La Veille météorologique mondiale (VMM) est l’une des grandes réalisations de l’OMM. Elle illustre la rapidité avec laquelle l’Organisation a réagi à l’avènement des satellites météorologiques. L’adoption subséquente du programme par tous les Membres en a fait un modèle de coopération internationale, toujours inégalé, en matière de programmes opérationnels.
Les capacités d’observation et de télécommunication de nombreux pays ont considérablement progressé pendant les décennies qui ont suivi la création de l’OMM. Les réseaux terrestres se multipliaient tandis que les navires marchands et les stations océaniques spécialisées continuaient à jouer un rôle important sur les mers, complétés par des bouées météorologiques dans certains secteurs. L’aviation civile commençait à recueillir de précieuses données d’observation en altitude le long des grandes routes aériennes. Il restait toutefois de vastes étendues sur lesquelles on détenait peu d’information météorologique.
Une avancée décisive - les satellites météorologiques - est venue combler en partie ces lacunes. Le 4 octobre 1957, l’URSS lançait le premier satellite à orbite terrestre, SPOUTNIK-1, suivi la même année par SPOUTNIK-2. Les États-Unis d’Amérique emboîtaient le pas, le 2 janvier 1958, avec EXPLORER 1. On leur doit également le tout premier satellite réservé à la météorologie, TIROS-1 (satellite d’observation télévisuelle à infrarouge), lancé le 1er avril 1960.
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Naissance de la Veille météorologique mondiale
Les Nations Unies ont vite perçu les dangers aussi bien que les avantages du lancement de satellites par un nombre grandissant de pays. Elles ont estimé que l’OMM pouvait constituer un modèle de coopération ouverte et de bonne entente entre les nations sur les questions spatiales, ce dont bénéficierait le monde entier. L’une des premières résolutions adoptées par l’ONU sur la «Coopération internationale touchant les utilisations pacifiques de l’espace extra-atmosphérique» exigeait beaucoup de l’OMM. On peut lire ceci dans la résolution 1721 (XVI) qui a été adoptée à l’unanimité par l’Assemblée générale le 20 décembre 1961:
«L’Assemblée générale, notant avec satisfaction le développement considérable qu’ouvrent à la science et à la technique météorologique les progrès réalisés en ce qui concerne l’espace extra-atmosphérique;
Convaincue des avantages que la coopération internationale dans la recherche et l’analyse météorologiques apportera au monde entier,
1. Recommande à tous les États Membres, à l’Organisation météorologique mondiale et aux autres institutions spécialisées compétentes de faire dans un proche avenir, compte tenu des faits nouveaux
intéressant l’espace extra-atmosphérique, une étude complète sur les mesures propres à:
a) Faire progresser la science et la technique atmosphériques de […] manière à faire mieux connaître les forces physiques fondamentales affectant le climat et à donner la possibilité de modifier à grande échelle les conditions météorologiques;
b) Développer les moyens de prévisions météorologiques actuels et aider les États Membres à employer efficacement ces moyens grâce à des centres météorologiques régionaux;
2. Prie l’Organisation météorologique mondiale, agissant en consultation, selon les besoins, avec l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture et d’autres institutions spécialisées, ainsi qu’avec des organisations gouvernementales et non gouvernementales comme le Conseil international des unions scientifiques, de présenter un rapport aux gouvernements des États membres de l’Organisation météorologique mondiale et au Conseil économique et social, lors de sa trente-quatrième session, sur les dispositions administratives et financières permettant de parvenir à ces fins, pour que l’Assemblée générale examine lesdites dispositions à sa dix-septième session...»
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H. Wexler (États-Unis d’Amérique) et V. Bugaev (URSS), deux fondateurs de la Veille météorologique mondiale, Genève (mars 1962)
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L’OMM réagit promptement en publiant le Premier rapport de l’Organisation sur l’avancement des sciences atmosphériques et leurs applications à la lumière des progrès réalisés dans le domaine de l’espace extra-atmosphérique. On doit l’expression «Veille météorologique mondiale» à l’un des auteurs, H. Wexler (États-Unis d’Amérique); le but général a été formulé par un autre auteur, V. Bugaev (URSS), à savoir: développer la Veille météorologique mondiale de manière que tous les pays puissent recevoir l’information météorologique à toutes les échelles. Le document examinait un large éventail de sujets, notamment la prévision du temps et la climatologie, leurs applications, la possibilité d’une évolution du climat, la modification artificielle du temps et les aspects météorologiques des ressources en eau. Une importance cruciale était accordée aux dimensions du service opérationnel, soit les systèmes d’observation et de télécommunication nécessaires pour recueillir et diffuser rapidement les données et les produits.
Il était donc prioritaire d’accomplir de vastes progrès dans trois domaines: a) la couverture mondiale des observations, b) le traitement des données et c) la transmission coordonnée à l’échelle du globe.
Ce rapport est incontestablement l’un des documents les plus importants de l’histoire de l’Organisation. Il a été présenté à la quatorzième session du Conseil exécutif de l’OMM en 1962, puis à l’Assemblée générale des Nations Unies ainsi qu’à d’autres instances. Il a été accueilli avec grand intérêt par l’Assemblée générale à sa dix-septième session, en décembre 1962, et une nouvelle résolution (1802 (XVII)) faisant suite à la précédente a été adoptée. En avril 1963, le quatrième Congrès météorologique mondial a étudié les deux résolutions, accepté les responsabilités confiées à l’OMM et décidé: a) d’approuver la Veille météorologique mondiale en tant qu’élargissement de projets de longue date visant les installations et services requis par les Services météorologiques; b) de créer un fonds de développement en faveur de la VMM; et c) de mettre en place une unité de planification de la VMM au sein du Secrétariat.
