Indication de l’incertitude des prévisions par les prestataires de services

01 octobre 2008


par Jon Gill*


Introduction

  nuages dans le ciel bleu
   

L’incertitude est un facteur inhérent au processus de prévision hydrométéorologique. Les prévisionnistes connaissent bien la question de l’incertitude et de la prévisibilité: ils y sont confrontés chaque fois qu’ils effectuent une prévision. Parfois, les prévisions correspondent aux modèles informatiques et aux consignes et les prévisionnistes font confiance aux résultats. D’autres fois, elles ne correspondent pas du tout aux modèles ou alors un paramètre météorologique est difficile à prévoir en soi. Néanmoins, les prévisions sont à réaliser, même en cas d’incertitude importante.

L’incertitude des prévisions peut aussi tenir à la façon dont le prévisionniste exploite les informations disponibles. Même si les prévisions émanant d’un modèle sont très précises, le prévisionniste doit les interpréter et les intégrer dans un contexte météorologique. Il doit ensuite, à partir de son interprétation, faire sa propre prévision, qui sera elle-même assimilée et interprétée par l’utilisateur. Une incertitude peut apparaître à chaque étape de cette «chaîne de l’information».

Il convient d’indiquer aux utilisateurs l’incertitude des prévisions. Cela leur permet de prendre de meilleures décisions selon la fiabilité de ces prévisions. Cela permet aussi aux prévisionnistes de tenir compte de l’attente des usagers en la matière.

Cet article porte sur l’indication de l’incertitude des prévisions. Il traite des sources de cette incertitude et aborde des disciplines scientifiques connexes (prévisions probabilistes ou ensembles de prévision numérique, par exemple), mais tel n’est pas son objet. Son objet est plutôt de déterminer comment les prestataires de services, et notamment les Services météorologiques et hydrologiques nationaux (SMHN), utilisent les informations sur l’incertitude des prévisions et quels sont les meilleurs moyens de les transmettre aux usagers.

De nombreux prestataires de services de prévision mettent actuellement au point des techniques pour indiquer l’incertitude des prévisions. Ce faisant, ils doivent prendre garde à certains pièges. En tant que scientifiques, les météorologues, par exemple, connaissent bien l’incertitude et le vocabulaire des probabilités, ce qui n’est généralement pas le cas du grand public, d’où un risque important de malentendu.

Il est difficile d’indiquer l’incertitude dans les prévisions traditionnelles présentées sous forme de textes. Ces textes sont courts, les lecteurs ont du mal à en absorber le contenu et il faut parfois beaucoup de temps aux prévisionnistes pour choisir exactement les termes voulus. En outre, la façon d’exprimer l’incertitude dans un texte est souvent subjective et le lecteur risque de ne pas comprendre ce que veut dire le prévisionniste. Il existe une solution consistant à indiquer le degré d’incer-titude dans une échelle numérique simple à utiliser pour toutes les prévisions. L’idée ne date pas d’hier: dans un article publié en 1906 dans la Monthly Weather Review, W.E. Cooke proposait une échelle en cinq points pour exprimer l’incertitude.

5.
Certitude presque absolue;
4.
Certitude admissible, mais risque d’erreur une fois sur 10 environ;
3.

Doute important: prévision plus probablement vraie que fausse, mais risque d’erreur quatre fois sur 10 environ;

2.
Possibilité, mais peu de chances: si des averses sont indiquées,
par exemple, elles seront faibles, à supposer qu’elles se produisent;
1.
Possibilité la plus faible: très peu de chances.

Une prévision pourrait se présenter ainsi: «Zone sud-ouest: beau temps partout (5) sauf dans l’extrême sud-ouest, où existe une possibilité de faibles averses sur les côtes (2); chaleur à l’intérieur des terres (4) et tendance au refroidissement sur la côte ouest (3)».

