Les Services météorologiques et hydrologiques nationaux (SMHN) ont un rôle essentiel à jouer alors que l’humanité est confrontée à des risques croissants liés aux phénomènes météorologiques et climatiques extrêmes (GIEC, 2021)1. Les informations climatologiques et météorologiques et les systèmes d’alerte précoce permettent de prendre des prises de décision rapides et efficaces pour protéger les vies et les moyens de subsistance, en soutenant les efforts mondiaux visant à réduire la pauvreté et à promouvoir une prospérité partagée (OMM et al., 2015)2.
Le travail de chaque SMHN repose sur des observations et autres produits de données, partagés librement, en temps réel, conformément aux principes de la Veille météorologique mondiale (OMM, 1995)3. L’ancien Président de l’OMM, John Zillman, a décrit la Veille météorologique mondiale comme «le système entièrement international le plus abouti ayant jamais été conçu en matière de coopération mondiale soutenue en vue du bien commun dans le domaine scientifique ou dans tout autre domaine» (Zillman, 2018)4.
Cependant, dans de nombreux pays, il existe un écart important entre les performances actuelles des réseaux et les besoins des systèmes de prévision mondiaux dont dépend la quasi totalité des services météorologiques et climatologiques (Alliance for Hydromet Development, 2021)5.
Le premier article du présent Bulletin présente quelle a été l’histoire de la collaboration entre les Membres de l’OMM en matière de réalisation et d’échange d’observations à l’appui de la prévision du temps et de la surveillance du climat. Cet article examine l’infrastructure et la technologie ayant permis l’échange mondial de données de l’OMM, depuis ses origines il y a plus de cinquante ans jusqu’à aujourd’hui. Il traite ensuite de la manière dont les technologies fondées sur l’Internet peuvent combler les lacunes en termes de capacité et les nouvelles possibilités de rendre les données mondiales plus fiables, plus accessibles et plus exploitables aux fins du renforcement de la résilience mondiale.
L’échange de données à l’appui de la surveillance et de la prévision du système Terre
Les applications de prévision météorologique couvrent un large éventail d’échéances: de la prévision immédiate et à très courte échéance à la prévision mensuelle, saisonnière et à plus longue échéance, en passant par la prévision à courte et moyenne échéance. Comme les systèmes de prévision à l’appui de ces applications ne cessent de devenir plus sophistiqués, ils reposent de plus en plus sur des observations de toutes les composantes du systèmeTerre auxquels l’atmosphère est liée: l’océan, la cryosphère et la surface terrestre. En outre, les observations ont besoin d’un nombre croissant de variables géophysiques à des résolutions spatiales et temporelles toujours plus grandes.
Ces dernières années, les agences spatiales du monde entier ont apporté une contribution essentielle au soutien de ces activités. Des instruments plus nombreux et plus performants sont en train d’être déployés sur un nombre de satellites qui ne cesse de grandir, fournissant des informations sur des variables géophysiques supplémentaires. Toutefois, les SMHN ne sont pas toujours en mesure d’accéder à tout l’ensemble des données d’observation qu’ils pourraient utiliser à partir de ces systèmes spatiaux; des compromis doivent être faits pour réduire le volume des données qui leur sont transmises.
Pour ce qui concerne les observations en surface, de nombreux problèmes doivent être surmontés durant la mise en place et la maintenance des systèmes d’observation eux mêmes. Mais même lorsque ces problèmes sont résolus, d’autres difficultés peuvent surgir quand il s’agira de communiquer les observations aux utilisateurs en temps voulu et de manière efficace. Ces difficultés peuvent être liées à un certain nombre d’éléments:
- Politique en matière de données (voir l’article 2);
- Infrastructure de télécommunication nationale et internationale;
- Métadonnées – informations accompagnant les observations et permettant aux utilisateurs de les interpréter;
- Améliorations spécifiques apportées pour répondre à l’évolution des besoins de l’utilisateur, telles que la transition vers les données de radiosondage à haute résolution verticale;
- Explosion du volume des données, associées en particulier aux systèmes de télédétection au sol, par exemple, les radars météorologiques.
