par B. Goodison1, J. Brown2, K. Jezek3, J. Key4, T. Prowse5, A. Snorrason6 et T. Worby7
Introduction
On entend par cryosphère l’ensemble des constituants du système terrestre composés d’eau à l’état solide, notamment les glaces de mer, de lac et de rivière, les sols enneigés, les précipitations solides, les glaciers, les calottes glaciaires, les inlandsis et les sols gelés de façon permanente ou saisonnière. Par sa présence dans l’atmosphère, à la surface terrestre et à la surface des océans, l’eau à l’état solide influe sur les échanges d’énergie et d’humidité, sur les flux de gaz et de particules, sur les précipitations, sur les conditions hydrologiques ainsi que sur la circulation atmosphérique et océanique. On ne peut dissocier la cryosphère du système d’eau douce polaire terrestre, glaciaire et océanique.
La cryosphère, ses variations et ses incidences font non seulement l’objet d’études scientifiques toujours plus poussées, mais se trouvent constamment à présent sous les projecteurs des médias, ce qui engendre une demande sans précédent en données et en informations sur l’évolution passée, présente et future des ressources en neige et en glace. Au cours de la décennie écoulée, la diminution de volume de nombreuses masses neigeuses et glaciaires n’a cessé de s’accélérer (Lemke et al., 2007). Le recul de la couverture de glace aura vraisemblablement une incidence sur le système d’eau douce et sur le bilan énergétique en surface dans l’Arctique, ce qui pourrait modifier les régimes de la circulation atmosphérique et des précipitations sous les latitudes moyennes (Serreze et al., 2007). Tout récemment, s’agissant du recul de la banquise arctique en 2007, on enregistrait un minimum absolu dès le mois d’août, alors que le déclin devait se poursuivre jusqu’à la mi-septembre (figure 1). Cet événement a retenu l’attention des dirigeants, car se rapproche ainsi l’ouverture probable à la navigation maritime de nouvelles routes transarctiques. Compte tenu des applications scientifiques en jeu, tant polaires que mondiales: prévision météorologique et climatologique, évaluation et prévision de l’élévation du niveau de la mer, disponibilité des ressources en eau, navigation, transports, pêches, exploration et exploitation des ressources minérales, construction dans les régions à climat froid, etc., il paraît essentiel de bien connaître la cryosphère. Cependant, c’est sans doute la composante la moins observée du système climatique. Les dates de l’Année polaire internationale (API) 2007/08, consacrée à l’observation des changements rapides que les régions polaires subissent et à l’amélioration des connaissances sur ces changements, ne pouvaient donc être mieux choisies. Les projets d’étude de la cryo-sphère organisés dans le cadre de l’API étant à présent en cours de réalisation, voici une sélection de plans et un examen de l’état d’avancement de quelques initiatives de l’API lancées pour approfondir notre compréhension de la cryosphère et des composantes hydrologiques connexes.
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Figure 1 — Étendue de la banquise arctique au cours de la saison estivale de fonte (surface océanique couverte à 15 % au moins de glace de mer)
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État et devenir de la cryosphère
Le projet d’étude sur l’état et le devenir de la cryosphère (CryOS, N° 105 de l’API) vise à encadrer les connaissances sur l’état de la cryosphère et sur ses variations passées, présentes et futures aussi bien dans le temps que dans l’espace. Il s’agit non seulement de recueillir des éléments montrant les changements subis par la cryosphère, mais aussi de mettre en évidence les effets de ces changements afin d’améliorer notre compréhension de l’environnement polaire dans le domaine des interactions physiques et biogéochimiques de la cryosphère avec les systèmes océanique, atmosphérique et terrestre, ainsi que leurs effets sur les systèmes sociaux, culturels et économiques et les interactions avec ces systèmes. Les objectifs du projet sont les suivants:
Faire le point sur l’état actuel des paramètres cryosphériques dans les régions de latitude élevée afin de fixer les caractéristiques et de dresser le bilan de la cryosphère au moment de l’API, en comparaison avec son historique et les prévisions pour l’avenir;
Formuler les exigences quant à l’observation des variables cryosphériques pour les besoins du suivi et de la prévision en météorologie, en climatologie et en hydrologie, et pour ceux d’autres évaluations environnementales (Thème de la Stratégie mondiale intégrée d’observation relatif à la cryosphère (IGOS-Cryo));
Renforcer la coopération internationale en faveur du développement des systèmes d’observation de la cryosphère.
C’est à partir des résultats fournis par de nombreuses études scientifiques, en cours ou entreprises dans le cadre de l’API, qu’il sera possible d’obtenir une évaluation quantitative planétaire de l’état actuel des paramètres cryosphériques et hydrologiques connexes. À l’adresse http://clic.npolar.no/reports/archive/ipy_fnd_proj_cipo_22may07.xls, on trouvera la liste des projets d’études bipolaires ou arctiques, financés dans le cadre de l’API, relatifs au climat, y compris ceux qui portent sur la cryosphère et l’hydrologie.
Le Système d’observation de la cryosphère: une retombée de l’API
L’ Année polaire internationale 2007/08 offre une occasion unique de mettre en place des systèmes d’observation des pôles et de combler ainsi l’une des principales lacunes du réseau mondial d’observation. Pour ce qui est de l’un des principaux objectifs du projet d’étude sur l’état et le devenir de la cryosphère, la mise en place de l’IGOS-Cryo a particulièrement bien progressé. Parmi les objectifs à court terme du projet CliC d’étude du climat et de la cryosphère relevant du Programme mondial de recherche sur le climat (PMRC), il est question de contribuer à veiller à ce que l’API ne soit pas uniquement une entreprise passagère, mais qu’elle se traduise par des retombées, et que des infrastructures, des systèmes d’observation et des méthodes de gestion des données demeurent après son terme.
