Points saillants de la première Déclaration quinquennale sur l’état du climat mondial

21 mars 2016
  • Author(s):
  • WMO Secretariat

Il n’est question, depuis quelques mois, que du nouveau record absolu de chaleur atteint en 2015. Les déclarations annuelles de l’OMM sur l’état du climat mondial composent un volet important de la surveillance du système climatique. Mais cette publication touche à sa fin et, pour la première fois, l’OMM publie une déclaration quinquennale, visant la période 2011–2015. 

Un intervalle de cinq ans donne une idée à moyen terme du climat récent dans le monde. Il est ainsi possible d’écarter l’incidence de facteurs puissants de la variabilité interannuelle, tel le phénomène El Niño/Oscillation australe qui, après les conditions La Niña très marquées de 2011, s’est traduit au cours de la deuxième moitié de 2015 par l’un des épisodes El Niño les plus intenses de tous les temps.

La Déclaration de l’OMM est l’occasion d’actualiser certaines variables clés analysées dans le cinquième Rapport d’évaluation du Groupe d’experts intergou vernemental sur l’évolution du climat (GIEC). Elle permet aussi de décrire en détail les événements climatiques notables qui s’étendent sur plusieurs années, telle la sécheresse intense qui sévit dans une partie du Brésil et dans l’ouest des États-Unis d’Amérique.

Températures inégalées dans le monde

La Déclaration souligne que la période 2011–2015 a été la plus chaude jamais observée jusqu’ici. Les températures à l’échelle du globe ont excédé de 0,57 °C celles de la période de référence, 1961–1990, et de 0,06 °C celles de l’ancienne période record, 2006–2010. Les cinq dernières années comptent aussi les deux années les plus chaudes de l’histoire: 2015 arrive loin en tête, avec des températures supérieures de 0,74 °C à la moyenne de 1961–1990, et 2014 occupe le deuxième rang, à 0,61°C au dessus de la moyenne. 

Des températures élevées ont été relevées pratiquement partout – les cinq dernières années ont été les pluschaudes sur tous les continents à l’exception de l’Afrique, où la moyenne s’est établie à 0,01 °C seulementsous le record de 2006–2010. Certaines années ont été plus fraîches dans une région ou l’autre, mais quasi nulle part tout au long de la période visée. La majorité des continents ont également enregistré de nouveaux records annuels.

Vu la moyenne élevée des températures, de nombreuses vagues de chaleur sont survenues au cours de la période. Même si aucune n’a eu de conséquences aussi terribles que celle de 2003 en Europe centrale ou celle de 2010 dans la Fédération de Russie, une grande partie du globe a subi des vagues de chaleur qui ont établi de nouveaux records, parfois par un écart important, sur de vastes étendues.

Source: Met Office Hadley Centre

Sécheresses pluriannuelles dans plusieurs régions

La période 2011–2015 a été marquée par de graves sécheresses pluriannuelles dans diverses régions, qui perdurent pour la plupart aujourd’hui. La plus intense a sans doute eu lieu au Brésil. Le sud-ouest des États-Unis d’Amérique a également subi une sécheresse prolongée. En 2014 et 2015, le déficit pluviométrique a été aggravé par des températures exceptionnellement élevées. Une partie de l’est de l’Australie souffre depuis le début de 2012 d’une sécheresse prononcée. La situation continue à se développer en Afrique australe, la faible saison des pluies de 2014-2015 ayant été suivie par une aggravation des conditions pendant la première moitié de l’été 2015-2016.

Des sécheresses moins longues ont également provoqué de graves dégâts dans le monde. Le temps particulièrement sec dans la corne de l’Afrique en 2010-2011 a largement contribué à déclencher en Somalie, à la fin de 2011 et au début de 2012, une famine catastrophique qui a fait plus de 250 000 morts. Aux États-Unis d’Amérique et dans les zones voisines du nord du Mexique, la sécheresse a causé des pertes agricoles de plusieurs dizaines de milliards de dollars. L’arrivée de l’épisode El Niño en 2015 a apporté une intense sécheresse dans d’autres régions, dont l’Indonésie – qui a aussi subi d’importants incendies de forêt – les îles de la partie occidentale du Pacifique Sud, l’Amérique centrale, les Caraïbes et plusieurs secteurs du sous-continent indien.

Autres catastrophes marquantes liées aux phénomènes naturels

Bien que l’affinement des prévisions et avis, allié à l’amélioration des plans et des interventions d’urgence, réduise le nombre d’événements particulièrement meurtriers, plusieurs phénomènes ont fait au delà de mille morts au cours des cinq dernières années. 

