Genève, 31 octobre 2019 (OMM) – Les participants au Sommet sur les zones de haute montagne ont lancé un appel à agir face à la fonte accélérée des glaciers qui est lourde de conséquences pour la sécurité alimentaire et hydrique et la sécurité des populations, ainsi que pour les écosystèmes, l'environnement et l'économie de la planète.
Se déroulant sur trois jours sous les auspices de l'Organisation météorologique mondiale (OMM) et d'un grand nombre de partenaires, ce sommet a permis d'arrêter un certain nombre de mesures prioritaires visant à favoriser le développement durable, la prévention des catastrophes et l’adaptation au changement climatique aussi bien dans les régions de haute montagne que plus en aval.
«Les régions de haute montagne hébergent une partie de la cryosphère ainsi que des sources d'eau douce qui viennent approvisionner une grande partie de la planète via le réseau fluvial. Aussi la préservation des écosystèmes de ces régions, de par les services qu'ils nous rendent, revêt-elle une importance primordiale pour l'approvisionnement en eau et pour la sécurité alimentaire et énergétique», comme le précise l'appel à agir sur lequel s'est conclu le Sommet.
«Le changement climatique et les activités humaines ont engendré pour les écosystèmes de haute montagne une crise sans précédent qui menace à terme l'avenir de notre planète. Il est devenu urgent d'agir à l'échelle du globe pour renforcer les capacités des pays et investir dans les infrastructures de manière à sécuriser les populations en amont comme en aval et préserver leurs moyens de subsistance. Cette action doit s'appuyer sur des données scientifiques et le savoir-faire local ainsi que sur une approche interdisciplinaire des activités d'observation et de prévision.»
«Nous, les participants au Sommet de l'OMM sur les zones de haute montagne, nous nous engageons à poursuivre l'objectif qui consiste à faire en sorte que les populations des régions montagneuses et des régions situées en aval puissent accéder librement aux informations sur l'eau, la cryosphère, le temps et le climat, afin de les aider à s'adapter à l'accélération du changement climatique et à mieux faire face aux menaces qui en découlent.»
Les participants mettent leurs efforts dans une nouvelle initiative sur l'observation et la prévision intégrées concernant les zones de haute montagne, qui fera partie des moyens mis en œuvre pour affronter les défis liés au changement climatique, à la fonte des neiges et des glaces, aux aléas hydrologiques et au stress hydrique.
Les participants demandent instamment que le développement durable des régions montagneuses et la préservation des écosystèmes de montagne fassent partie intégrante des politiques d'aide au développement, et que la coopération transfrontalière soit renforcée en ce qui concerne l'accès aux données, les activités de prévision et l'élaboration des politiques, ainsi que l'acquisition et le partage des connaissances.
«Les choix que nous devons faire et les mesures urgentes qu'il nous incombe de prendre revêtent à n'en pas douter une importance cruciale pour la sauvegarde des zones de haute montagne. Ce sommet a réussi à créer des ponts entre la science, la politique et l'action, ce qui a débouché sur une feuille de route pour le climat», a souligné la Directrice exécutive de l'Initiative pour la recherche sur la montagne (MRI), Carolina Adler, qui a coprésidé le Sommet. «Nous devons mettre la science au service des gens et soutenir les systèmes d'information dont ils ont besoin pour faire face aux aléas».
Châteaux d'eau de la planète
Les régions de montagne représentent environ un quart des terres émergées du globe et abritent quelque 1,1 milliard de personnes. Elles sont surnommées les «châteaux d’eau de la planète», car les bassins fluviaux dont les affluents naissent en montagne fournissent de l’eau douce à plus de la moitié de la population mondiale, en particulier dans la région formée par l’Himalaya, l’Hindou Koush et le plateau tibétain, connue sous le nom de «troisième pôle».
Des intervenants du monde entier ont souligné que la fonte des neiges et des glaciers se traduisait sur le court terme par une recrudescence des inondations et des glissements de terrain, entre autres aléas, tandis qu'à plus long terme elle menaçait la sécurité de l'approvisionnement en eau de plusieurs milliards de personnes.
«Nous devons trouver des solutions,» a déclaré le coprésident du Sommet, John Pomeroy, titulaire de la Chaire de recherche du Canada en ressources d'eau et en changement climatique, Directeur du Centre sur l’hydrologie de l’Université de la Saskatchewan et Directeur de l’initiative Global Water Futures (Canada).
«Nous pouvons choisir d'agir et de mettre en œuvre des solutions scientifiquement étayées et consistant à réduire les émissions de gaz à effet de serre et à faciliter l'adaptation au changement climatique et l'atténuation de ses effets», a-t-il ajouté. «Nous pouvons faire de l'eau – et donc des montagnes – une source de paix, ou alors nous allons vers un avenir bien sombre. Le temps presse.»
