoring Project Report No. 47, 498 p., Genève, Suisse.

OMM, 2007: Scientific Assessment of Ozone Depletion: 2006, Global Ozone Research and Monitoring Project Report No. 50, 572 p., Genève, Suisse.

Pope, F.D., J.C. Hansen, K.D. Bayes, R.R. Friedl et S.P. Sander, 2007: Ultraviolet Absorption Spectrum of Chlorine Peroxide, ClOOCl, J. Phys. Chem. A, 111 (20), 4322 -4332.

Rex, M., 1993: Stratosphärische Ozonabbauraten aus den Ozonsondendaten der EASOE-Kampagne im Winter 1991/92, Diplomarbeit, Fachbereich Physik, Georg-August-Universität zu Göttingen, Georg-August-Universität zu Göttingen.

Rex, M., N.R.P. Harris, P. von der Gathen, R. Lehmann, G.O. Braathen, E. Reimer, A. Beck, M.P. Chipperfield, R. Alfier, M. Allaart, F. O’Connor, H. Dier, V.Dorokhov, H. Fast, M. Gil, E. Kyrö, Z.Litynska, I.S. Mikkelsen, M.G.Molyneux, H. Nakane, J. Notholt, M. Rummukainen, P. Viatte et J. Wenger, 1997: Prolonged stratospheric ozone loss in the 1995/96 Arctic winter, Nature, 389, 835-838.

Rex, M., R.J. Salawitch, P. von der Gathen, N.R.P. Harris, M.Chipperfield et B.Naujokat, 2004: Arctic ozone loss and climate change, Geophys. Res. Lett., 31, L04116, doi:10.1029/2003GL018844

Rex, M., R.J. Salawitch, H. Deckelmann, P. von der Gathen, N.R.P. Harris, M.P.Chipperfield, B. Naujokat, E.Reimer, M. Allaart, S.B. Andersen, R.Bevilacqua, G.O. Braathen, H.Claude, J. Davies, H.De Backer, H.Dier, V.Dorokov, H. Fast, M.Gerding, K.Hoppel, B.Johnson, E. Kyrö, Z.Litynska, D.Moore, T.Nagai, M.C.Parrondo, D. Risley, P.Skrivankova, R. Stübi, C.Trepte, P.Viatte et C.Zerefos, 2006: Arctic winter 2005: Implications for stratospheric ozone loss and climate change, Geophys. Res. Lett., 33, L23808. doi:10.1029/2006GL026731.

Stimpfle, R., D.M. Wilmouth, R.J.Salawitch et J.G. Anderson, 2004: First measurements of ClOOCl in the stratosphere: The coupling between ClOOCl and ClO in the Arctic polar vortex, J. Geophys. Res., 109, D03301, doi:10.1029/2003JD003811.

von der Gathen, P., M. Rex, N.R.P. Harris, D.Lucic, B.M. Knudsen, G.O. Braathen, H. De Backer, R. Fabian, H. Fast, M. Gil, E. Kyrö, I. St. Mikkelsen, R. Rummukainen, M., J. Stähelin et C. Varotsos, 1995: Observational evidence for chemical ozone depletion over the Arctic in winter 1991-92, Nature, 375, 131-134

 

* Institut Alfred Wegener pour la recherche polaire et marine, Département de la recherche, Potsdam (Allemagne)


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