Une autre façon d’exprimer l’incertitude consiste à indiquer dans la prévision le deuxième scénario le plus probable en plus du plus probable, ce qui permet aux intéressés de concevoir des plans de secours. De nombreux usagers ne souhaitent fonder leurs décisions que sur une seule prévision, mais d’autres, qui ont des besoins plus précis, s’intéressent aux autres possibilités envisageables. C’est le cas en particulier des gestionnaires de situations d’urgence, qui doivent connaître les autres scénarios possibles et même les pires scénarios envisageables pour pouvoir planifier les ressources à mettre en œuvre et parer à toute éventualité.

Le recours aux probabilités est un moyen très courant d’exprimer l’incertitude. Il faut que les probabilités soient fondées sur des techniques scientifiques objectives pour être fiables et correspondre à la véritable distribution de probabilité du phénomène considéré. La définition des probabilités doit être clairement indiquée pour que les usagers en comprennent bien le sens.

Cet article porte sur les divers moyens de décrire et d’indiquer l’incertitude des prévisions et présente les principales questions que les prestataires de services doivent aborder et résoudre.

Pourquoi indiquer l’incertitude des prévisions?

Il existe plusieurs raisons d’indiquer l’incertitude des prévisions, tant aux utilisateurs de celles-ci qu’aux prévisionnistes, raisons que nous présentons ici.

La connaissance de l’incertitude des prévisions facilite la prise de décisions

La principale raison d’indiquer l’incertitude des prévisions est d’aider les utilisateurs à prendre de meilleures décisions. C’est le cas en particulier lorsqu’ils disposent de plusieurs possibilités et souhaitent parer à toute éventualité. Les situations de ce type sont très courantes. Elles vont de simples décisions au jour le jour concernant, par exemple, les vêtements à porter à de vastes interventions en cas d’urgence, comme l’organisation d’une évacuation. Voici quelques exemples de la façon dont les informations sur l’incertitude peuvent améliorer la qualité et l’efficacité d’une décision:

Un agriculteur souhaite épandre de l’engrais
Pour que l’opération réussisse, il faut un peu de pluie afin que le sol absorbe l’engrais. L’agriculteur a établi une règle selon laquelle, si la probabilité de pluie est inférieure à 80 %, le risque de perdre l’engrais est trop important. Ainsi, il attend jusqu’à ce que la probabilité augmente. Il lui faut un degré de certitude élevé pour épandre l’engrais;

Une agence nationale pour l’alimentation évalue la sécurité alimentaire pour l’année à venir Selon les prévisions climatiques saisonnières, il existe une probabilité légèrement supérieure à la normale de pluies inférieures à la moyenne pendant la saison de croissance. Ainsi, l’agence lance des mesures en vue du stockage de nourriture. Les conséquences d’une pénurie d’eau sont tellement graves que l’agence réagit, même si l’incertitude des prévisions est relativement élevée;

Un service d’urgence doit décider s’il convient d’évacuer une collectivité en prévision d’un cyclone tropical qui approche
Selon les prévisions, il existe une probabilité de 10 % de vents dévastateurs. Même si cette probabilité est faible, elle est suffisamment élevée par rapport aux conséquences possibles pour que le service commence à évacuer la zone menacée.

Dans chacun de ces trois cas, les intéressés adaptent leur action à divers degrés d’incertitude des prévisions, selon leurs propres besoins. C’est pourquoi les informations sur l’incertitude des prévisions sont tellement utiles: elles leur permettent de réagir aux prévisions en fonction de leur situation. Faute de telles informations, si, par exemple, on prévoit simplement de la pluie ou pas de pluie, ils ne peuvent pas adapter leur action de façon fiable.

L’indication de l’incertitude des prévisions permet de prendre en compte les attentes des intéressés

Les météorologues doivent tenir systématiquement compte de l’incertitude lorsqu’ils font une prévision. Cela peut leur paraître stressant si les utilisateurs s’attendent à ce qu’une prévision soit toujours avérée. Ils savent que certains phénomènes sont plus prévisibles que d’autres: s’ils peuvent l’indiquer aux intéressés, ils pourront établir des rapports plus harmonieux avec eux, qui seront sûrs de la rigueur et de la fiabilité du prestataire de services.