Alain Berset, Conseiller fédéral et Ministre de l'intérieur de la Suisse, a fait valoir que les glaciers suisses avaient perdu 10 % de leur volume ces cinq dernières années, et 2 % sur les 12 derniers mois. Un total de 500 petits glaciers ont déjà disparu et, d'ici à la fin du siècle, 90 % des 4 000 glaciers restants pourraient leur emboîter le pas.
D'après MétéoSuisse, lors des canicules de l'été 2019, les glaciers helvétiques ont perdu en seulement 15 jours l'équivalent de la consommation annuelle d'eau potable en Suisse.
La déclaration issue du Sommet tire la sonnette d'alarme, soulignant que «la sécurité hydrique est en passe de devenir l'un des plus grands défis auquel l'humanité devra faire face, et que les incertitudes pesant sur l'approvisionnement en eau douce provenant des cours d'eau de montagne représentent un grand facteur de risque pour les écosystèmes, l'agriculture, la sylviculture, la production alimentaire, la pêche, la production d'énergie hydroélectrique, les transports, le tourisme, les loisirs, les infrastructures, l'approvisionnement en eau des ménages et la santé humaine, tant dans les régions de montagne que dans celles situées en aval.»
Éviter la crise imminente
Le Sommet a réuni plus de 150 participants représentant la communauté météorologique, hydrologique, environnementale et atmosphérique, les organismes d'aide au développement, les milieux de la recherche et le monde universitaire, les partenariats volontaires et les collectivités locales.
L'appel à agir s'intitule «Écarter les graves menaces qui pèsent sur le temps, l'eau, le climat, la neige et la glace dans les régions de montagne: pistes pour sécuriser l'avenir de la planète».
Les observations recueillies à l'échelle du globe mettent en évidence un recul accéléré, sur les 20 dernières années, de 31 glaciers parmi les plus importants, mais nous manquons d'observations pour assurer un suivi rigoureux du phénomène.
Les participants au Sommet ont relevé l'insuffisance des observations météorologiques, hydrologiques, climatologiques et cryosphériques dans les régions de montagne et les problèmes d'accès aux données existantes, tout en précisant que les systèmes d'observation par satellite pourraient contribuer à améliorer la situation.
Ils ont aussi souligné la nécessité de mettre sur pied des systèmes d'alerte précoce et de prévision des risques pour les régions de montagne qui soient ciblés tant sur les populations locales que sur les décideurs, le but étant de rendre les communautés plus résilientes et de pouvoir anticiper le plus possible les aléas météorologiques, hydrologiques et climatiques.
Initiative sur l'observation et la prévision intégrées applicables aux zones
de haute montagne
«L'OMM assurera la direction de l'Initiative sur l'observation et la prévision intégrées applicables aux zones de haute montagne et fournira des orientations à cet égard. Il nous incombe d'améliorer partout dans le monde les observations, les prévisions et les échanges de données concernant les chaînes de montagne et les cours d'eau auxquels elles donnent naissance. C'est là un impératif dans la mesure où l'accélération du changement climatique est de plus en plus lourde de conséquences pour les populations vulnérables,» a souligné la Secrétaire générale adjointe de l'OMM, Elena Manaenkova.
L'OMM a entrepris de mettre au point un système intégré de prévision et de prédétermination applicable à l’ensemble du système terrestre, avec l'active participation de la communauté scientifique. À l'appui de cette nouvelle approche, l'Organisation a réformé la structure de ses organes constituants, et la nouvelle Commission des observations, des infrastructures et des systèmes d'information apportera sa pierre à l'Initiative sur l'observation et la prévision intégrées applicables aux zones de haute montagne, comme l'affirme le président de ladite commission, Michel Jean.
Les participants au Sommet se sont référés à maintes reprises aux conclusions du Rapport spécial du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) sur l'océan et la cryosphère dans le contexte du changement climatique, qui comprend un chapitre consacré aux zones de haute montagne.
Ce rapport du GIEC indique que les changements survenant actuellement dans la cryosphère et les écosystèmes de haute montagne devraient se poursuivre, et leurs effets s’intensifier. Selon les projections, le manteau neigeux, les glaciers et le pergélisol devraient continuer à décliner tout au long du XXIe siècle dans la quasi-totalité des régions.
Le Sommet sur les zones de haute montagne est notamment financé par le Dispositif mondial de réduction des effets des catastrophes et de relèvement (GFDRR) de la Banque mondiale, et par des agences fédérales suisses. Il est organisé en collaboration avec les organismes suivants: