Du risque à la résilience: le changement climatique, les catastrophes et le Centre d’excellence OMM-UNDRR

21 mars 2022
  • Author(s):
  • Roger Pulwarty, Loretta Hiebert-Girardet, Ricardo Mena Speck, Erica Allis, Cyrille Honoré et Johan Stander

Le changement climatique augmente la fréquence, l’intensité, l’étendue géographique, la durée et la précocité des phénomènes météorologiques et climatiques défavorables dans toutes les régions du monde. L’interconnexion et l’interpénétration mondiale des secteurs de l’énergie, de l’eau, de la santé, du commerce et de la finance, ainsi que les interdépendances technologiques et les vies quotidiennes des personnes vivant dans la pauvreté portent la vulnérabilité à des niveaux inconnus et sans précédent. Les interactions et les impacts se propagent à travers les communautés, l’économie puis au-delà des frontières administratives ou nationales. Les risques ne peuvent plus être appréhendés isolément, car ils s’accumulent et se répercutent en cascade sur des systèmes entiers et ont des répercussions multiples, durables et non linéaires.

Ces risques en cascade et les impacts qui en découlent ont été clairement mis en évidence à Porto Rico en 2017, lorsque les ouragans Irma et Maria ont provoqué des défaillances de systèmes essentiels, des suppressions ou des réductions de services dans divers secteurs, des déplacements internes et, dans certains cas, des migrations. En janvier, lorsqu’un tsunami a déferlé sur les Tonga suite à l’éruption d’un volcan sous-marin dans le Pacifique Sud, la population, déjà éprouvée par la saison des cyclones tropicaux, a dû faire face à la dévastation physique et à des menaces sanitaires dues aux cendres et aux gaz volcaniques.

Les impacts en cascade se propagent souvent au-delà des frontières nationales. Dans l’exemple des Tonga, la pression et les raz-de-marée provoqués par le volcan ont fait le tour du monde, amplifiant les impacts au fil de leur course, et allant jusqu’à provoquer une marée noire au large des côtes péruviennes. D’autres exemples illustrent l’interpénétration des risques en réseau à l’échelle mondiale:

  • les inondations qui ont frappé Bangkok, en Thaïlande, en 2011 ont eu des répercussions sur l’industrie automobile japonaise, car ses fournisseurs se trouvaient dans les zones inondées,
  • les sécheresses de 2010 en Russie ont perturbé les importations de denrées alimentaires dans différentes parties du monde,
  • la sécheresse de 2020/21 à Taïwan, en Chine, affecte actuellement la production et l’approvisionnement des marchés mondiaux en puces semi-conductrices (Forbes, 2021).

L’évolution rapide du paysage du risque engendre à la fois des défis et des opportunités pour les communautés et les gouvernements qui mettent en œuvre le Cadre de Sendai pour la réduction des risques de catastrophe 2015-2030, l’Accord de Paris conclu au titre de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC) et les objectifs de développement durable (ODD) des Nations Unies. Actuellement, rares sont les méthodes de gestion des risques de catastrophe qui prennent en compte la corrélation spatiale ou temporelle et la cohérence dynamique entre les déterminants mondiaux et locaux des phénomènes extrêmes. En conséquence, les événements déclencheurs, la propagation des chocs et les impacts indirects ou liés de loin sont entourés d’une incertitude considérable (Palmer et Stevens, 2019; Lloyd et Shepherd, 2020). Un traitement superficiel de ces éléments pourrait limiter les avantages procurés par les efforts d’adaptation, voire annihiler leur efficacité. Dans le pire des cas, cela pourrait conduire à une inadaptation et à l’exclusion encore accrue des personnes socialement marginalisées dans les initiatives de résilience.

