Garantir la durabilité des observations de l’atmosphère dans les pays en développement

20 novembre 2019
  • Author(s):
  • Paolo Laj, Marcos Andrade, Ranjeet Sokhi, Claudia Volosciuk et Oksana Tarasova

Le changement climatique et la pollution atmosphérique ont une incidence négative sur les activités humaines à plusieurs égards, en particulier dans les domaines de la santé et de l’économie. Pendant trois années consécutives, l’Enquête annuelle du Forum économique mondial sur la perception des risques dans le monde a établi que les risques liés à l’environnement (phénomènes météorologiques extrêmes, insuffisance des mesures d’atténuation des effets du changement climatique et des mesures d’adaptation à ceux-ci, catastrophes d’origine naturelle ou humaine, crises de l’eau, perte de biodiversité et destruction des écosystèmes) sont les plus menaçants de la planète. Selon l’enquête de 2019, trois des cinq risques les plus susceptibles de se réaliser et quatre des cinq risques à plus fort impact potentiel sont de nature environnementale. Aujourd’hui, plus que jamais, il est impératif que l’OMM diffuse, conformément à son mandat, les connaissances et les compétences de la meilleure qualité possible dans le domaine du temps, du climat, de l’eau et de l’environnement, afin de concourir à l’atténuation de ces risques et à l’avènement d’un développement durable et résilient.

Les mesures des évolutions à long terme de l’atmosphère sont cruciales pour l’exécution de ce mandat. Les recherches intensives menées au cours de la dernière décennie sur la composition de l’atmosphère, la santé et le climat ont permis de combler de nombreuses lacunes scientifiques. Il est maintenant possible d’élaborer des produits d’information adaptés à diverses applications utiles pour l’élaboration de politiques, notamment la détermination de sources d’émissions polluantes, la fourniture de prévisions fiables sur la qualité de l’air et l’évaluation de l’efficacité des stratégies de réduction des émissions.

Afin de répondre aux besoins de l’ensemble des utilisateurs étudiant les divers impacts de la composition de l’atmosphère sur le climat, la santé humaine, la sécurité alimentaire et les écosystèmes, il convient de concevoir les outils de modélisation en fonction d’applications particulières. Pour améliorer et valider les modèles, il faut comparer leur composition atmosphérique avec les valeurs mesurées. Les données d’observation relatives à l’atmosphère sont également nécessaires pour l’activation du modèle et l’assimilation des données. La disponibilité et la durabilité de données de qualité confirmée (du point de vue de la précision, de l’exactitude et de la représentation) sont d’une importance capitale pour contribuer à l’amélioration des outils et des applications de modélisation. Or de nombreuses données d’observation font défaut, en particulier dans les pays en développement.

Adéquation pour atteindre les objectifs planétaires

GAW Stations

Figure 1. Répartition des stations de la VAG selon le Système d’information sur les stations de la VAG (GAWSIS). Le GAWSIS, qui constitue le catalogue officiel des stations de la VAG et des réseaux associés, offre aux membres de la VAG et aux autres personnes intéressées une base de métadonnées actualisée interrogeable sur les mesures de la composition de l’atmosphère.

Les Parties à l’Accord de Paris sur les changements climatiques ont convenu de s’atteler à contenir l’augmentation de la température moyenne mondiale à un niveau bien inférieur à 2 °C au‑dessus des niveaux préindustriels. L’évolution de la composition de l’atmosphère est un facteur important du changement climatique. Par exemple, la variation à l’échelle mondiale de la concentration des gaz à effet de serre (GES) persistants, tels que le dioxyde de carbone, favorise le réchauffement planétaire, alors qu’à l’échelle régionale, les composés à plus courte durée de vie l’augmentent ou le réduisent légèrement.

