Techniques hydrométriques: perfectionnement des instruments pour la cartographie hydrodynamique des cours d’eau

01 juillet 2008

par Marian Muste1, Won Kim2 et Janice M. Fulford3


Introduction

La croissance démographique et l’élévation du niveau de vie à l’échelle planétaire exercent de vives pressions sur les ressources en eau de surface. Pour répondre à la hausse de la demande, les gestionnaires doivent pouvoir obtenir à moindre coût des mesures plus précises et plus détaillées de l’écoulement fluvial.

La croissance démographique et l’élévation du niveau de vie à l’échelle planétaire exercent de vives pressions sur les ressources en eau de surface. Pour répondre à la hausse de la demande, les gestionnaires doivent pouvoir obtenir à moindre coût des mesures plus précises et plus détaillées de l’écoulement fluvial. Les progrès récents survenus dans les instruments hydrométriques renforcent déjà sensiblement notre capacité de mesurer le débit en surface et la dynamique des cours d’eau.

Le principe de fonctionnement des appareils utilisés jusqu’à récemment était resté le même. On mesurait le débit avec des moulinets mécaniques dont l’hélice était actionnée par la force de l’eau, méthode apparue dès le début du siècle dernier. Depuis une vingtaine d’années, la baisse du prix et l’augmentation de la capacité des ordinateurs, des composants électroniques et des piles ont permis de mettre au point de tout nouveaux moulinets électroniques pour cartographier l’hydrodynamique des cours d’eau.

Les moulinets utilisant les technologies acoustique, radar et des images révolutionnent aujourd’hui la mesure du débit des eaux de surface et de la dynamique fluviale. Considérés comme les meilleurs instruments pour établir la vitesse du courant, ils remplacent les appareils mécaniques dans la plupart des stations. Efficaces, performants et sûrs, ils effectuent les relevés plus rapidement, couvrent une zone plus large et offrent une résolution spatiale plus fine que les anciens appareils mécaniques, à un coût moindre.

Les instruments dont on dispose depuis peu ou dont on disposera bientôt peuvent mesurer plusieurs éléments cinématiques bi et tridimensionnels répartis dans l’espace qui sont associés à d’importants aspects morphologiques et hydrodynamiques des cours d’eau. Certains, par exemple les nouveaux instruments radar et à images, ne sont même pas en contact avec l’eau pendant les relevés. Malheureusement, aucune des directives de l’OMM, qui sont très antérieures à l’apparition de ces techniques, ne traite des appareils récents, alors que de nombreux groupes, dont les auteurs du présent article, sont à l’affût des performances et des capacités maintenant offertes.

Deux types de moulinets électroniques, les profileurs de courant à effet Doppler (ADCP) et les appareils fondés sur la vélocimétrie par images de particules à grande échelle (LSPIV), font partie de cette nouvelle génération d’instruments qui modifient la façon de mesurer les ressources en eau de surface. Ils peuvent fournir les données sur la vitesse des courants qui sont nécessaires pour mieux comprendre les processus géomorphiques, hydrologiques et écologiques complexes en jeu, ainsi que leurs interactions dans des conditions normales et extrêmes. Les résultats d’analyses comparatives avec les méthodes et instruments classiques qui sont présentés plus loin montrent l’utilité des ADCP et le potentiel de la LSPIV pour la détermination du débit.

Profileurs de courant à effet Doppler: mode de fonctionnement

Les profileurs de courant à effet Doppler (ADCP) sont généralement installés à bord d’un navire (balayage descendant), mais peuvent aussi être ancrés au fond de l’eau (balayage ascendant) ou montés sur la rive (balayage latéral). Le capteur du profileur doit être en contact avec l’eau afin de transmettre et mesurer les impulsions sonores dirigées à travers la colonne d’eau. Les impulsions sont réfléchies ou renvoyées en écho par les petites particules ou bulles en suspension qui se déplacent à l’intérieur des faisceaux acoustiques (figure 1), produisant ainsi un décalage dans le son transmis qui permet de calculer la vitesse. Ce phénomène, l’effet Doppler, est le même que celui qui fait qu’une personne qui entend le sifflet d’un train en mouvement perçoit un changement de tonalité dans le son qui lui parvient. Les impulsions envoyées dans différentes directions, ou faisceaux (généralement trois ou quatre), en provenance de l’ADCP détectent différentes composantes de vitesse parallèles à chacun des faisceaux. Si l’écoulement est uniforme (homogène) dans les couches de profondeur constante, on se sert d’une transformation trigonométrique pour convertir la vitesse le long des faisceaux en trois composantes associées à un système à coordonnées cartésiennes orienté vers l’instrument. Chaque impulsion acoustique produit par le profileur monté sur le navire donne des relevés de vitesse à travers le tirant d’eau (figure 1).

