L’échange de données à l’appui du développement durable: Version 2.0 du Système d’information de l’OMM

17 avril 2019
  • Author(s):
  • JaJane Wardle et Jeremy Tandy, Service météorologique du Royaume-Uni

Est-ce que l’informatique en nuage et l’apprentissage automatique permettront de nouvelles percées dans le domaine du temps, du climat et de l’eau? Les progrès exceptionnels survenus ces dernières décennies dans les technologies et leur emploi ont modifié pour toujours notre façon de vivre et de travailler. Les ordinateurs n’ont jamais été aussi puissants; les téléphones intelligents glissés dans nos poches sont plus rapides que le supercalculateur Cray-2 du milieu des années 1980. Quatre-vingt-dix pour cent de toutes les données qui existent aujourd’hui ont été créées ces deux dernières années. L’informatique en nuage nous permet de stocker et de traiter facilement d’immenses volumes de données. L’apprentissage automatique aide les chercheurs à analyser des jeux de données d’une ampleur considérable qui entraînent des découvertes en agriculture, génomique, physique des particules, etc. Cinquante-cinq pour cent de la population mondiale a utilisé Internet en 2018, au-delà de trois milliards de personnes utilisent régulièrement les médias sociaux. Est-ce que cela présente un intérêt pour l’entreprise météorologique mondiale?

De plus en plus de sociétés privées recourent aux données et aux technologies pour accroître leur rentabilité. Les innovations qui en découlent ont souvent des retombées utiles dans la société. Ainsi, l’organisation Global Fishing Watch (https://globalfishingwatch.org/) concourt à préserver les océans en dévoilant les activités de pêche illicite. Pour déterminer si un bâtiment est en train de pêcher, des algorithmes d’apprentissage automatique recherchent certaines configurations dans un grand volume de données sur le suivi des navires et une multitude d’images provenant de satellites. Les activités mondiales sont diffusées sur le Web en temps quasi réel sur une carte interactive librement accessible. N’importe qui peut maintenant voir quel navire pêche et où, ce qui ouvre des possibilités sans précédent sur le plan de la gestion de la pêche et de l’action publique pour la sauvegarde des aires marines protégées.

Les données météorologiques sont cruciales pour prendre des décisions dans de multiples domaines, tels la sûreté publique, l’agriculture, la santé ou les transports. Les nouvelles technologies donnent aux Services météorologiques et hydrologiques nationaux (SMHN) un meilleur contrôle sur les modes d’échange de leurs données et sur les parties qui en bénéficient. Ils peuvent aussi puiser dans les données diffusées au sein de l’entreprise météorologique mondiale pour offrir des services concrets et utiles à la population et au gouvernement.

Nombre de SMHN exécutent déjà avec des partenaires des programmes de modernisation qui exploitent les nouvelles technologies et utilisent plus de données afin d’améliorer les services fournis aux utilisateurs finals. L’Institut national de météorologie du Mozambique, par exemple, élargit sa capacité de modéliser le littoral dans le but d’affiner les services d’alerte précoce qu’il offre au secteur de la pêche et d’atténuer les répercussions du mauvais temps sur le commerce et les transports maritimes en allongeant les délais d’anticipation et, par conséquent, de préparation.

Les services à forte intensité de données comme celui-ci bénéficient grandement de la multiplication des sources de données très diversifiées, d’un accès élargi aux capacités de calcul pour traiter de grands volumes d’informations en temps quasi réel et de l’utilisation des technologies Web pour transmettre directement les renseignements voulus à ceux qui en ont besoin pour prendre des décisions et agir. Cela dit, une formation et le renforcement des capacités seront nécessaires pour que les nouvelles technologies et données se traduisent par une amélioration des services.

Contribution aux programmes mondiaux des Nations Unies

  • Programme de développement durable à l’horizon 2030
  • Accord de Paris sur le climat

Les programmes mondiaux des Nations Unies ont accentué la nécessité d’instaurer une collaboration entre les instances gouvernementales, le secteur privé et les milieux universitaires pour faire face aux difficultés actuelles et futures de la société. Des données météorologiques fiables sont indispensables pour cela. Les Membres de l’OMM doivent faire en sorte que les données de leur SMHN soient mieux connues et plus accessibles, tout en rehaussant l’image de celui-ci en tant qu’autorité pour tout ce qui concerne le temps, le climat et l’eau.

Le Plan stratégique et budget de l’OMM pour la période 2020-2023 est résolument tourné vers l’avenir, tout comme la réforme de la gouvernance qui doit modeler la structure sur la fonction. Le Congrès météorologique mondial étudiera ces deux éléments en juin 2019. Les données et les systèmes d’information occupent une grande place dans ce domaine, en garantissant que l’Organisation se prépare aux technologies de demain et en permettant aux Membres de contribuer utilement à la prévention des catastrophes et au développement durable.

data collection

Notre passé

Le Système mondial de télécommunications (SMT), l’un des trois piliers de la Veille météorologique mondiale (VMM), a été créé dans les années 1970. Coordonné à l’échelle du globe, il devait aider les Membres à échanger entre eux des données et produits à l’appui de la prévision du temps en exploitation. Depuis quarante ans, le SMT achemine avec efficacité et rapidité des informations cruciales entre les SMHN, 24 heures par jour, 365 jours par an.

Sensible à l’importance que revêtent les données météorologiques dans tous les secteurs – et pas seulement pour les SMHN –, le Congrès a entériné l’entrée en service du Système d’information de l’OMM (SIO) en 2007. Ce dernier englobe et prolonge le SMT, y ajoutant un catalogue de données, un portail de recherche et divers mécanismes d’abonnement et de téléchargement des données échangées. Les Membres ont mis sur pied des centres qui diffusent les données et dispensent les services dont ont besoin les pays, les régions et les programmes de l’OMM.

La difficulté

Bien qu’il permette à tous les programmes de l’OMM d’exploiter davantage de données et aux systèmes externes d’y accéder, le SIO est perçu comme une infrastructure spécialisée, réservée aux échanges entre spécialistes de la météorologie. Comme le Système est centré sur le SMT et sur l’appui à la VMM, il peut être difficile de trouver les données et produits d’autres programmes de l’OMM et de la communauté météorologique en général. Autrement dit, nos données ne sont pas exploitées à leur pleine valeur, tout comme les compétences de nos SMHN.

Notre avenir

Le SIO 2.0 réaffirme la raison d’être du Système, soit élargir l’accès aux données et aux produits sur l’environnement. Il facilitera la recherche et l’obtention directe d’informations dignes de foi provenant d’une diversité de sources. Ces améliorations soutiennent la réforme engagée dans le but d’améliorer le fonctionnement de l’Organisation.

Les progrès technologiques et la demande d’informations très diverses émanant d’utilisateurs plus avertis et compétents modifient rapidement la prestation de services et les modèles économiques dans de nombreuses régions du monde.

- Projet de Plan stratégique de l’OMM pour la période 2020-2030

Le SIO 2.0 fera en sorte que les données soient mieux connues et plus faciles à obtenir, contribuant par là à affermir l’image des SMHN en tant qu’organismes faisant autorité pour les questions relatives au temps, au climat et à l’eau. Il aidera aussi à suivre de près l’utilisation des données, ces dernières pouvant être échangées librement et gratuitement ou être transmises sous condition ou sous licence commerciale. Grâce à de solides dispositifs de recherche et d’utilisation, le SIO 2.0 permettra aux SMHN de fournir de meilleurs services au gouvernement et à la population, car ils bénéficieront d’un plus grand volume de données provenant de sources diverses et nombreuses.

La réforme de la gouvernance prône ce genre d’ouverture. La future Commission des observations, des infrastructures et des systèmes d’information chapeautera tous les domaines d’activité et appuiera les Membres en créant des mécanismes efficaces d’échange de données à l’échelon mondial.

Commission des observations, des infrastructures et des systèmes d’information

La Commission contribuera à:

  • L’élaboration et la mise en œuvre de systèmes mondiaux coordonnés d’acquisition, de traitement, de transmission et de diffusion des observations du système Terre et des normes correspondantes;
  • La coordination de la production et de l’utilisation des analyses normalisées et des prévisions fondées sur des modèles;
  • L’élaboration et la mise en œuvre de pratiques rigoureuses en matière de gestion des données et de l’information, pour l’ensemble des programmes de l’OMM et les domaines d’application et de services associés.

Bienvenue au SIO 2.0

La nouvelle version du SIO ne correspond pas tant à une révolution qu’à une évolution: les attributions des centres du SIO et la majorité des fonctions du Système restent les mêmes pour l’essentiel. Le véritable changement est le recours au Web pour échanger les données et les informations. Le W3C (World Wide Web Consortium) estime que la Toile est le système d’information réparti le plus performant au monde. Selon l’étude de l’OMM sur les nouveaux enjeux en matière de données, les services Web introduisent de nouveaux concepts en matière d’exploitation qui amélioreront l’efficacité opérationnelle, l’échange d’informations et la prestation de services et permettront aux utilisateurs de tirer un meilleur parti des données.

Avec le SIO 2.0, les centres participants offriront la possibilité d’obtenir et de manier des données par le Web. Contrairement au SIO actuel axé sur les données opérationnelles, la nouvelle version permettra aux centres d’échanger des données anciennes et d’accorder si nécessaire un accès aux archives afin de répondre aux besoins de tous les programmes de l’Organisation. Les centres mondiaux du système d’information (CMSI) continueront à coordonner l’échange des données dans leur domaine de responsabilité et à fournir des services fondamentaux telle la gestion du portail et des catalogues de recherche.data sharing

La communication en temps réel de données et de produits à l’appui de la VMM reste une exigence de fond. Les protocoles de messagerie moderne qu’utilisent les réseaux sociaux tels WhatsApp et Twitter viendront compléter les dispositifs actuels d’échange sur le SMT.

Le SMT emploie déjà des réseaux régionaux administrés, ou «réseaux de zone pour la transmission de données météorologiques», basés sur des réseaux administrés à haute performance et Internet. Dans ce genre de configuration, l’acheminement intermédiaire des messages entre les centres est confié à l’infrastructure sous-jacente, du point d’origine au point de destination. Le SIO 2.0 profitera de ce changement pour cesser progressivement l’emploi des tables d’acheminement et des en-têtes de bulletins.

Fondé sur la technologie Web, le SIO 2.0 appliquera les normes ouvertes les plus courantes et les pratiques recommandées par l’industrie. Ainsi, l’ensemble des utilisateurs pourra facilement rechercher, consulter et exploiter des informations météorologiques, hydrologiques et climatologiques dignes de foi. Grâce à une technologie de base commune, les SMHN auront aussi plus de facilité à s’associer à des tiers pour fournir des services aux utilisateurs finals.

La communication de données par le Web ne signifie pas forcément que ces ressources sont accessibles à tous sans restriction. Il est possible d’inclure des procédures d’authentification et d’autorisation au besoin: le fournisseur peut déterminer qui est autorisé à consulter ses ressources et demander à l’utilisateur d’accepter les conditions d’utilisation avant d’avoir accès aux données.

Les modalités de mise en œuvre de la version 2.0 du SIO comportent onze principes qui guideront l’évolution technique du Système de la manière esquissée ci-dessus.

Mégadonnées et nuage

Alors que les satellites, les radars et les modèles numériques produisent plus de données que jamais, le Congrès météorologique mondial concluait en 2015 que la plupart des Membres étaient «mal préparés» à ce changement. Le stockage, la gestion et le traitement des mégadonnées exigent une infrastructure coûteuse. En outre, le volume de données est si grand que le téléchargement prend trop de temps pour répondre aux besoins opérationnels.Data sharing

Les centres du SIO qui diffusent de grands volumes de données devraient penser à la capacité de les manier lorsqu’ils conçoivent leurs services Web. Au lieu d’obliger à télécharger des jeux de données complets pour un traitement local, ils devraient offrir aux utilisateurs la possibilité de transférer uniquement les données ou informations dont ils ont vraiment besoin. Les services pourraient varier en complexité – de l’extraction d’un sous-ensemble géographique de données à l’exécution d’un modèle de prévision du temps à domaine limité. Dans les deux cas, l’infrastructure du fournisseur doit traiter les données de manière que le produit résultant puisse être facilement téléchargé et exploité.

Lorsque le traitement est complexe, intensif ou très spécifique, les centres du SIO devraient envisager de recourir aux technologies en nuage pour leurs services.

Le SIO 2.0 n’exige pas d’utiliser le nuage; les centres du SIO y seront encouragés quand ces technologies leur permettront de répondre aux besoins des utilisateurs. Aucune disposition technique n’exigera de recourir au nuage, l’adoption devrait se faire de manière graduelle et naturelle.

L’informatique en nuage n’est pas encore très courante dans les SMHN. Les Membres mettront en commun leur expérience en ce qui a trait à l’adoption et à l’utilisation de ces techniques. En outre, le programme de mise en œuvre de la version 2.0 du SIO comportera des activités de renforcement des capacités dans ce domaine.

La base de données climatologiques Copernicus: exemple d’utilisation du nuage

Pour le compte de la Commission européenne, le Centre européen pour les prévisions météorologiques à moyen terme a créé le Climate Data Store (CDS) au sein du Service Copernicus concernant le changement climatique (https://cds.climate.copernicus.eu/). Cette base de données permet de consulter et de manier sur le Web des pétaoctets de jeux de données climatologiques: observations, réanalyses mondiales et régionales, projections.

La «boîte à outils» du CDS offre aux concepteurs la possibilité d’écrire en langage Python, à partir du Web, un programme de haut niveau pour traiter les jeux de données et afficher les résultats, créant ainsi des applications particulières qui sont fournies aux utilisateurs finals sous forme de services Web. Un aspect crucial de ce programme est son exécution sur une infrastructure en nuage privée qui assure un accès rapide à d’imposants volumes de données, selon une échelle élastique (le qualificatif «élastique» est important quand on parle du nuage, où les applications peuvent élargir et réduire l’utilisation de l’infrastructure en fonction de la demande collective des utilisateurs) pour répondre aux besoins collectifs des utilisateurs. Le CDS permet ainsi d’extraire très facilement les informations voulues de données climatologiques.

Et ensuite?

Les avis des Membres relativement aux modalités de mise en œuvre de la version 2.0 du SIO ont été recueillis dans le cadre de consultations. La nouvelle version du document, tenant compte des avis formulés, sera soumise à l’examen du Congrès en forecastjuin.

Les exigences techniques et l’architecture du SIO 2.0 seront affinées après la tenue du Congrès, en collaboration avec les SMHN qui exploitent un CMSI. Ces informations aideront les Membres à évaluer les coûts approximatifs de mise en œuvre et d’exploitation.

Le Congrès sera prié d’autoriser le Conseil exécutif à approuver la mise en œuvre du SIO 2.0 lorsque ces informations supplémentaires auront été communiquées aux Membres.

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