De plus, alors que l’échange de données dans les premiers temps de l’OMM (voir l’article 1) était principalement axé sur l’échange d’observations, le besoin d’échanger d’autres types de données et de produits météorologiques s’est fait de plus en plus sentir au fil des ans. Ces types de données supplémentaires permettent à présent de déterminer certains des besoins en termes d’amélioration des technologies de communication. S’agissant des volumes de données, les principales difficultés sont liées au besoin d’échanger les produits de prévision numérique du temps (PNT) ou, plus généralement, des modèles de système Terre, ainsi qu’à la résolution croissante de ces modèles et, partant, aux volumes de données qu’ils génèrent.
Dans la suite du présent article, nous présentons i) l’évolution des réseaux d’échange de données existants de l’OMM, ii) ce qui est déjà fait pour résoudre les problèmes d’échange de données en suspens, et iii) ce qui est prévu, et iv) comment l’ensemble de la communauté de l’OMM participera à l’amélioration de l’échange des données dont tous ses Membres dépendent.
Brève histoire du SMT, du SIO et de leurs limites
Figure 1. Le SMT selon la définition de l’OMM de 1969 et dans son état «presque actuel» encore aujourd’hui. |
En 1971, le Sixième Congrès météorologique mondial a approuvé le Manuel du Système mondial de télécommunications (SMT) (OMM-N° 49), engageant ainsi le début de la vie opérationnelle du Système. Selon la définition du Manuel, le SMT est le «Système mondial coordonné qui se compose d’installations de télécommunications exploitées selon des dispositions propres à assurer rapidement le rassemblement, l’échange et la diffusion des données d’observation et d’information traitée dans le cadre de la Veille météorologique mondiale.».
Au cours des cinquante dernières années, le SMT a maintenu un échange continu et en temps réel de données essentielles, en fournissant des observations aux centres du Système mondial de traitement des données et de prévision et en diffusant les informations traitées aux SMHN. Malgré une certaine évolution des technologies utilisées pour l’échange de données, les bases techniques du SMT sont restées inchangées. L’apparition d’une connectivité mondiale de plus en plus rapide et à large bande passante au moyen de l’Internet offre désormais de nouvelles perspectives d’évolution au SMT.
L’architecture du SMT est l’un des exemples du mécanisme dit de «réception et retransmission»: un message reçu par un centre est enregistré, puis retransmis au centre «suivant» dans le cadre de la topologie complexe illustrée à la figure 1. Ce mécanisme, antérieur à l’Internet, se fonde sur l’utilisation de réseaux privés pour assurer une disponibilité élevée des connexions entre les SMHN. Aujourd’hui, cependant, la migration opérée vers l’Internet pourrait fournir un niveau de résilience similaire à moindre coût. Un autre exemple est l’utilisation d’identifiants, appelés «en-têtes du SMT», qui permettent d’acheminer les données à travers le réseau complexe représenté à la figure 1. Ces en-têtes, basés sur des groupes de six lettres, sont attribués de manière statique aux bulletins, et des «tables d’acheminement» sont maintenues dans chaque centre de transmission pour diriger les messages le long de l’itinéraire prévu sur le réseau. Bien que ce mécanisme ait fonctionné avec succès au cours des cinquante dernières années, la nature statique des tables d’acheminement et la syntaxe relativement simple des identifiants du SMT ne peuvent pas se prêter à l’explosion actuelle du volume et de la variété des données. Aujourd’hui, étant donné le besoin grandissant de données diversifiées, le mécanisme d’acheminement constitue l’une des limites structurelles les plus graves du SMT. Une refonte du système en profondeur est nécessaire pour y remédier.
Une autre limite du SMT réside dans la complexité de la topologie retenue, qui exige un niveau de coordination entre les Membres de l’OMM parfois difficile à atteindre, et ce, pour diverses raisons techniques et politiques. La possibilité d’une simplification radicale de la topologie de l’échange de données n’aurait pas pu être anticipée au cours des premières années du SMT. Aujourd’hui, avec le Web comme colonne vertébrale de l’échange mondial des données et de l’information, il existe une voie à suivre, clairement ouverte, qui pourrait aider l’OMM à résoudre de nombreux problèmes de fond posés par l’architecture du SMT.
Une initiative importante visant à améliorer le Système et à résoudre ces difficultés a été engagée en 2007 par le Quinzième Congrès météorologique mondial, le besoin s’étant fait sentir de fournir un accès aux données aux entités non directement connectées au SMT. Il en a résulté l’élaboration du Système d’information de l’OMM (SIO), destiné à compléter le SMT. Le SIO fournit un catalogue consultable et un cache de données mondial permettant d’offrir des services supplémentaires de recherche, d’accès et d’extraction au moyen de portails Web, gérés par 15 centres mondiaux du système d’information (CMSI) spécialement désignés, chacun d’eux étant exploité par un Membre de l’OMM.
Le SIO a également défini de nouveaux rôles pour les centres de l’OMM à l’échelle mondiale, étant entendu qu’il fallait améliorer la coordination entre les Membres et faciliter l’échange de données au-delà de la Veille météorologique mondiale. Cependant, le SIO continue d’utiliser le SMT comme son service opérationnel sous jacent pour l’échange de données, l’ayant seulement assorti de quelques améliorations mineures, ce qui le fait ainsi hériter de la plupart de ses limites intrinsèques.
Retrouver des données et y avoir accès au moyen du SIO et du SMT
Des équipes de techniciens spécialisés dans le fonctionnement du SMT veillent à l’acquisition et à la livraison continues de données à l’appui des activités opérationnelles des SMHN. Il reste que retrouver des données à partir du SMT et y avoir accès exigent des connaissances spécialisées qui ne sont disponibles qu’au sein d’une communauté restreinte d’experts du SMT issus de SMHN disposant pour la plupart de ressources importantes. Autant dire que les SMHN des Membres de l’OMM les moins avancés ont rarement les moyens leur permettant d’accéder à ce précieux flux de données en temps réel et de l’utiliser, et que les autres institutions et le grand public se voient totalement privés de cette possibilité.
La mise en œuvre du SIO, à compter de 2007, s’est traduite par le fait que les utilisateurs du monde entier pouvaient désormais, en principe, rechercher des données et y accéder librement ou demander à leurs propriétaires l’autorisation de le faire. Toutefois, même s’il permet la publication de nombreux ensembles de données provenant du SMT et d’autres sources, le SIO n’a jamais totalement rempli son objectif initial, à savoir celui de faciliter l’accès aux données de l’OMM. Les utilisateurs du SIO se sont heurtés à plusieurs problèmes:
- L’interface complexe du portail n’offre pas à ses utilisateurs une expérience sans discontinuité;
- Les recherches renvoient trop de résultats;
- Les recherches renvoient une diversité de types de données et de produits, ce qui fait qu’il est difficile pour les utilisateurs de procéder à des recherches plus pointues;
- Les liens périmés rendent les données inaccessibles;
- Les formats de données spécialisés de l’OMM, ajoutés au nombre réduit d’outils de traitement disponibles, rendent problématique l’utilisation des données extraites.
Les 15 CMSI fournissent une diversité d’interfaces Web. Cependant, les portails des CMSI sont moins utiles qu’il était prévu à l’origine car ils présentent trop d’obstacles pour les utilisateurs non experts. Le catalogue du SIO comprend actuellement plus de 100 000 enregistrements publiés par plusieurs centaines d’entités, alors qu’ils ne témoignent pas tous de normes de description homogènes. La complexité de l’information inhérente à chaque enregistrement soulève des difficultés quant au maintien d’un catalogue cohérent et efficace, assorti de métadonnées utiles et de haute qualité. Cela rend souvent les recherches inefficaces: trouver des données sans l’aide d’experts du SMT peut s’avérer une tâche impossible si l’on utilise le modèle actuel de catalogue du SIO. En définitive, le catalogue du SIO se trompe donc de cible – l’intention initiale qui avait pour objet de faire connaître le SMT aux non-experts au moyen des portails de recherche n’a pas porté ses fruits. De plus, la traduction du langage utilisé par le SMT et des structures et formats de données spécifiques à l’OMM fait actuellement défaut. Sans cette traduction, les données n’atteindront pas le public plus large recherché.
La diversité et le volume croissants des données utilisées par les SMHN font des méthodes permettant actuellement de rechercher des données à partir du SIO et d’y avoir accès une solution inadaptée à la surveillance et à la prévision du système Terre. Il est donc urgent pour l’évolution future du SIO de rompre avec le passé et de faire un bond en avant important en matière de technologies et d’architecture. Une nouvelle approche est essentielle si l’on veut rendre les données accessibles à tous les SMHN, en particulier à ceux des pays les moins avancés, aux organisations extérieures qui favorisent la recherche et soutiennent l’évolution des programmes de l’OMM, ainsi qu’à la communauté croissante des autres utilisateurs potentiels de ces données dans le monde entier.
