Régionalisation de l’information sur les changements climatiques pour les évaluations des incidences et l’adaptation

01 avril 2008

par Filippo Giorgi*


Introduction

Il apparaît clairement à l’heure actuelle que la question des changements climatiques d’origine anthropique et de leurs répercussions sur les sociétés humaines et les écosystèmes naturels compte parmi les plus grands enjeux du présent siècle sur le plan environnemental et scientifique. L’élaboration de politiques adéquates d’adaptation à l’évolution du climat et de stabilisation des concentrations de gaz à effet de serre sous le seuil critique repose sur l’accessibilité de l’information climatologique à l’échelle régionale à nationale et même au niveau local. Ces données, avec les incertitudes qui les entachent, doivent être transmises de manière claire aux utilisateurs finals et aux décideurs pour permettre la prise de décisions avisées en la matière.

À l’échelle régionale à mondiale, le signal de changement climatique est influencé par deux types de processus: les modifications des circulations de grande envergure qui jouent sur la séquence des phénomènes météorologiques qui caractérisent le climat d’une région (par exemple, la localisation des trajectoires des tempêtes) et les effets des forçages régionaux à locaux qui modulent le signal de changement climatique à grande échelle (par exemple, topographies, littorals et affectations des terres complexes). Par ailleurs, plus l’échelle spatiale diminue, plus la variabilité du climat augmente; il est alors plus ardu de distinguer les signaux anthropiques de la variabilité naturelle sous jacente. Le climat d’une région donnée peut être aussi modelé par des phénomènes éloignés, dont les impacts se répercutent par le biais de mécanismes de téléconnexion. En raison de tous ces facteurs, il est extrêmement difficile d’établir des projections fiables de l’évolution du climat à l’échelle régionale à locale, qui présentent généralement un degré élevé d’incertitude.

Les modèles de la circulation générale couplés atmosphère-océan (MCGAO) constituent à l’heure actuelle les meilleurs outils de simulation des changements climatiques. La mise au point récente de plates-formes informatiques de plus en plus puissantes a permis d’améliorer la résolution horizontale de ces modèles. En revanche, la plupart des MCGAO utilisés pour produire des projections de changements climatiques (par exemple, pour l’ensemble CMIP3 récemment achevé, Meehl et al., 2007) sont encore exécutés à des résolutions horizontales de ~100-300 km, trop faibles pour produire l’information de qualité nécessaire pour la plupart des études d’impact. Ces résolutions empêchent également la simulation exacte des phénomènes météorologiques extrêmes, indispensable pour évaluer de nombreuses incidences des changements climatiques. On a donc élaboré, depuis la fin des années 80 et le début de la décennie suivante, des techniques de régionalisation destinées à affiner l’information provenant des MCGAO et à produire des données utiles pour les évaluations des incidences
(Giorgi et al.,2001).

schema Figure 1 — Schéma de la méthode des modèles climatiques régionaux à grilles emboîtées
   

Les outils de régionalisation servent de plus en plus au traitement d’un large éventail de problèmes liés aux changements climatiques, constituant ainsi des ressources importantes pour la recherche dans ce domaine. Afin de les utiliser au mieux, il faut bien connaître les hypothèses de base sur lesquelles ils reposent, ainsi que les possibilités qu’ils offrent et leurs limites. On doit notamment tenir compte du fait qu’étant plus accessibles que les MCGAO sur le plan informatique et technique, ces outils peuvent faciliter de multiples façons le travail de la communauté scientifique et représentent souvent la dernière étape entre l’obtention de l’information climatologique et les processus d’évaluation des incidences et de prise de décision.

À partir de ces notions, le présent article présentera d’abord un aperçu des différentes techniques de régionalisation employées de nos jours, en mettant l’accent sur les hypothèses sous-jacentes, les grands progrès accomplis récemment, leurs possibilités et leurs limites. On décrira ensuite la façon dont ces techniques sont utilisées pour préparer les informations destinées aux études d’impact. L’article conclura enfin par les perspectives futures et les besoins en matière de renforcement de l’applicabilité et de la fiabilité de ces techniques.

