Jeunes chercheurs

03 novembre 2014
  • Author(s):
  • Sylvie Castonguay, éditrice, Bureau de la communication et des relations publiques

Florian Rauser et Julia Keller proposent la création d'une association de jeunes chercheurs en sciences sociales et appliquées

La communauté scientifique s’inquiète: nombre d’éminents chercheurs envisagent de prendre leur retraite dans les dix ans à venir, et les chercheurs débutants ou en milieu de carrière, prêts à les remplacer et à apporter une contribution significative, se font malheureusement rares. À moins d’encourager, de former et d’encadrer de jeunes chercheurs dans divers domaines scientifiques, des lacunes en matière de connaissances ne manqueront pas d’apparaître. Ceci est d’autant plus vrai que la population mondiale croissante en voie d’urbanisation, contrainte de s’accommoder des ressources limitées qu’offre la planète Terre, est rendue extrêmement vulnérable par les aléas météorologiques et climatiques. Lors de la Conférence scientifique publique mondiale sur la météorologie*, qui s’est tenue à Montréal du
16 au 21 août 2014, l’OMM a tendu la main à de jeunes chercheurs – une centaine d’étudiants en sciences bénévoles de l’Université McGill et de l’Université du Québec à Montréal, et de jeunes météorologues du monde entier.

L’OMM a offert un soutien limité à plus de 60 jeunes chercheurs sélectionnés sur la base des résumés soumis pour participer à la conférence de Montréal. Au total, plus de 1 000 résumés provenant de plus de 50 pays ont été reçus. Les jeunes chercheurs sollicitant un appui financier, qui devaient être âgés de moins de 35 ans à la date limite fixée pour la remise des résumés, ont été tenus de joindre une lettre de recommandation de leur supérieur hiérarchique. Les résumés ont été classés en fonction de leur qualité par le Comité du programme scientifique de la conférence.

Les activités présentées par les jeunes chercheurs ont attiré un large public et imprimé un certain dynamisme à la conférence. Lors d’un déjeuner auquel ont été conviés des chercheurs chevronnés pour évoquer dans un cadre informel leur carrière avec les jeunes scientifiques, les derniers arrivés n’ont pu être accueillis. Une séance au cours de laquelle Florian Rauser, représentant du réseau des jeunes spécialistes des sciences de la Terre (YESS) de l’Institut Max Planck de météorologie de Hambourg, a donné un aperçu de leurs activités et de leur propre expérience, a fait salle comble. À cette occasion, inspirée par ce qui a déjà été accompli par l’Association des jeunes chercheurs en sciences polaires (APECS) au cours de l’Année polaire internationale (2007/08), Julia Keller, jeune scientifique du Deutscher Wetterdienst (Service météorologique allemand), a avancé l’idée de créer une association similaire, spécialisée dans les sciences météorologiques et leurs applications, pour les jeunes chercheurs originaires de différents pays – développés et en développement – et œuvrant dans diverses disciplines scientifiques. Une proposition alternative était de mettre à profit ce qui existe déjà pour le mandat et le champ d’action de YESS.

L’expérience de l’APECS

L’APECS est l’une des rares organisations prospères du genre. Elle s’est développée dans le contexte de la quatrième Année polaire internationale (2007/08) grâce aux efforts et au dynamisme de jeunes professionnels engagés dans des programmes de recherche et de vulgarisation. L’objectif de l’APECS au cours de l’Année polaire internationale était de renforcer le rôle des jeunes professionnels évoluant dans le secteur de la recherche internationale, mais aussi de recenser les occasions qui s’offrent à eux d’acquérir les nouvelles compétences dont ils ont besoin pour faire carrière. Le Conseil international pour la science (CIUS) et l’OMM – qui parrainent l’Année polaire internationale – reconnaissent qu’il incombera à l’APECS de maintenir l’élan actuel en faveur de la recherche, de la formation et de la sensibilisation axées sur les régions polaires au cours des années à venir. L'APECS, avec les enseignements qui en ont été tirés, sert désormais de modèle à d’autres initiatives quant à la manière d’attirer et de recruter de jeunes chercheurs d’une façon durable et significative.

Afin de forger des partenariats solides avec les organisations professionnelles, l’APECS a, en 2007, engagé des discussions avec d’importantes organisations polaires internationales, telles que le Comité scientifique international de l’Arctique (IASC) et le Comité scientifique pour les recherches antarctiques (SCAR). Ces discussions auront permis de faire participer de jeunes scientifiques aux activités menées par des chercheurs plus expérimentés.