La version 2.0 du SIO
La version 2.0 du SIO est en cours de conception et de réalisation pour résoudre les problèmes posés par la mise en œuvre actuelle du SIO et du SMT mentionnés ci-dessus: répondre à la demande en matière de volume et de diversité de données, ainsi que de vitesse. Ce faisant, le SIO 2.0 permettra aux données météorologiques, hydrologiques et climatologiques faisant autorité de devenir plus pertinentes que jamais pour chacun.
Le SIO 2.0 fournira une infrastructure, des données et des services beaucoup plus facilement exploitables, ce qui engendrera un partage des données simple et accessible pour l’ensemble de la communauté de l’OMM et au-delà. Toutefois, un tel résultat ne sera pas atteint par hasard étant donné que le SIO 2.0 repose sur trois piliers fondamentaux:
- Un échange de données plus simple;
- Des normes ouvertes;
- Une infrastructure en nuage.
Figure 2. Schéma du SIO 2.0. |
Un échange de données plus simple
Le SIO 2.0 privilégie l’utilisation des réseaux de télécommunication publics, alors que les liaisons du SMT utilisent les réseaux privés. L’utilisation de l’Internet permettra de faire le meilleur choix en matière de connexion locale, en recourant à une technologie communément disponible et bien maîtrisée.
Le SIO 2.0 s’appuiera donc sur la mise en œuvre de l’objectif 9 des objectifs de développement durable (ODD) des Nations Unies comme il la soutiendra activement, cet objectif visant notamment à fournir un accès universel à l’Internet à un coût abordable aux pays les moins avancés (PMA).
Figure 3. Protocoles de messages basés sur des normes ouvertes dans le SIO 2.0. |
Le World Wide Web est la colonne vertébrale du partage de l’information moderne et universel. L’adoption des technologies Web en tant que cœur du SIO 2.0 permettra fondamentalement d’améliorer la découverte et l’utilisation des données sur le temps, le climat et l’eau, ainsi que d’accéder plus facilement à ces données. Le Web fournit également une plate-forme véritablement collaborative en vue d’une approche plus participative, dans le cadre de laquelle les utilisateurs ne sont plus de simples observateurs.
L’échange de données au moyen du Web facilite également les mécanismes d’accès. Les SMHN peuvent publier leurs données sous forme de répertoires de f ichiers plats, ainsi qu’au moyen des interfaces API6 des services Web, afin de permettre une découverte, un accès et une visualisation dynamiques, les utilisateurs étant ainsi en mesure de télécharger exactement ce qu’ils recherchent. Les navigateurs et les moteurs de recherche permettent aux utilisateurs du Web de découvrir des données sans avoir besoin d’un logiciel spécialisé. Le Web permet aussi à d’autres plates-formes d’avoir accès aux données, par exemple aux systèmes d’information géographique (SIG) de bureau, aux applications mobiles, aux stations de travail des prévisionnistes, etc.
La fourniture de données sur le Web ne signifie pas automatiquement que toutes les données sont librement accessibles à tous sans restriction d’utilisation. Les contrôles d’accès et les mesures de sécurité ayant été conçus pour des applications telles que la banque en ligne et le commerce électronique peuvent être mis en œuvre pour limiter l’accès aux données et aux services si nécessaire. Les technologies du Web permettent également l’authentification et l’autorisation en cas de besoin, pratiques qui donnent au fournisseur le moyen de conserver le contrôle de qui peut accéder aux ressources publiées, et de demander aux utilisateurs d’accepter une licence spécifiant les conditions générales d’utilisation des données comme la condition préalable à leur accès.
Le SIO 2.0 ne distribuera pas les données sur le réseau comme le SMT le fait aujourd’hui. L’échange de données en temps réel sera mis en œuvre au moyen de normes ouvertes selon le modèle de «publication-abonnement», grâce à un système simple de messagerie de groupe, analogue à celui d’un «WhatsApp pour la météo». Les fournisseurs de données seront en mesure de publier leurs données via des services Web, et les utilisateurs pourront demander à s’abonner aux flux de données qui les intéressent. Lorsque de nouvelles données seront disponibles, les utilisateurs abonnés les recevront immédiatement, de la même manière que les utilisateurs reçoivent un message d’un groupe WhatsApp auquel ils appartiennent.
