Observations d’aéronefs

01 janvier 2008

par Frank Grooters*


Leur part dans l’amélioration de l’aviation civile internationale sur le plan de la sécurité, de l’efficacité et de l’impact environnemental et leur contribution au Système mondial d’observation

Historique

Le Groupe d’experts AMDAR (retransmission des données météorologiques d’aéronefs) a été créé en 1998 afin de tirer parti des capacités d’observation des aéronefs à l’échelle mondiale.

Il est formé de représentants des pays Membres de l’OMM qui participent directement au programme AMDAR et qui financent ses activités. Les autres organismes particulièrement intéressés sont les fournisseurs de services de communication, de capteurs et de systèmes avioniques, ainsi que les instituts de recherche.

Depuis le tout début de l’aéronautique, les observations météorologiques effectuées par les aéronefs ont aidé à mieux comprendre l’état de l’atmosphère et, par conséquent, à améliorer les prévisions du temps.

Aujourd’hui, grâce au système AMDAR, les données météorologiques relevées par les avions de ligne et certains appareils militaires et privés sont recueillies et transmises de manière entièrement automatique. Le jeu de données de base provenant de chaque aéronef comprend la position spatio-temporelle, la vitesse et la direction du vent et la température ambiante.

L’OMM considère les données AMDAR, qui sont utilisées dans un large éventail d’applications météorologiques, comme une source essentielle d’information de base sur les conditions en altitude. Certains aéronefs fournissent aussi des renseignements sur l’humidité, les turbulences et le givrage. Ces informations présentent le même degré d’exactitude que les données de radiosondage et peuvent être employées de la même manière.

L’un des plus grands avantages des données AMDAR est sans doute leur coût: un sondage vertical de la température et du vent réalisé lors de la montée ou de la descente d’un aéronef donne un profil dont le coût ne dépasse généralement pas 1 % de celui d’un radiosondage. Dans certaines régions du globe, ce sont les seules informations détaillées dont on dispose sur la structure verticale de l’atmosphère.

Les opérations

Communications

Un progiciel AMDAR, allié aux capteurs de bord, ordinateurs de vol et systèmes de communication aéronautique, recueille, traite, met en forme et transmet les données vers des stations terrestres au moyen de liaisons satellite, VHF ou HF. La transition est gérée par le système embarqué de communication, d’adressage et de compte rendu (ACARS) ou un autre système de compte rendu. Une fois au sol, les données sont dirigées vers le réseau mondial des Services météorologiques nationaux et d’autres utilisateurs, comme on le voit dans la figure 1.

amdar_1_fr   Figure 1 — Circulation des données par le biais d’un système AMDAR

Chaque jour, quelque 230 000 observations en route, en montée et en descente sont transmises sous forme de profils, par le biais du Système mondial de télécommunications, à de nombreux aéroports dans le monde.

Les données AMDAR en route constituent un élément clef du réseau mondial d’observation des océans, des déserts, des zones polaires et d’autres régions dans lesquelles ne s’effectuent normalement pas d’observations in situ.

Grâce aux informations transmises très fréquemment sur les profils et sur l’emplacement des courants jets, on détient des données plus précises sur les vents et les températures pour planifier les vols (optimisation des routes) et gérer la circulation aérienne (par exemple, descente continue, réduction des attentes et optimisation du vol libre).

On a mis au point deux nouveaux systèmes AMDAR qui offrent une grande souplesse, sont indépendants des systèmes aéronautiques classiques et possèdent leurs propres capacités internes et externes de traitement et de surveillance des données. Le Système aéroporté de transmission de données météorologiques troposphériques (TAMDAR) comprend de vastes fonctions de détection (position, heure, vent, température, humidité, turbulence, givrage) et un système de communication. Le système AFIRS (Automated Flight Information Reporting System) transmet des données, provenant de capteurs existants ou spécialement installés, à la compagnie aérienne et au Service météorologique national à l’aide d’un autre système de communication indépendant. Les deux dispositifs conviennent aux aéronefs de petite taille qui disposent rarement d’un système ACARS, mais ils peuvent aussi être installés à bord de presque tous les appareils.

Des essais d’évaluation opérationnelle ont été effectués au Canada, aux États-Unis d’Amérique et au Centre européen pour les prévisions météorologiques à moyen terme. Ils indiquent que la qualité des observations améliore la prévision numérique du temps et la prévision d’exploitation. Les nouveaux systèmes conviennent tout particulièrement aux régions qui ne sont normalement pas desservies par de gros aéronefs dotés d’un dispositif ACARS, comme l’Afrique et, de manière générale, les pays en développement.