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Réalisation de tests avant le lancement du satellite météorologique TIROS (1960)
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Mise en oeuvre et définition des composantes
Entre le quatrième (1963) et le cinquième (1967) Congrès météorologique mondial, des progrès considérables ont été accomplis dans la planification de la VMM et les Membres ont commencé à adapter leur Service météorologique national à cette nouvelle structure. Le cinquième Congrès a adopté le premier Plan et programme de mise en oeuvre de la Veille météorologique mondiale pour la période 1968-1971, qui traçait les grandes lignes de la VMM en tant que système dynamique et évolutif aux ramifications mondiales.
La VMM comprenait trois grandes composantes dès le départ: le Système mondial d’observation, le Système mondial de traitement des données et de prévision et le Système mondial de télécommunications. Sa structure était bâtie sur trois niveaux, soit les Centres météorologiques mondiaux, les Centres météorologiques régionaux spécialisés et les Centres météorologiques nationaux. Depuis sa création en 1963, la VMM s’est surtout développée en regroupant et en coordonnant l’ensemble des installations exploitées par les Services météorologiques des Membres. La mise sur pied et le bon fonctionnement de la VMM ont permis d’améliorer sensiblement les prévisions météorologiques et les relevés climatologiques.
Le Service d’information sur le fonctionnement de la VMM et le Fonds pour l’assistance à la mise en oeuvre de la VMM sont venus s’ajouter en 1984. De légères modifications ont été apportées à la structure, au vu de l’expérience acquise en matière d’observation et d’exploitation. La VMM se charge aujourd’hui de la conception, la mise en oeuvre, l’exploitation et l’expansion des trois composantes suivantes:
• Le Système mondial d’observation (SMO), qui rassemble les installations et les mécanismes permettant d’effectuer les observations à partir des stations terrestres et maritimes, des aéronefs, des satellites environnementaux et d’autres plates-formes;
• Le Système mondial de télécommunications (SMT), qui se compose de réseaux intégrés de centres et de services de télécommunications à des fins d’acquisition et de diffusion rapides et fiables des observations et des informations traitées;
• Le Système mondial de traitement des données et de prévision (SMTDP), qui comprend les Centres météorologiques mondiaux, régionaux spécialisés et nationaux dont émanent les données traitées, les analyses et les produits de prévision.
La mise en oeuvre, l’intégration et l’exploitation de ces trois composantes sont assurées par le Programme de gestion des données de la VMM et le Programme des activités d’appui à la VMM. Par ailleurs, quatre programmes complètent et renforcent les éléments essentiels de la VMM et procurent un apport et un soutien importants aux autres travaux de l’OMM: a) le Programme des instruments et des méthodes d’observation; b) le Programme concernant les cyclones tropicaux; c) les Activités d’intervention en cas d’urgence; et d) les Activités de l’OMM dans l’Antarctique.
Une réussite exemplaire
Alors que l’on fête son cinquantième anniversaire, la VMM est un succès à tous égards; elle accomplit son objectif premier en permettant aux Services météorologiques de servir au mieux les utilisateurs dans le monde entier et elle constitue un modèle de collaboration internationale à l’échelle planétaire. Au cours de ce demi-siècle, les produits et les données de prévision du temps, qui intéressaient au départ les secteurs de la navigation et de l’aéronautique et quelques amateurs, sont devenus indispensables à la protection des personnes et des biens ainsi qu’aux activités et décisions courantes dans presque toutes les branches de l’économie mondiale. Une telle transformation a été possible grâce à la VMM et à ses composantes. Nous devons rendre hommage aux concepteurs et aux planificateurs initiaux pour leur clairvoyance et leur esprit d’initiative, ainsi qu’à l’OMM dont le Secrétariat, les commissions techniques, les conseils régionaux et les Services météorologiques et hydrologiques nationaux continuent de collaborer au fonctionnement et à l’amélioration de la VMM. Ensemble, ils garantissent la fourniture des meilleurs produits permis par la science, la technique et les ressources financières à tout moment, atout décisif pendant ce siècle et les suivants marqués par l’évolution et la variabilité du climat.
Le fait que presque tous les secteurs de l’économie dépendent aujourd’hui des prévisions météorologiques est certes gratifiant pour l’OMM, la VMM et les SMHN, mais cela entraîne aussi d’énormes responsabilités. Rappelons qu’aucune nation, aussi riche et puissante soit-elle, ne pourrait offrir à ses citoyens les informations météorologiques spécifiques, ponctuelles et fiables qu’ils attendent et dont ils ont besoin, sans la collaboration de tous les autres pays, comme l’illustre la VMM.
Il est important pour l’ensemble des Membres de l’Organisation que la VMM continue à évoluer et à croître. On peut s’émerveiller de la complexité d’un tel système, et peut-être craindre qu’il ne soit plus apprécié à sa juste valeur et que l’indifférence n’ébranle les immenses progrès accomplis jusqu’ici. Mais, loin de stagner, l’Organisation et la VMM entrent dans une nouvelle ère avec des initiatives telles que le Système mondial intégré des systèmes d’observation de l’OMM, le Système d’information de l’OMM et le Cadre mondial pour les services climatologiques. La VMM est aussi un élément important de la contribution au tout récent Système mondial des systèmes d’observation de la Terre. Il faut espérer que les cinquante prochaines années seront aussi fructueuses que les cinquante qui les ont précédées.