L’utilisation des normes ouvertes
Le SIO 2.0 utilisera les normes existantes du secteur, qui sont ouvertes et accessibles au public. Dans l’écosystème actuel de l’élaboration des normes, les organismes de normalisation travaillent en étroite collaboration afin de réduire au minimum les chevauchements et de s’appuyer sur les domaines d’expertise de chacun. Le World Wide Web Consortium fournit le cadre des normes Web, qui sont exploitées par l’Open Geospatial Consortium et d’autres grands organismes de normalisation. L’utilisation de normes ouvertes par l’OMM repose sur le principe de l’«élaboration par exception». Elle utilisera les normes ouvertes qui ont été adoptées par le secteur et dont la mise en œuvre est stable, robuste et plus large, ce qui permettra d’étendre la portée du partage des données de l’OMM et de lever les obstacles à l’accès des Membres.
Les normes ouvertes permettent également aux organisations d’accéder à un large éventail de logiciels disponibles (libres et propriétaires). Cela permet de réduire les coûts de développement et de maintenance des logiciels, ainsi que les obstacles à leur mise en œuvre et à leur utilisation. Les organisations pourront choisir parmi les outils existants ceux qui leur permettront d’accéder aux données qu’elles auront sélectionnées et de les utiliser rapidement et efficacement.
Une infrastructure en nuage
Les satellites, les radars et les modèles numériques n’ont jamais généré autant de données. Le stockage, la gestion et le traitement de ces données requièrent une infrastructure coûteuse. De plus, les volumes de données deviennent si importants qu’il est de moins en moins pratique de télécharger toutes les données qui doivent être traitées localement par l’utilisateur. Une meilleure approche consiste à rapprocher traitement et données en utilisant la technologie du nuage. La fourniture d’infrastructures et de logiciels en tant que service par les plates-formes en nuage permet un traitement proche des données dans des environnements qui peuvent être facilement reproduits et réutilisés.
Certes, le SIO 2.0 n’imposera pas l’utilisation du nuage, mais il incitera les centres du SIO à adopter les technologies en nuage lorsqu’elles répondront aux besoins de leurs utilisateurs. Ainsi, s’il est vrai que les règlements techniques de l’OMM n’imposeront pas l’utilisation des services en nuage, le SIO 2.0 n’en fera pas moins la promotion de l’adoption progressive des technologies en nuage lorsqu’elles offrent la solution la plus efficace.
L’infrastructure en nuage fournit une solution «clés en main» pour héberger des données et des services de manière flexible. Cela signifie qu’un système mis en œuvre par tel ou tel pays peut être offert et déployé facilement dans d’autres pays ayant des besoins similaires. L’utilisation des technologies en nuage permettra au SIO 2.0 de déployer efficacement l’infrastructure et les systèmes avec un minimum d’efforts pour les SMHN, en livrant des services prêts à l’emploi et en permettant la mise en œuvre de techniques cohérentes de traitement et d’échange de données.
Il convient de préciser que l’hébergement de données et/ou de services dans le nuage ne porte en rien atteinte à la propriété des données. Même dans un environnement en nuage, les organisations restent propriétaires de leurs données, de leurs logiciels, de leur configuration et de la gestion du changement, exactement comme si elles hébergeaient leur propre infrastructure. Par conséquent, l’autorité et la provenance en matière de données continuent de relever de l’organisation, le nuage étant simplement un moyen technique de publier les données.
Les services en nuage sont certes des outils très efficaces pour fournir des infrastructures et des logiciels. Cependant, la nécessité de financer ces services de manière continue pose un problème à certains Membres et ne correspond pas exactement aux modèles économiques ordinairement utilisés par les organismes internationaux de développement. Il reste que des possibilités existent d’obtenir un financement de démarrage, un appui technique et de la formation auprès des sociétés de services en nuage. En effet, une telle possibilité est à l’examen dans le cadre du projet de démonstration du SIO 2.0 intitulé «Malawi Automatic Weather Stations Data Exchange» (Échange de données entre les stations météorologiques automatiques du Malawi). Les services en nuage fournis gratuitement à l’OMM par Amazon permettront le développement d’un système d’échange de données du SIO 2.0 susceptible d’être déployé dans d’autres pays. Le besoin continu de financement pourrait être couvert par l’initiative du mécanisme de financement des observations systématiques (SOFF)7. Cette perspective est l’occasion de rendre l’échange de données d’observation constant et fiable dans des régions où le manque de données est un problème de longue date qui affecte la qualité des PNT et les performances des systèmes d’alerte précoce.
