L’Observatoire de Hong Kong – Servir grâce à la science

01 octobre 2013

par CM Shun, Directeur de L’Observatoire de Hong Kong 1

Le 23 mars, à l’occasion de la Journée météorologique mondiale, l’Observatoire de Hong Kong a célébré son cent trentième anniversaire au sein de ses quatre branches et de ses 318 employés. Il avait reçu pour mission, lors de sa création en 1883, de servir le transport maritime, secteur crucial pour le commerce et le développement économique de Hong Kong1 (Chine2) qui était en train de devenir un grand port commercial. L’Observatoire a toujours cherché à innover afin de s’acquitter de cette mission, mesurant l’importance des connaissances scientifiques et techniques pour la prestation de services météorologiques3. C’est encore le cas aujourd’hui: l’Observatoire s’efforce de servir une communauté toujours plus large d’utilisateurs par l’innovation et les partenariats scientifiques, avec l’appui de la Veille météorologique mondiale (VMM).

L’Observatoire s’est lancé dans de nouveaux domaines ces dernières décennies, dont la mesure du rayonnement nucléaire, l’intervention en situation d’urgence et l’expansion des services météorologiques destinés au nouvel Aéroport international de Hong Kong. Pour souligner son cent trentième anniversaire et guider ses activités futures, il a demandé au personnel de contribuer à l’actualisation des textes qui énoncent son orientation, sa mission et ses valeurs:

Orientation - Être un modèle d’excellence dans la protection des personnes et la construction d’une société meilleure grâce à la science.

Mission - Procurer des services météorologiques et connexes de qualité qui répondent aux besoins de la population et faire en sorte que la société soit mieux à même de prévenir les catastrophes naturelles et d’y réagir grâce à la science, à l’innovation et au partenariat.

Valeurs - Servir, protéger, innover, stimuler, éduquer, collaborer et exceller grâce à la science.

L’innovation

Les tout premiers satellites météorologiques opérationnels, ESSA-I et ESSA-II ont été lancés en février 1966, peu après la création de la VMM. L’Observatoire a alors bricolé en un temps record un système pour capter les images d’ESSA-II (et de NIMBUS-II) en utilisant certains appareils très élémentaires; pourtant, les résultats soutenaient la comparaison avec les meilleures images obtenues avec un matériel de plusieurs millions de dollars. M. Peter MK Yau, aujourd’hui spécialiste de la physique des nuages et des cyclones tropicaux à l’Université McGill (Canada), a participé à la mise au point de ce système de réception d’images satellitaires. Lors d’une visite de l’Observatoire en août 2013, il a rappelé l’esprit novateur qui animait l’institution en 1966, quand il n’avait que 20 ans et occupait les fonctions d’adjoint scientifique.4

Peter MK Yau
En 1966, Peter MK Yau a permis à l’Observatoire de recevoir des images de satellites en utilisant du matériel élémentaire d’une valeur de 200 dollars É.-U. environ.
À droite, le typhon Judy capté en mai de cette année-là.
 
le passage du violent système Vicente
Les typhons sont beaucoup moins meurtriers depuis quelques décennies. En 2012, le passage du violent système Vicente (dont l’oeil apparaît nettement sur l’ image radar du haut) a déclenché une alerte de niveau 10 – le plus élevé sur l’échelle de l’Observatoire – mais n’a fait aucune victime.

Le personnel a fait preuve du même esprit créatif tout au long de l’histoire de la VMM, alimenté principalement par le désir de servir la société en contribuant à la réduction des risques de catastrophes. Il fallait innover pour bâtir une ville qui résiste mieux au temps violent, pour construire un nouvel aéroport international et pour réagir face au changement climatique. L’Observatoire a participé à de nombreuses réalisations, dont voici quelques exemples: mise au point du premier système de détection du cisaillement du vent à basse altitude pour l’aéroport Kai Tak de Hong Kong, vers la fin des années 1970, installation d’un radar acoustique Doppler pour déceler le cisaillement du vent dans la basse atmosphère et étudier les phénomènes de ventilation dans le cadre de la planification urbaine, au début des années 1980, assemblage des premières stations météorologiques automatiques, à la même époque, élaboration du système SWIRLS de prévision immédiate des pluies (alerte à brève échéance de tempêtes de pluie intenses liées à des systèmes localisés) dans les années 1990, conception du premier système LIDAR au monde d’alerte de cisaillement du vent en air clair.5