Le CliC et plusieurs partenaires, y compris l’un des organismes de coparrainage, le Comité scientifique pour les recherches antarctiques (SCAR), dressent le cadre conceptuel de CryOS (voir la figure 2), à savoir un robuste système d’observation durable de la cryosphère, élément majeur du futur système d’observation pluridisciplinaire. Le rapport sur l’IGOS-Cryo (http://igos-cryosphere.org), approuvé récemment, présente les capacités actuelles en matière d’observation, les exigences s’agissant des observations et des produits élaborés, et les recommandations relatives aux mesures à prendre pour que CryOS continue de se développer.
La phase initiale de mise en place du projet CryOS coïncide avec l’API. Elle consiste à tirer parti de projets lancés à l’occasion de l’API et à en renforcer la coordination dans le but de produire des jeux de données faisant référence et de parvenir à continuer à les alimenter sans interruption, passé le terme de l’API.
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Figure 2 — On envisage que, dans les 10 à 15 années à venir, le CryOS permettra d’établir une image complète des composants de la cryosphère. Ci-dessus, l’image satellitaire (spectroradiomètre imageur à moyenne résolution) de la couverture de neige, de la température de la glace de mer, des glaciers et des calottes glaciaires dans l’ensemble de l’Arctique donne une idée la diversité de la cryosphère.
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L’IGOS-Cryo permet une économie d’échelle et assure une couverture adéquate de la cryosphère par des systèmes d’observation qui fournissent les données indispensables à la recherche en climatologie, en météorologie et sur l’environnement et à l’exploitation dans ces disciplines.
Les différents chapitres du rapport dont il est question plus haut fournissent des recommandations propres à chacun des éléments constitutifs de la cryosphère (exemple: neige terrestre, inlandsis, pergélisol). Des recommandations générales y sont également formulées pour un futur proche, le moyen terme et un horizon plus lointain. Les recommandations à court terme applicables durant l’API sont nombreuses; en voici deux exemples:
- Veiller à ce que l’instantané polaire à prendre au cours de l’API fasse l’objet d’une planification concertée entre les organismes intéressés et à garantir la continuité des produits sur l’environnement polaire élaborés à partir des données fournies par les satellites actuels, et ce au bénéfice des jeux de données qui constitueront des retombées de l’API;
- Enrichir les réseaux d’observation in situ de base, peu denses et au fonctionnement sporadique, en ce qui concerne les précipitations, l’équivalent en eau de la neige, la température du pergélisol obtenue par sondage, les propriétés des inland-
sis par carottage, les paramètres météorologiques, océanographiques ou du bilan massique de la glace obtenus par des bouées suivies par satellite, et les glaciers de montagne;
- et planifier la sélection d’au moins 15 supersites de référence qu’il faudra équiper en conséquence, pour la surveillance intégrée d’une série de paramètres cryosphériques (possibilité par exemple d’équiper des emplacements établis pour les besoins de la Période d’observations renforcées coordonnées à l’échelle planétaire et/ou du Réseau terrestre mondial (GTN)).
En adoptant ces recommandations, on parviendra à constituer, en tant que retombées de l’API, des jeux de données de référence qui permettront d’évaluer la variabilité et l’évolution futures du climat, à mettre de nouvelles ressources à la disposition des réseaux d’observation in situ qui importent, à planifier des programmes qui assureront la poursuite de missions satellitaires essentielles (systèmes imageurs passifs à hyperfréquences, par exemple) et à faire en sorte que des systèmes novateurs de gestion de données fournissent des services de données et d’information géographique à la communauté scientifique, aux décideurs et au public. Les Services météorologiques et hydrologiques nationaux et les agences spatiales ont un rôle de premier plan à jouer dans l’application desdites recommandations.
Projet interinstitutionnel mondial d’instantané polaire sur la durée de l’API (GIIPSY)
Sans les données de satellite, on ne pourrait élaborer de nouveaux produits sur la cryosphère des régions de latitude élevée, car les données d’observation in situ provenant de ces régions reculées sont rares voire inexistantes. Les premiers résultats que le projet CryOS doit nous permettre d’obtenir s’appliquent à la coordination des observations de la cryosphère à partir des satellites. Le projet interinstitutionnel mondial d’instantané polaire sur la durée de l’API (GIIPSY, N° 91 de l’API) vise à recueillir, durant l’année 2007/08, dans un large spectre et selon une grande résolution, un ensemble d’images des régions polaires.
L’objectif premier consiste à utiliser ces images comme références pour les besoins de l’étude comparative de l’évolution passée et future de l’environnement glaciaire, océanique et terrestre des pôles. Dans l’esprit de l’Année géophysique internationale (AGI), le but à atteindre est de réussir à établir des jeux de données qui pourront servir à la prochaine génération de chercheurs spécialistes des régions polaires. Selon le programme établi, il est prévu de déterminer comment utiliser les ressources spatiales des différents pays qui en disposent de façon à atteindre les objectifs scientifiques fixés sans que la responsabilité en incombe à une seule et même organisation. Une description générale du programme GIIPSY, notamment les objectifs quant aux observations, est fournie à l’adresse http://www-bprc.mps.ohio-state.edu/rsl/GIIPSY/. La figure 3 présente les systèmes qui pourront servir pour les besoins des études de la cryosphère. Le projet GIIPSY engendrera un nombre sans précédent de jeux de données qui contribueront à l’étude de l’élévation du niveau de la mer et du climat à l’échelle de l’hémisphère, de la circulation océanique et des interactions air-mer aux pôles, du climat régional, des précipitations et de l’hydrologie polaires, du pergélisol et des écosystèmes aquatiques en Arctique, des transports et des dangers associés. Il est déjà possible d’avancer que le projet CryOS est l’un des premiers succès obtenus dans le cadre de l’API.