L’indication de l’incertitude des prévisions permet de garder la confiance des usagers

Il est indispensable de garder la confiance des usagers. Ceux qui comprennent que toute prévision est entachée d’incertitude et qui tiennent compte dans leurs décisions de l’incertitude indiquée par les prestataires de services sont bien plus susceptibles de leur accorder leur confiance. Selon certaines études, les informations sur l’incertitude des prévisions n’ébranlent pas la confiance que les intéressés ont dans les produits mais, au contraire, elles les rassurent: ils voient qu’on les traite honnêtement et que le service est objectif et scientifique.

L’incertitude des prévisions reflète l’état actuel de la science

Les Services météorologiques doivent être fondés sur des bases scientifiques saines. L’incertitude étant inhérente aux prévisions qui émanent de modèles numériques, il convient d’en tenir compte dans les prévisions et les avis diffusés. Si leur fiabilité est insuffisante, la crédibilité de la profession et des prestataires de services sera ébranlée.

Sources d’incertitude des prévisions

Pour indiquer l’incertitude des prévisions de façon efficace, il faut en comprendre l’origine. Parfois, l’incertitude augmente lors du processus de prévision en raison du comportement intrinsèquement chaotique de l’atmosphère, de notre capacité limitée à mesurer et à modéliser l’état de l’atmosphère et de nos efforts pour interpréter les données d’observation et celles issues de modèles.

Des incertitudes apparaissent lorsque les prévisionnistes tentent de traduire leur compréhension scientifique de la situation par des mots simples. La terminologie et la phraséologie qu’ils emploient n’expriment souvent pas parfaitement le scénario prévu. La présentation et la concision d’une prévision peuvent être restrictives. Ainsi, des incertitudes peuvent apparaître du fait que le prévisionniste est incapable d’indiquer in extenso ce qui risque de se produire.

Enfin, des incertitudes peuvent apparaître lorsque l’usager, qui ne comprend pas toujours de la même façon que le prévisionniste la terminologie employée ou le sens d’une prévision, reçoit et interprète celle-ci.

Il existe diverses façons d’indiquer ces incertitudes. Dans le cas d’une incertitude scientifique, par exemple, le recours aux probabilités peut être un moyen efficace d’en indiquer le degré. Dans le cas d’une incertitude due à l’interprétation des prévisions, le recours à une langue intelligible et à une terminologie bien définie contribuera éminemment à une communication efficace.

Comment indiquer l’incertitude des prévisions

Perception des informations sur l’incertitude

La principale raison de donner des informations sur l’incertitude des prévisions est d’aider les intéressés à prendre de meilleures décisions. Cependant, il faut d’abord pour cela qu’ils comprennent et interprètent ces informations.

Des spécialistes du comportement ont analysé la façon dont on perçoit ce type de langage et d’information. Leurs études sont très instructives.

Il est démontré, par exemple, que l’importance ou l’ampleur d’un phénomène peut influer sur la façon dont les gens décrivent et interprètent les informations sur l’incertitude (Patt et Schrag, 2003). Si, par exemple, il est prévu objectivement que de faibles pluies ou de fortes pluies ont une probabilité de 10 % de se produire, ils estimeront subjectivement que les fortes pluies auront plus de chances de se produire.

Souvent, les usagers, se figurant que les prévisionnistes exagèrent, «décodent» ce qu’on leur dit. Ainsi, si l’on prévoit qu’un phénomène à fort impact a une probabilité moyenne de se produire, ils vont souvent minimiser le risque, estimant que le prévisionniste exagère.

Il faut garder à l’esprit cette tendance des usagers à «exagérer» et à «décoder» les informations qu’ils reçoivent. Il est bon de faire appel à une mesure numérique objective de l’incertitude (probabilité, par exemple) en employant des termes simples et clairement définis. On peut prendre comme exemple l’échelle de probabilité utilisée par le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), dont les termes et les seuils de probabilité sont clairement définis (voir le tableau ci-dessous).

