Le lien entre l’océan et le climat

22 mars 2021
  • Author(s):
  • Par Sabrina Speich, professeure à l’École Normale Supérieure et Weidong Yu, professeur à l’Université Sun Yat-Sen

L’océan est une fine couche d’eau salée qui couvre 71 % de laTerre et renferme 96 % de l’eau du globe. Il abrite la diversité biologique la plus variée de la planète et est à l’origine d’environ 50 % de la production primaire brute. Il fait également fonction de thermostat de la Terre, en absorbant et transformant une part importante du rayonnement solaire qui atteint la surface du globe. Il fournit de la vapeur d’eau à l’atmosphère et échange avec celle-ci de la chaleur, dessinant les contours du temps et du climat terrestres et de leur variabilité sur un large éventail d’échelles temporelles, qui vont de quelques heures à plusieurs millénaires. Il atténue les changements climatiques en absorbant la quasi-totalité de l’excès de chaleur (89 %, Von Schuckmann et al., 2020) et un quart du CO2 (Friedlingstein et al., 2020) produits par les activités humaines.

L’océan reçoit la chaleur du rayonnement électromagnétique solaire, principalement dans les régions tropicales. Il existe un va-et-vient constant d’eau, d’énergie et de carbone entre la surface de l’océan et l’atmosphère, à toutes les latitudes où l’océan n’est pas sous les glaces. L’océan n’est pas statique et les courants océaniques redistribuent l’excès de chaleur reçu dans les zones tropicales vers des latitudes plus élevées, et vers les profondeurs océaniques. Ces déplacements sont plus intenses aux hautes latitudes, c’est-à-dire dans les régions polaires, là où les eaux de surface deviennent plus denses et s’enfoncent, principalement sous l’effet des fortes pertes de chaleur. L’échelle temporelle de ces déplacements et redistributions est très variable, allant d’une saison ou une année dans les régions tropicales à une décennie dans les couches de surface et à plusieurs centaines, voire milliers d’années dans les couches profondes.

Le transport mondial de chaleur, d’eau douce et de carbone assuré par les océans est non seulement comparable en taille aux flux opérés par l’atmosphère, mais l’océan est le principal réservoir de ces propriétés pour l’atmosphère. L’échange continu de ces propriétés entre l’océan et l’atmosphère et leur stockage dans l’océan font de ce dernier un régulateur essentiel du temps et du climat à toutes les échelles temporelles (des minutes aux millénaires: voir par exemple Smith et al., 2012; Doblas-Reyes et al., 2013; Kirtman et al., 2013; Meehl et al., 2014), étendant ainsi la prévisibilité du système terrestre à ces échelles. Les systèmes de prévisions saisonnières et décennales reposent principalement sur la prévision précise des modes de variabilité rapide et lente de l’océan et de leur rôle dans la modulation de l’atmosphère (Kirtman et al., 2013). Pour garantir la fiabilité et l’utilité des prévisions, les modèles doivent être initialisés avec les observations de l’océan.

Il est essentiel que les observations de l’océan soient effectuées en temps utile et dans la durée, à la fois par satellite et in situ, pour pouvoir élaborer des prévisions fiables qui répondent aux attentes et aux besoins de la société (Smith et al., 2012). La plupart des informations qui sous-tendent ces prévisions proviennent de systèmes d’observations effectuées à l’échelle d’un bassin océanique et qui sont coordonnés à l’échelle mondiale. Les principaux groupes internationaux de prévision météorologique et climatique, parmi lesquels le Centre européen pour les prévisions météorologiques à moyen terme (CEPMMT), le Service météorologique national (NWS) de l’Administration américaine pour les océans et l’atmosphère (NOAA) et l’OMM, ont besoin d’informations sur les océans pour ouvrir la voie à une économie bleue résiliente et durable. En outre, le public reconnaît de plus en plus volontiers qu’il est éminemment important de disposer d’informations sur l’état actuel et futur des océans pour répondre aux besoins divers des utilisateurs. Il s’agit notamment de mieux observer et prévoir les vagues, les courants, le niveau de la mer, la qualité de l’eau et l’abondance des ressources marines vivantes, ainsi que d’améliorer les services de prévision maritime, météorologique et climatique.

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