Trois de ces événements sont liés au passage de cyclones tropicaux sur les Philippines. Le pire a été le typhon Haiyan (Yolanda) en novembre 2013 – l’un des plus violents à atteindre les côtes – qui a ôté la vie à 7 800 personnes environ. Les autres sont les tempêtes Washi (Sendong) en décembre 2011 et Bopha (Pablo) en décembre 2012.

Le quatrième phénomène de nature météorologique à avoir causé autant de victimes est survenu en juin 2013, lorsque des crues et des glissements de terrain sur les contreforts de l’Himalaya, dans le nord de l’Inde, ont fait plus de 5 800 morts et disparus. 

Un certain nombre d’événements ont également provoqué de graves pertes économiques entre 2011 et 2015. L’un des plus frappants a été l’ouragan Sandy, qui a atteint la côte est des États-Unis d’Amérique et du Canada en octobre 2012 et a infligé des dommages évalués à 67 milliards de dollars É. U. Citons également les inondations prolongées en Asie du Sud-Est, notamment en Thaïlande, qui ont duré de juillet à octobre 2011. En plus d’ôter la vie à 800 personnes, elles ont causé des pertes économiques de plusieurs dizaines de milliards de dollars, par la perturbation des activités industrielles essentiellement. 

Niveaux records de gaz à effet de serre 

Les concentrations atmosphériques des gaz à effet de serre persistants ont continué de croître au cours de la période 2011–2015. Les trois principaux, le dioxyde de carbone, le méthane et le protoxyde d’azote, ont atteint des niveaux records en 2014, poursuivant leur hausseconstante depuis 2011.

Le trou dans la couche d’ozone au-dessus de l’Antarctiques’est stabilisé pendant la période visée, sans présenter de signe net de recul. Aucune tendance claire ne sedégage depuis 20 ans et l’on note une forte variabilité interannuelle selon les conditions atmosphériques saisonnières. Cela concorde avec les attentes, à savoir que la baisse des rejets de substances nocives pour l’ozone, à la suite de l’adoption du Protocole de Montréal, empêcherait la poursuite d’une détérioration accentuée, mais qu’une reconstitution sensible ne surviendrait pas avant le milieu du XXIe siècle. Le trou dans la couche d’ozone a été relativement limité en 2012, 2013 et 2014, selon les critères actuels, mais a atteint en 2015 une superficie jamais observée depuis 2006. 

Anomalies de la température annuelle moyenne àl’échelle du globe (par rapport à la période 1961–1990)entre 1950 et 2015, selon la moyenne de trois jeux dedonnées sur la température mondiale (NOAA, Met Officeet NASA). Les années El Niño sont signalées en rouge, lesannées La Niña en bleu et les années «neutres» en gris. Les marges d’incertitude (non illustrées) avoisinent 0,1 °C.

Fonte généralisée des glaces, sauf dans l’Antarctique

Le déclin des glaces de mer dans l’Arctique s’est poursuivi en 2011–2015. L’étendue minimale relevéependant l’été 2012 (3,39 millions de kilomètres carrés) a été la plus faible depuis 1979, quand ont débuté les observations par satellite; l’année 2011 se classe au troisième rang et 2015 au quatrième rang. Le recul n’a pas été aussi prononcé l’hiver que l’été, même si l’étendue maximale mesurée pendant l’hiver 2015 a été la plus réduite. Tout au long des cinq années considérées, le maximum hivernal s’est situé sous la moyenne de la période 1981–2010.

La fonte estivale de la surface de l’inlandsis du Groen land a continué à un rythme supérieur à la moyenne, 2012 ayant été une année extrême. Les glaciers ont également accusé un recul constant sur la plupart des continents. La situation est moins claire pour l’inlandsis de l’Antarctique, en raison des grandes incertitudes de mesure. Plusieurs études ont conclu que la perte nette de glace se poursuivait dans l’ouest de l’Antarctique, mais les résultats étaient moins cohérents pour l’est du continent. 

À l’inverse, l’étendue des glaces de mer dans l’Antarctique a excédé la moyenne de la période 1981–2010 durant l’essentiel des années 2011 à 2015, notamment le maximum hivernal. Les valeurs relevées dans l’océan Austral à certains moments, surtout en 2014 et au début de 2015, établissaient de nouveaux records pour l’époque de l’année. Toutefois, l’étendue des glaces de mer est revenue à des valeurs proches de la normale au cours du deuxième semestre 2015, en raison de la lenteur inhabituelle de croissance de la glace pendant l’hiver de la même année.