Un certain nombre de facteurs se sont avérés déterminants pour le succès de l’APECS pendant et après l’Année polaire internationale:

  1. L’énergie, la dynamique et la motivation nécessaires à la réussite des programmes menés par de jeunes chercheurs doivent venir d’eux-mêmes.
  2. Le soutien actif des organismes et des partenaires disposés à engager de jeunes chercheurs joue un rôle essentiel.
  3. La participation directe de chercheurs expérimentés aux côtés des jeunes scientifiques est nécessaire pour combler les lacunes en matière de connaissances et élaborer des programmes d’encadrement.
  4. Les jeunes chercheurs doivent assurer eux-mêmes la gouvernance et la gestion de leurs propres associations et projets, également conçus pour maintenir l’élan et l’énergie nécessaires face au renouvellement rapide du personnel, mais aussi pour permettre aux jeunes chercheurs de se concentrer sur leur travail tout en assumant un rôle actif de direction.
  5. De solides équipes de coordination et un financement adéquat peuvent créer de nombreuses synergies et sont essentiels pour édifier et préserver la mémoire institutionnelle.
  6. Les programmes conçus pour les jeunes chercheurs doivent proposer des services et des activités qui dépassent le cadre de leurs institutions d’origine et des frontières nationales afin de promouvoir les partenariats interdisciplinaires et internationaux.

L’APECS a remédié au manque d’activités consacrées au développement professionnel des jeunes chercheurs en établissant des liens solides avec des professionnels qualifiés. En créant un continuum de connaissances entre jeunes scientifiques et chercheurs chevronnés, l’APECS s’est employée de façon originale à pérenniser le rôle mobilisateur joué sur le plan international par les jeunes chercheurs, ainsi que leur engagement et leur dynamisme au-delà de l’Année polaire internationale.

L’Association continue de se développer et d’étendre son action et façonne activement la recherche polaire actuelle tout en préparant son avenir. Elle compte désormais plus de 4 700 membres, répartis dans 75 pays, qui représentent un large éventail de compétences et d’intérêts dans des domaines aussi variés que l’anthropologie, les sciences atmosphériques, la biologie, la biogéochimie, la culture et le patrimoine, l’enseignement, la glaciologie, la géologie, la linguistique, l’océanographie, la paléontologie, l’étude du pergélisol, le droit polaire, la sociologie et la recherche spatiale.

Au cours de la prochaine décennie, les régions polaires connaîtront de grandes transformations et les spécialistes des sciences polaires seront continuellement mis au défi à mesure que ces changements auront un impact sur les populations, les infrastructures et les écosystèmes. Les jeunes chercheurs doivent impérativement continuer de s’intéresser aux thématiques polaires. Sans leur participation, une grande partie de la dynamique et de l’enthousiasme engendrés par l’Année polaire internationale se dissipera, et la communauté polaire, la communauté scientifique en général et la société dans son ensemble, auront beaucoup à y perdre.


Les responsables du Projet relatif au climat et à la cryosphère (CliC) ont fait équipe avec l'APECS pour échanger des informations intéressantes sur la cryosphère via «FrostBytes – Soundbytes of Cool Research». D'une durée comprise entre 30 et 60 secondes, ces enregistrements audio ou vidéo sont conçus pour faciliter la tâche des chercheurs désireux de faire part de leurs dernières découvertes à un large public. On trouvera à l'adresse ci‑dessous des indications sur la façon de créer son propre FrostByte, accompagnées de quelques exemples

Établir une passerelle entre les sciences appliquées et les sciences sociales

La Conférence scientifique publique mondiale sur la météorologie a réuni des météorologues, des prévisionnistes, des sociologues et des concepteurs d’applications météorologiques issus du secteur privé et du monde universitaire, ainsi que des représentants des communautés d’utilisateurs, pour examiner les progrès accomplis dans le domaine de la météorologie et fixer les priorités de la recherche sur le long terme. Les participants à la conférence ont reconnu à quel point la société était vulnérable aux incidences des conditions météorologiques – et dans quelle mesure ces effets seront aggravés par le changement climatique. Ils ont notamment souligné la nécessité pour les spécialistes des sciences appliquées de travailler en étroite collaboration avec des partenaires en sciences sociales pour parfaire les avancées scientifiques dont la société a désespérément besoin. C’est dans cet esprit que Mme Keller a proposé la création d’une association qui réunira de jeunes chercheurs en sciences sociales et appliquées chargés d’apporter rapidement des réponses scientifiques adaptées et de répondre ainsi à la demande croissante de la société dans ce domaine.

Bien qu’enthousiaste, Mme Keller a avancé l’idée avec prudence, réitérant les enseignements tirés de l’expérience de l’APECS : «L’énergie, la dynamique et la motivation nécessaires à la réussite des programmes menés par de jeunes chercheurs doivent venir d’eux-mêmes». M. Rauser a par ailleurs souligné que la création et l’administration d’une telle association exigeraient un effort constant de la part des membres, comme dans le cas du réseau YESS.

Invité par Mme Keller à prendre part au débat, Deon Terblanche, Directeur du Programme mondial de recherche sur la prévision du temps relevant de l’OMM, a délivré un message bref mais inspirant. Il est revenu sur sa carrière et a souligné l’importance de travailler en réseau, précisant que les jeunes chercheurs d’aujourd’hui seraient amenés demain à occuper des postes à responsabilité dans le domaine des sciences météorologiques. Ils seront à même de façonner l’avenir de la météorologie et des sciences sociales y afférentes.

À l’instar de l’APECS, une association de météorologues en début de carrière et d’utilisateurs pourrait aider les jeunes chercheurs à élargir leur réseau, étendre leur expérience et améliorer leurs perspectives de carrière. Les membres bénéficieraient d’activités telles que le partage d’expériences scientifiques et professionnelles en ligne et l’organisation d’un colloque interdisciplinaire de jeunes chercheurs, inspiré de l’exemple du réseau YESS en 2013. L’association permettrait aux jeunes chercheurs du monde entier, de dialoguer et d’aborder des questions qui requièrent une approche globale.

Un petit groupe de jeunes chercheurs souhaitait poursuivre le débat mais beaucoup de questions se posaient: il faudrait du temps pour créer une dynamique et constituer une base de membres, alors ne serait-il pas préférable d’intégrer le réseau YESS? Des fonds seraient nécessaires, ainsi que des locaux: l’OMM serait-elle disposée à apporter sa contribution? La discussion s’est poursuivie dans un cadre moins formel au cours des deux dernières journées de la conférence. Au cours des prochaines semaines, Mme Keller, en collaboration avec M. Rauser, examinera les possibilités, les avantages et les inconvénients de créer une association ou d’en rejoindre une autre comme YESS.

Le premier Prix des jeunes ingénieurs de l’Association des fabricants d’équipements hydrométéorologiques a été décerné à Montréal à M. Ryan Said, de la société Vaisala, pour la maîtrise d’une solution matérielle et logicielle destinée à la conception et à la mise en place d’un réseau mondial de détection de la foudre.

Mobiliser les jeunes

Les jeunes scientifiques ont participé activement à la conférence; ils ont présenté leurs travaux, travaillé en réseau et rédigé les comptes rendus de séances qui serviront de base aux livres blancs publiés à la suite de la conférence. N’ayant que rarement eu la chance de rencontrer des chercheurs de renommée internationale, ils ont saisi la moindre occasion qui leur était offerte pour échanger avec eux des idées sur la manière de tracer leur propre cheminement de carrière et évoquer les grands défis scientifiques à venir.

La demande de professionnels qualifiés dans le domaine de la météorologie et de la climatologie ne cesse de croître, notamment dans les pays en développement où les catastrophes répétées d’origine météorologique ou climatique font souvent obstacle au développement économique. On insiste aussi davantage sur la nécessité d’inciter les femmes à embrasser des carrières scientifiques pour qu’elles puissent être dûment représentées et pleinement intégrées dans les processus de décision liés au temps et au climat. Conformément au thème de la Journée météorologique mondiale de 2014, l’OMM mobilise les jeunes pour ces questions et les encourage à faire carrière dans le domaine des sciences, mais aussi à collaborer plus étroitement avec les professionnels des sciences sociales en vue de concevoir des services météorologiques et climatologiques adaptés aux besoins des utilisateurs.

Remerciements

  • Extraits concernant l’Association des jeunes chercheurs en sciences polaires (APECS) tirés de Polar Research Education, Outreach And Communication During The Fourth IPY
  • Deon Terblanche, Directeur, Bureau de la recherche atmosphérique et de l’environnement
  • Julia Keller, Deutscher Wetterdienst
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