Les polluants atmosphériques sont également responsables de la mauvaise qualité de l’air, qui entraîne environ sept millions de décès prématurés chaque année (Organisation mondiale de la Santé, 2016). Même de petites quantités de polluants atmosphériques peuvent avoir de graves répercussions sur la santé humaine. Les particules fines sont particulièrement nocives, car elles peuvent pénétrer profondément dans les poumons et les vaisseaux sanguins. En 2018, lors de la première Conférence mondiale de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) sur la pollution atmosphérique et la santé, les participants se sont fixé l’objectif ambitieux de réduire de deux tiers le nombre de décès prématurés dus à la pollution atmosphérique d’ici à 2030. La capacité de prédire l’évolution de la composition de l’atmosphère et ses effets sur la santé humaine et sur l’état des écosystèmes commence par la quantification des émissions, de même que du transport, de la transformation et du dépôt des gaz et des particules, à l’échelle pertinente pour l’élaboration des politiques. À cette occasion, l’OMM s’est engagée à améliorer les données d’observation relatives aux taux de pollution atmosphérique et à fournir des outils permettant de prévoir et de prévenir les pics de ce type de pollution.

Comme l’indique la Convention sur la pollution atmosphérique transfrontière à longue distance (CPATLD), le meilleur indicateur du succès d’une politique de réduction des émissions est la diminution des taux de polluants dans l’atmosphère. Pour orienter ces politiques, il faut combler les lacunes du réseau d’observation dans les pays en développement.

Infrastructures pour la recherche atmosphérique

Les observations in situ de l’atmosphère sont complexes et exigent parfois la participation de plusieurs partenaires. Si certains prennent des mesures en réseaux (à l’échelle régionale ou mondiale), d’autres travaillent de manière presque indépendante. La Veille de l’atmosphère globale (VAG) de l’OMM assure, à elle seule, la coordination de beaucoup de ces réseaux. Elle œuvre pour le maintien d’une cohérence entre les protocoles et les normes de mesure, l’interopérabilité des données et l’établissement d’un accès unique aux informations et aux données. Bien qu’une normalisation et une interopérabilité à l’échelle proprement planétaire restent un idéal relativement lointain, il est indéniable que de grands progrès ont été réalisés ces dix dernières années. Grâce à son travail de coordination, la VAG contribue à l’harmonisation des techniques de mesure et de la qualité des observations entre les réseaux du monde entier. Elle permet aussi à divers organismes et programmes de traiter des données et d’y donner accès.

Les observations de surface sont complétées par des observations aériennes ou spatiales, qui contribuent à caractériser la haute troposphère et la basse stratosphère. Les observations effectuées par satellite permettent de mesurer bon nombre de paramètres atmosphériques à l’échelle planétaire. La résolution spatiale et temporelle des données fournies n’est toutefois pas d’une finesse suffisante pour beaucoup d’applications, notamment celles utilisées pour la recherche scientifique, le développement des entreprises et la prise de décision politique. Faute de capacités, dans de nombreuses régions du monde en développement, il n’est pas possible d’effectuer des observations de surface pourtant indispensables pour surveiller la composition de l’atmosphère et évaluer les prélèvements satellitaires.

Actuellement, les observations in situ s’appuient essentiellement sur des infrastructures exploitées à l’échelle nationale ou, à plus petite échelle, par des instituts universitaires. Ces infrastructures ne sont entretenues que dans quelques régions du monde, de sorte que leur répartition est insuffisante. Malgré l’amélioration de la situation en Europe grâce à la mise en place d’infrastructures de recherche à long terme telles qu’ICOS, IAGOS et ACTRIS, la couverture reste lacunaire dans le reste du monde, en particulier en Afrique, en Amérique latine et dans de vastes zones d’Asie (voir la figure 1).