Échelle de probabilité du GIEC

Terminologie Probabilité d’occurrence
Quasi-certitude > 99 %
Occurrence très probable > 90 %
Probabilité d’occurrence et de non-occurrence à peu près égales 33 % - 66 %
Occurrence peu probable < 33 %
Occurrence très peu probable < 10 %
Occurrence extrêmement peu probable < 1 %

Discernement des usagers

Il est à noter que les usagers ont des exigences différentes en matière d’informations sur l’incertitude et des niveaux différents de compréhension. Certains, et notamment les responsables d’interventions d’urgence, ont besoin de données quantitatives détaillées sur l’incertitude. Ils disposent de plans d’intervention précis prévoyant des dispositions si des seuils définis sont atteints. Un plan d’évacuation communautaire peut par exemple être déclenché si la probabilité de vents cycloniques est supérieure à 20 %.

Les utilisateurs avertis d’informations sur l’incertitude connaissent les raisons de cette incertitude. Lorsqu’ils leur communiquent de telles informations, les prestataires de services peuvent employer des termes techniques et donner des explications assez détaillées. Ils peuvent aussi leur présenter des graphiques relativement complexes.

Les prestataires de services doivent faire attention à l’emploi d’informations complexes lorsqu’ils s’adressent à des utilisateurs moins avertis, moins à même de comprendre les sources d’incertitude et préférant des messages et des graphiques simples.

Avec le temps, l’expérience et une formation suffisante, les usagers peuvent voir leur compréhension et leur discernement s’améliorer. Gigerenzer et al. (2005) ont montré qu’à New York, où le public connaît depuis longtemps les prévisions concernant la probabilité de précipitations, la majorité des usagers savent qu’une prévision indiquant une probabilité de pluie de 30 % signifie qu’il y a trois chances sur 10 pour qu’il pleuve quelque part en ville. Par ailleurs, dans quatre villes européennes où l’on ne fait pas appel aux prévisions de probabilité, la plupart des usagers pensent à tort que la prévision veut dire qu’il pleuvra pendant 30 % du temps ou sur 30 % de la zone concernée.

L’emploi de la couleur

La couleur est un outil puissant pour transmettre des informations et faire comprendre des choses. Comme tout outil, il faut s’en servir avec prudence. Il est courant de faire appel à la couleur pour présenter graphiquement des probabilités (ou d’autres incertitudes). Il faut veiller à ce que les couleurs choisies fassent passer le message voulu.

La figure 1 donne un exemple de prévision probabiliste saisonnière de précipitations diffusée par le Service météorologique australien. On notera que les probabilités inférieures à 50 % sont représentées par des couleurs chaudes.

carte de l'Australie carte de l'Australie
Figure 1 —Prévision saisonnière des précipitations (Service météorologique australien) Figure 2 — Prévision saisonnière des précipitations (Service météorologique australien)

Dans la zone de l’ouest de l’Australie délimitée par le trait épais, les pluies printanières sont généralement faibles et ne représentent qu’une faible partie du total annuel.

Si l’on utilise la couleur de cette façon, l’usager risque de mal interpréter le message. Numériquement, 49 % n’est pas très différent de 51 %, mais en s’en tenant aux couleurs, il va conclure que les zones en jaune seront sèches et les zones en vert clair humides.

Le Service météorologique, ayant pris conscience du problème, a conçu une nouvelle palette de couleurs permettant de mieux faire passer le message voulu. Dans l’exemple ci-dessous (figure 2), toutes les valeurs situées entre 40 et 60 % sont en blanc ou en gris. Les informations sont aussi détaillées, mais les couleurs «émotives» ont été changées et ne s’appliquent désormais qu’aux probabilités faibles ou élevées.

Exemples d’informations sur l’incertitude

On trouvera ci-après quelques exemples de façons efficaces de transmettre des informations sur l’incertitude des prévisions. On fait appel ici aux idées et aux principes énoncés ci-dessus. Les prestataires de services sont invités à s’en inspirer pour mettre au point ou améliorer la communication aux usagers d’informations sur l’incertitude.

La terminologie

La terminologie de l’incertitude peut être simple ou complexe. Lorsqu’ils présentent un bulletin météo ou qu’ils préparent une prévision à l’intention du grand public, les prévisionnistes peuvent employer des expressions telles que «risque de», «un ou deux» ou «possibilité de». Ils pourront parfois utiliser des descripteurs non spécifiques tels que «ultérieurement», «qui s’annonce» ou «dans la région». Ces descripteurs seront délibérément vagues lorsque le prévisionniste ne sera pas sûr du moment ou de l’endroit précis du phénomène prévu.