Techniques de régionalisation: hypothèses de base, progrès récents, possibilités et limites

Il existe actuellement quatre grandes catégories d’outils de régionalisation destinés à affiner (ou réduire l’échelle de) l’information climatologique produite par les MCGAO:

  • Les modèles de la circulation générale de l’atmosphère (MCGA) haute résolution à tranches temporelles;
  • Les MCGAO à résolution variable (MCGvar);
  • Les modèles climatiques régionaux (MCR) à grilles emboîtées;
  • Les méthodes de réduction d’échelle statistique.

L’approche MCGA (par exemple, Cubasch et al., 1995) consiste à simuler à l’aide d’un modèle mondial de l’atmosphère certaines périodes données (ou tranches temporelles) d’une simulation MCGAO transitoire, par exemple, les conditions climatiques actuelles (1960-1990) et futures (2071-2100). La température de surface de la mer (SST) nécessaire pour ces simulations est fournie par le MCGAO. Comme les modèles de l’atmosphère sont exécutés pour une période limitée, le MCGA obtenu peut présenter une résolution assez élevée. En fait, des expériences récentes dans ce domaine ont permis d’atteindre des résolutions de l’ordre de quelques dizaines de kilomètres, qui représentent une nette amélioration. La principale hypothèse à la base des MCGA à tranches temporelles est que le forçage SST obtenu avec le MCGAO est cohérent avec la climatologie du MCGA haute résolution. Comme cela n’est pas toujours le cas, il faut évaluer les incohérences lorsque l’on analyse les résultats. Les principaux avantages de cette technique sont la couverture mondiale et la capacité de simuler les processus de téléconnexion survenant dans des régions éloignées. En revanche, les MCGAO sont les outils de régionalisation les plus coûteux et ils doivent être exécutés par de gros systèmes informatiques afin d’obtenir une résolution élevée.

Avec la méthode MCGvar, on exécute le même type de simulation qu’avec les MCGA, mais en augmentant graduellement la résolution horizontale du modèle mondial jusqu’à la région visée (par exemple, Deque et Piedelievre, 1995). Comme dans le cas des MCGA à tranches temporelles, l’incohérence potentielle introduite par les champs SST constitue un problème, même si on peut le contourner en rapprochant les champs MCGvar de ceux du MCGAO, ce qui éloigne les SST du domaine d’intérêt haute résolution. Une autre difficulté de taille est que les paramétrisations physiques utilisées par les MCGvar doivent fonctionner à une gamme étendue d’échelles spatiales qui peuvent parfois dépasser les limites d’applicabilité des systèmes. De nos jours, on dispose d’un choix de plusieurs MCGvar pour la simulation du climat à des résolutions régionales fines atteignant quelques dizaines de kilomètres; un projet de comparaison de modèles a récemment été lancé (Fox-Rabinowitz et al., 2006).

La technique MCR consiste à procéder au même type d’expérience qu’avec les MCGvar, mais en ayant recours à un MCR à domaine limité et grilles emboîtées dans la région visée (Giorgi et Mearns, 1999). Comme le modèle couvre un secteur précis, on peut obtenir une résolution horizontale très élevée. Pour exécuter un MCR, on a besoin de conditions météorologiques aux limites latérales. Avec la technique des grilles emboîtées, ces conditions sont fournies par des simulations MCGAO correspondantes ou par des champs provenant d’analyses d’observations mondiales. La plupart des études MCR effectuées jusqu’ici ont procédé selon le mode unidirectionnel, c’est-à-dire que les informations MCR n’alimentent pas le MCG. Récemment, toutefois, certaines expériences bidirectionnelles ont été réalisées avec des résultats très encourageants (Lorenz et Jacob, 2005).