Pour apporter des solutions à ces problèmes, l’OMM et le Bureau des Nations Unies pour la prévention des catastrophes (UNDRR) ont lancé un Centre d’excellence pour le climat et la résilience aux catastrophes (ci-après désigné le «Centre d’excellence») lors de la Journée internationale pour la réduction des risques de catastrophe en 2021. Au sein de ce Centre d’excellence, l’OMM et l’UNDRR collaboreront avec des organismes partenaires pour renforcer les initiatives visant à transformer les connaissances et les outils scientifiques en actions concrètes contribuant à l’atténuation du changement climatique, à l’adaptation à ses effets et à la réduction des risques de catastrophe. Lors de la Journée internationale pour la réduction des risques de catastrophe de 2021, les dirigeants de l’OMM et de l’UNDRR ont l’un et l’autre formulé des ambitions complémentaires et impérieuses pour ce Centre d’excellence:

«Ce nouveau Centre d’excellence pour le climat et la résilience aux catastrophes fera office de centre d’information sur les effets grandissants du changement climatique et des phénomènes météorologiques extrêmes et sur la manière dont nous pouvons gérer et atténuer ces risques.» – Petteri Taalas, Secrétaire général de l’OMM

«Ce nouveau Centre d’excellence focalisera la réflexion sur ce que les conditions météorologiques extrêmes et autres aléas signifient pour la vie quotidienne sur la planète Terre dans un avenir prévisible et encouragera les efforts d’adaptation et de prise en compte de cette réalité.» – Mami Mizutori, Représentante spéciale du Secrétaire général de l’ONU pour la réduction des risques de catastrophe

Il a été proposé que le Centre d’excellence se concentre dans un premier temps sur les trois domaines d’activité suivants, qui sont en cours d’examen et de validation avec les partenaires:

1. Renforcement de la gouvernance des risques climatiques et des risques de catastrophe

L’UNDRR, ainsi que la CCNUCC, considèrent que «la cohérence entre l’adaptation au changement climatique et la réduction des risques de catastrophe est une question déterminante pour la gouvernance des risques au XXIe siècle» (UNDRR-CRED, 2020). Dans le prolongement de cette déclaration, la gestion du continuum réduction des risques de catastrophe – adaptation au changement climatique est désignée ci-après par le terme de «gestion globale des risques de catastrophe et des risques climatiques» ou «GRC». Trois défis majeurs ont été identifiés concernant la GRC:

  • création de synergies entre les organismes de mise en œuvre de la réduction des risques de catastrophe et de l’adaptation au changement climatique aux niveaux local, national, régional et international,
  • renforcement des capacités de gestion des risques en jetant des passerelles entre la science et les politiques aux niveaux local et national,
  • appui à une gestion plus efficace et efficiente des risques interconnectés au plan mondial et des risques transfrontaliers (Casajus Valles et al., 2021; UNDRR, 2021).

S’il est plus facile de nos jours d’identifier les risques et les facteurs de déclenchement, la compréhension et le traitement des facteurs sous-jacents qui rendent les personnes vulnérables sont encore lacunaires. Les causes profondes de la vulnérabilité peuvent comprendre les inégalités sociales et économiques, la dégradation des écosystèmes, une conception médiocre des infrastructures urbaines, les difficultés d’accès à l’information et d’utilisation de l’information, les conflits et les déplacements (GIEC, 2012 et 2022; Oliver-Smith et al., 2016; UNDRR, 2021). La compréhension des dimensions multiples et des dynamiques de la vulnérabilité permettra d’obtenir une image plus complète du risque systémique et d’accélérer la transition vers des approches systémiques et prospectives de la gestion du risque.

La gestion de la complexité du risque systémique impose des transformations dans toutes les dimensions de la gouvernance du risque. La gouvernance efficace recouvre les actions, les processus, les traditions et les institutions – formels et informels – par lesquels les décisions collectives sont prises et mises en œuvre.

La récente étude de cas sur l’Amérique centrale (voir l’encadré ci-dessous) souligne la nécessité de renforcer la gouvernance des risques dans le contexte des tempêtes tropicales, des sécheresses et de la pandémie de COVID-19. Elle illustre les succès obtenus en matière d’alignement des capacités régionales, qui facilite le recensement et la gestion des risques nationaux et locaux. Il reste plusieurs problèmes à résoudre pour mettre en place une gouvernance efficace et des capacités d’action; mais il existe aussi au sein des régions et d’une région à l’autre d’immenses possibilités de développement de la recherche, de l’information et de l’apprentissage qui peuvent aider à surmonter ces défis.

Les dimensions d’une gouvernance efficace comprennent, sans s’y limiter, les éléments suivants (UNDRR, 2021):

  • des politiques sectorielles et transsectorielles coordonnées qui permettent l’alignement et la mobilisation de partenariats multipartites axés sur la collaboration,
  • un ensemble diversifié d’acteurs issus des administrations nationales et infranationales, du secteur privé, des organismes de recherche et de la société civile, y compris des organisations communautaires, pour offrir un éventail plus large de possibilités et de solutions équitables,
  • des architectures financières mondiales et locales renforcées qui améliorent l’accès aux ressources et considèrent la résilience comme une forme d’investissement dans la durabilité économique, sociale et environnementale actuelle et future.