Souvent, l’incertitude d’une prévision est due à l’apparition d’une situation météorologique imprévisible. Une description narrative de la situation, accompagnée éventuellement de l’indication d’autres scénarios possibles, peut être un moyen efficace de signaler l’incertitude à des usagers avertis. C’est à la radio et à la télévision que ce type d’information passe le mieux.

Une terminologie appropriée est essentielle pour indiquer l’incertitude, mais sous une forme verbale, elle peut être déroutante pour l’usager. Quelle est par exemple la différence entre «risque de» et «possibilité de»? L’expression «risque de» a-t-elle le même sens pour tous les prévisionnistes? S’il est bon d’employer de telles expressions pour que l’usager n’ait pas l’impression d’une certitude, il est important d’observer une certaine homogénéité. Des définitions et des procédures claires seront utiles à cet égard. On pourrait par exemple établir une règle selon laquelle on ne parlera de «possibilité d’averses» que si la probabilité est supérieure à un seuil prédéfini de 30 %.

Les graphiques

Des graphiques simples peuvent être utiles pour présenter des données quantitatives sur l’incertitude des prévisions. La figure 3 donne un exemple de la façon de présenter la prévision saisonnière de probabilités de précipitations sous forme de camembert.

camembert    
     
Figure 3 — Exemple de camembert indiquant la probabilité de pluie    
     
graphique    
     
Figure 4 — Message météorologique indiquant la température prévue par un système de prévision d’ensemble (CEPMMT)    
     
2 pictogrammes, un pour l'orage et le second pour la neige    
     
Figure 5 — Icônes montrant des prévisions de probabilité    
     
carte de la corne de l'Afrique    
Figure 6 — Perspective climatique consensuelle pour la région de la corne de l’Afrique (Centre de prévision et d’applications climatologiques relevant de l’IGAD)    
     

L’un des intérêts de cette présentation est qu’elle montre toutes les possibilités à la fois. Les usagers prennent connaissance non seulement du scénario le plus probable, mais aussi des autres possibilités.

Un autre moyen efficace d’indiquer l’incertitude, surtout si elle augmente avec le délai d’échéance, est d’utiliser des séries chronologiques comprenant des «barres d’erreur». La figure 4 donne un exemple de série chronologique de la température prévue où l’incertitude est indiquée pour chaque pas de temps.

Les icônes

Il peut s’avérer difficile d’utiliser des icônes pour indiquer l’incertitude des prévisions. Si tel est le cas, souvent, on superpose simplement sur l’icône les informations concernant l’incertitude sous forme numérique, en indiquant par exemple une probabilité (figure 5).

Les cartes

Il est commode de représenter les informations sur l’incertitude dans l’espace. Une carte permet souvent de présenter une prévision et l’incertitude de celle-ci.

La carte indiquant la perspective climatique consen-suelle pour la région de la corne de l’Afrique (figure 6) en est un bon exemple. Les zones d’égale probabilité, codées couleur (gris pour les prévisions indifférentes), montrent au premier coup d’œil la répartition spatiale de la probabilité de pluie.

Pour chaque zone de la carte, on trouve aussi une prévision saisonnière sous la forme d’une case contenant trois nombres. Ces nombres indiquent, de haut en bas, le taux de probabilité de précipitations supérieure à la normale, proche de la normale et inférieure à la normale. L’intérêt de cette disposition, c’est que tous les scénarios sont présentés. Autrement dit, il est clair pour l’usager que, si un scénario est privilégié, il existe d’autres possibilités.

Cette présentation est souvent utilisée pour des prévisions de probabilités à courte et moyenne échéance. Celles-ci, généralement produites par des systèmes de prévision d’ensemble, peuvent être présentées de plusieurs façons complémentaires. On peut par exemple produire des cartes de probabilité de précipitations selon des seuils prédéterminés (en indiquant par exemple la probabilité de pluies d’une hauteur supérieure à 5 mm).