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Figure 3 — Chronologie des missions satellitaires ayant une importance pour l’étude de la cryosphère
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Arctic-Hydra — une nouvelle étude intégrée du cycle hydrologique arctique
On ne peut dissocier le système cryosphérique du cycle de l’eau douce. Les caractéristiques de l’océan Arctique (température, salinité, glaces de mer et circulation) sont fortement marquées par les apports en eau douce. Dans son évaluation de la concordance entre les modèles climatiques, entreprise pour le quatrième Rapport d’évaluation du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), Waliser (2007) a constaté que les résultats des modèles coïncident quand ces derniers disposent d’une solide base de données d’observation et que les quantités mesurées ne présentent pas d’ambiguïtés physiques. C’est en général pour les composantes comprenant de l’eau à l’état solide que la concordance est la plus médiocre et les simulations d’écoulements présentent une meilleure concordance que celles de réservoirs. Des estimations de stockage et de flux dans le cycle de l’eau panarctique, proposant une synthèse des estimations parues dans la littérature existante et des résultats de la modélisation, ont été publiées récemment (Serreze et al., 2006). Grâce aux systèmes de surveillance intégrés qu’il met en œuvre, comprenant notamment des stations hydrographiques intégrées, le projet Arctic-Hydra de l’API contribuera à établir un degré de cohérence jamais atteint auparavant dans les informations de base dont il est possible de tirer de telles synthèses.
Le projet Arctic-Hydra (N° 104 de l’API) est une étude internationale s’appuyant sur un groupement d’institutions, entreprise pour fournir une image quantitative de l’état du système hydrologique panarctique (voir la figure 4) au cours de la campagne de l’API. En voici les objectifs principaux:
- Établir les caractéristiques de la variabilité dans le cycle hydrologique arctique (CHA) et examiner les liens entre le forçage atmosphérique et le débit des eaux continentales s’écoulant dans l’océan;
- Dans l’historique dont on dispose, évaluer comment l’océan Arctique a réagi aux variations des apports en eau douce provenant des cours d’eau et des précipitations sur l’océan;
- Attribuer à des éléments du CHA ou à un forçage externe l’origine de la variabilité spatio-temporelle observée dans le système sol-océan-glace-atmosphère;
- Détecter en temps quasi réel les changements de l’état actuel du CHA et les placer dans un contexte historique plus large.
Compte tenu de ces objectifs, dont la portée s’étend bien au-delà de la durée relativement courte de l’API, le projet Arctic-Hydra fait aussi partie des objectifs à long terme (de 10 à 15 ans) qui s’inscrivent parallèlement dans le projet d’étude des processus et systèmes cryosphériques et hydrologiques terrestres, soutenu par le Groupe de travail 7 de la deuxième Conférence internationale sur la planification de la recherche arctique (ICARP).
L’une des activités entreprises par le Canada dans le cadre de l’API contribuera pour beaucoup au projet Arctic-Hydra. La recherche et la prévision relatives aux flux d’eau douce en sont une composante de premier plan, puisqu’il s’agit de quantifier les principaux processus et paramètres hydrologiques des régions froides ayant une influence sur les flux d’eau douce qui pénètrent dans l’océan Arctique, de valider et d’améliorer le couplage des modèles hydrologiques et des modèles de la surface terrestre pour prévoir les écoulements d’eau douce dans l’océan Arctique et d’améliorer l’évaluation hydrologique et climatologique de l’Arctique canadien.
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Figure 4 — Le projet Arctic-Hydra met en avant une optique véritablement panarctique dans les études hydrologiques entreprises dans le cadre de l’API. |
Cette composante présente en outre des liens avec les écosystèmes aquatiques, qui procèdent des initiatives en matière de recherche et de prévision des flux de nutriments, mais aussi avec l’étude de l’hydro-écologie et de l’intégrité écologique des écosystèmes aquatiques, ou encore avec l’activité de surveillance reposant sur les communautés, qui permettront donc d’obtenir une vue d’ensemble des systèmes d’eau douce de la région boréale.
Pour tirer le meilleur parti des synergies entre les composantes hydrologiques et écologiques et des infrastructures de recherche déjà en place, on a sélectionné la région du Mackenzie en tant qu’emplacement d’un supersite consacré aux expériences de terrain les plus intensives portant sur les processus et à la collecte de données. Par ailleurs, la Division des relevés hydrologiques du Canada fournira les données provenant de neuf nouvelles stations arctiques. Les études entreprises contribueront à améliorer la modélisation du climat à l’échelle régionale et dans les systèmes de prévision numérique du temps. Les résultats obtenus dépasseront la portée de l’API et constitueront un fondement pour les études futures dans ces régions septentrionales.
La planification et la mise en œuvre du projet Arctic-Hydra, ainsi que ceux de nombreuses études de l’API comprenant des travaux sur le terrain et des études de modélisation, nécessitent la contribution d’études régionales du même type et tireront avantage de l’expérience acquise dans la réalisation de projets identiques conduits avant l’API, telle l’Étude nordique sur le climat et l’énergie (http://www.os.is/ce/).
