Un processus en cascade pour de meilleurs services de prévision et d’alerte

01 octobre 2013

Présenté par le Secrétariat de l’OMM

Les immenses progrès accomplis ces dernières décennies dans le domaine de la prévision numérique du temps (PNT) ont été possibles grâce à l’intensification et à la meilleure assimilation des observations, à l’augmentation de la puissance des ordinateurs et à l’approfondissement de notre compréhension des processus dynamiques et physiques en cause. Ces avancées, qui ont permis d’affiner la prévision des conditions météorologiques, présenteront encore plus d’intérêt à l’avenir. En conséquence, la météorologie, l’hydrologie, l’océanographie et la climatologie opérationnelles s’orientent maintenant vers la mise en oeuvre d’applications et de modèles numériques hautement perfectionnés et diversifiés dans le souci de répondre aux attentes d’un éventail toujours plus large d’utilisateurs.

Les systèmes opérationnels de PNT donnent généralement une bonne idée des phénomènes qui surviendront dans les heures ou les jours à venir. C’est donc l’un des principaux outils de prévision courante et d’alerte de conditions extrêmes au sein des Services météorologiques et hydrologiques nationaux (SMHN). Toutefois la capacité de prévoir le temps est loin d’être la même partout. Les SMHN plus avancés mettent à profit les progrès de la PNT, mais ceux des pays en développement et des pays les moins avancés ont vu peu d’améliorations à ce jour, faute de budget et de capacités. Et le fossé continue de se creuser.

Le Système mondial de traitement des données et de prévision (SMTDP) ne se limite plus désormais à la Veille météorologique mondiale. Il rassemblera bientôt l’ensemble des systèmes exploités par les Membres de l’OMM, y compris ceux que coordonnent d’autres organisations internationales telle l’OACI. Tous les Membres pourront ainsi bénéficier des avancées de la PNT au sein d’un cadre qui favorise l’échange de données dans le domaine de la météorologie, de l’hydrologie, de l’océanographie et de la climatologie opérationnelles.

Le Système d’information de l’OMM est le principal véhicule d’échange et de fourniture de ces données – qui sont issues du SMTDP. Son principal avantage est d’étendre la gamme des centres qui peuvent se connecter au système et, ce faisant, la gamme des applications du SMTDP.

Néanmoins, il faut réduire le retard technologique en matière de prévision du temps. Comment combler le fossé entre ceux qui ont les connaissances voulues et ceux qui ne les ont pas, entre ceux qui ont les moyens d’exploiter, d’entretenir, de développer et de financer des systèmes aussi complexes et ceux qui ne les ont pas? Le SMTDP a lancé en 2006 le Projet de démonstration concernant la prévision des conditions météorologiques extrêmes; le but est de réduire ce retard en augmentant la disponibilité et la capacité d’utiliser la PNT, y compris les systèmes de prévision d’ensemble, dans les pays qui ne sont pas en mesure d’en bénéficier pleinement



La prévision numérique du temps

La prévision numérique du temps consiste à utiliser des modèles mathématiques de l’atmosphère et des océans pour anticiper les conditions futures à partir de l’observation du temps présent.

Les données utilisées proviennent chaque jour de satellites, radars Doppler, stations et ballons météorologiques, aéronefs, navires et autres plates-formes. Elles sont traitées par des ordinateurs au moyen de modèles mathématiques – ou numériques – qui reposent sur notre compréhension scientifique des lois de la nature et de la physique. Ainsi, à partir des conditions météorologiques, climatologiques et atmosphériques observées, les ordinateurs utilisent des modèles pour aider à prévoir le temps qu’il fera au cours des prochains jours.

Grâce aux progrès accomplis, une prévision à échéance de 5 jours établie aujourd’hui est aussi bonne qu’une prévision à échéance de 2 jours produite il y a vingt ans. Et cela continue. «Depuis trente ans, notre capacité de prévoir le temps à l’échelle mondiale s’est accrue d’environ une journée par décennie. Et nos résultats montrent que la tendance se maintient au même rythme d’une journée tous les dix ans, même aujourd’hui.» – Alan Thorpe, Chef de la Division de la météorologie au CEPMMT.