Il peut certes être difficile de donner accès aux données par les centres mondiaux. Toutefois, dans de nombreuses régions du monde, les lacunes sont imputables à un manque d’infrastructures d’observation, en particulier dans les économies émergentes. La détermination fiable des tendances de la composition chimique de l’atmosphère exige de recueillir des statistiques de haute qualité sur de longues périodes (> 10 ans). Malgré les nombreuses initiatives conçues pour remédier à la situation, seules de rares stations continuent de recueillir des données sur l’évolution de la composition sur plus d’une décennie dans les régions sous-représentées (voir l’encadré sur la station Chacaltaya). Les mesures effectuées sur de longues périodes nécessitent un financement à long terme, et donc un engagement de longue durée particulièrement lourd pour de nombreuses économies.

Facteurs essentiels pour une exploitation durable

Plus de 50 scientifiques ont fait part de l’expérience qu’ils avaient acquise dans le cadre de la mise en œuvre de la stratégie de la VAG autour du globe lors d’une rencontre récente sur la durabilité des observations de l’atmosphère dans les économies émergentes. Les recommandations qui suivent découlent des exposés et des discussions qui ont suivi.

Il importe de sensibiliser l’opinion publique à l’utilité des données d’observation et des informations sur le climat et la qualité de l’air (telles qu’en fournit la VAG aux utilisateurs) et d’en stimuler la demande. Les observations de la VAG sont plus durables lorsqu’elles sont intégrées dans un programme national continu. Il conviendrait d’établir des plates-formes climatologiques à l’échelle nationale assurant une liaison durable avec les utilisateurs potentiels, y compris des intervenants politiques (municipaux ou nationaux), des représentants de l’industrie et des responsables de la gestion des terres.

Un dialogue parmi les intervenants et les représentants de la recherche contribuerait à sensibiliser les utilisateurs à l’importance des données d’observation et des informations sur le climat et la qualité de l’air et offrirait une plate‑forme pour coordonner les besoins et les demandes des utilisateurs en la matière. Une demande spécifique d’informations ou d’applications revêtant un intérêt particulier pour un pays peut entraîner une sensibilisation. En répondant à cette demande, il est possible de stimuler le dialogue, d’accroître l’intérêt pour d’autres services liés aux observations de l’atmosphère et d’encourager l’aide fournie, en particulier dans les pays en développement, ces observations sont peu développées.

Des partenariats holistiques devraient être générés. Les activités de la VAG ne se limitent souvent pas à un seul partenaire, tel qu’un Service météorologique et hydrologique national (SMHN). Leur succès tient, pour une large part, à l’inclusion de spécialistes du monde de la recherche. Dans un pays donné, les universitaires peuvent être des partenaires puissants, apportant données de haute qualité, technologies de pointe et conseils sur le contexte scientifique des observations atmosphériques. De plus, ils peuvent faire ressortir l’importance des observations de la VAG pour les services environnementaux et encourager l’aide nationale en sensibilisant les organismes gouvernementaux.

Les approches régionales sont parfois les plus efficaces. Il peut être plus utile de cibler un projet de réduction de la pollution atmosphérique sur une région que sur un pays. L’OMM joue un rôle décisif en assurant la liaison entre les pays à l’échelle régionale, en veillant à ce que les divers programmes nationaux au sein d’une région soient mutuellement profitables et mettent pleinement à profit les réseaux et les contacts existants.

De plus, la collaboration internationale est un facteur de réussite avéré. Disposer d’un solide socle d’informations et de connaissances étayé par des données climatologiques de haute qualité est essentiel pour relever les défis liés à la variabilité et au changement climatiques. Il est fondamental de procéder à une surveillance méthodique et durable du système climatique pour comprendre les évolutions de ce dernier et leurs conséquences, de même que pour prendre des décisions pertinentes à tous les niveaux. Les données et les informations climatologiques sont également d’une utilité directe pour l’élaboration des politiques, notamment dans les domaines de la gestion de l’eau, de l’agriculture, de la réduction des risques de catastrophe, de la santé et de l’énergie. L’observation sur de longues périodes des GES et des propriétés des aérosols (deux types de variables climatologiques essentielles – ou VCE) est indispensable.