Contributions nationales et régionales à l’étude de la cryosphère terrestre
L’étude de la variabilité et des changements de la cryosphère au Canada repose sur le projet canadien CRYSYS, sur les grandes capacités du pays en matière de télédétection, d’analyse et de modélisation du climat, et sur ses activités d’exploitation. Elle a été conçue pour apporter une contribution importante au projet d’étude sur l’état et le devenir de la cryosphère qui relève du projet CliC du PMRC. Elle prolonge une étude précédente sur les effets de l’extrême chaleur de l’été 1998 sur la cryosphère canadienne (Atkinson et al., 2006). Les objectifs fixés sont les suivants:
- Fournir des informations sur l’état de la cryosphère canadienne au cours de l’API pour contribuer à l’instantané polaire de l’API et aux jeux de données qui en seront les retombées;
- Placer les conditions cryosphériques actuelles dans le contexte des relevés historiques afin de montrer l’ampleur des changements au cours des 50 années écoulées depuis l’Année géophysique internationale (AGI 1957/58);
- Établir les caractéristiques de la variabilité et des changements observés, et les expliquer dans le contexte du système couplé climat-cryosphère;
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Améliorer la représentation de la cryosphère dans les modèles de la surface terrestre du Canada, du climat mondial et du climat régional, afin de pouvoir en simuler l’état actuel et futur pour les besoins des études d’impact climatique et d’adaptation au climat.
En voici les composantes essentielles: la poursuite de la mise en place d’un portail d’accès aux données canadiennes par le système de répartition de l’information de l’API et la mise en œuvre d’activités de sensibilisation visant à recueillir des savoirs traditionnels pour les associer aux informations découlant de la télédétection et à faire participer les collectivités vivant dans le Nord à la surveillance de la cryosphère. Ainsi les habitants du Grand Nord canadien auront-ils accès à des informations nouvelles sur la rapidité de la fonte des neiges et des glaces, sur les causes de l’évolution des conditions d’une année à l’autre et sur l’environnement glaciaire que connaîtra la génération future dans une trentaine d’années.
Au cours de l’API, une attention considérable sera accordée à la couverture de neige et à ses propriétés sur terre, sur les glaces de mer et sur les masses glaciaires. L’Académie des sciences de Russie a prévu plusieurs initiatives, notamment la mesure des variations de l’épaisseur de la neige et de l’équivalent en eau de la neige dans la région eurasienne et une étude de l’influence des variations de l’épaisseur de la couche de neige au cours de la période précédant l’hiver sur les régimes des gélisols. Au Canada, il est notamment prévu de fournir des informations sur la couverture de neige et sur l’équivalent en eau de la neige pour les régions montagneuses et pour celles de l’Extrême-Arctique. Il serait souhaitable aussi de disposer de produits intégrés obtenus à partir de données de satellites, de données in situ et de données de modèle, mais le problème de la validation de ces produits se pose pour des régions aussi reculées.
La série de mesures de la neige exécutées en coordination dans les Territoires du Nord-Ouest et le Nunavut (Canada), dans le cadre du projet SnowSTAR-2007 (dirigé par M. Sturm, du laboratoire CRREL à Fairbanks (États-Unis d’Amérique)), à savoir un itinéraire de cheminement de 4 000 km traversant des terres nues (http://www.barrenlands.org/MainPage.html) depuis Fairbanks en Alaska (États-Unis d’Amérique) à Baker Lake au Nunavut (Canada), constitue aussi une contribution unique à l’API. Les mesures des propriétés physiques et chimiques des accumulations de neige recueillies le long de cet itinéraire constituent la toute première acquisition systématique de données sur la neige dans cette région. Les données recueillies serviront à affiner les algorithmes d’extraction de l’équivalent en eau de la neige des données de satellites, à évaluer les performances des modèles de répartition de la neige et à déterminer les gradients régionaux de la concentration de mercure et de suie dans la neige. Outre les objectifs scientifiques de ce projet, il convient de noter que plus d’une cinquantaine d’écoles au Canada et aux États-Unis ont suivi la progression de cette expédition à partir d’un site Web alimenté quotidiennement à l’aide de textes, d’enregistrements audio et de photographies expédiés depuis le terrain. Des activités de sensibilisation informelles ont été organisées au cours des visites dans les collectivités. Il s’agit là d’un excellent exemple de programme de sensibilisation s’adressant tant aux élèves qu’aux habitants du Grand Nord pour renforcer les capacités scientifiques, soit l’un des objectifs de l’API.
On ne peut étudier la couverture de neige et ses variations sans prendre en compte les changements touchant les précipitations, en particulier les précipitations solides. À titre de contribution à l’API et en concertation avec le Groupe d’experts de la météorologie antarctique relevant du Conseil exécutif, le Programme climatologique mondial, la Commission des systèmes de base, la Commission de climatologie, la Commission d’hydrologie, la Commission de météorologie agricole, le projet CliC du PMRC et le Système mondial d’observation du climat, la Commission des instruments et des méthodes d’observation (CIMO) relevant de l’OMM doit évaluer les méthodes de mesure et d’observation des précipitations solides, des chutes de neige et de l’épaisseur du manteau neigeux dans les stations automatiques non surveillées utilisées dans les régions à climat froid (polaires et alpines) (http://www.wmo.ch/pages/prog/www/IMOP/reports/2003-2007/CIMO-MG-4_2006_Final-Report.doc#Item_Annex_2, page 3). L’appui que les Services météorologiques et hydrologiques nationaux apportent à cette activité constitue un excellent exemple du type d’action que les Membres de l’OMM ont prévu de mener pour contribuer au succès de l’API et de ses retombées.
Les glaces de rivière et de lac représentent des composantes hydrologiques et cryosphériques importantes dans le système terrestre des hautes latitudes, notamment si l’on tient compte des effets de leurs variations sur les écosystèmes aquatiques, sur le ruissellement printanier, sur les transports et sur le développement économique. Le Canada assurera la mise à jour de ses archives de données sur les glaces d’eau douce et conduira une évaluation nationale des changements relatifs aux glaces terrestres dans tout le pays depuis l’AGI. La recherche sur la couverture de glace des lacs dans l’ensemble de l’Arctique nous apportera une meilleure compréhension des influences des oscillations atmosphériques et océaniques à grande échelle sur les conditions passées des glaces de lac et, en association avec les prévisions du climat futur établies par les modèles, proposera des indications sur les changements que les glaces de lac pourraient subir à l’avenir et sur leurs incidences hydrologiques et écologiques dans différentes régions de l’Arctique.