Compte tenu de ces possibilités et du sentiment d’urgence dû à l’évolution rapide du climat, le Centre d’excellence se propose d’améliorer la connaissance des risques systémiques et la gouvernance éclairée, de manière à faciliter la création de valeur en s’attaquant aux risques structurels et complexes. Ces efforts permettront d’apporter un soutien plus efficace aux systèmes complexes et interdépendants dont dépendent les économies, les écosystèmes et les communautés.

2. Meilleure compréhension de la nature systémique des risques climatiques et des risques de catastrophe

Il existe actuellement très peu d’exemples solidement étayés de systèmes nationaux de gestion des risques de catastrophe et de mesures associées qui tiennent expressément compte des changements attendus dans l’exposition, la vulnérabilité et les extrêmes climatiques et des incertitudes entourant ces projections. Comme le montre l’étude de cas sur l’Amérique centrale, une plate-forme d’information coordonnée offre la possibilité d’anticiper correctement les impacts potentiels, y compris l’exposition des communautés et des infrastructures essentielles et les variables et les caractéristiques des dangers, mais il est nécessaire de basculer de la théorie à la pratique à l’échelle mondiale.

Atténuer les risques systémiques à un stade précoce n’est pas nécessairement difficile; cependant, si l’on ne tient pas bien compte du rôle des facteurs sous-jacents du risque systémique, de petits risques gérables peuvent se transformer en problèmes majeurs touchant l’ensemble de la société. Les interventions qui n’atteignent pas leurs objectifs et les occasions manquées se traduiront par des pertes économiques et humaines accrues.

Le Centre d’excellence appuiera la recherche interdisciplinaire pour pouvoir mieux comprendre comment les phénomènes météorologiques et climatiques extrêmes interagissent avec d’autres facteurs de risque pour amplifier les effets des catastrophes de manière inédite. Il est envisagé d’analyser les systèmes d’alerte précoce multidangers (MHEWS) pour aider à comprendre comment les aléas et/ou les impacts peuvent coévaluer dans des contextes où les phénomènes dangereux peuvent se produire seuls, simultanément, en cascade ou de manière cumulative dans le temps et provoquer des effets interdépendants. L’intégration du savoir local dans les connaissances scientifiques et techniques sera renforcée pour améliorer la réduction des risques de catastrophe et l’adaptation au changement climatique.

L’analyse améliorée des risques apportera des éléments utiles à la conception des systèmes d’alerte précoce, évitant les erreurs d’adaptation. Il est envisagé de préparer un rapport mondial phare sur les risques, qui recensera les bonnes pratiques pertinentes aux plan régional, national et local et donnera des orientations techniques sur les normes de données, en s’appuyant sur la classification des dangers et le catalogage des statistiques relatives aux catastrophes. Ces informations aiguilleront les décideurs vers des solutions progressives et porteuses de transformations, à même d’atténuer ces risques et d’orienter en temps utile les investissements en ressources vers les domaines qui en ont besoin, afin de réduire les niveaux de risque et d’atténuer et prévenir les catastrophes futures.

3. Développement et action humanitaire tenant compte des risques

Redoubler d’efforts à l’échelon international n’entraînera pas automatiquement des résultats tangibles et rapides à l’échelon local. Dans le cas où les menaces, les dangers, les risques et leurs répercussions sont étroitement liés entre eux, tel n’est pas le cas des systèmes adoptés pour s’y préparer, les prévenir et y faire face. Le paysage actuel est fragmenté en une multitude d’acteurs opérant dans les domaines du climat, du développement, de l’action humanitaire, des risques de catastrophe et de l’environnement, qui poursuivent souvent les mêmes objectifs mais en travaillant en vase clos avec des approches différentes. Le manque de cohérence entre ces secteurs nuit à l’efficacité globale.

Pour aller de l’avant sur la base d’objectifs partagés et de la production conjointe de connaissances, il faut créer des rétroactions positives entre la science, les politiques et les interventions de gestion et de réduction des risques. Le Centre d’excellence favorisera ces liens. Sur le plan pratique, le cadre du Système mondial d’alerte multidanger (SMAM) (voir l’article Le cadre du Système mondial d’alerte multidanger – Soutenir les capacités d’alerte des Membres dans le contexte de la crise climatique) améliorera les capacités d’alerte des Membres et les aidera ainsi à combler les lacunes de la couverture des systèmes d’alerte précoce et à renforcer les connexions entre ces systèmes et les processus décisionnels. En outre, le mécanisme de coordination de l’OMM (voir l’article Renforcer le soutien aux Nations Unies et aux partenaires du secteur humanitaire pour une action anticipée) renforcera l’appui de l’OMM aux institutions du système des Nations Unies et à d’autres organismes humanitaires, afin de leur faciliter l’accès aux produits faisant autorité mis à disposition par les Membres de l’OMM et à des conseils complémentaires porteurs de valeur ajoutée. Ces efforts ont pour objectif de soutenir la réduction des risques de catastrophe, la préparation et l’intervention – afin de sauver des vies et des moyens de subsistance, et ainsi protéger les acquis du développement dans les régions régulièrement en proie à des phénomènes à fort impact et/ou aux effets cumulés de séquences de phénomènes multiples.

Le Centre d’excellence concentrera son attention sur les contextes très vulnérables et fragiles, caractérisés par des besoins particulièrement criants mais aussi des obstacles qui rendent le renforcement de la résilience particulièrement difficile. Lorsque la vulnérabilité est grande et la capacité d’adaptation limitée, et dans un contexte de changements dans les extrêmes climatiques, il peut être difficile pour les systèmes de s’adapter de manière durable sans opérer une véritable transformation. Les transformations qui appréhendent la résilience future liée au climat comme un défi systémique nécessiteront des changements en profondeur sur le plan des institutions, des technologies, des modes de consommation et du personnel, ainsi que dans les processus écologiques, économiques et sociaux qu’ils influencent. Le Centre d’excellence fera émerger des solutions transformatrices et guidera leur expérimentation dans des contextes fragiles, en s’appuyant sur l’idée que la transformation sera facilitée par un surcroît d’attention à la gestion adaptative et à l’apprentissage (White et al., 2001); Nissinen et al., 2015; UNDRR, 2021).

La voie à suivre: le Centre d’excellence pour la gestion des risques de catastrophe et des risques climatiques

Suite à la première réunion du Comité directeur du Centre d’excellence en décembre 2021, l’OMM et l’UNDRR ont lancé une série de consultations bilatérales avec les organismes partenaires afin d’affiner la théorie du changement du Centre d’excellence et d’arrêter les activités prioritaires pour le programme de travail annuel. Les partenaires ont convenu à l’unanimité que les activités initiales devaient s’appuyer sur les compétences fondamentales des organismes participants afin de favoriser des actions et des succès rapides et de créer une dynamique axée sur l’obtention de résultats tangibles pour les pays et communautés les plus exposés.

Bien que ces consultations soient encore en cours, les discussions ont déjà livré des informations précieuses sur les modalités qui permettront de concrétiser les principales aspirations du Centre d’excellence:

  • Amplificateur – Une plate-forme pour démultiplier le travail des organismes individuels au travers d’une action coordonnée, qui augmentera la force d’impact et l’influence que chacun peut avoir individuellement (il s’agira d’encourager les liens entre les organismes œuvrant dans les domaines des données et des sciences, de la politique, de la détermination des priorités économiques et ceux qui agissent sur le terrain, pour développer l’articulation entre la science, la politique et l’action sur le terrain).
  • Connecteur – Un espace qui «cimente» les activités diverses des ensembles fragmentés d’acteurs, en repérant non seulement les zones d’intersection, mais aussi les lacunes et les points d’entrée où l’application d’une approche cohérente s’impose.
  • Accélérateur – Un espace d’apprentissage au sein duquel les idées peuvent être testées, rendues acceptables et appliquées à grande échelle plus rapidement grâce à des actions conjointes et à la collaboration.
  • Agent d’un changement porteur de transformation – Des actions allant de mesures progressives à des changements transformationnels sont essentielles pour réduire les risques – le Centre d’excellence servira à cet égard d’incubateur pour favoriser le changement transformationnel.