Selon la plupart des participants, en particulier ceux des économies émergentes, l’OMM doit continuer d’encourager les intervenants nationaux à contribuer à la surveillance des VCE par des réseaux terrestres dans le cadre d’un Système d’observation de la Terre élargi. L’aide de l’OMM a été sollicitée pour expliquer combien la surveillance des changements dans la composition de l’atmosphère pouvait s’avérer utile au plan local dans un pays, en particulier dans la perspective de leurs incidences socio‑économiques à court et à moyen terme.

L’exploitation d’une plate‑forme d’observation représente un investissement considérable, qui ne se termine pas après l’installation. La mise au point d’échantillonneurs et d’analyseurs autonomes, le renforcement des capacités et le déplacement des dispositifs d’observation pour observer des éléments particuliers (tels que l’ozone) semblent compter parmi les priorités. La coopération internationale, notamment avec les réseaux et les centres de données existants, devrait être maintenue et améliorée. Il importe également que la communauté internationale apporte son aide aux pays qui n’ont pas les compétences ni les ressources pour installer et entretenir les infrastructures d’observation, de même que pour effectuer les mesures, les analyses et le contrôle de qualité nécessaires. Une collaboration étroite entre différents partenaires tels que les SMHN, les organismes de protection de l’environnement, les universités et les instituts de recherche devrait être un facteur décisif de réussite.

Du fait d’un manque de coordination entre les investissements, les partenaires du développement ont financé divers projets non intégrés, ce qui s’est souvent traduit par une mosaïque d’infrastructures et de technologies d’observation disparates, que les SMHN ne sont pas en mesure d’exploiter de façon pérenne (OMM, 2019, résolution 74, Annexe I). Pour préparer la réalisation de l’objectif stratégique 4.3 de l’OMM, à savoir la réduction de l’écart de capacité sur le plan des services météorologiques, climatologiques, hydrologiques et environnementaux au moyen de partenariats efficaces (OMM, 2019, résolution 1), la résolution 74 (OMM, 2019) a institué l’Initiative de soutien aux pays (ISP) de l’OMM. L’ISP exercera une fonction consultative afin d’accroître l’efficacité des investissements dans ces services.

GAWTEC

À gauche: arrivée au centre de formation GAWTEC. À droite: des participants au 34e cours de formation GAWTEC, en octobre 2018.

À l’unanimité, les participants ont appelé la VAG à poursuivre ses activités intégrées de formation et de renforcement des capacités. Ce renforcement ne devrait pas se limiter au plan technique (pour maintenir l’exploitation des stations de surveillance), mais s’étendre à d’autres dimensions (pour augmenter les compétences, notamment en matière de science et de technologie, de gestion scientifique et de stratégies d’adaptation). De l’avis général, les partenaires des pays en développement ayant des économies émergentes devraient rechercher activement des financements à l’échelle nationale ou régionale, de même que par le biais d’organisations et de banques multilatérales de développement, œuvrant pour la fourniture d’informations et de services climatologiques. De même, la participation des femmes devrait être encouragée, en particulier dans les activités de formation et de renforcement des capacités. Enfin, une approche intégrée devrait cibler les communautés concernées, donnant aux populations locales le moyen d’exploiter efficacement les informations et les services environnementaux fournis.

Le renforcement des capacités est l’une des priorités stratégiques de l’OMM pour la période financière 2020–2023. Au sein de l’Organisation, le Centre d’enseignement et de formation professionnelle de la VAG (GAWTEC) est le seul à offrir régulièrement des cours sur les observations de la composition de l’atmosphère. Depuis le début de ses activités, qui remonte à 2001, plus de 400 stagiaires de 76 pays ont été formés à la station de recherche sur l’environnement Schneefernerhaus. Parmi ses activités actuelles de renforcement des capacités figure une aide aux chercheurs en début de carrière pour leur permettre de participer à des conférences scientifiques et de suivre des formations. En 2019, dans le cadre d’une nouvelle initiative pour l’Afrique, il a proposé un nouveau cours sur la prévision sans discontinuité de la pollution atmosphérique dans les pays africains, de l’échelle régionale à l’échelle urbaine. Ce cours a été élaboré dans le cadre d’un partenariat récent de la VAG sur la qualité de l’air, les prévisions météorologiques et l’amélioration des prévisions pour l’Afrique (PREFIA).