a)
b)
 
schema  
Figure 1 — Principe de fonctionnement d’un profileur de courant à effet Doppler (Configuration Teledyne RDI): a) disposition des faisceaux; b) mesures  
   

Les ADCP installés sur un navire mobile peuvent établir assez facilement le profil multicomposante de la vitesse sous l’eau et fournir automatiquement des données sur la vitesse, la profondeur et l’emplacement pendant que le navire se déplace. Les fabricants d’instruments (par exemple, RDI, 1996) affirment que leurs appareils offrent une précision de 0,25 % pour les observations réalisées dans des conditions idéales d’uniformité des vitesses horizontales, ce qui est rare, voire impossible. Certaines conditions peuvent interdire l’utilisation de ce type d’appareil, par exemple lorsqu’il y a peu ou pas de particules en suspension permettant de réfléchir les impulsions sonores ou que la concentration élevée des sédiments absorbe ces impulsions. Par ailleurs, quand il faut procéder à des mesures à proximité d’une paroi verticale, les vitesses horizontales risquent fort de ne pas être uniformes, ce qui occasionne des erreurs. La circulation des sédiments dans le fond de l’eau et le fait de ne pas avoir recours à la technologie GPS peut aussi causer des erreurs. Il existe une documentation abondante sur ces principes et sur tous les aspects relatifs à la configuration et au fonctionnement des ADCP (par exemple, RDI, 1996; SonTek, 2000).

Profileurs de courant à effet Doppler: capacité de mesure

Les appareils acoustiques de mesure de la vitesse ont été conçus à l’origine pour effectuer des relevés dans l’océan, mais les perfectionnements apportés permettent maintenant de mesurer les débits des cours d’eau. L’USGS (United States Geological Survey) a commencé à se servir d’ADCP en 1985 et a publié en 1993 un document décrivant un système de mesure du débit en temps réel (Simpson et Oltmann, 1993). La comparaison avec des appareils mécaniques a favorisé l’emploi des ADCP pour ce type d’application (Mueller, 2003).

Les ADCP, qui sont maintenant un outil éprouvé pour la mesure des débits, sont fabriqués par plusieurs sociétés (RDI, 1996; SonTek, 2000). À l’heure actuelle, environ 30 % des activités de l’USGS dans ce domaine sont menées à l’aide d’appareils acoustiques de mesure de la vitesse ponctuelle et d’ADCP (Oberg et al., 2005). Cet organisme a fait remplacer par des ADCP une grande partie des instruments mécaniques installés sur ses navires. Les profileurs peuvent mesurer précisément le débit des cours d’eau qui présentent un écoulement bidirectionnel dans la colonne d’eau sans qu’il soit nécessaire d’avoir recours à des techniques spéciales, car ils relèvent à la fois la vitesse et la direction du courant. Les modèles mécaniques ne mesurent généralement que la vitesse.

La plupart des observations effectuées à l’aide d’ADCP se font encore à partir de navires mobiles (avec équipage ou de manière captive) qui circulent entre deux points opposés des rives (formant un transect). On calcule les débits en utilisant soit les algorithmes mis au point spécialement pour cette application (RDI, 1996), soit les algorithmes classiques fondés sur le positionnement de navires fixes et la méthode aire-vitesse. Ainsi, le logiciel de l’instrument est réglé de façon à tenir peu compte des informations supplémentaires pouvant être extraites des données brutes fournies par l’ADCP. Au cours d’une observation, le profileur fournit un grand volume de données de manière plus rapide et efficace que les anciens instruments mécaniques. Par exemple, pour les mesures qui ont été réalisées dans la rivière Kissimmee (Floride) (Merwade et al., 2008), on a utilisé quelque 800 impulsions acoustiques individuelles pour obtenir les valeurs à 8 000 emplacements sur l’ensemble du transect.