Environnement Canada et l’institut d’hydrologie de l’État de Russie commencent à traiter des données sur l’embâcle et la débâcle dans le cadre d’une analyse circumpolaire conjointe portant sur l’évolution des régimes de glaces d’eau douce. La fédération de Russie prévoit aussi de mener une étude sur la variabilité des régimes thermiques et glaciels des cours d’eau dans le nord de la partie européenne de son territoire et d’évaluer l’influence de l’écoulement des cours d’eau sur le bilan thermique et salin et sur le régime glaciel du bassin océanique arctique. À l’aide des données provenant de l’observation et des modèles numériques, on établira des bases pour la prévision des situations catastrophiques liées aux phénomènes glaciels se produisant dans les embouchures des cours d’eau.
De nombreux instituts coopèreront au renforcement de leurs capacités de modélisation des composantes cryosphériques et hydrologiques terrestres en fonction des nouvelles observations et des améliorations touchant la paramétrisation des modèles, obtenues au cours de l’API. Cela comprend l’évaluation des simulations de la cryosphère proposées par les versions opérationnelles et expérimentales des modèles du climat mondial et régional et des modèles de prévision numérique du temps. Plusieurs pays se consacreront tout spécialement à la paramétrisation de la couverture de neige (effets entre la neige et la végétation, structure du manteau neigeux) pour approfondir nos connaissances sur les réactions et rétroactions de la cryosphère au sein du système climatique mondial, ainsi que sur la sensibilité et la robustesse des prévisions des changements climatiques concernant les latitudes élevées.
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Figure 5 — La SnowSTAR 2007 traverse la toundra canadienne; il est difficile d’obtenir des estimations de l’équivalent en eau de la neige par unité de surface (effort de collaboration entre les chercheurs américains et canadiens dirigés par Matthew Sturm du Laboratoire de recherche et d’ingénierie appliquées aux régions froides (États-Unis d’Amérique)). |
État et devenir du pergélisol
Le projet d’étude sur l’état thermique du pergélisol (TSP, N° 50 de l’API) entrepris sous la coordination de l’Association internationale du pergélisol (IPA) apportera l’une des plus grandes contributions à notre compréhension de l’évolution de la cryosphère et de l’hydrosphère. Le régime thermique du pergélisol (à des profondeurs allant de 10 à 200 m) constitue un indicateur sensible de la variabilité climatique allant de la décennie au siècle et des changements à long terme du bilan énergétique en surface. On mesurera la température dans des trous de sondage, existants et nouveaux, au cours d’une période fixe pour établir un instantané du profil temporel et spatial de la température du pergélisol. Ainsi a-t-on retenu environ 500 trous de sondage existants dans l’hémisphère Nord et un nombre restreint de trous de sondage dans l’Antarctique. Le projet intègre aussi le projet CALM d’un réseau circumpolaire de surveillance de la couche active (mollisol), fort d’environ 150 stations (www.gtnp.org) (voir la figure 6).
Dans les grandes zones de pergélisol situées en Amérique du Nord, en Europe (projet PACE d’étude du pergélisol et du climat en Europe) et en Eurasie, plusieurs transects régionaux ont été sélectionnés pour l’évaluation des variations de la limite nord-sud du pergélisol. Le réseau du projet d’étude sur l’état thermique du pergélisol de l’IPA fournira des emplacements de mesure à long terme. Il n’existe à l’heure actuelle aucune base de données mondiale qui définisse l’état thermique du pergélisol au cours d’une période précise. Des mesures de la température ont déjà été exécutées à différentes profondeurs et sur différentes périodes au cours des cinq dernières décennies, dont les résultats ont été publiés ou non, mais nous savons que ces températures ont évolué, et ce à des rythmes différents suivant les régions.
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Figure 6 — Emplacement des forages éligibles, des stations de surveillance du mollisol (selon l’Association internationale du pergélisol) et des glaciers ciblés par le projet GLACIODYN |
Les jeux de données sur la température et sur la couche active établis dans le cadre du projet TPS serviront à l’avenir de références à l’évaluation du rythme d’évolution des températures du pergélisol près de la surface, ce qui permettra de déterminer les variations des limites du pergélisol et de valider les modèles, les scénarios climatiques et les méthodes de réanalyse des températures. Chacun des 18 pays prenant part au projet a la charge de ses propres mesures. Les données sont incorporées dans le Réseau mondial de surveillance terrestre du pergélisol (GTNP) qui relève de l’OMM, de la FAO et de l’IPA. L’IPA entreprend aussi, dans le cadre de l’API, d’autres projets associés, notamment le projet d’étude de la dynamique des côtes arctiques (API N° 90) qui consiste à surveiller l’érosion côtière en des emplacements représentatifs et le projet d’étude des réservoirs de carbone dans les régions de pergélisol (API N° 373) qui vise à évaluer les stocks de carbone.
La cryosphère marine
Pour notre compréhension des glaces de mer et de leurs variations, l’épaisseur de la glace et l’épaisseur de neige sur la glace sont des éléments qui complètent l’étendue de la glace et qu’il est indispensable de connaître, car ils permettent d’évaluer les flux d’eau douce se déversant dans l’océan, le climat local, les changements que subissent les écosystèmes marins ou l’évolution de la navigabilité.
La banquise, en particulier dans l’Arctique (voir la figure 1), subit nettement les effets des changements climatiques, notamment une réduction à la fois de son étendue et de son épaisseur. Au cours de l’API, les chercheurs de nombreux pays étudieront les propriétés et les processus qui gouvernent la couverture glacielle et exploreront son rôle en tant qu’indicateur et amplificateur des changements climatiques, pendant les campagnes de mesures océaniques qu’ils auront organisées en concertation. Compte tenu des évaluations présentées dans le quatrième rapport d’évaluation du GIEC, il est nécessaire d’améliorer la représentation des glaces de mer dans les modèles du climat à la fois dans l’Arctique et dans l’Antarctique car, suivant l’intervalle de référence de l’analyse, rares voire inexistantes sont les simulations qui concordent avec les observations (Stroeve, 2007).