Une mise en œuvre sur mesure est l’approche la plus durable. La solution la plus rentable consiste à s’appuyer sur un ensemble de centres de recherche répartis, tirant le meilleur parti possible des infrastructures d’autres programmes. Le choix de l’emplacement, des variables mesurées et des modèles d’exploitation s’opère malheureusement souvent davantage en fonction des circonstances qu’à la suite d’une rigoureuse évaluation scientifique.

Il est essentiel de sélectionner et de mettre en œuvre de nouveaux sites d’observation pour combler les lacunes du système mondial d’observation. Celui-ci pourrait s’appuyer sur des mécanismes similaires à ceux qui seront élaborés pour les observations météorologiques du Réseau d’observation de base mondial (ROBM), fruit d’une nouvelle approche préconisant de concevoir, d’établir et de surveiller le réseau fondamental d’observation en surface à l’échelle planétaire.

Outre ce volet atmosphérique, il conviendrait de sélectionner des sites permettant d’effectuer des mesures intégrées en vue de la création d’un observatoire planétaire d’au moins 1 000 stations terrestres bien équipées, assurant une surveillance continue et approfondie de l’environnement et des principaux écosystèmes (Kulmala, 2018). Le choix des sites prioritaires pour les observatoires de l’atmosphère du système terrestre intégré devrait revenir à des équipes d’experts comprenant des scientifiques locaux et des représentants d’organisations locales (Kulmala, 2018).

Il semble difficile de recommander une stratégie particulière d’un point de vue général, car l’élaboration et l’évaluation des options peuvent dépendre des lois, des contextes et des circonstances des divers pays, de même que des communautés locales. Par exemple, au sein de l’Union européenne, les infrastructures de recherche sont fondées sur un cadre économique et juridique commun. Soucieuse que la mise en œuvre tienne compte des particularités du pays et de la région, l’OMM est considérée comme contribuant activement à l’élaboration de stratégies claires de communication et de sensibilisation visant à garantir que toutes les parties prenantes et tous les partenaires se communiquent librement avancées, enseignements, expériences et connaissances.

Rôle du financement de la recherche

À l’échelle temporelle pertinente pour étudier le changement climatique ou déterminer l’incidence sur les concentrations de polluants des réglementations sur la qualité de l’air, la durée ordinaire des cycles de financement de la recherche est très courte. Par conséquent, la maintenance des infrastructures de recherche nécessaires à la production de séries chronologiques suffisamment longues pour l’analyse des tendances ne saurait être assurée par la voie d’appels à financement de type habituel. Un autre mécanisme, spécialement conçu pour les projets nécessitant une longue période de financement, s’impose pour l’analyse des changements sur le long terme.

Recourir à un financement par projet pour instaurer une infrastructure de recherche exige une planification à plus long terme pour garantir que l’observation pourra être assurée au-delà du premier cycle de financement. Par exemple, l’infrastructure de recherche européenne ACTRIS et ses protocoles d’assurance et de contrôle de la qualité ont vu le jour grâce à des fonds de recherche. Les centres de recherche établis, dotés des capacités de mesure fondamentales et disposant de données régionales, recueillies sur de longues périodes, relatives à la photochimie, à la météorologie, aux propriétés des écosystèmes et aux processus d’échange entre la biosphère et l’atmosphère, constituent une ressource essentielle pour effectuer et interpréter de nouvelles mesures.

Bien que les scientifiques cherchent à déterminer les tendances, des possibilités de synergie – et des financements – sont à envisager avec d’autres organismes s’intéressant à caractériser l’état de l’atmosphère sur la base de mesures prises sur de longues périodes.

Soutenir les observations atmosphériques dans les économies émergentes

Assurer une couverture mondiale des observations atmosphériques au sol afin de fournir des informations de qualité sur le climat et les caractéristiques de l’air, notamment en comblant les lacunes des réseaux d’observation des pays en développement, est un objectif prioritaire. Il s’agit de tirer parti des sites d’observation existants pour diminuer les coûts, tout en apportant un soutien à ceux qui doivent lutter pour poursuivre leurs activités. La sélection de nouveaux sites d’observation nécessite de procéder à une évaluation scientifique rigoureuse des emplacements envisageables, des variables à mesurer et du modèle d’exploitation permettant de combler les lacunes, plutôt que de saisir la première occasion qui se présente.

Un effort et un engagement d’envergure, proprement coordonnés, de la part de nombreux partenaires (dont des SMHN, des agences de protection de l’environnement, des chercheurs et divers organismes de financement) sont des facteurs essentiels pour contribuer à l’observation du climat et de la qualité de l’air. Un vigoureux soutien, au plan local comme national, est la clé du succès pour obtenir d’assurance d’un financement à long terme dans un pays.

Les équipes d’experts devraient faire appel à des scientifiques locaux et à des organisations locales pour élaborer une méthode de mise en œuvre sur mesure tenant compte des particularités du contexte. L’appui de la communauté internationale est crucial pour le renforcement des capacités et l’application des protocoles normalisés d’assurance et de contrôle de la qualité. Enfin, il convient de mettre à profit les enseignements tirés des expériences précédentes.

Chacaltaya, la plus haute station de la VAG du monde: le fruit d’une collaboration horizontale

Mount Chacaltaya

La station de le VAG du mont Chacaltaya: la plus haute du monde

En moins de dix ans, un haut lieu de la recherche sur les rayons cosmiques s’est mué dans l’une des stations d’observation les plus actives du réseau de la VAG. À plus de 5 000 mètres d’altitude, le site, idéal pour mener des expériences sur l’atmosphère, attire des chercheurs du monde entier. En juin 2018, un groupe international de scientifiques est redescendu de la station de la VAG du mont Chacaltaya (16° 21’ S, 68° 07’ W, 5 240 m au‑dessus du niveau de la mer), au terme d’une campagne d’étude intensive de six mois sur les processus régissant la formation des nouvelles particules atmosphériques. L’expérience, qui a réuni des scientifiques de 11 pays et de trois continents, s’est déroulée près de six ans après l’ouverture officielle du site en tant que station de la VAG, en 2012.

Le Laboratoire de physique atmosphérique (LFA) de l’Université Mayor de San Andrés (UMSA) de La Paz (État plurinational de Bolivie) a été créé en 1995, essentiellement pour analyser le rayonnement ultraviolet et l’ozone total, qui restent d’une grande importance dans un pays où les taux de rayons ultraviolets comptent parmi les plus élevés du monde habité. C’est ainsi que s’est amorcée la recherche systématique sur l’atmosphère en Bolivie.

Les incidences croissantes du changement climatique dans les Andes tropicales ont clairement révélé la nécessité d’élargir la recherche sur l’atmosphère du Laboratoire. En 2009, des équipes française et italienne se sont adressées simultanément mais indépendamment au LFA, pour suggérer d’effectuer des mesures atmosphériques sur le mont Chacaltaya. Le site était exploité depuis des décennies pour la recherche sur les rayons cosmiques: le méson pi, qui y a été découvert, a contribué à l’attribution du prix Nobel de physique de 1950. Toutefois, du fait de sa haute altitude et de sa situation stratégique sur le continent sud-américain, il se prêtait aussi parfaitement à l’étude de la composition de l’atmosphère. Le projet Chacaltaya a débuté sous la direction de l’UMSA, l’idée étant d’investir des ressources financières et humaines à long terme pour créer et exploiter une plate-forme de recherche équipée des instruments de référence pour les observations de longue durée.