La structure du SMTDP

Le SMTDP est un réseau mondial de centres opérationnels exploités par les Membres de l’OMM. Sa mission est de procurer à ceux ci, 24 heures sur 24, 365 jours par an, des produits et des services convenus destinés à des applications liées au temps, au climat, à l’eau et à l’environnement. Il s’attache donc à mettre à la disposition de tous les Membres, de la manière la plus efficace possible, les progrès scientifiques et techniques réalisés en météorologie et dans les domaines connexes.

Les fonctions, la structure et les activités du SMTDP sont conçues en fonction des besoins des Membres et de leur capacité de contribuer au Système et d’en tirer profit.

Comme on le voit dans la figure, les établissements participants se situent à trois niveaux différents: les centres météorologiques mondiaux (CMM) à l’échelon de la planète, les centres météorologiques régionaux spécialisés (CMRS) et les centres climatologiques régionaux (CCR) à l’échelon des régions et les centres météorologiques nationaux (CMN) à l’échelon des pays. En favorisant la coopération et l’échange d’information, le Système aide aussi à renforcer les capacités dans le monde entier, y compris dans les pays en développement et les pays les moins avancés.

Les produits de prévision émanant des centres avancés du SMTDP sont soumis à des procédures de vérification objective. Le but est de contrôler de façon normalisée et cohérente l’exactitude des produits afin que les utilisateurs puissent en faire le meilleur usage et que les centres puissent les affiner. Le contrôle de la qualité des observations fait partie intégrante des systèmes de PNT exploités par les centres du SMTDP, ce qui aide à harmoniser la gestion de la qualité dans toutes lescomposantes du Système mondial intégré des systèmes d’observation de l’OMM (WIGOS).

Le SMTDP se charge en différé de l’archivage à long terme des observations, des produits et des résultats des vérifications aux fins de l’exploitation et de la recherche.


Le processus de prévision en cascades

Peu de centres du SMTDP utilisent en exploitation les systèmes de PNT d’échelle mondiale et régionale, ou les systèmes de prévision d’ensemble à passages multiples, en raison du coût élevé des calculs. Nombre d’améliorations apportées récemment à la PNT, telle la possibilité de simuler la convection, sont particulièrement utiles pour prévoir les conditions météorologiques extrêmes dans les régions tropicales et subtropicales; toutefois, seuls les grands centres du SMTDP sont en mesure d’en profiter parce qu’elles impliquent un énorme volume de calculs. Par ailleurs, une bonne utilisation de la PNT et de la prévision d’ensemble requiert des systèmes complexes de post-traitement des sorties des modèles pour fournir des produits qui aident à prévoir le temps violent. Plusieurs centres du SMTDP sont capables de procurer aux prévisionnistes des produits aussi élaborés (cartes de tourbillon potentiel, indices de convection, etc.).


Centres météorologiques mondiaux
Centres météorologiques mondiaux (CMM) et centres météorologiques régionaux spécialisés (CMRS) actuellement désignés, y compris les centres climatologiques régionaux (CCR)


Le Projet de démonstration concernant la prévision des conditions météorologiques extrêmes (ci après dénommé le Projet) a été élaboré pour mettre à la disposition de tous les Membres de l’OMM les produits de la prévision du temps, et de la prévision d’ensemble, qui sont élaborés par les centres les plus avancés du SMTDP. Grâce à un processus de prévision en cascade, les CMRS reçoivent des produits d’échelle mondiale qu’ils peuvent intégrer et synthétiser afin de fournir aux SMHN de leur région des indications quotidiennes pour la prévision des conditions météorologiques extrêmes et dangereuses à courte et moyenne échéance. Les nombreux SMHN qui disposent d’une bande passante limitée ne reçoivent que des produits faciles à télécharger ou à afficher. Tous peuvent ainsi transmettre des avis de temps violent aux responsables de la gestion des catastrophes et de la protection civile dans leur pays. Puisque les SMHN d’une même région ont généralement besoin de produits similaires, des gains d’efficacité sont réalisés en coordonnant leurs demandes.