Le système SWIRLS a permis de diffuser des alertes de glissement de terrain lors de fortes pluies. Il a bénéficié d’une reconnaissance internationale au sein des projets de démonstration en matière de prévision organisés pendant les Jeux olympiques de 2008 à Beijing et l’Exposition universelle de 2010 à Shanghai. Le système intègre désormais les données d’un réseau régional de détection de la foudre installé récemment, initiative défendue par l’Observatoire au milieu des années 2000; plusieurs services de prévision immédiate de la convection en ont découlé au profit des opérations aéroportuaires et de la gestion de la circulation aérienne. Ces progrès sont arrivés à point nommé, puisque l’intensification des vols et l’expansion du terminal rendaient l’Aéroport international de Hong Kong plus vulnérable aux conditions météorologiques extrêmes. La plus grande entreprise d’électricité de Hong Kong utilise depuis peu ces applications de prévision immédiate pour conduire ses activités. L’application sur téléphone mobile MyObservatory, premier service au monde de prévision immédiate des pluies dans un secteur donné, repose également sur les produits du système SWIRLS.

La capacité d’innover est cruciale pour offrir de bons services météorologiques alors que les besoins des utilisateurs changent constamment et que les technologies et les moyens de communication évoluent rapidement, surtout à l’Observatoire. Nous avons parcouru un long chemin en cinquante ans; nous n’utilisons plus «un tas de vieux appareils pour obtenir des résultats qui valent des millions de dollars», nous exploitons la fine pointe de la technologie pour procurer une information météorologique à toute personne en déplacement, grâce au goût de l’innovation et au sens du service qui animent l’Observatoire et son personnel.

MyObservatory

L’application mobile MyObservatory (www.hko.gov.hk/myobservatory_e.htm) a été lancée au début de l’année 2010. Elle fournissait des observations et photographies du temps dans la zone la plus proche de l’utilisateur, déterminée par la plate-forme mobile. Quelques mois plus tard, le service a été amélioré pour fournir un ensemble d’informations: prévisions et alertes météorologiques, images radar et satellite, données sur la foudre et les marées, suivi des cyclone tropicaux, force du rayonnement ultraviolet, vidéos de l’Observatoire sur YouTube et beaucoup plus. On voulait ainsi répondre aux attentes des utilisateurs suscitées par MyObservatory.

Cette nouvelle version a vite remporté un grand succès; le nombre de téléchargements et de pages consultées a atteint des sommets. L’application a été téléchargée plus de 3,8 millions de fois sur des
plates-formes iOS ou Android. Ces derniers temps, les utilisateurs ont consulté davantage de pages de MyObservatory que de pages du site Web de l’Observatoire. Le chiffre quotidien excède 100 millions – soit plus de 14 pages consultées en moyenne par jour et par personne, sur une population totale de 7,2 millions d’habitants. Un pic a été atteint le 22 septembre 2013, soit 205 millions de consultations, alors qu’approchait le puissant typhon Usagi.

Le succès remporté par MyObservatory à Hong Kong a incité l’Observatoire à mettre au point la première application mobile au monde de prévisions météorologiques officielles, MyWorldWeather, qui prolonge le Service d’information météorologique mondiale de l’OMM. Ce service est maintenant offert en neuf langues: allemand, anglais, arabe, chinois, coréen, espagnol, français, polonais et portugais.

L’application mobile MyObservatory
L’application mobile MyObservatory pour plate-forme iOS et Android.- HKO

Les partenariats

On ne saurait exagérer l’importance des partenariats pour les Services météorologiques nationaux (SMN) vu les immenses progrès qu’a permis la VMM depuis cinquante ans en intensifiant la coopération internationale dans le domaine du temps, du climat et de l’eau. C’est encore plus vrai pour un service de dimension modeste comme l’Observatoire. Toujours prêt à innover et à servir, l’Observatoire a sollicité la collaboration des Services météorologiques et hydrologiques nationaux (SMHN), des universités et des établissements de recherche, sur place comme à l’étranger. Son personnel exécute en étroite concertation avec ses homologues de la Chine continentale des projets d’intérêt commun afin de rassembler leurs compétences et leurs ressources – échange de données, utilisation de puissantes plates-formes de calcul, par exemple.