Les expéditions, la télédétection par satellite, les robots mobiles autonomes, les bouées, les mouillages océaniques et les modèles numériques sont des exemples représentatifs des nombreuses techniques auxquelles il faudra faire appel pour mener à bien toutes ces tâches. Grâce aux systèmes d’appareils autonomes, il est possible d’étudier les interactions entre les glaces de mer et le climat dans des régions dont l’accès n’est pas toujours aisé. Dans le cadre du projet d’étude de la zone des glaces saisonnières (SIZONET, N° 95 de l’API) par exemple, le bilan massique des glaces de mer et l’examen du rayonnement solaire dans le système atmosphère-glace-océan seront réalisés par des moyens autonomes (http://www.crrel.usace.army.mil/sid/IMB/). Également à l’occasion de l’API 2007-2008, la Fédération de Russie a installé une station dérivante au pôle Nord (NP-35), la NP-1 ayant été mise en place en 1937. Il s’agira d’étudier la couche superficielle de l’océan, les glaces de mer et la couverture de neige et de recueillir des mesures météorologiques et atmosphériques pour déterminer les processus principaux en jeu dans l’atmosphère et les modifications que subit la couverture glacielle dans le cadre de l’examen du couplage atmosphère-glaces de mer.
À elle seule l’observation des glaces de mer constitue la composante principale de plusieurs projets océanographiques envisagés pour l’API dans le cadre du Système intégré d’observation de l’océan Arctique proposé par le Comité scientifique international de l’Arctique et le projet CliC du PMRC (voir l’article de Summerhayes, Dickson et al. dans ce numéro, 270-283). L’Université d’été internationale sur les glaces de mer organisée à Svalbard en juillet 2007, pour prendre en compte les récents progrès accomplis dans notre compréhension des glaces de mer et de leurs interactions avec l’océan et l’atmosphère, présente un intérêt certain en tant que composante de l’iAOOS. Cette initiative fait aussi partie du programme de sensibilisation de l’API.
Il est essentiel pour notre compréhension du climat et de la cryosphère des régions polaires en évolution que les Membres de l’OMM continuent d’assurer le bon fonctionnement du Programme international de bouées de l’Arctique. En 2007, plus de 120 bouées ont été mises à l’eau dans l’Arctique pour les besoins de l’exploitation et de la recherche à l’échelon national. Là encore les produits actuels et historiques établis par les Services des glaces des différents Membres fourniront des informations utiles à la création d’une base de référence sur les glaces de mer pour la période de l’API et après.
De grandes expériences sur le terrain ont démarré en Antarctique. Dans le cadre du Programme international de bouées de l’Antarctique (PMRC et Comité scientifique pour les recherches antarctiques), il est prévu d’augmenter nettement la couverture des bouées. Le projet d’étude des glaces de mer en Antarctique (projet N° 141 de l’API) comprend deux grandes activités de recherche en septembre et octobre 2007. Comme dans l’océan Arctique, on assurera la coordination des observations des glaces de mer et des observations océanographiques, ce qui incombera pour l’océan Austral au projet d’étude du climat de l’Antarctique et de l’océan Austral (API N° 132) relevant du PMRC. Ces observations feront partie intégrante du Système d’observation de l’océan Austral en cours d’élaboration (voir l’article de Summerhayes, Dickson et al., dans ce numéro, 270-283).
Les deux activités de recherche en question sont le programme SIMBA d’étude du bilan massique des glaces de mer en Antarctique mené à bord du Nathaniel B. Palmer (Steve Ackley, scientifique en chef) en mer de Bellingshausen et l’expérience SIPEX sur la physique et l’écosystème des glaces de mer conduite à bord de l’Aurora Australis (Tony Worby, scientifique en chef) dans la partie orientale de l’Antarctique entre 120 et 13° E. Les deux activités sont axées sur l’amélioration de notre compréhension des caractéristiques physiques des glaces de mer, de la dérive et de la dynamique des glaces de mer, de la répartition de l’épaisseur de la glace et de la neige et des relations entre la physique des glaces, les algues peuplant les glaces de mer et la dynamique des écosystèmes. L’instrument GLAS à bord du satellite ICESat entrera en service le 1er octobre 2007, ce qui coïncide avec le démarrage de ces deux programmes d’étude sur le terrain et tout sera mis en œuvre pour assurer la coordination des activités sur le terrain dans les régions couvertes par les données de ce satellite.
L’objectif est de dresser une réalité de terrain qui servira à étalonner les instruments embarqués et à en valider les données. D’autres initiatives seront également prises dans ce domaine, notamment la création d’un nouveau groupe de travail sur la classification de la neige et de la glace ainsi que la création d’un portail d’accès aux données sur les glaces de mer au Centre australien des données sur l’Antarctique.
Inlandsis et masses glaciaires
La plus grande partie de l’eau douce de la planète est stockée dans les inlandsis, les plates-formes de glace, les calottes glaciaires et les glaciers. Les améliorations accomplies dans les domaines de l’observation et de la surveillance in situ et par satellite, et de la modélisation du temps, du climat et des processus naturels permettent à présent d’avérer la réaction de ces masses glaciaires à la variabilité du climat et aux changements climatiques. L’API accorde une attention toute particulière à l’étude de la stabilité de ces masses glaciaires, de l’évolution des caractéristiques de leur surface et des régimes de ruissellement et en fin de compte de leur contribution à l’élévation du niveau de la mer.