Le Projet concourt au renforcement des capacités en aidant les pays en développement à obtenir les
produits de la PNT et à s’en servir pour affiner les avis de conditions dangereuses. Il amène les prévisionnistes d’exploitation à utiliser les procédures et produits normalisés ou nouveaux adoptés par beaucoup de centres du SMTDP. Le Projet visait, au départ, à montrer qu’une coopération accrue entre les centres opérationnels affinerait la prévision de divers types de phénomènes météorologiques violents et, ce faisant, améliorerait les,services d’alerte dispensés par les SMHN. Le concept a évolué depuis et les objectifs suivants sont venus s’ajouter:

  • Elargir la capacité qu’ont les SMHN de prévoir les conditions dangereuses et de diffuser des alertes à l’échelon national, ce qui inclut l’amélioration de l’exactitude et l’allongement du délai d’anticipation;
     
  • Établir des procédures d’alerte en concertation avec les organismes nationaux de gestion des catastrophes et de protection civile, et des plans d’intervention visant à protéger les personnes et les biens;
     
  • Mettre en place des processus de prévision et des systèmes de gestion de la qualité et renforcer les capacités de prévision au profit d’autres secteurs de la société (agriculture et sécurité alimentaire, opérations aériennes, sécurité en mer, transport maritime, etc.) à l’échelon national;
     
  • Montrer aux gouvernements et à leurs institutions la valeur des services procurés par les SMHN, afin de consolider à long terme le soutien et les investissements nationaux et, par là même, d’améliorer la fourniture d’observations et le retour d’information vers le SMTDP;
     
  • Diminuer les pertes humaines et matérielles et contribuer à deux objectifs du Millénaire pour le développement, à savoir éliminer l’extrême pauvreté et réduire la mortalité infantile.

     
Le processus de prévision en cascade
Le processus de prévision en cascade

La mise en oeuvre du Projet se fait en étroite concertation avec le Programme des services météorologiques destinés au public (PWS) de manière à affiner la diffusion des prévisions et alertes de temps violent. Une coordination est également assurée avec d’autres programmes et commissions techniques de l’OMM en vue d’étendre la gamme des applications et d’amplifier les retombées dans divers secteurs de la société.

Le Projet procède à une vérification et à une évaluation en temps quasi réel, sur la base des paramètres mesurés par les stations météorologiques locales et de l’information recueillie sur les impacts des phénomènes violents. L’évaluation de l’efficacité du processus en cascade, y compris la qualité des produits de base et des produits de la PNT et de la prévision d’ensemble, est transmise aux centres participants en vue de parfaire le processus et les produits.

La formation, aspect crucial du Projet, est offerte chaque année. Les prévisionnistes doivent savoir comment utiliser au mieux les différents produits émanant des centres du SMTDP. Les principes et méthodes de prestation des services, notamment l’orientation vers les besoins des utilisateurs, la communication et l’évaluation du degré de satisfaction, sont également au programme.


Les avantages pour les SMHN et la société

Outre les conditions extrêmes, le Projet aide à prévoir les conditions météorologiques au jour le jour. Il apporte également beaucoup en harmonisant les prévisions quotidiennes établies par les SMHN pour une région donnée. Les SMHN associés au Projet ont allongé le délai des alertes transmises aux utilisateurs – qui peut atteindre 3 à 5 jours – en plus de mieux anticiper les événements météorologiques violents. Par ailleurs, les prévisionnistes sont plus confiants lorsqu’ils diffusent de telles alertes, aspect important de la communication avec les utilisateurs. Leur travail est reconnu par les organismes chargés de la gestion des catastrophes et de la protection civile, avec lesquels ils sont en interaction plus étroite. Les SMHN bénéficient d’une meilleure image au sein de la population, et le statut et la notoriété qu’ils ont acquis stimulent les investissements nationaux dans les systèmes d’alerte précoce. C’est par l’entremise du Programme des services météorologiques destinés au public que le Projet amène les SMHN à tisser de solides relations avec les utilisateurs, y compris les responsables de la préparation et de l’intervention en cas d’urgence.

Plusieurs phénomènes dangereux survenus au début de la phase de démonstration ont donné l’occasion de vérifier l’efficacité du Projet en situation réelle. Lors d’une réunion de suivi tenue en 2007 à Maputo, Mozambique, le rôle qui incombe aux autorités de gestion des catastrophes a été mis en évidence par l’arrivée du cyclone tropical Favio sur les côtes. Le Service de la protection civile du Zimbabwe – chargé de gérer les catastrophes dans le pays – a fait remarquer que l’information et les produits sur les conditions météorologiques extrêmes fournis par le SMHN s’étaient nettement améliorés depuis le début du Projet en novembre 2006.