Une fois les consultations des partenaires achevées, le programme de travail annuel sera établi et soumis à l’examen du Comité directeur, puis il fera l’objet d’une consultation publique à la session de la Plate-forme mondiale pour la réduction des risques de catastrophe en mai 2022.

L’OMM, l’UNDRR et les partenaires du Centre d’excellence s’engagent à travailler en transcendant les clivages entre les disciplines et les institutions. L’objectif principal sera d’élaborer des produits, des services et des processus pour guider la science, la politique et l’action sur le terrain et accélérer ainsi la réalisation du Cadre de Sendai, de l’Accord de Paris et du Programme de développement durable à l’horizon 2030.

L’une des principales aspirations du Centre d’excellence sera de faire évoluer les comportements. Il s’emploiera à améliorer l’utilisation que les partenaires internationaux, nationaux et locaux font des connaissances et des approches intégrées dans la gestion orientée vers la demande de manière à alléger sensiblement les pressions sur les ressources et les volants d’adaptation, ce qui limitera notablement la dépendance à l’égard des interventions extérieures et de l’aide humanitaire.

On s’efforcera de recenser et d’exploiter les capacités existantes qui ont peut-être été négligées, afin de préserver et renforcer la durabilité et la capacité des systèmes dans leur ensemble (GIEC, 2012; Casajus Valles et al., 2021; UNDRR, 2021). En outre, les activités de formation et de renforcement des capacités menées avec les partenaires du Centre d’excellence mobiliseront de façon plus systématique les interfaces science/politique et science/action sur le terrain afin d’améliorer la cohérence et de garantir des résultats jusqu’au «dernier kilomètre».

Amorcer un cycle vertueux entre la recherche, la politique et l’action sur le terrain: étude de cas sur l’Amérique centrale

L’Amérique centrale a été désignée par le GIEC comme étant la région tropicale la plus sensible au changement climatique (GIEC, 2014). Quatre des 15 pays les plus exposés aux risques de catastrophe au niveau mondial se trouvent en Amérique centrale: Costa Rica, Guatemala, El Salvador et Nicaragua. Le nombre de catastrophes dans la région a plus que quadruplé depuis les années 1970 (UNISDR-CEPREDENAC, 2014). Ces dernières années, l’Amérique centrale a amélioré sa capacité d’intervention en cas de catastrophe en élaborant des stratégies qui s’attaquent aux causes profondes des risques et placent la réduction des risques de catastrophe au cœur de l’action pour le développement durable, comme on le verra plus en détail ci-après.

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L’ouragan atlantique de catégorie 4 Iota a touché terre au Nicaragua le 17 novembre 2020 et causé ensuite de graves dommages dans des régions d’Amérique du Sud qui avaient déjà été dévastées par l’ouragan Eta moins de deux semaines plus tôt

Tempêtes tropicales, sécheresses et autres facteurs

Les impacts des ouragans Eta et Iota à la fin de 2020 ont mis en évidence la fragilité des systèmes d’alerte précoce et l’hétérogénéité des niveaux d’action dans la région. Ces tempêtes tardives – toutes deux de catégorie 4 – ont provoqué des pluies torrentielles et des vents, des inondations et des ondes de tempête catastrophiques dans toute l’Amérique centrale, touchant plus de 7,5 millions de personnes et démultipliant les pertes économiques, environnementales et les pertes d’actifs productifs.

Ces phénomènes sont survenus après cinq années consécutives de sécheresse. La région est devenue beaucoup plus chaude et plus sèche au cours des dernières décennies. De vastes zones du Guatemala, du Honduras, du Mexique et du Nicaragua ont reçu moins de 80 % des précipitations moyennes au cours de l’été 2020 et le manque de nourriture induit par les conditions climatiques a été pointé comme un facteur de déplacements et de migrations dans la région (PAM, 2019).

La pandémie de COVID-19, qui a eu de lourdes retombées sur la région tant en termes d’activité économique que d’emploi (CEPALC-UNDRR, 2021), a joué un rôle majeur dans le contexte des facteurs de risque historiques et inhérents. Ces facteurs comprennent l’économie informelle, les inégalités, l’urbanisation rapide, la pauvreté et le déficit de représentation politique. Cette conjonction de circonstances a eu un impact disproportionné sur les personnes les plus vulnérables (CEPALC-UNDRR, 2021), en raison de la diminution des possibilités de participation et d’élaboration d’interventions ciblées adaptées à leurs contextes.