Le projet GIIPSY, dont il a été question plus haut, apportera une contribution essentielle par l’intermédiaire de missions satellitaires, nouvelles et en cours, spécialisées dans l’acquisition de données sur les masses glaciaires des régions polaires. Ce sera la première fois par exemple que l’on pourra établir: une série complète de relevés sur un été et un hiver à l’aide d’un radar à synthèse d’ouverture (SAR) pour les inlandsis, les glaciers et les calottes glaciaires polaires, ce qui fournira les paramètres physiques de la surface de la glace; une série de mesures sur la vitesse de déplacement de la glace de surface à l’aide d’un radar interférométrique à synthèse d’ouverture (InSAR) multibande; et une série de mesures topographiques répétitives à l’aide de l’InSAR en bande X pour détecter les variations locales de la hauteur des calottes glaciaires associées aux mouvements de l’eau sous-glaciaire.
Les études en cours nous procureront de nouvelles connaissances sur les variations volumétriques, l’ampleur de la fonte et le bilan massique. Le bilan massique sera par exemple établi dans le cadre du projet d’étude de l’évolution de la masse de la glace et de la neige dans les régions arctique et antarctique par gravimétrie satellitaire à partir des satellites de l’Expérience GRACE portant sur la pesanteur et le climat. On cartographiera pour la première fois les variations temporelles négatives et positives de la masse de la glace observée par les satellites GRACE, en fonction des changements climatiques. Ainsi sera-t-il établi des séries chronologiques et des cartes géographiques mensuelles des variations intégrées de masse pour de vastes régions reculées notamment l’Antarctique et le Groenland, dont il sera possible ensuite de tirer la contribution à l’élévation du niveau de la mer.
De nombreux projets portant sur le Groenland et sa région, et sur l’Antarctique contribueront à améliorer notre compréhension du système climatique actuel et passé des régions polaires et de la planète. Dans le cadre du projet ASAID d’étude de l’accumulation de glace en surface et du débit glaciaire dans l’Antarctique, on tirera parti de l’élan de coopération unique que procure l’API pour synthétiser, recueillir, analyser et produire des jeux de données complets sur les régimes temporels et spatiaux de l’accumulation de neige et sur le débit glaciaire de l’inlandsis autour du continent Arctique. On s’appuiera sur les efforts déjà déployés tout en favorisant de nouvelles initiatives pour:
- Pouvoir obtenir une représentation de la variabilité spatiale et temporelle de l’accumulation de glace en Antarctique suivant un degré de précision jamais atteint;
- Comparer les nouvelles données sur la vitesse en surface avec la cartographie déjà établie à grande échelle de la vitesse de la glace et avec d’anciennes mesures ponctuelles, afin de fournir des indications utiles sur la variation temporelle du débit glaciaire et de la position de la ligne d’échouage le long de grandes parties du périmètre antarctique;
- Déterminer l’épaisseur de la glace le long de la ligne d’échouage afin de calculer le débit glaciaire: il est indispensable de savoir ce qui se produit au bord des calottes pour comprendre la stabilité et l’évolution du niveau de la mer.
La péninsule Antarctique est l’une des régions polaires où le réchauffement est le plus rapide. Au cours de l’API seront lancées des études qui prendront pour laboratoires les plates-formes de glace Larsen B et C. La disparition de plates-formes de glace d’une telle étendue a entraîné une accélération rapide de l’écoulement des glaciers émissaires, qui les alimentaient en glace terrestre et, par voie de conséquence, la perte d’une quantité disproportionnée de glace dans l’océan. Une nouvelle initiative qui associe des mesures existantes et nouvelles exécutées sur le terrain permettra de déterminer l’état de santé de la plate-forme Larsen C et sa stabilité face aux changements climatiques. Les données dont on dispose déjà et les résultats des mesures sur le terrain (exemple: système mondial de localisation, stations météorologiques automatiques et géoradar), associés à une analyse des données de télédétection, à des modèles numériques des plates-formes de glace et à des méthodes de surveillance, permettront de procéder à une analyse approfondie de l’évolution des plates-formes de glace en fonction des changements climatiques.
Au Groenland aussi on s’efforce de déterminer la stabilité, l’historique et l’évolution de l’environnement glaciaire. Comprendre quelle sera cette évolution en fonction du réchauffement planétaire revêt une importance primordiale. Grâce aux données sismiques, aux carottes de glace, aux données radar et aux données de télémétrie laser et de sondage acoustique, il sera possible de mieux comprendre le fonctionnement de l’inlandsis groenlandais et de renforcer la capacité des chercheurs de modéliser comment cet environnement évoluera en fonction des changements climatiques. On procède à l’installation d’un nouveau site de forage pour l’extraction d’une carotte de glace représentant une période de plus de 130 000 ans qui offrira une nouvelle perspective sur l’évolution du climat
En Antarctique, le projet d’étude chinois PANDA permettra aussi d’extraire une nouvelle carotte sur le site du Dôme A, où l’épaisseur de glace dépasse les 3 000 m. Ainsi pourra-t-on reconstruire le climat sur 1 200 ans. L’API a apporté un élan à de telles études ainsi qu’un regard nouveau sur le climat passé et présent et potentiellement sur son évolution future dans les régions polaires. Pour obtenir davantage d’information sur les projets nationaux et internationaux de l’API touchant le Groenland même et les eaux qui l’entourent, il est recommandé de s’adresser au Centre polaire danois (http://www.ipy.dk).