Une nouvelle approche de la mise en œuvre du SIO 2.0
Le SIO 2.0 s’appuiera sur les enseignements tirés de l’élaboration et de la mise en œuvre du SIO, notamment de son succès limité quant à la réponse à apporter aux besoins de la communauté élargie de l’OMM. Une approche de la mise en œuvre plus collaborative est prévue, qui contribue à lever les obstacles et à accroître la participation au système des Membres de l’OMM et des organisations partenaires. À l’instar de nombreuses initiatives modernes en matière de données, le SIO 2.0 adopte une approche de codéveloppement, en travaillant avec des organisations afin de participer au SIO tout en faisant évoluer de manière itérative le cœur du système. Une attention particulière sera accordée aux besoins des PMA et à la nécessité de ne laisser personne de côté.
La réussite du SIO 2.0 repose essentiellement sur ses principes8. Ces derniers comprennent un ensemble de pratiques techniques et de travail visant à moderniser l’accès afin de promouvoir la découvrabilité des données et des ressources d’information et d’y accéder tout en améliorant l’efficacité de l’échange de données physiques.
La participation au SIO 2.0 qui joue un rôle fondamental et le portefeuille de projets de démonstration du SIO 2.0 constituent deux éléments essentiels du codéveloppement. La participation au SIO est assurée au moyen des associations régionales de l’OMM, des différents programmes de l’OMM et des partenaires extérieurs tels que la Commission océanographique intergouvernementale (COI) de l’UNESCO et le secteur privé. Cela permet de déterminer à l’avance et en permanence les besoins des utilisateurs et des contributeurs et les possibilités qui leur sont offertes, les obstacles à la participation et tous les facteurs à prendre en compte par les équipes qui élaborent l’architecture et les composants techniques du SIO 2.0. Pendant ce temps, les projets de démonstration du SIO 2.0 examineront, démontreront et feront évoluer les éléments du SIO 2.0 par des initiatives ciblées s’inscrivant dans le respect des principes du SIO 2.0.
Le codéveloppement du SIO 2.0 au moyen des projets de démonstration
Les projets de démonstration ont été sélectionnés en fonction de leur conformité aux principes du SIO 2.0, de leur rôle dans l’évolution et la validation des concepts, des solutions et de l’approche de mise en œuvre du SIO 2.0, de leur démonstration des avantages que le SIO 2.0 apportera à la communauté de l’OMM et de la coopération apportée par plusieurs Membres de l’OMM participant au projet. Ces projets concernent plusieurs éléments, à savoir:
- Recherche des données – Les activités comprennent des enquêtes sur la description de données légères (métadonnées), le catalogage et la recherche, et la mise en œuvre d’un catalogue modernisé, couvrant la zone de responsabilité du CMSI de Beijing, dont les données peuvent être indexées et recherchées par des moteurs de recherche commerciaux.
- Échange des données – Les activités comprennent des enquêtes sur les protocoles d’échange de données légères en tant que solution de rechange moderne axée sur le Web à l’échange de données du SMT, ainsi que l’établissement d’accords d’échange de données au moyen de formats du secteur, notamment le format NetCDF (Network Common Data Form).
- Domaines du système Terre – Les activités comprennent l’échange de données entre des applications spécifiques liées aux domaines du système Terre, ainsi que des démonstrations d’approches légères visant à lever les obstacles pour les centres participants.
- Appui aux PMA, aux petits États insulaires en développement (PEID) et aux territoires – Les activités comprennent la modernisation de l’échange de données des stations météorologiques automatiques du Malawi afin de répondre aux besoins en matière de prévision, ainsi que la mise en œuvre d’interconnexions entre le CMSI de Casablanca et les centres situés dans sa zone de responsabilité et l’utilisation de l’Internet pour l’échange de données.
Le SIO 2.0 et l’appui aux PMA
Bien que le réseau des centres du SIO soit bien implanté et pleinement opérationnel, on sait qu’il existe des régions où la disponibilité des données est encore très faible. C’est pourquoi le SIO 2.0 mettra tout particulièrement l’accent sur l’amélioration de la disponibilité des données en aidant les PMA à résoudre les problèmes posés par l’échange et l’exploitation des données. L’alliance de normes et de protocoles légers, de technologies en nuage et de l’Internet public permettra aux PMA de tirer parti des capacités quand elles existent, et de gérer la complexité en levant les obstacles technologiques et en optimisant l’échange de données pour tenir compte des limites de l’infrastructure.