La modernisation de la station a été financée par l’UMSA, qui a également mis à disposition deux postes d’ingénieur du Département de physique pour contribuer aux activités d’exploitation scientifiques et techniques. Des partenaires d’Europe et des États-Unis d’Amérique ont fait don d’instruments scientifiques et dispensé des formations pour le personnel de l’UMSA (étudiants, ingénieurs et scientifiques). En décembre 2011, le nouveau consortium scientifique a enclenché ses instruments: la station de surveillance des concentrations de gaz réactifs et de GES ainsi que des propriétés physiques et chimiques des particules atteignant cette haute altitude était née.

Le centre fonctionne en continu depuis, offrant une couverture très homogène et donnant à la communauté scientifique libre accès à des données de haute qualité, qui ont déjà inspiré plusieurs articles scientifiques publiés dans des revues internationales. Dans les écoles internationales, principalement européennes, le personnel local bolivien acquiert de précieuses compétences théoriques et pratiques dans le domaine des sciences de l’atmosphère et des instruments pertinents. Beaucoup d’étudiantes et d’étudiants boliviens de deuxième ou troisième cycle se sont également formés en sciences de l’atmosphère. Trois anciens membres du personnel de l’UMSA et un employé permanent de la LFA font actuellement des études en vue de l’obtention d’un master ou d’un doctorat en France, en Allemagne et en Finlande.

Le projet de Chacaltaya n’aurait jamais pu voir le jour sans l’engagement de l’université d’accueil, UMSA, et de son institut de recherche en physique, qui ont pris conscience qu’il leur serait d’un intérêt stratégique pour leur essor et leur visibilité. L’UMSA assure un financement de longue durée pour pourvoir à l’entretien des infrastructures, qui sont exploitées dans un milieu hostile et en haute altitude. Les institutions de recherche étrangères ont également joué un rôle déterminant. L’Institut français de recherche pour le développement (IRD), qui a une agence dans l’État plurinational de Bolivie, a apporté un soutien scientifique, financier, administratif et logistique essentiel au fonctionnement de la station de Chacaltaya. D’autres institutions de recherche et universités d’Europe et des États-Unis d'Amérique ont apporté un appui décisif au succès de l’opération.

L’impact économique et scientifique du projet est déjà mesurable, mais il reste à élaborer un modèle économique complet garantissant la durabilité de la plate-forme de recherche de Chacaltaya. Une possibilité serait de l’intégrer à l’une des initiatives d’infrastructures de recherche européennes telles qu’ICOS ou ACTRIS. Il n’est toutefois jamais facile de s’engager à assurer un financement à long terme, même pour un projet de renforcement des capacités aussi fécond que celui de Chacaltaya.

Références

Kulmala, M., 2018: Build a global Earth observatory. Nature, 553(7686):21–23.

Organisation météorologique mondiale, 2019: Congrès météorologique mondial: Rapport final abrégé de la dix-huitième session, (OMM-N° 1236), Genève.

Organisation mondiale de la Santé, 2016: Données de l’Observatoire de la santé mondiale (GHO), https://www. who.int/gho/fr/.

World Economic Forum, 2019: The Global Risks Report 2019. Geneva.

Auteurs

Paolo Laj, Université Grenoble Alpes (France) et Université d’Helsinki (Finlande) 

Marcos Andrade, Universidad Mayor de San Andres, Plurinational State of Bolivia, et University of Maryland (États-Unis d'Amérique) 

Ranjeet Sokhi, University of Hertfordshire (Royaume-Uni) 

Claudia Volosciuk, Secrétariat de l’OMM 

Oksana Tarasova, Secrétariat de l’OMM 

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