Les MCR à grilles emboîtées constituent probablement la méthode de réduction d’échelle dynamique la plus largement utilisée. L’hypothèse de base est que le MCGAO simule la réponse de la circulation mondiale à des forçages à grande échelle (par exemple, forçage radiatif GES) alors que le MCR à grilles emboîtées simule l’effet des forçages régionaux à une échelle inférieure à celle du MCG (par exemple, topographie). Il est important de souligner que lorsqu’on a recours au mode unidirectionnel, les MCR à grilles emboîtées ne sont pas censés corriger les grandes erreurs dans les champs de forçage MCG, mais sont plutôt destinés à ajouter de l’information régionale fine au signal climatique à grande échelle. Il est donc indispensable de d’abord analyser les champs de modèle mondial utilisés pour les conditions aux limites latérales avant de procéder à une expérience MCR.

Quelques dizaines de systèmes MCR ont été élaborés dans des laboratoires du monde entier et divers projets de comparaison sont en cours pour différentes régions (par exemple, Takle et al., 2007). Ces derniers nous ont permis de mieux comprendre un certain nombre d’aspects techniques liés à l’utilisation des MCR: choix du domaine et paramétrisations physiques; utilisation de différentes techniques d’assimilation des conditions de forçage aux limites latérales; effet de la variabilité du modèle interne par rapport au forçage aux limites latérales; écart optimal de résolution entre les champs de forçage et la solution du modèle; et transférabilité des modèles d’une région à l’autre. Les MCR ont montré qu’ils pouvaient améliorer la simulation des détails spatiaux du climat (par exemple, ceux forcés par les topographies et les littorals complexes, voir la figure 2) et des phénomènes extrêmes par rapport aux modèles mondiaux (Giorgi, 2006). De plus, des simulations MCR multidécennales à centennales ont été réalisées avec des intervalles de grille de quelques dizaines de kilomètres ou moins, montrant ainsi comment les forçages à échelle fine peuvent influer de manière notable sur le signal de changement climatique (par exemple, Gao et al., 2006). De nombreuses recherches actuelles visent à coupler des MCR de l’atmosphère à des modèles d’autres composantes du système climatique (par exemple, océan/glace de mer, chimie/aérosols et biosphère terrestre); une application récente consiste à utiliser les MCR dans le cadre d’études de prévision saisonnière (Wang et al., 2004). Il existe un certain nombre d’articles de synthèse sur l’élaboration et l’utilisation des MCR (Giorgi et Mearns, 1991, 1999; McGregor, 1997; Leung et al., 2003; Wang et al., 2004; Giorgi, 2006).).

map  
Précipitations observées  
map  
Précipitations MCG  
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Précipitations MCR  
   
Figure 2 — Précipitations observées et simulées en période de mousson en Chine (mai-septembre) obtenues au moyen d'un MCR et du MCG directeur. Celles-ci constituent la moyenne d'une simulation de l'époque actuelle sur une période de 30 ans, la maille du MCR étant de 20 km. L'unité employée est mm/jour. Cette figure illustre l'amélioration que permet le MCR par rapport au MCG directeur (de Gao et al., 2008).  
   

Avec la technique de réduction d’échelle statistique (par exemple, Hewitson et Crane, 1996), la stratégie de base vise à établir des relations statistiques entre certains prédictands (par exemple, précipitations en un lieu donné) et des prédicteurs pouvant être obtenus à partir de simulations d’un modèle mondial (par exemple, hauteur de 500 hPa). Ces relations, qui sont dérivées d’observations, sont ensuite appliquées aux résultats des simulations MCGAO du climat futur afin d’obtenir des informations sur les changements climatiques à l’échelle locale. Il s’agit ici de la méthode de base, mais il existe diverses variantes (par exemple, Giorgi et al., 2001; Christensen et al., 2007).