Il est nécessaire de mieux comprendre ces risques en cascade et la manière dont ils se propagent pour trouver des moyens de les repérer, de les gérer ou de les prévenir. Ce besoin revêt un caractère d’urgence.

Gouvernance et capacités d’action

CATHALAC.jpegCATHALAC regional workshop on Adaptation to climate change in the water sector: How does research respond to the needs of decision-makers? (Source: CATHALAC)
 

En 2020, le Centre pour la coordination de la prévention des catastrophes naturelles en Amérique centrale et en République dominicaine (CEPREDENAC) a mis sur pied la plate-forme d’information et de coordination SICA-COVID-19 avec l’aide de la NASA, de la Banque mondiale et de l’UNDRR. Conçue pour appuyer les stratégies nationales de lutte contre la pandémie, cette plate-forme utilise un logiciel de système d’information géographique ainsi que des services de consultation et des supports numériques pour surveiller les impacts de la pandémie, les gérer et en rendre compte.

La plate-forme propose également des données sur les conditions météorologiques, les inondations et les glissements de terrain, avec l’appui de partenaires régionaux tels que le Centre de l’eau pour les régions tropicales humides d’Amérique latine et des Caraïbes (CATHALAC), le Forum sur le climat en Amérique centrale et le Comité régional de mise en valeur des ressources en eau (CRRH). La plate-forme a bien anticipé les impacts potentiels – exposition des communautés et des infrastructures, informations sur les dangers, etc. – de la tempête tropicale Amanda et des ouragans Eta et Iota en 2020. Cette expérience illustre le potentiel que recèlent les collaborations et les partenariats interinstitutionnels en Amérique centrale.

Les cadres régionaux de l’OMM1 et de l’UNDRR2, les réseaux du secteur privé3 et les autres homologues régionaux susmentionnés offrent des espaces de coopération propices au renforcement des interactions. Ils donnent accès à des méthodes de travail novatrices, s’appliquant de l’échelle régionale à l’échelle locale, qui permettent d’améliorer l’efficacité des systèmes d’alerte précoce multidangers et des systèmes de gestion des risques dans la région. L’un des facteurs clés a été la mise en place d’espaces multipartites au sein de plates-formes nationales et régionales de réduction des risques de catastrophe, qui peuvent être exploités pour améliorer les données climatologiques et la gouvernance de la réduction des risques de catastrophe.

Pour une gestion globale des risques de catastrophe et des risques climatiques dans la région

Une collaboration intensifiée entre l’OMM et l’UNDRR, s’étendant à tout leur réseau de partenaires4, contribuerait dans une mesure essentielle à combler le fossé entre la science, la politique et l’action sur le terrain. Elle renforcerait l’intégration et la coopération régionales, entraînant des gains d’efficacité dans la gouvernance régionale de la réduction des risques de catastrophe. Avec son architecture d’institutions spécialisées, l’Amérique centrale offre un terrain propice aux activités d’orientation et de coordination envisagées par le Centre d’excellence.

1. Par exemple, le Centre météorologique régional spécialisé de Miami, le Forum régional sur l’évolution probable du climat de l’OMM, les centres climatologiques régionaux et les centres régionaux de formation professionnelle.
2. Par exemple, le Groupe consultatif scientifique et technique régional de l’UNDRR.
3. Par exemple, ARISE Amérique centrale.
4. Y compris le Groupe consultatif scientifique et technique régional, le monde universitaire, ainsi que les plus de 15 membres nationaux et les deux membres sous-régionaux de l’Alliance du secteur privé pour les sociétés résilientes aux catastrophes (ARISE) emmenée par l’UNDRR.

 

Auteurs

Par Roger Pulwarty, Administration américaine pour les océans et l’atmosphère (NOAA),  Loretta Hiebert-Girardet et Ricardo Mena Speck, Bureau des Nations Unies pour la prévention des catastrophes (UNDRR), et Erica Allis, Cyrille Honoré et Johan Stander, Secrétariat de l’OMM

Remerciements

Les auteurs tiennent à remercier Nahuel Arenas et Rodney Martinez pour leur aide dans la réalisation de l’étude de cas sur l’Amérique centrale, ainsi que Robert S. Webb et Sylvie Castonguay, dont les précieux commentaires ont sensiblement amélioré le manuscrit.

References

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