Poursuite de l’élévation du niveau de la mer

Le niveau moyen de la mer a continué de s’élever entre 2011 et 2015, confirmant la tendance à long terme. La période a été marquée par une forte variabilité interannuelle. Elle a débuté par un niveau inférieur de quelque 10 mm à la valeur correspondant à la tendance générale, en raison d’un puissant épisode La Niña. À la fin de la période, le niveau de la mer excédait de 10 mm environ la valeur de la tendance à long terme, du fait des conditions El Niño très marquées qui se sont installées pendant la deuxième moitié de l’année 2015.

Contribution des changements climatiques

Selon les analyses scientifiques, les changements climatiques d’origine anthropique ont nettement accru la probabilité que surviennent nombre des phénomènes extrêmes observés entre 2011 et 2015, en particulier les températures élevées. Selon toute vraisemblance, les études en cours sur les événements de 2015, et sur les phénomènes de longue durée (telles les sécheresses) qui ont perduré au cours de l’année, aboutiront à des résultats similaires. 

La période a aussi comporté d’autres faits marquants, dont la durée, l’intensité et la chaleur inhabituelles des saisons sèches de 2014 et de 2015 dans le bassin de l’Amazone au Brésil. Même s’il n’est pas possible d’affirmer avec certitude qu’ils s’inscrivent dans une tendance à long terme, ils sont particulièrement préoccupants au regard des «points de bascule» que pourrait présenter le système climatique, selon le cinquième Rapport d’évaluation du GIEC. 

Sensibilisation et évaluation de l’état du climat

Une version provisoire de la Déclaration quinquennale a été publiée le 25 novembre 2015, en même temps que le projet de Déclaration visant l’année 2015. Elle s’inspire grandement du contenu des déclarations annuelles précédentes et repose largement sur les éléments signalés par les Membres et leurs institutions (transmis directement à l’OMM ou apparaissant dans leurs rapports ou sites Web), les programmes de l’Organisation (telle la Veille de l’atmosphère globale), les centres climatologiques régionaux et les rapports sur l’état du climat publiés dans le Bulletin of the American Meteorological Society. Une partie des données de 2015 ne seront connues que bien plus tard dans l’année et l’attribution au changement climatique des événements survenus continuera à faire l’objet de publications pendant les prochains mois. La version finale de la Déclaration ne paraîtra qu’une fois toutes les informations réunies, soit vers la fin de 2016 ou le début de 2017.

Les rapports de l’OMM sur le climat procurent des informations sur la variabilité et les tendances qui se dégagent d’une année à l’autre et sur de plus longues périodes. La participation d’institutions et de centres réputés et la validation du contenu par les milieux scientifiques permettent aux Membres de contribuer à la préparation de ces publications qui font désormais autorité en la matière. En ce sens, les rapports de l’OMM viennent compléter les documents publiés par le GIEC en transmettant des informations récentes qui aident à formuler les politiques à l’échelon international.

Ces rapports seront encore plus importants pour apprécier l’état du climat depuis la tenue à Paris, en décembre 2015, de la vingt et unième session de la Conférence des Parties à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques. Ils serviront aussi à signaler une stabilisation ou une inflexion des tendances durables et des événements extrêmes qui pourrait découler de la limitation ou de la réduction des concentrations de gaz à effet de serre dans l’atmosphère. Ils devraient paraître pendant plusieurs décennies, puisqu’il faudra beaucoup de temps pour percevoir les effets des mesures d’atténuation.

Série chronologique des valeurs maximales annuelles des précipitations quotidiennes relevées de 1897 à 2008 à la station Stralsund, avec les données de la période 1897–1950 récemment numérisées et, en arrière-plan, le document papier original. (Source: M. Hermann Mächel, Service météorologique alle

I-DARE, le portail international pour le sauvetage de données

Il est impossible d’analyser comme il convient la variabilité et l’évolution du climat si l’on ne détient pas de séries de données relativement longues. Les paramètres météorologiques sont mesurés depuis des décennies, parfois des siècles. Mais l’informatique étant assez récente, la plupart des observations ont été notées sur des feuilles de papier. La protection et la numérisation de ces relevés afin qu’ils puissent être lus par un ordinateur – le sauvetage de données – sont des tâches exigeantes. L’OMM a récemment créé un portail international pour le sauvetage des données (www.idare-portal.org) qui centralise les informations relatives à ces activités partout dans le monde. Il donne des indications sur la manière de procéder, procure des outils, recense les données à sauvegarder et décrit les projets qui sont en cours et prévus. Ce dernier élément aide à coordonner les activités conduites dans le monde, à établir le degré de priorité des projets et à cerner les lacunes à combler. 

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