L’hypothèse fondamentale des méthodes de réduction d’échelle statistique est que les relations statistiques établies à l’aide de l’information sur le climat actuel sont également valides sous différentes conditions climatiques (Hewitson et Crane, 1996). Cette hypothèse est difficile à vérifier car les conditions avec un forçage GES accru devraient être très différentes de celles que l’on retrouve dans les archives de données anciennes utilisées pour établir les modèles de réduction d’échelle statistique. Une deuxième hypothèse importante est que les prédicteurs employés dans ces modèles sont entièrement représentatifs du signal de changement climatique, ce qui peut nécessiter de recourir à un ensemble de prédicteurs fondés sur l’objet particulier de l’étude. Comme ces méthodes sont peu coûteuses sur le plan informatique, on peut facilement les appliquer aux résultats des différents MCG. Un autre avantage de ces modèles est qu’ils peuvent produire des données locales ou liées à des impacts spécifiques, pas nécessairement fournies par les modèles numériques. Une question clef est la disponibilité de jeux de données d’observation d’une qualité et d’une étendue suffisantes pour établir des relations statistiques solides.

Il existe de nos jours un grand nombre de méthodes de réduction d’échelle statistique, notamment les modèles de régression, les systèmes générateurs et classificateurs de conditions météorologiques, les réseaux neuronaux et les méthodes analogiques et d’échelonnement des régimes climatiques (Giorgi et al., 2001; Christensen et al., 2007). L’abondance de ces méthodes rend particulièrement difficile leur évaluation, étant donné que les modèles sont souvent associés à des applications précises. Celles-ci ont toutefois beaucoup évolué de sorte qu’elles peuvent servir de nos jours à une gamme étendue et variée d’études d’impact à l’échelle régionale à locale (Christensen et al., 2007). Wilby et al. (2004) examinent de manière détaillée les questions relatives aux applications.

Utilisation d’outils de régionalisation pour fournir l’information climatologique nécessaire aux études d’impact et d’adaptation

Toutes les techniques de régionalisation ont grandement évolué et sont de plus en plus utilisées dans un large éventail d’applications, des études de processus aux simulations des changements climatiques et des climats anciens.

La figure 3 montre la séquence des étapes nécessaires pour obtenir un scénario régionalisé des changements climatiques servant aux études d’impact (Giorgi, 2005). Il faut d’abord disposer de scénarios d’émission et de concentration de gaz à effet de serre, fondés sur des hypothèses concernant le développement socio-économique ou des scénarios d’objectifs de stabilisation. Ces scénarios alimentent ensuite des MCGAO couplés en vue de produire des simulations transitoires des changements climatiques pour le XXIe siècle et même au-delà. Les champs provenant de ces simulations sont ensuite intégrés aux outils de régionalisation, qui produisent ensuite l’information destinée aux modèles d’impact et, éventuellement, aux plans d’adaptation.

Figure-3.p.89_fr Figure 3 — Schéma des étapes à suivre pour obtenir de l'information sur les changements climatiques pouvant servir à des évaluations des incidences par le biais de méthodes de régionalisation.
   

Chaque étape du processus présente un certain degré d’incertitude qui s’accumule en cascade en passant d’une étape à l’autre. La plus grande source d’incertitude est liée à la diversité des scénarios d’émission de gaz à effet de serre, des configurations de modèles mondiaux, des méthodes et modèles de régionalisation employés (Giorgi, 2005). En raison de cet effet en cascade, l’incertitude des projections régionales est très élevée, au point que seules quelques régions peuvent bénéficier de projections fiables issues d’un modèle (Giorgi et al., 2001; Christensen et al., 2007).

Les utilisateurs de techniques de régionalisation sont confrontés à deux grandes questions: la valeur ajoutée et le choix de la technique. En ce qui a trait à la première question, il faut soigneusement évaluer si le recours à une méthode donnée de réduction d’échelle permettra d’obtenir de nouveaux renseignements utiles pour une certaine application. Cela vaut particulièrement pour les situations où la topographie est complexe ou pour les études de phénomènes extrêmes. Il est toutefois possible, dans certains cas, d’utiliser directement les informations MCGAO.