On peut prendre comme autre exemple de présentation graphique de l’incertitude la représentation de la trajectoire prévue d’un cyclone tropical par un cône qu’emploient le Centre national cubain de prévision et le National Hurricane Center américain. Grâce à celle-ci, le public ne se focalise pas sur une trajectoire unique et se sent en sécurité si cette trajectoire ne passe pas directement au-dessus de lui. Cette représentation confirme qu’étant donné son ampleur, un ouragan peut toucher une très vaste région et ne se limite pas à un point ou à une bande étroite. La note explicative qui figure en haut du graphique est très importante: «Étant donné l’ERREUR MOYENNE DE PRÉVISION, l’ŒIL du cyclone devrait passer par le cône blanc dans les 72 heures à venir.»

Les échelles d’incertitude

Catégories alphabétiques

Il est utile, pour indiquer l’incertitude, de faire appel à des catégories prédéterminées ayant une définition précise, ce qui permet aux usagers de saisir le degré exact d’incertitude auquel songe le prévisionniste. C’est le cas de l’échelle de probabilité du GIEC présentée à la page 239.

Catégories numériques

On peut également indiquer l’incertitude des prévisions en employant une échelle numérique, ce qui ne donne pas nécessairement davantage d’informations qu’avec des catégories alphabétiques, mais cela est simple et facilite la lecture des prévisions. Du moment que les usagers savent que les nombres sont définis, il s’agit d’un moyen rapide et efficace de présenter des informations sur l’incertitude.

Cette technique a été adoptée par MétéoSuisse, qui, dans ses prévisions, donne une mesure de «fiabilité» sur une échelle de un à 10 (figure 7).

Les probabilités

  bulletin de prévisions à 4 jours
  Figure 7 — Prévision à quatre jours avec mesure de la fiabilité sur une échelle de un à 10 (Télévision suisse romande et MétéoSuisse)

Le recours aux probabilités est sans doute le moyen le plus répandu de donner des informations sur l’incertitude des prévisions. Les usagers en con-naissent bien le principe. Comme tout système quantitatif, les probabilités doivent être soigneusement définies et leur signification doit être clairement expliquée.

Lorsqu’on définit une probabilité, il faut d’abord déterminer la quantité à laquelle elle va s’appliquer. Il peut s’agir de l’occurrence d’un phénomène à un endroit et à un moment donnés, comme la probabilité d’apparition d’un orage. Il peut s’agir d’une catégorie, comme la probabilité d’une chute de 10 à 50 mm de pluie. On choisit souvent une anomalie, par exemple la probabilité de précipitations supérieures à la moyenne. Le choix est dicté par le phénomène considéré et par le service demandé.

L’une des conditions de l’emploi d’informations sur les probabilités est de disposer d’un élément de référence pour ces informations, ce qui est particulièrement important pour que l’usager puisse interpréter les données et agir. Il peut être intéressant d’associer une comparaison avec la normale à une prévision probabiliste. Par exemple, une prévision du type «probabilité de 60 % d’orage cet après-midi» peut s’accompagner d’un message tel que «probabilité environ deux fois plus élevée que la normale à cette époque de l’année».

Les probabilités sont un moyen répandu de donner des informations sur l’incertitude des prévisions, mais elles présentent des difficultés particulières de communication. Tout d’abord, de nombreux usagers souhaitent simplement savoir si le phénomène prévu va se produire ou non. Les prévisions probabilistes ne les intéressent pas et ils les considèrent souvent comme une fuite du prévisionniste devant ses responsabilités, comme une manœuvre pour se couvrir. Il convient, sur ce point, d’éduquer l’usager pour qu’il comprenne que la météorologie n’est pas une science exacte.

Il découle de cette attitude qu’en l’absence d’une réponse carrément positive ou négative, l’usager sera tenté de transformer une prévision probabiliste en prévision catégorique. Par exemple, la prévision saisonnière d’une probabilité accrue de températures estivales supérieures à la moyenne pourra être interprétée comme l’affirmation que l’été sera chaud. Il existe d’innombrables exemples de médias qui ont simplifié à l’excès des perspectives probabilistes afin de publier des titres accrocheurs.