Avantages

La qualité des observations fournies par chaque aéronef est régulièrement contrôlée par les centres météorologiques, qui renvoient les résultats aux compagnies aériennes de manière à maintenir l’efficacité des services aéronautiques.

Des études ont démontré que les données AMDAR avaient un effet positif sur la prévision du temps. L’utilisation en temps réel de bons profils verticaux de la température et du vent en Australie, au Canada, à Hong Kong (Chine) et aux États-Unis d’Amérique aide sensiblement à améliorer les applications de la prévision à courte et moyenne échéance. Ceux-ci sont particulièrement utiles pour la prévision immédiate, quand les conditions fluctuent rapidement, et présentent donc un grand intérêt pour l’aviation, notamment dans les domaines suivants:

  • Prévision du vent et de la température en surface et en altitude, y compris les vents forts, la brise de mer et les conditions météorologiques propres à la topographie locale;
  • Genèse, localisation et gravité des tempêtes;
  • Différenciation entre la pluie, la neige et la pluie verglaçante;
  • Localisation et intensité du cisaillement du vent, par exemple jets dangereux à basse altitude;
  • Formation, localisation et durée des nuages bas;
  • Formation, localisation et durée du brouillard;
  • Localisation et intensité des turbulences;
  • Localisation et intensité des courants-jets.

L’amélioration des informations relatives à l’emplacement et à la force du cœur des courants jets a aussi permis de mieux prévoir les grosses tempêtes.

Des programmes de collaboration spéciale ont été établis entre les pays qui exploitent de grandes lignes reliant l’Europe, l’Amérique du Nord et d’autres régions industrialisées avec des pays où les données sont rares et les moyens insuffisants pour mettre en place leurs propres programmes. Ils ont aidé à cibler des champs d’observation qui intéressent particulièrement la météorologie, comme les lignes de grains en Afrique occidentale.

Vu son utilité et sa valeur en tant que source fiable de données d’observation en altitude de qualité, AMDAR est en train d’être intégré dans le système d’observation de la Veille météorologique mondiale. Il constituera aussi une pièce maîtresse du Système mondial des systèmes d’observation de la Terre (GEOSS), qui sera appuyé par l’OMM et les pays engagés à fournir et employer les données AMDAR. Un plus grand nombre d’aéronefs assurant des vols vers le nord et le sud ont été dotés du logiciel AMDAR afin de contribuer aux activités de l’Année polaire internationale 2007/08.

Amdar_2_fr   Figure 2 — Couverture mondiale type de 24 heures

Participation au programme

Pour être efficace, le système AMDAR a besoin de plusieurs éléments clefs, dont:

  • Une compagnie aérienne prête à conclure un accord de coopération;
  • Un aéronef doté de moyens de communication, de systèmes avioniques et de capteurs météorologiques compatibles;
  • Des liaisons terrestres et/ou satellite afin que le Service météorologique national (SMN) puisse recevoir les données émanant de la compagnie aérienne;
  • Un système de traitement au sol et un raccordement au Système mondial de télécommunications;
  • Un système de suivi du programme et d’interaction avec la compagnie aérienne en vue de maintenir la qualité des données;
  • Un système de contrôle en temps réel du volume et de l’emplacement des données dans le souci de gérer les coûts.

Le Groupe d’experts AMDAR peut aider à mettre sur pied un programme régional ou national en:

  • Évaluant les possibilités d’élaborer un tel programme en collaboration avec les SMN et les compagnies aériennes;
  • Facilitant le soutien technique et la formation;
  • Fournissant les ressources et manuels techniques nécessaires;
  • Collaborant avec le Service météorologique national et la compagnie aérienne à la rédaction des documents et accords sur l’infrastructure requis.
Amdar_3_fr   Figure 3 — Couverture type de 24 heures, Afrique et Moyen-Orient, octobre 2007


L’environnement

On s’emploie à accroître le nombre de paramètres météorologiques qui feront l’objet d’observations au cours des prochaines années. Aux États-Unis d’Amérique, quelques aéronefs opérationnels ont commencé à transmettre des données sur la vapeur d’eau/l’humidité et plusieurs pays projettent d’installer des capteurs prochainement. Après les vérifications d’usage, ces détecteurs de vapeur d’eau devraient procurer, à proximité des aéroports, des informations complètes à un coût sensiblement réduit, mais de qualité comparable, sous forme de profils atmosphériques quasi verticaux. Il est probable que les données ainsi obtenues amélioreront grandement l’ensemble des services de prévision.

Certains centres de prévision utilisent régulièrement les informations sur la turbulence, qui intéressent particulièrement l’aéronautique; on est en train de vérifier et d’évaluer de nouvelles capacités, ainsi que les informations sur le givrage.

L’emploi généralisé de capteurs de vapeur d’eau pourrait servir à localiser, prévoir et éviter les zones ou couches de sursaturation par rapport à la glace, afin de réduire la production de Cirrus et de traînées de condensation qui ont un impact sur le climat, d’abaisser la consommation de carburant et de diminuer les rejets de dioxyde de carbone. L’aviation est responsable de 2 % des émissions mondiales de dioxyde de carbone, et les efforts visant à améliorer l’efficacité des opérations devraient limiter cet apport à 3 % d’ici 2050, en dépit de la forte croissance attendue dans ce secteur.

Encore une fois, l’utilisation en route et lors des approches et départs de profils fréquemment mis à jour permettra d’optimiser davantage les opérations, de profiter au maximum de données exactes sur les vents et de réduire les retards, les attentes et les déroutements dus aux conditions météorologiques.

Il sera possible d’éviter les conditions de faible visibilité, de turbulence et de cisaillement du vent à basse altitude, mais aussi de mettre à profit de nouvelles options comme les approches en descente continue et le choix précoce des pistes, éliminant ainsi les complications à l’arrivée causées par des modifications importantes du vent en surface.

Figure 4 — Essais du capteur de vapeur d’eau E-AMDAR   Amdar_4_fr

Les informations continuellement mises à jour sur l’ampleur et la hauteur des inversions de température à basse altitude, découlant des profils relevés par les aéronefs en montée et en descente, seront utiles à la prévision de la qualité de l’air local.

La meilleure distribution spatiale et temporelle des données AMDAR contribuera de manière sensible aux modèles de prévision numérique du temps plus fins qui sont en train d’être introduits. Il a déjà été démontré dans certains pays que les données AMDAR de haute résolution améliorent les prévisions à longue et moyenne échéance.

Amdar_5_fr   Figure 5 — Volume de données AMDAR

Au fur et à mesure que la couverture s’étendra à d’autres régions, ces données peu coûteuses devraient aussi permettre d’accroître l’exactitude des prévisions. Parallèlement, la mise en place d’un programme mondial d’optimisation contribuera à maintenir la collecte des données au coût le plus bas possible. Ce type de programme, déjà exploité en Europe et en cours de développement en Australie et aux États-Unis d’Amérique, évalue s’il est nécessaire de recueillir d’autres données en fonction des comptes rendus présents. Un algorithme de sélection souple, établi par le Service météorologique auquel sont destinées les données, déterminera l’emplacement, l’intervalle de temps et l’espacement horizontal et vertical des informations à recevoir. Comme les mesures en elles-mêmes n’entraînent pas de frais et que la transmission vers le sol constitue le principal coût, on pourrait optimiser l’algorithme pour un système d’observation composite, pour des observations ciblées et même pour des situations particulières, par exemple des conditions météorologiques dangereuses.

Les nouveaux concepts de gestion de la circulation aérienne

L’intensification de la circulation aérienne attendue dans le monde industrialisé, et encore plus dans les pays émergents du Sud-Est asiatique, oblige à modifier radicalement la gestion de ce trafic afin d’assurer la sécurité et l’efficacité des opérations.

Les routes aériennes et les aéroports étant déjà utilisés à pleine capacité ou presque, le flux aérien risque d’être gravement perturbé par des phénomènes météorologiques telles que l’activité de convection, les précipitations neigeuses, le givrage au sol, les plafonds bas et la faible visibilité. De nombreux voyageurs connaissent déjà ces situations pénibles où le mauvais temps survient en pleine période d’achalandage, à l’approche des vacances!

L’Europe et l’Amérique du Nord sont en train d’élaborer d’ambitieux concepts de gestion de la circulation aérienne qui pourraient être adoptés d’ici une vingtaine d’années. Le but est d’optimiser l’utilisation de l’espace aérien et des aéroports grâce à des analyses quadridimensionnelles des trajectoires, à un échange intensif de données entre ordinateurs réseautés et à un degré élevé d’automatisation, les humains assumant plutôt la fonction de superviseurs que d’opérateurs du système.

Ces méthodes s’appuieront dans une large mesure sur des données météorologiques universelles, très fiables et à jour qui seront accessibles grâce à un programme de gestion de l’information à l’échelle du système. En raison de leur faible coût, de leur fréquente mise à jour et de leur qualité élevée, les données provenant des aéronefs constitueront une source d’information indispensable pour mettre en œuvre ces nouveaux concepts.


* Président, Groupe d’experts AMDAR, KNMI, De Bilt, Pays-Bas

 

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