Le présent article examine brièvement les avantages que présente, pour l’atténuation des effets du changement climatique, l’initiative des Nations Unies relative à l’énergie durable pour tous. Il s’appuie pour cela sur les travaux analytiques et les scénarios de la prochaine Évaluation énergétique mondiale.5
L’énergie soutient les progrès humains: qu’il s’agisse de créer des emplois ou de renforcer la compétitivité économique, de garantir la sécurité ou de promouvoir la condition de la femme, l’énergie est le facteur d’intégration commun. Elle concerne tous les secteurs et se trouve au coeur des préoccupations de tous les pays. Aujourd’hui plus que jamais, le monde doit veiller à ce que tout un chacun puisse bénéficier de services énergétiques modernes, propres et efficaces. Cette nécessité se justifie avant tout par un principe d’équité, mais elle revêt aussi un caractère d’urgence très concret: telle est la motivation qui sous-tend l’initiative de l’Énergie durable pour tous du Secrétaire général de l’ONU.
Cette initiative a été lancée dans une période de très grande incertitude économique, d’importantes inégalités, d’une urbanisation accrue et d’un taux de chômage élevé des jeunes. Mais c’est aussi une période où l’on prend de plus en plus conscience de la nécessité d’agir de façon cohérente et urgente pour atteindre certains objectifs mondiaux comme le développement durable et l’atténuation du changement climatique. La façon dont nous saisirons les occasions de créer des richesses et de l’emploi et de favoriser l’éducation et la production industrielle locale sera un facteur essentiel pour le déclenchement d’une véritable révolution dans ce domaine. Le passage à un système énergétique radicalement différent et qui n’exclut personne est un défi générationnel. À cet égard, l’économiste Jeremy Rifkin considère que les nombreuses crises interdépendantes actuelles donnent l’élan nécessaire à une nouvelle «façon de dire l’économie6».
La réponse de l’ONU
Trois objectifs liés entre eux sous-tendent le but consistant en une énergie durable pour tous à l’horizon 2030:
Ces trois objectifs se renforcent mutuellement. De plus en plus abordables, les techniques d’exploitation des énergies renouvelables fournissent des services énergétiques modernes à des collectivités rurales qu’il serait excessivement coûteux et malcommode d’alimenter par le réseau électrique classique. L’efficacité accrue des dispositifs utilisés pour l’éclairage et d’autres applications entraîne une diminution de l’énergie consommée et permet donc de réduire la quantité d’électricité nécessaire au fonctionnement de ces systèmes. Enfin, l’autre solution, qui consisterait à laisser se développer librement les systèmes énergétiques existants fondés sur les combustibles fossiles conventionnels, représenterait un engagement financier à long terme en matière d’infrastructures et se traduirait par un niveau d’émissions intolérable pour le climat de la planète.
Incidence de l’initiative de l’Énergie durable pour tous sur le climat
Bien que l’initiative de l’Énergie durable pour tous ne vise pas en premier lieu à atténuer le changement climatique, la réalisation de ses trois objectifs s’accorde avec les efforts visant à limiter à long terme l’élévation de la température moyenne à la surface du globe à moins de deux degrés Celsius. Le rapport World Energy Outlook 2011 (Perspectives énergétiques mondiales 2011) de l’Agence internationale de l’énergie (AIE) démontre la rentabilité d’un investissement précoce dans l’énergie durable: pour chaque dollar des États-Unis investi avant 2020 dans le secteur de l’électricité, on peut économiser 4,30 dollars, c’est-à-dire la somme nécessaire pour compenser l’accroissement des émissions après 2020. En outre, l’accès de tous à un approvisionnement énergétique, même rudimentaire, a des répercussions minimes sur les émissions de gaz à effet de serre (figure 1)
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Figure 1 – Besoins en énergie et émissions de CO2: comparaison du scénario de l’Énergie durable pour tous et du scénario «nouvelles politiques» de l’AIE (AIE, 2011).
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Figure 2 – Demande en énergie finale et émissions de GES: comparaison entre les scénarios de l’Évaluation mondiale de l’énergie (courbes bleues) et le scénario de référence (courbe rouge).
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Figure 3 – Profils de température pour le scénario de l’Énergie durable pour tous, le scénario de référence et l’un des scénarios de l’Évaluation énergétique mondiale.
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Figure 4 – Scénario de l’Évaluation énergétique mondiale qui correspond aux objectifs de l’Énergie durable pour tous, avec présentation du contexte historique.
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Les objectifs de l’Énergie durable pour tous sont compatibles avec les solutions qui permettraient de stabiliser la température à l’échelle du globe. Les figures 2 et 3 montrent ce que serait l’avenir énergétique si tous les objectifs de cette initiative étaient atteints. Ce scénario est comparé, d’une part, à une évolution hypothétique du système énergétique calculée à partir des tendances observées actuellement et, d’autre part, à six scénarios de l’Évaluation énergétique mondiale qui, en plus de répondre aux objectifs de l’initiative de l’Énergie durable pour tous, stabiliseraient le changement climatique à moins de 2° C.