Pour ce qui est de la deuxième question, chaque technique de régionalisation a des limites et des avantages particuliers et le choix dépend de l’application et de la disponibilité des ressources. Ces méthodes ont été peu comparées, mais il apparaît que les modèles de réduction d’échelle dynamique et statistique présentent des résultats comparables sur le plan de la reproduction du climat actuel. Le signal de changement climatique simulé peut toutefois être assez différent, en raison surtout du recours à des prédicteurs et des hypothèses spécifiques dans les méthodes statistiques.

Les techniques de régionalisation fondées sur des modèles fournissent des séries chronologiques de variables climatiques de base (par exemple, températures, précipitations, vents) jusqu’à des échelles infraquotidiennes, selon la résolution du modèle, soit pour l’ensemble du XXIe siècle, soit pour une partie de cette période. Actuellement, la résolution type des modèles de régionalisation physiques est de l’ordre de quelques dizaines de kilomètres. Afin d’obtenir une résolution supérieure, on a besoin d’un outil de réduction d’échelle statistique pour convertir à l’échelle locale l’information des modèles climatiques et produire des séries chronologiques des variables climatiques voulues.

On pourrait alors affirmer que la méthode optimale consisterait à utiliser en combinaison différentes techniques de réduction d’échelle. Il serait possible, par exemple, d’avoir recours à un MCGA à tranches temporelles pour obtenir de l’information à résolution moyenne afin de passer d’un MCGAO à un MCGvar ou MCR, qui pourrait ensuite produire des champs climatiques à une échelle plus fine. Ceux-ci pourraient à leur tour fournir des prédicteurs plus détaillés et cohérents sur le plan interne pour les modèles de réduction d’échelle statistique destinés à alimenter les études d’impact.

La figure 4 (tirée de Diffenbaugh et al., 2007) donne un exemple de cette approche (à l’exclusion de la dernière étape). Elle présente les variations de fréquence des phénomènes à indice thermique (mesure du stress thermique à partir de la température et de l’humidité relative) très dangereux dans le bassin de la Méditerranée pour la période 2071-2100, par rapport à la période 1961-1990, d’après le scénario d’émission A2 du GIEC (2000). On a d’abord exécuté un MCGA à tranches temporelles avec des valeurs SST provenant d’un MCGAO couplé. Les champs MCGA ont ensuite servi de conditions aux limites latérales pour une simulation MCR à grilles emboîtées à une résolution de 50 km. Les champs provenant de cette simulation ont ensuite été utilisés pour déterminer les conditions aux limites latérales d’un autre MCR à grilles emboîtées exécuté à un intervalle de grille de 20 km. L’aspect clef de la figure 4 est la capacité de cette approche à fournir de l’information très fine sur le stress thermique (remarquons, par exemple, le signal côtier clair), qui peut ensuite faciliter l’adoption de mesures d’adaptation adéquates.

heat index Figure 4 — Augmentation simulée de la fréquence des jours à indice thermique très dangereux obtenue à l'aide d'un système MCR à grilles emboîtées multiples (voir le texte)
(de Diffenbaugh et al., 2007)
   

Un autre exemple d’application de ce type apparaît à la figure 5, où un modèle de réduction d’échelle statistique est utilisé pour faire varier les précipitations de juin-juillet-août en Afrique à partir de différents résultats de MCGAO. Cela démontre, notamment, la facilité avec laquelle on peut employer les modèles de réduction d’échelle statistique avec différentes simulations de modèle mondial.

maps Figure 5 — Variations simulées des précipitations de juin-juillet-août en Afrique obtenues à partir d'un modèle de réduction d'échelle statistique appliqué aux résultats de différentes simulations d'un modèle mondial
(B. Hewitson, communication personnelle)
   

Utilisation future des techniques de régionalisation pour les études sur les changements climatiques: perspectives et besoins

Les outils de régionalisation constituent de nos jours une composante essentielle et reconnue de la recherche sur les changements climatiques. La plupart d’entre eux peuvent être maintenant exécutés sur des plates-formes informatiques relativement peu coûteuses (par exemple, PC ou groupe de PC), ce qui permet d’augmenter grandement le nombre d’utilisateurs. Cette «prolifération» aide à mieux comprendre et évaluer l’applicabilité des modèles mais il faut prendre plus de précautions pour bien les utiliser.