Pendant les années qui ont suivi la création de l’Observatoire, la coopération et les partenariats locaux ont aidé à recueillir les observations météorologiques voulues, en mer et en altitude notamment. La réception des messages de navires au moyen de la télégraphie sans fil, à partir de 1908, était solidement établie dans les années 1920 et 1930 (10 000 messages par an environ). La collaboration avec le secteur aéronautique a commencé à la même époque, par le premier sondage des températures dans la haute atmosphère réalisé en 1924 avec l’aide de l’armée britannique. Une école de formation des pilotes a entrepris en 1938 de procéder à des observations régulières en altitude, si bien que les comptes rendus quotidiens d’aéronef étaient courants dès l’année suivante. Tant les opérations aériennes que maritimes ont bénéficié en retour des services météorologiques de l’Observatoire.
Les membres du personnel du Service aérien gouvernemental et de l’Observatoire vérifient la sonde de données météorologiques fixée à l’aéronef Jetstream 41.
Les membres du personnel du Service aérien gouvernemental et de l’Observatoire vérifient la sonde de données météorologiques fixée à l’aéronef Jetstream 41. - HKO

Le partenariat avec le secteur aéronautique a franchi une nouvelle étape en 2011 lorsque l’Observatoire a décidé d’effectuer, en collaboration avec le Service aérien gouvernemental, des vols de reconnaissance dans les cyclones tropicaux au-dessus de la partie nord de la mer de Chine méridionale; on avait choisi pour cela un aéronef à voilure fixe, le Jetstream 41. Deux ans plus tôt, l’Observatoire avait équipé cet avion d’une sonde météorologique dans le but d’effectuer régulièrement des vols de collecte de données sur la turbulence et le cisaillement du vent au profit de l’Aéroport international de Hong Kong. L’assimilation des paramètres mesurés à proximité des cyclones tropicaux dans le modèle de prévision numérique du temps de l’Observatoire a réduit les erreurs de prévision des trajectoires et a affiné la prévision des précipitations. Les données sur les vents recueillies à basse altitude ont également facilité l’évaluation opérationnelle de la structure des vents accompagnant les cyclones tropicaux. Il est assez courant aujourd’hui d’effectuer des vols de reconnaissance lorsqu’un cyclone menace Hong Kong. Les données obtenues sont transmises aux Membres de l’OMM. Dans quelques années, le Jetstream 41 sera remplacé par un Challenger 605 qui larguera des catasondes. La collecte et la transmission de données en temps réel à proximité des cyclones tropicaux qui balayent la mer de Chine méridionale seront alors une réalité.

La coopération internationale s’est amorcée dans les années 1930, lorsque l’Observatoire a accueilli la première Conférence des directeurs des Services météorologiques de l’Extrême-Orient. Le but était de signer un accord régional sur la normalisation des signaux d’avis de cyclone tropical (alors appelés codes de signalisation de tempête non locale). Après la Deuxième Guerre mondiale, le personnel de l’Observatoire a pris activement part à une foule d’activités de l’OMM: renforcement des capacités, recherche sur les typhons et la mousson, résumés de climatologie maritime, services météorologiques destinés au public, assistance météorologique à la navigation aérienne, etc. Le point culminant de ces efforts a été la création, dans les années 2000, du Centre d’information sur les phénomènes météorologiques violents (SWIC)6 et du Service d’information météorologique mondiale (WWIS)7, ces deux initiatives permettent à la population et aux médias, partout dans le monde, de consulter les prévisions et les alertes officielles émises par les Membres de l’OMM. L’Observatoire n’y serait pas parvenu sans la coopération et le partenariat d’autres Membres.

L’Observatoire pourrait donner une multitude d’exemples de partenariats, mais la démonstration est faite: les services fournis à la population n’auraient jamais pu atteindre un tel niveau de qualité si les SMHN avaient dû s’en charger séparément. Les partenariats conclus par l’entremise de l’OMM sont indispensables pour réunir les compétences et les ressources dont ne disposent pas encore certains SMN, alors qu’ils souhaitent lancer des activités dans le domaine du temps, du climat et de l’eau. Les résultats d’une telle collaboration profitent à l’ensemble des SMN et, en dernière analyse, à la société tout entière.

Alors que se met en place le Cadre mondial pour les services climatologiques (CMSC), l’Observatoire entreprend des projets locaux avec divers partenaires, tels le Bureau de génie géotechnique, le Département de l’approvisionnement en eau ou les compagnies d’électricité et de gaz. Le but est d’élaborer des services d’information climatologique qui auront des applications dans la réduction des risques de catastrophes, la gestion des ressources en eau et le secteur de l’énergie. La société sera ainsi mieux préparée face au changement climatique. L’Observatoire est tout disposé à transmettre l’expérience qu’il a acquise au sein d’initiatives internationales afin que de nouveaux services climatologiques puissent être intégrés dans les activités des SMHN.

La science, l’innovation et le partenariat sont inscrits dans les gènes de l’Observatoire. Nous continuerons à participer activement aux travaux de l’OMM, à renforcer la collaboration avec nos partenaires à tous les échelons, à saisir les occasions de développement qui se présentent et à relever les défis qui nous attendent. Face aux possibilités et aux difficultés que comporte l’évolution du climat, nous continuerons à servir la société en procurant une information fondée sur la science.

Le réseau collectif d’information météorologique (co-WIN)

Fruit d’une collaboration entre l’Université polytechnique de Hong Kong et l’Observatoire, ce réseau veut promouvoir l’apprentissage par la pratique dans le domaine du temps et du climat. Les membres de Co-WIN peuvent installer une station météorologique automatique de base, munie de logiciels et d’une connexion Internet, qui transmettra des données à un site Web (weather.ap.polyu.edu.hk). Une application mobile permet également d’envoyer des photographies du temps sur Internet (co-win.org) et sur FaceBook (www.facebook.com/icwos).

Le nombre de membres est passé de 35 à 130 depuis le lancement du projet en août 2007. Il s’agit aussi bien d’écoles primaires et secondaires que de centres gériatriques, de l’Association des scouts que de la branche locale du WWF. Deux nouveaux membres, appartenant au Comité des typhons CESAP/OMM – situés à Guam, États-Unis d’Amérique, et aux Philippines – ont donné une envergure internationale au projet. Le réseau Co- WIN a reçu en 2010 le prix Vaisala pour les instruments et les méthodes d’observation décerné par la Société royale de météorologie du Royaume-Uni.

Co-WIN
Page FaceBook du service CWOS, rattaché à Co Win, qui permet aux membres d’échanger des photographies des conditions météorologiques.


La série chinoise FY-3 pourrait compléter la constellation de satellites

Le Gouvernement de la Chine a adopté un plan décennal qui prévoit le lancement de onze satellites opérationnels dans le cadre du programme de satellites météorologiques Feng-Yun (FY), qui signifie «Vent et Nuage».

Le satellite FY-3C, mis en orbite le 23 septembre, est le troisième d’une série de sept satellites météorologiques FY 3 héliosynchrones. Comme leur durée de vie est de trois ans, le remplacement s’effectue en lançant tous les deux ans un nouveau satellite. La série FY-3 à orbite polaire dessert les utilisateurs du monde entier. L’Administration météorologique chinoise cherche à améliorer le WIGOS en collaborant avec d’autres exploitants de satellites. De concert avec le Programme spatial de l’OMM et avec l’assistance de l’Organisation européenne pour l’exploitation de satellites météorologiques (EUMETSAT) et de l’Administration américaine pour les océans et l’atmosphère (NOAA), elle procède actuellement à une étude de faisabilité et à une analyse de développement d’une série de satellites FY-3 sur orbite de début de matinée qui comblerait les lacunes de la constellation sur orbite polaire. Une telle initiative aiderait grandement à affiner la prévision numérique du temps à l’échelle du globe.

 
satellite FY-3A de l’Administration météorologique chinoise
Les satellites offrent un point de vue sans pareil sur les phénomènes météorologiques et climatologiques de la planète. Cette mosaïque provient d’un imageur spectral à résolution moyenne placé à bord d’un satellite FY-3A de l’Administration météorologique chinoise. - CMA

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1 M. Shun est également Représentant permanent de Hong Kong, Chine, auprès de l’OMM, Président de la Commission de météorologie aéronautique de l’OMM et Président du Comité des typhons CESAP/OMM.
2 L’île de Hong Kong, qui faisait partie de l’Empire britannique depuis 1842, a été rétrocédée à la Chine en 1997 et est devenue officiellement la Région administrative spéciale de Hong Kong (Chine).
3 «[…] a demandé que l’on installe une boule horaire afin de marquer le temps selon une méthode scientifique […] la nécessité d’étendre les capacités techniques en matière d’avis de tempête […] des appels ont été lancés dès 1877, réitérés en 1879, pour que soit établi à Hong Kong un observatoire chargé de ces tâches.» – Early China Coast Meteorology: The Role of Hong Kong, par P. Kevin MacKeown.
4 www.weather.gov.hk/hkonews/D4/news-20130830e.htm
5 Shun, C. M. et P. W. Chan, «Applications of an Infrared Doppler Lidar in Detection of Wind Shear», J. Atmos. Oceanic Technol., 25:637–655, 2008.
6 http://severe.worldweather.wmo.int
7 http://worldweather.wmo.int/

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