Vu l’intérêt accru porté à la qualité de l’eau et aux habitats d’eau de surface, davantage de données sont requises pour surveiller, modéliser et étudier le transport solide, l’affouillement, la remise en état des habitats et les ouvrages hydrauliques. La plupart de ces données, comme le calcul des forces exercées par l’eau et éventuellement les concentrations de sédiments, sont disponibles dans les fichiers bruts ADCP, mais les outils d’extraction et de traitement ne sont pas fournis par les fabricants d’instruments. Des algorithmes spéciaux ont été mis au point par divers groupes d’utilisateurs.

Les mesures effectuées par Merwade et al. [Ibid.] dans la rivière Kissimmee montrent que les profileurs peuvent fournir d’autres données que les débits au moyen d’un logiciel personnalisé, tel AdcpXP, conçu par l’Institute of Hydraulic Research de l’Iowa (Kim et al., 2005). On peut traiter les fichiers bruts afin de représenter la vitesse de l’écoulement et les informations dérivées, sous forme de valeurs globales ou moyennées pour une section transversale (une dimension), ou sous forme de valeurs locales à un endroit précis du courant (deux ou trois dimensions). Parmi les informations unidimensionnelles qu’il est possible de déterminer à partir de fichiers bruts ADCP figurent la profondeur moyenne de la section transversale, la vitesse moyenne dans la section transversale et le nombre de Froude.

  illustration
  Figure 2 — Illustration des informations multidimensionnelles fournies par les ADCP: a) champ de vecteur de la vitesse instantanée obtenu au moyen d’ADCP installés à bord de navires; b) distribution de la vitesse moyenne sur certains plans verticaux choisis; c) visualisation de la circulation dans la section transversale

On peut se servir d’un logiciel de visualisation avec les données ADCP pour montrer comment la vitesse locale varie à l’intérieur d’une section transversale (voir les figures 2a), 2b) et 2c)). Il est possible de calculer les caractéristiques moyennes et de turbulence dans une section transversale à partir d’une série chronologique de vitesses recueillies en guidant le navire ou en l’ancrant à un endroit fixe (Szupiany et al., 2007). Les graphiques vectoriels de la vitesse, les tracés de contour de l’intensité des vitesses, les remous, les remontées d’eau et la turbulence et les vitesses moyennes à des points fixes du courant constituent, quant à eux, des exemples d’information bi et tridimensionnelle pouvant être obtenue à partir de fichiers bruts ADCP.

Vélocimétrie par images de particules à grande échelle: mode de fonctionnement

La LSPIV repose sur une technique d’imagerie qui est utilisée dans les laboratoires d’étude des fluides. Au cours des 30 dernières années, l’évolution rapide de l’optique, des lasers, de l’électronique, du matériel informatique et des logiciels a accéléré de manière notable le recours aux images pour visualiser l’écoulement et procéder à des mesures quantitatives en laboratoire. Il reste encore à valider la LSPIV sur le terrain dans les mêmes conditions de mesure du débit que celles des ADCP.

La vélocimétrie par images de particules (PIV) a grandement amélioré notre capacité de mesurer les vecteurs de vitesse instantanée dans divers types d’écoulements produits de manière expérimentale (par exemple, Adrian, 1991). Un aspect séduisant de cette technologie est sa simplicité inhérente qui la rend plus conviviale que les techniques précédentes, puisqu’on obtient des images au lieu de signaux ou autres sorties de transducteurs. On enregistre les images en tant qu’informations numériques brutes qui peuvent être retraitées selon les besoins, avec différentes résolutions spatiales et temporelles, afin de caractériser l’écoulement. Ces avantages ont rapidement fait de la PIV la méthode privilégiée pour la mesure détaillée des turbulences dans des écoulements bi et tridimensionnels en milieu contrôlé, mais elle n’est pas encore largement utilisée à l’extérieur des laboratoires.

Les premières mesures en milieu fluvial ont été réalisées au Japon par Fujita et Komura (1994). Comme on avait besoin d’images de grandes aires de surface, la PIV à grande échelle (LSPIV) semblait la solution. Elle comprend les quatre composantes types de la vélocimétrie par images de particules classique: éclairement (par le soleil), ensemencement dans le courant, enregistrement des images et traitement des images. Les images LSPIV étant généralement enregistrées sous un angle oblique, il faut appliquer une correction supplémentaire.

On amorce l’opération en prenant des images de la surface de l’eau à partir d’une position stratégique (figure 3). Le mouvement de l’eau en surface n’est perceptible que si des éléments sont entraînés par le courant. Il est souvent possible d’observer des éléments naturels (mousse, remous, petits débris, vaguelettes, etc.) qui constituent d’excellents traceurs d’écoulement. S’ils sont absents, on peut procéder à un ensemencement artificiel de la zone.