La prochaine Évaluation énergétique mondiale consiste en l’étude pluridisciplinaire la plus complète jamais effectuée sur les systèmes énergétiques et leur avenir Les analyses qu’elle contient nous aident à quantifier les retombées des objectifs de l’initiative de l’Énergie durable pour tous, leurs multiples avantages, mais aussi leur contribution à une atténuation du changement climatique
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Dans le scénario de référence, la consommation d’énergie augmente d’environ 50 % et les émissions de gaz à effet de serre d’environ 60 %, puisque l’hypothèse retenue est celle d’une consommation intense de combustibles fossiles; cette hypothèse n’est d’ailleurs guère différente de celle des Perspectives énergétiques mondiales de l’AIE à l’horizon 2030. Dans le scénario de l’initiative de l’Énergie durable pour tous, la consommation finale d’énergie augmente d’environ 10 % entre 2010 et 2030, tandis que dans les six scénarios de l’Évaluation énergétique mondiale, la demande finale d’énergie progresse à un rythme de moins de 2 % sur la même période
9. Par ailleurs, les émissions restent constantes dans le scénario de l’Énergie durable pour tous, tandis qu’elles diminuent de 16 % à 35 % dans les scénarios de l’Évaluation énergétique mondiale. La comparaison entre le scénario de l’Énergie durable pour tous et le scénario de référence fait apparaître une diminution d’environ 30 % des émissions liées à la consommation d’énergie (figure 3).
La diminution des émissions de gaz à effet de serre par rapport aux objectifs de l’Énergie durable pour tous contribue très nettement à une stabilisation de la température, avec une stabilisation probable du changement climatique à 2,0° C.
La figure 4 met en évidence l’un des scénarios de l’Évaluation énergétique mondiale qui correspond aux objectifs de l’Énergie durable pour tous. Dans le graphique principal, la zone en gris clair montre à quel point l’efficacité énergétique contribue de façon essentielle aussi bien à faire baisser la demande qu’à faciliter l’exploitation des énergies renouvelables. Ce graphique montre l’importance des «négawatts» – qui correspondent à des besoins énergétiques évités – pour atteindre les objectifs de l’Énergie durable pour tous. La part des énergies renouvelables peut doubler grâce aux technologies déjà commercialisées, mais seulement si l’on arrive à accroître considérablement les taux actuels d’amélioration de l’efficacité énergétique. La figure 4 montre aussi les deux mutations historiques que le monde a connues. Premièrement, la révolution industrielle, lorsqu’à l’énergie animale a succédé l’énergie mécanique et, deuxièmement, l’ère de la diversification, lorsque les techniques se sont multipliées pour répondre à une demande croissante due à l’invention de l’ampoule électrique, du moteur à combustion interne, des aéronefs et, dernièrement, d’Internet.
La réalisation des objectifs de l’Énergie durable pour tous aurait des retombées bénéfiques sur les plans social, sanitaire, environnemental et économique ainsi qu’en matière de sécurité. L’accès universel à l’énergie favoriserait le développement des pays les plus pauvres et réduirait radicalement les effets néfastes pour la santé des formes traditionnelles d’énergie dans les pays en développement. Ces trois objectifs sont également cohérents avec la nécessité d’éviter les bouleversements climatiques et ils réduiraient la pollution de l’air au plan local. Enfin, les changements spectaculaires qui devront être apportés à un secteur de l’énergie non polluant pour atteindre les objectifs de l’Énergie durable pour tous peuvent soutenir l’économie mondiale en garantissant la croissance et la création d’emplois dans des secteurs en essor rapide.
Une année importante
Dans sa résolution 67/151, l’Assemblée générale des Nations Unies a proclamé 2012 Année internationale de l’énergie durable pour tous, plaçant ainsi pour la première fois l’énergie au coeur du processus multilatéral. Cette initiative fournit une excellente occasion de partager des modèles opérationnels et évolutifs, mais qui peuvent aussi contribuer à combler les lacunes au niveau des financements ou des capacités. Elle permet aussi aux responsables politiques de rester mobilisés sur ces questions. Nous ne devons pas nous contenter, loin de là, de résoudre de façon superficielle un problème qui a des répercussions profondes sur nos vies. Cela suppose un engagement ferme de la part des nombreuses parties prenantes, une planification appropriée des actions nationales, une série de financements et d’outils financiers spécialisés et des moyens de suivre les progrès accomplis. Consultez donc d’abord notre site (
www sustainableenergyforall org) et rejoignez-nous !