M. Majodina, de l’Association météorologique d’Afrique australe, a fait l’éloge du Projet en 2011, estimant qu’il s’agissait d’un véritable partenariat des milieux de la météorologie dans le monde développé et le monde en développement. Il a précisé que l’ensemble de la région en bénéficiait puisque le Projet, qui ne réunissait que cinq SMHN en 2008, englobait maintenant les seize pays de l’Afrique australe (à la demande de l’Association et avec une aide additionnelle de l’OMM). Lors de leur réunion annuelle, les Ministres de la Communauté de développement de l’Afrique australe ont déclaré que le Projet favorisait l’adaptation au changement climatique en améliorant la prévision des phénomènes météorologiques extrêmes et ont demandé aux SMHN, compte tenu de l’intérêt de cette initiative pour le développement socio-économique de la région, de veiller à ce qu’elle se poursuive en y affectant un budget suffisant.

Réunis plus tôt cette année, les directeurs des Services météorologiques nationaux de la Communauté d’Afrique de l’Est ont souligné l’apport indéniable du Projet à la réduction des risques de catastrophes, au développement durable et à la résilience face au changement climatique, ainsi que sa contribution à des secteurs socio-économiques essentiels tels que l’agriculture et la pêche. Ils sont convenus que le Projet avait renforcé l’autorité et la notoriété des Services météorologiques nationaux et avait accru la confiance de la population et des gouvernements dans l’exactitude et la fiabilité des prévisions et alertes de temps violent. Ils ont considéré qu’il s’agissait d’un moyen concret et systématique d’étendre les capacités dans les pays en développement et les pays les moins avancés, par le transfert des connaissances et compétences nécessaires pour produire de meilleures prévisions et alertes de temps violent qui sauvent des vies humaines, protègent les biens matériels et préservent les moyens de subsistance.
 

Des femmes et des enfants attendent à l’extérieur du principal hôpital de Vilanculos, Mozambique
Des femmes et des enfants attendent à l’extérieur du principal hôpital de Vilanculos, Mozambique, après le passage du cyclone Favio qui a détruit la ville, 26 février 2007. - Reuters / UNICEF/ T. Delvigne-Jean / Handout


Au coeur de tous les SMHN

Le Projet continue à avoir d’importantes retombées et à jouir d’une croissance soutenue. Cinq projets régionaux ont vu le jour ou sont en cours de développement, en Afrique du Sud, dans le Pacifique Sud-Ouest, en Afrique de l’Est, en Asie du Sud-Est et dans le golfe du Bengale/ Asie du Sud.

À plus long terme, on pense offrir les services associés au Projet dans d’autres régions du monde. Le but est de mettre à la disposition de tous les SMHN un ensemble clé de systèmes de prévision numérique du temps et de prévision à très courte échéance de grande qualité. Ils seront ainsi en mesure de dispenser des services de prévision et d’alerte météorologique et hydrologique à l’appui de la réduction des risques de catastrophes et d’améliorer toute une gamme d’autres applications.


Références bibliographiques

OMM, 2007: Report submitted by the Zimbabwe Departments of Meteorological Services and Civil Protection: Coordination between Zimbabwe Meteorological Services and Disaster Management Authorities, Réunion de l’Équipe de gestion du sous-projet régional, 27 février – 2 mars 2007, Maputo, Mozambique.

OMM, 2008: Final Report: Severe Weather Forecasting Demonstration Project — Regional Subproject in RA I — Southeast Africa, Genève.

OMM, 2008. «Public benefits of the SWFDP in south-eastern Africa», MeteoWorld, http://www.wmo.int/pages/publications/meteoworld/archive/dec08/swfdp_en.html.

OMM, 2009. «Severe Weather Forecasting Demonstration Project», MeteoWorld, http:/ /www.wmo.int /pages/publications/meteoworld/archive/aug09/swfdp_en.html.

OMM, 2011. Report of the meeting of the Regional Technical Implementation Team of the SWFDP for Southern Africa, 32 p., http://www.wmo.int/pages/prog/www/CBS-Reports/documents/Report-RTIT-SWFDP-SA-Mauritius-July2011.pdf.

Communauté d’Afrique de l’Est, 2013. Report of the meeting of the East African Community (EAC) Head of Meteorological Services and Ministries in charge for Meteorology.


Contribution interne

Alice Soares, fonctionnaire scientifique, Systèmes de traitement des données et de prévision, OMM




 

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