Comme nous l’avons déjà mentionné, les images enregistrées sont déformées sur le plan géométrique en raison de l’effet de perspective. Les images photo sont corrigées puis traitées afin d’obtenir les vitesses à la surface de l’eau. Le mouvement du courant est estimé à partir de paires d’images consécutives, par inférence statistique sur les éléments qui flottent à la surface. On calcule ensuite les vitesses sur la totalité de l’image en divisant les déplacements estimés par l’intervalle de temps entre deux images.

Le débit est obtenu par la méthode aire vitesse. La vitesse de l’eau en surface mesurée par LSPIV est ajustée afin d’obtenir une meilleure évaluation de la vitesse moyenne dans la colonne d’eau et multipliée par la valeur bathymétrique de la sous-aire visée dans la section transversale, tel qu’illustré à la figure 3d). Les données bathymétriques peuvent être obtenues par sondage direct à l’aide d’instruments spécialisés (par exemple, sonars ou ADCP). Les levées bathymétriques sont effectuées au moment des mesures LSPIV ou avant, en espérant que les résultats du sondage ne changent pas entre les mesures du lit et de l’eau en surface.

schema  

Figure 3 — Principe de fonctionnement et composantes opérationnelles de la vélocimétrie par images de particules à grande échelle: a) éclairement et ensemencement; b) enregistrement des images; c) reconstitution des images pour obtenir des images orthorectifiées et traitement des images; d)  algorithme servant à l’estimation du débit à partir des mesures LSPIV de l’eau en surface

 

Il peut être impossible d’effectuer des mesures ou la précision peut être passablement réduite lorsque les conditions d’éclairement sont mauvaises, que les traceurs d’écoulement sont peu nombreux ou que d’autres phénomènes nuisibles sont observés à la surface de l’eau. Il est généralement nécessaire d’effectuer les relevés LSPIV dans des conditions de lumière du jour, les opérations de nuit ne donnant pas de résultats satisfaisants. Si les éléments reconnaissables à la surface de l’eau, ou traceurs, ne sont pas assez nombreux, les vitesses obtenues peuvent être erronées et la résolution de la carte des vitesses réduite. L’angle de l’appareil de prise de vue par rapport à l’écoulement peut par ailleurs abaisser la résolution. La précision des mesures du débit varie selon les données bathymétriques employées, l’hypothèse de la variation de la vitesse en fonction de la profondeur et la mesure de l’élévation de l’eau pendant l’opération. Les valeurs bathymétriques précédemment obtenues peuvent être différentes de celles relevées au cours de la mesure et l’ajustement des vitesses de l’eau en surface par rapport à la vitesse moyenne dans la colonne d’eau peut manquer de précision. Quand le courant est lent, notamment en présence de vent, les appareils LSPIV ne donnent pas de vitesses fiables pour la mesure des débits.

Les configurations sont sans cesse perfectionnées. Soulignons notamment le système fixe de mesure continue en temps réel des débits dans la rivière Iowa (Hauet et al., 2008) et le système mobile monté à bord d’un camion qui peut être déployé sur pratiquement n’importe quel site (Kim, 2008). Les caractéristiques essentielles de ces configurations sont illustrées à la figure 4.

  illustration
  Figure 4 — Différentes configurations de mesure par LSPIV

Vélocimétrie par images de particules à grande échelle: capacité de mesure

Le grand avantage des appareils LSPIV est qu’ils mesurent simultanément et à distance les vitesses sur la totalité de la surface photographiée de manière plus fine que les systèmes radar HF. Ces derniers sont limités à une résolution de 300 m, alors les appareils LSPIV atteignent un mètre ou moins, caractéristique unique parmi les instruments de mesure de la vitesse. On a cartographié ainsi, de façon non intrusive, des aires de 100 à 5 000 m2 afin d’obtenir des champs de vecteur de vitesse instantanée, d’établir les configurations d’écoulement et d’estimer les débits des cours d’eau (Muste et al., 2008). La possibilité d’effectuer les relevés à distance est particulièrement utile lorsque des débris flottants pourraient endommager les instruments immergés et mettre en danger le personnel technique sur place, surtout en période de fort courant.