Deuxième difficulté: comprendre ce à quoi s’applique la probabilité d’occurrence d’un phénomène. À un endroit précis? À toute une zone? À une période? Il faut veiller à ce que la terminologie employée soit bien définie et comprise, non seulement des usagers, mais aussi des prévisionnistes qui font une prévision.

Il existe une autre difficulté: le problème dit de la probabilité 50-50. Celui-ci se produit lorsqu’aucune influence nette ne s’exerce dans l’atmosphère en faveur d’un scénario ou du scénario opposé. Dans les pays touchés par le phénomène El Niño, par exemple, rien ne tend à un écart par rapport à la moyenne pendant les périodes d’équilibre indifférent et une prévision saisonnière pourra se présenter ainsi: «probabilité 50-50 de conditions neutres en ce qui concerne les précipitations». Bien qu’une telle prévision ait un sens du point de vue strictement climatologique, l’usager aura l’impression que le prestataire de services ne veut pas se prononcer. Dans un tel cas, mieux vaut présenter la prévision autrement, éventuellement en indiquant la probabilité de pluie (dans cet exemple) en fonction d’un seuil prédéterminé.

Adaptation des techniques aux médias

Le choix de la technique de diffusion et de la présentation d’informations sur l’incertitude des prévisions dépend largement des médias concernés. Ce qui donne de bons résultats dans un secteur peut ne pas être efficace dans un autre.

Pour les bulletins météo face à face, les interviews à la radio ou toute autre présentation orale de prévisions, il est bon d’avoir recours à une langue simple et à un style narratif. Dans un tel cas, le prévisionniste a le temps d’expliquer la situation; il peut présenter les autres scénarios possibles, indiquer pourquoi et en quoi les modèles de prévision numérique sont différents et donner un aperçu global et complet de la situation. Le recours à un mode de communication non verbale—intonation, expression corporelle, etc.—permet de donner aux auditeurs ou aux spectateurs confiance dans la prévision.

Si une prévision est présentée de façon plus formelle, par exemple par écrit, le prévisionniste doit veiller à employer des termes prédéfinis ou faciles à comprendre pour indiquer l’incertitude d’une prévision. S’il utilise une expression comme «un risque de», il faut que le destinataire sache implicitement quel est l’équivalent numérique de ce risque. D’un autre côté, il pourra se référer à une mesure numérique de l’incertitude.

La présentation graphique de l’incertitude d’une prévision est utile et convient particulièrement à une présentation sur Internet. Elle peut s’accompagner d’explications pour aider l’usager à interpréter des informations pouvant être plutôt complexes. Pour la télévision, les possibilités sont plus restreintes en raison d’un temps d’antenne limité. Un simple «indice de confiance» pourrait être la meilleure solution dans ce cas.

Conclusion

L’incertitude est un élément inhérent à la prévision. Il est bon de l’indiquer de façon claire, ce qui permet aux usagers de prendre des décisions en toute connaissance de cause et aux prestataires de services de tenir compte de leurs attentes en matière de prévisions.

Dans cet article, nous avons évoqué la question de l’indication de l’incertitude des prévisions. Nous avons montré comment les prestataires de services peuvent intégrer des informations sur cette incertitude dans leurs bulletins météorologiques et les meilleurs façons de présenter ces informations aux usagers. Nous avons donné des exemples de bonnes techniques de présentation et indiqué certains pièges à éviter. Nous convions les prestataires de services à s’en servir régulièrement de guide sur la meilleure manière d’indiquer l’incertitude des prévisions.

Bibliographie

Cooke, W.E., 1906: Forecasts and verifications in Western Australia. Monthly Weather Review, 34, 23-24.

Patt, A. et D. Schrag, 2003: Using specific language to describe risk and probability. Climatic Change, 61, 17-30.

Gigerenzer, G., R. Hertwig, E. van den Broek, B. Fasolo et K.V. Katsikopoulos, 2005: A 30% Chance of Rain Tomorrow: How Does the Public Understand Probabilistic Weather Forecasts? Risk Analysis 25 (3), 623-629.

* Service météorologique australien

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