Le réchauffement planétaire aura un effet important sur les glaciers dans la région arctique. Le niveau de la mer sera modifié; il est vraisemblable aussi que les apports en sédiments et en eau douce dans les échancrures des côtes et les fjords subiront des changements considérables. Le projet GLACIODYN de l’API étudiera les effets du réchauffement planétaire sur une série de 20 glaciers dans la région arctique entre 2007 et 2010 (voir la figure 6). Il vise à affiner les estimations actuelles de la contribution des glaciers et des calottes glaciaires arctiques à l’élévation du niveau de la mer, grâce au perfectionnement des techniques d’observation, et à améliorer la modélisation de la dynamique des glaciers, ce qui permettra de simuler les variations du ruissellement en fonction des différents scénarios de changements climatiques. Il tirera parti en outre de l’expérience acquise au cours de la réalisation de l’Étude nordique sur le climat et l’énergie.
La Veille mondiale de la cryosphère — une retombée de l’API
Le Quinzième Congrès météorologique mondial (mai 2007) a été très favorable à l’idée de l’instauration par l’OMM d’une Veille mondiale de la cryosphère en tant que retombée de l’API 2007/08. Il s’agirait d’un mécanisme intergouvernemental chargé de l’observation de la cryosphère, à la fois in situ et par télédétection, qui favoriserait aussi l’application des recommandations formulées par l’IGOS-Cryo. Pour parvenir à ce but, il faudra établir des liens et des partenariats, et élaborer des accords entre les principaux systèmes d’observation, les réseaux, les fournisseurs d’observation et de données, les utilisateurs et la communauté scientifique. On envisage que cette veille complètera le Système d’information de l’OMM en fournissant un accès direct à des données et informations autorisées sur la cryosphère. L’évaluation des changements de la cryosphère et de leurs incidences ainsi que l’utilisation de ces informations pour contribuer à la détection des changements climatiques en seraient facilitées. L’une des premières étapes dans l’instauration de cette veille consisterait à œuvrer en collaboration avec les mécanismes compétents de l’OMM pour veiller à ce que les observations de la cryosphère ainsi que la surveillance et la recherche associées soient conformes aux exigences d’un grand nombre d’utilisateurs dans le monde entier.
L’OMM ainsi que d’autres institutions, organismes et scientifiques intéressés examinent à présent le concept. Il appartiendra à l’Équipe spéciale intercommissions pour l’API (OMM), qui doit se réunir début 2008, de démarrer l’élaboration du concept et de prévoir le lancement d’un programme d’action visant à la création de la Veille mondiale de la cryosphère.
Remerciements
Les auteurs voudraient remercier de nombreux chercheurs qui leur ont fourni des informations à jour sur leurs projets. Les projets étant en cours de réalisation, ils encouragent le lecteur à se mettre en relation directement avec les auteurs et les chercheurs pour obtenir davantage d’in formations.
Références
Atkinson, D.E. et al., 2006: Canadian cryospheric response to an anomalous warm summer: a synthesis of the Climate Change Action Fund Project The State of the Arctic Cryosphere during the Extreme Warm Summer of 1998. Atmosphere-Ocean, 44 (4), 347-375.
Lemke P. et al., 2007: Changes in Cryosphere. Dans: Climate Change 2007: The Physical Science Basis. Contributions of Working Group 1 to the Fourth Assessment Report of the Intergovernmental Panel on Climate Change (S. Solomon, D. Qin et a., (Eds.)), Cambridge University Press, Cambridge, United Kingdom and New York, états-Unis d’Amérique, 43-46.
Serreze, M.C., M.M. Holland et J. Stroeve, 2007: Perspectives on the Arctic’s shrinking sea ice cover, Science, 315, 1523 -1536.
Serreze, M.C., A.P. Barrett, A.G. Slater, R.A. Woodgate, K. Aagaard, R.B. Lammers, M. Steele, R. Moritz, M. Meredith et C.M. Lee, 2006: The large-scale freshwater cycle of the Arctic. J.Geophys.Res., Vol. 111, No. C11, C11010 10.1029/2005JC003424
Stroeve, J., M. M. Holland, W. Meier, T. Scambos et M. Serreze, 2007: Arctic sea ice decline: Faster than forecast. Geophys. Res. Lett., 34, L09501, doi:10.1029/2007GL029703.
Waliser, D., K.-W. Seo, S. Schubert et E. Njoku, 2007: Global water cycle agreement in the climate models assessed in the IPCC AR4. Geophys. Res. Lett., 34, L16705, doi:10.1029/2007GL030675.
1. Président, Groupe scientifique directeur pour le projet CliC relevant du PMRC et chef de projet scientifique de l’API, Environnement Canada, Ottawa (Canada). barry [dot] goodisonec [dot] gc [dot] ca (barry[dot]goodison[at]ec[dot]gc[dot]ca)
2. Président, Association internationale du pergélisol, boîte postale 7, Woods Hole MA 02543 États-Unis d’Amérique. jerrybrownigc [dot] org (jerrybrown[at]igc[dot]org)
3. Centre de recherches polaires, École des sciences de la Terre, Université de l’État de l’Ohio, Columbus, Ohio (États-Unis d’Amérique). jezek [dot] 1osu [dot] edu (jezek[dot]1[at]osu[dot]edu)
4. NOAA/NESDIS, 1225 West Dayton St., Madison, WI 53706, États-Unis d’Amérique. jkeyssec [dot] wisc [dot] edu (jkey[at]ssec[dot]wisc[dot]edu)
5. Chercheur scientifique, Environnement Canada et Université de Victoria, Victoria (Canada). terry [dot] prowseec [dot] gc [dot] ca (terry[dot]prowse[at]ec[dot]gc[dot]ca)
6. Service hydrologique, Administration nationale de l’énergie, Grensasvegur 9, IS-108 Reykjavik, Islande. asnos [dot] is (asn[at]os[dot]is)
7. Chercheur scientifique principal, Division antarctique australienne, Hobart (Australie). a [dot] worbyutas [dot] edu [dot] au (a[dot]worby[at]utas[dot]edu[dot]au)