Les techniques d’imagerie sont étudiées et utilisées dans plusieurs pays pour mesurer les débits sans intrusion (à distance) et caractériser l’hydrodynamique des cours d’eau: États-Unis d’Amérique et République de Corée (Muste et al., 2008), Japon et France (Hauet et al., 2008). Les mesures brutes obtenues sont des champs de vecteur instantanés dans la zone photographiée, comme on peut le voir à la figure 5a). À partir du champ de vecteur, on peut estimer les caractéristiques temporelles tels la vitesse moyenne, les lignes de courants et le tourbillon, ainsi que d’autres valeurs dérivées de la vitesse, comme l’écoulement fluvial. Lorsque les exigences techniques sont respectées, les appareils LSPIV peuvent mesurer efficacement la vitesse des courants de surface à de nombreux emplacements d’une manière beaucoup plus aisée que les instruments à mesure ponctuelle et les profileurs. Dans certaines situations (phénomènes extrêmes (crues, ouragans), écoulement très lent et eau peu profonde), cette technique ne constitue qu’une solution de rechange. Comme il s’agit de systèmes très récents, les textes publiés sont limités et ne couvrent qu’un faible échantillon des conditions dans lesquelles la mesure des débits est habituellement effectuée.

         
image brute   image avec grille de calcul   champ de vecteur
Figure 5 — Mesures par LSPIV dans un petit cours d’eau: a) image brute; b) image transformée montrant la grille de calcul du vecteur de vitesse; c) champ de vecteur de vitesse moyenne obtenu

Comparaison des capacités de mesure

On a récemment entrepris de comparer les capacités de mesure qu’offre la LSPIV par rapport aux ADCP, aux appareils mécaniques et à la méthode aire-vitesse sur une gamme de débits. Les essais ont été réalisés en aval d’une centrale hydroélectrique du comté de Goesan, en République de Corée, dans un tronçon de cours d’eau long de 3,3 km dont le lit de galets était stable. Le tronçon comportait une station de jaugeage et le barrage situé en amont créait des débits allant de 6 à 1 400 m³/s selon la saison.

On a mesuré les débits avec les ADCP selon deux techniques. Dans la première, un ADCP Rio Grande 1 200 kHz était monté sur un bateau pneumatique mobile qui a traversé au moins quatre fois le cours d’eau. Dans la seconde, un ADCP River Cat était placé sur un navire qui a été ancré à 20 emplacements au moins le long du transect, conformément à la norme ISO 748 (ISO, 2007). Un appareil de prise de vue numérique a été utilisé pour évaluer la technique LSPIV, mais les relevés ont été moins nombreux qu’avec les ADCP.

La comparaison a été réalisée simultanément par la méthode classique aire-vitesse, avec un appareil mécanique, et par la méthode indice-vitesse, avec un moulinet acoustique. L’appareil mécanique, un moulinet standard Price AA, était suspendu à une perche dans les eaux peu profondes ou fixé à un pont roulant quand le débit était plus rapide en hautes eaux. Les mesures aire-vitesse ont été effectuées à 20 emplacements sur le transect, conformément à la norme ISO 748 (ISO, 2007).

La méthode indice-vitesse est une technique de mesure continue qui fournit une vitesse de référence à l’aide d’un moulinet acoustique à effet Doppler et à visée latérale (modèle Argonaut-SL 1,5 MHz). La vitesse de référence et la hauteur d’eau permettent de calculer le débit au niveau ou à proximité de la section de mesure grâce à la relation existant entre ces trois paramètres. Cette relation a été établie en procédant à de nombreux relevés par la technique classique aire-vitesse avec un moulinet standard Price AA.

Entre 2005 et 2007, des mesures ont été effectuées de manière simultanée avec les ADCP, la technique LSPIV et les méthodes de comparaison. Les résultats ont été rapprochés du débit du barrage, lequel était déterminé par le réglage des vannes. Le rapport entre l’ouverture des vannes et l’écoulement avait été établi au préalable en laboratoire. La figure 6 montre le débit non dimensionnel obtenu avec les ADCP, la technique LSPIV et les méthodes de comparaison. Il s’agit du débit mesuré avec un appareil ou une méthode divisé par le débit du barrage. On voit que les relevés fournis par l’ADCP sur navire ancré se situent à +/– 10 % des valeurs au barrage. Les résultats sont également satisfaisants avec l’ADCP sur navire mobile, quoiqu’ils présentent un léger biais positif. Peu de mesures ont été réalisées par LSPIV mais les données correspondent bien à l’écoulement au niveau du barrage.

diagramme  
Figure 6 — Comparaison des ADCP, de la LSPIV et d’autres méthodes  

Le tableau ci-dessous présente les indices statistiques relatifs au débit non dimensionné obtenu par les différentes techniques. Les moyennes qui sont supérieures ou inférieures à l’unité révèlent un biais positif ou négatif par rapport à l’écoulement au barrage. En ce qui a trait à l’écart type et à l’erreur quadratique moyenne, les valeurs basses sont le signe d’une bonne concordance avec le débit au barrage. Quant à l’intervalle de confiance par la loi de Student (t pour un intervalle de 95 %), une valeur plus faible indique la signification du débit moyen non dimensionné (et du biais qui lui est associé).

Indices statistiques obtenus avec les différentes techniques de mesure du débit

Indice statistique
Technique de mesure du débit
ADCP
navire mobile
ADCP
navire fixe
LSPIV
Aire-vitesse
Indice-vitesse
Débit moyen non dimensionné
1,055
1,013
0,987
1,022
0,983
Écart type des écarts relatifs
5,7
4,4
8,1
6,5
9,3
Erreur quadratique
moyenne des écarts relatifs
2,2
1,3
4,8
1,7
2,2
Intervalle de confiance (loi de t)
±3,29
±2,54
±12,89
±3,23
±4,78

Le nombre de mesures effectuées était trop faible pour que les biais présents dans les débits moyens non dimensionnés soient statistiquement significatifs. Avec la méthode aire-vitesse et l’ADCP sur navire fixe, les indices sont similaires et les mesures sont très proches de l’écoulement au barrage. L’ADCP sur navire mobile a fourni des données correspondant davantage au débit du barrage que la LSPIV et que la méthode indice-vitesse. C’est la LSPIV qui présentait la plus grande variabilité (écart type et erreur quadratique moyenne), mais le nombre réduit de mesures effectuées par cette technique limite la signification des indices statistiques.

Perspectives

Il est indispensable de connaître les modes de fonctionnement de tout instrument si l’on veut procéder à de bonnes mesures. Par ailleurs, il convient d’évaluer avec soin la capacité de mesure des appareils qui viennent d’arriver sur le marché avant de les utiliser couramment. La performance des ADCP en ce qui a trait à l’estimation des débits des cours d’eau est bien établie. La LSPIV fait encore l’objet de nombreuses études destinées à améliorer son efficacité et à en faire une technique robuste dans diverses conditions de fonctionnement. Elle ne saurait être considérée comme une solution idéale mais comme une méthode qui complète utilement les autres et qui donne de bons résultats dans diverses situations.

La mobilité, l’autonomie et la vitesse de mesure de l’ADCP et de la LSPIV peuvent être intéressantes quand on a besoin de relevés intensifs en situation normale ou lors d’un phénomène hydrologique extrême. Ces nouvelles techniques ont ouvert une ère nouvelle en simplifiant les observations hydrologiques et en réduisant leur coût, tout en augmentant le nombre de mesures qu’il est possible d’effectuer, y compris dans des conditions dangereuses. L’emploi de cette nouvelle génération d’instruments pourrait apporter des précisions sur des processus particulièrement importants, tels les interactions des écoulements dans le lit principal et la plaine d’inondation lors des crues, l’impact de la plaine d’inondation sur la végétation et les habitats riverains, l’évolution des cours d’eau au tracé sinueux et l’effet des aménagements sur l’écosystème fluvial. Parce qu’ils estiment les composantes du débit dans un nombre plus élevé de dimensions, ces instruments pourraient contribuer à améliorer la surveillance de divers processus: stabilisation du lit des rivières, modification de la bathymétrie due à l’élimination d’un barrage, érosion des rives, écologie des cours d’eau et des terres humides, restauration des couloirs en milieu aquatique et incidence sur l’environnement. La Commission d’hydrologie procède en ce moment à une évaluation globale des ADCP et de la LSPIV, ainsi que de nombreux autres instruments récents du type non intrusif, dans le cadre d’un projet de l’OMM intitulé «Évaluation de la qualité des instruments et des techniques de mesure de l’écoulement» (Fulford et al., 2007).

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1 Iowa Institute of Hydraulic Research-Hydroscience & Engineering, Université de l’Iowa, Iowa City, États-Unis d’Amérique
2 Institut coréen des techniques du bâtiment, Séoul, République de Corée
3 US Geological Survey, Stennis Space Center, Mississippi 39529, États-Unis d’Amérique

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