Quels sont les besoins les plus pressants pour faire face à l’utilisation accrue des techniques de régionalisation? L’un d’eux est certainement l’amélioration des jeux de données d’observation pour la validation et l’étalonnage des modèles dynamiques et statistiques. Les MCR actuels peuvent être exécutés à une résolution de 10 km ou moins et les modèles de réduction d’échelle statistique peuvent se rendre jusqu’à l’échelle locale. Par ailleurs, il faudrait étendre l’emploi de ces modèles à toutes les parties du monde, y compris les régions reculées et montagneuses. Cela nécessitera des jeux de données d’observation de qualité à résolution fine, éventuellement à couverture mondiale, pour valider et vérifier les modèles dynamiques et étalonner les modèles statistiques. Le SMOC pourrait constituer un cadre privilégié à cet égard.

La résolution horizontale visée pour les modèles physiques avoisine maintenant les 10 km ou moins. À cette résolution, de nombreux systèmes actuels auront besoin d’être affinés, autant au niveau de leurs composantes dynamiques que de leurs composantes physiques. Par exemple, nombre de MCGA, MCGvar et MCR reposent sur l’hypothèse hydrostatique et emploient des schémas de convection qui permettent de distinguer nettement l’échelle des nuages de l’échelle de la grille du modèle. Aucune de ces hypothèses ne demeure valide lorsque la résolution horizontale approche les valeurs de 10 km ou moins. Les schémas de la couche limite pourraient aussi avoir besoin d’être perfectionnés. Les prochaines années seront donc nécessairement marquées par de grands efforts visant à faire évoluer les modèles.

Il est essentiel de comprendre les sources d’incertitude associées à la projection des changements climatiques régionaux afin de pouvoir mesurer les répercussions de ces changements (Giorgi, 2005). Comme nous l’avons mentionné auparavant, l’utilisation de différents modèles ou outils de régionalisation constitue une source d’incertitude importante. L’évaluation de cette incertitude nécessite l’exécution coordonnée d’ensembles de simulations pour différents scénarios de changements climatiques, modèles et méthodes. Cette coordination n’est pas facile à obtenir à l’échelle régionale, car les divers partenaires ne s’intéressent souvent pas aux mêmes questions ou domaines. L’OMM peut jouer un rôle clef à cet égard en facilitant les interactions entre les différents groupes d’experts en modélisation afin d’établir un cadre commun propice à la comparaison et à l’utilisation combinée de modèles et de méthodes.

Enfin, les outils de régionalisation peuvent assurer une fonction fondamentale en faisant participer directement les scientifiques de pays en développement aux projets de modélisation des changements climatiques (Huntingford et Gash, 2005). Ces pays, qui devraient être les plus vulnérables aux effets de l’évolution du climat, ont particulièrement besoin de politiques d’adaptation. Il est donc essentiel qu’ils développent leur propre savoir-faire en ce qui a trait à l’information régionale à locale sur les changements climatiques en fonction de leurs besoins spécifiques. Il faudra déployer des efforts considérables sur le plan de l’éducation et des réseaux pour connaître l’ensemble des outils de modélisation décrits ici et apprendre à les utiliser et pour savoir se servir des données de sortie des modèles exécutés dans le cadre d’initiatives internationales. Cet objectif pourra être atteint grâce à l’organisation régulière de stages de formation, visites d’échange et projets de recherche conjoints sud-sud/sud-nord. Même si certaines de ces activités ont déjà été lancées (Pal et al., 2007; http://www.aiaccproject.org/; http://precis.metoffice.com/), l’OMM sera amenée à jouer un rôle indispensable.


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Remerciements

J'aimerais remercier Rupa Kumar Kolli pour ses suggestions concernant la rédaction et E. Coppola pour son aide technique.


* Centre international de physique théorique Abdus Salam, Trieste, Italie

 
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