Là encore, le projet de démonstration d’échange de données des stations météorologiques automatiques du Malawi fournit un exemple de cette action. Ce projet vise à moderniser l’échange de données régional afin de remédier aux insuffisances persistantes observées au niveau de la couverture des données d’observation. L’action à mener comporte une combinaison d’améliorations de l’infrastructure cellulaire, d’optimisation des processus et de mises à niveau des systèmes informatiques afin de tirer parti du nuage en matière de fiabilité et de durabilité, et de permettre le flux de données via le SIO 2.0.
Appuyer les Membres dans le cadre de la transition vers le SIO 2.0
Comme il a été expliqué plus haut, la composante fondamentale du SIO est constituée par le SMT, le réseau privé spécialisé et la pile technologique utilisés pour l’échange mondial de données en temps réel. On sait que, même si une architecture modernisée et des normes et protocoles plus légers facilitent la participation au SIO 2.0, l’abandon du SMT, comme on l’envisage pour le projet, devra aller de pair avec un soutien spécifique pour faire en sorte que les Membres soient en mesure de réaliser une migration en douceur. Un appui sera apporté aux Membres dans le cadre de la transition vers le SIO 2.0 au moyen d’une combinaison de formation, d’information et de développement de communautés de pratique pour leur permettre de se concentrer sur les défis posés par certains aspects de la transition. Une stratégie de gestion du changement sera mise en œuvre dans le cadre du projet, la migration depuis le SMT étant gérée avant sa fermeture ultérieure. La pleine participation des Membres à cette tâche sera cruciale pour que la migration soit menée à terme aussi efficacement que possible, et l’équipe du SIO 2.0 est disponible pour apporter de l’aide sur demande.
Faciliter la mise en œuvre de la politique unifiée en matière de données au moyen du SIO 2.0
Le SIO 2.0 représente la prochaine étape de l’infrastructure d’échange de données de l’OMM. Il fournira les moyens technologiques de mettre en œuvre la nouvelle politique unifiée de l’OMM en matière de données. Il permettra au propriétaire de données de mieux contrôler la manière dont celles-ci sont partagées et utilisées en autorisant un accès libre ou restreint, selon les besoins. Le SIO 2.0 offre une occasion unique de surmonter les difficultés posées depuis longtemps par le SMT, en permettant aux SMHN, à la communauté élargie de l’OMM et à de nombreux autres utilisateurs dans le monde entier d’accéder plus facilement que jamais aux données météorologiques et climatiques ainsi qu’aux données connexes du système Terre. Les besoins sont urgents, la vision est claire et mobilisatrice, et le travail de migration est maintenant en cours. Le SIO 2.0 jouera un rôle essentiel pour combler le déficit de capacité et renforcer la résilience mondiale face à l’augmentation des risques météorologiques et climatiques.
Footnotes
[1] Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (2021). Sixth Assessment Report, Working Group 1 – the Physical Science Basis.
[3] OMM (1995). Politique et pratique adoptées par l’OMM pour l’échange de données et de produits météorologiques et connexes et principes directeurs applicables aux relations entre partenaires en matière de commercialisation des services météorologiques. Résolution 40, Douzième Congrès météorologique mondial, 1995.
[4] Zillman, J.W. (2018). “International Cooperation in Meteorology, Part 2: The Golden Years and their Legacy”. Weather, 73 (11), p. 341-347, 2018.
[6] Application Programming Interfaces, or software intermediaries that allow two applications to talk to each other
[7] Le mécanisme de financement des observations systématiques est un moyen proposé par l’Alliance pour le développement hydrométéorologique de fournir une assistance technique et financière permettant aux pays en développement de produire et d’échanger des données d’observation de base essentielles à l’amélioration des prévisions météorologiques et des services climatologiques.
[8] OMM INFCOM-1-INF04-1-3(1)
Par Rémy Giraud, Météo-France, Jeremy Tandy et John Eyre, Service météorologique du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord (Met Office), Tobias Spears, Pêches et Océans Canada, Tom Kralidis, Service météorologique du Canada, Robert A. Varley (Royaume-Uni) et Enrico Fucile, Secrétariat de l’OMM