Chacaltaya, la plus haute station de la VAG du monde: le fruit d’une collaboration horizontale
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La station de le VAG du mont Chacaltaya: la plus haute du monde
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En moins de dix ans, un haut lieu de la recherche sur les rayons cosmiques s’est mué dans l’une des stations d’observation les plus actives du réseau de la VAG. À plus de 5 000 mètres d’altitude, le site, idéal pour mener des expériences sur l’atmosphère, attire des chercheurs du monde entier. En juin 2018, un groupe international de scientifiques est redescendu de la station de la VAG du mont Chacaltaya (16° 21’ S, 68° 07’ W, 5 240 m au‑dessus du niveau de la mer), au terme d’une campagne d’étude intensive de six mois sur les processus régissant la formation des nouvelles particules atmosphériques. L’expérience, qui a réuni des scientifiques de 11 pays et de trois continents, s’est déroulée près de six ans après l’ouverture officielle du site en tant que station de la VAG, en 2012.
Le Laboratoire de physique atmosphérique (LFA) de l’Université Mayor de San Andrés (UMSA) de La Paz (État plurinational de Bolivie) a été créé en 1995, essentiellement pour analyser le rayonnement ultraviolet et l’ozone total, qui restent d’une grande importance dans un pays où les taux de rayons ultraviolets comptent parmi les plus élevés du monde habité. C’est ainsi que s’est amorcée la recherche systématique sur l’atmosphère en Bolivie.
Les incidences croissantes du changement climatique dans les Andes tropicales ont clairement révélé la nécessité d’élargir la recherche sur l’atmosphère du Laboratoire. En 2009, des équipes française et italienne se sont adressées simultanément mais indépendamment au LFA, pour suggérer d’effectuer des mesures atmosphériques sur le mont Chacaltaya. Le site était exploité depuis des décennies pour la recherche sur les rayons cosmiques: le méson pi, qui y a été découvert, a contribué à l’attribution du prix Nobel de physique de 1950. Toutefois, du fait de sa haute altitude et de sa situation stratégique sur le continent sud-américain, il se prêtait aussi parfaitement à l’étude de la composition de l’atmosphère. Le projet Chacaltaya a débuté sous la direction de l’UMSA, l’idée étant d’investir des ressources financières et humaines à long terme pour créer et exploiter une plate-forme de recherche équipée des instruments de référence pour les observations de longue durée.
La modernisation de la station a été financée par l’UMSA, qui a également mis à disposition deux postes d’ingénieur du Département de physique pour contribuer aux activités d’exploitation scientifiques et techniques. Des partenaires d’Europe et des États-Unis d’Amérique ont fait don d’instruments scientifiques et dispensé des formations pour le personnel de l’UMSA (étudiants, ingénieurs et scientifiques). En décembre 2011, le nouveau consortium scientifique a enclenché ses instruments: la station de surveillance des concentrations de gaz réactifs et de GES ainsi que des propriétés physiques et chimiques des particules atteignant cette haute altitude était née.
Le centre fonctionne en continu depuis, offrant une couverture très homogène et donnant à la communauté scientifique libre accès à des données de haute qualité, qui ont déjà inspiré plusieurs articles scientifiques publiés dans des revues internationales. Dans les écoles internationales, principalement européennes, le personnel local bolivien acquiert de précieuses compétences théoriques et pratiques dans le domaine des sciences de l’atmosphère et des instruments pertinents. Beaucoup d’étudiantes et d’étudiants boliviens de deuxième ou troisième cycle se sont également formés en sciences de l’atmosphère. Trois anciens membres du personnel de l’UMSA et un employé permanent de la LFA font actuellement des études en vue de l’obtention d’un master ou d’un doctorat en France, en Allemagne et en Finlande.
Le projet de Chacaltaya n’aurait jamais pu voir le jour sans l’engagement de l’université d’accueil, UMSA, et de son institut de recherche en physique, qui ont pris conscience qu’il leur serait d’un intérêt stratégique pour leur essor et leur visibilité. L’UMSA assure un financement de longue durée pour pourvoir à l’entretien des infrastructures, qui sont exploitées dans un milieu hostile et en haute altitude. Les institutions de recherche étrangères ont également joué un rôle déterminant. L’Institut français de recherche pour le développement (IRD), qui a une agence dans l’État plurinational de Bolivie, a apporté un soutien scientifique, financier, administratif et logistique essentiel au fonctionnement de la station de Chacaltaya. D’autres institutions de recherche et universités d’Europe et des États-Unis d'Amérique ont apporté un appui décisif au succès de l’opération.
L’impact économique et scientifique du projet est déjà mesurable, mais il reste à élaborer un modèle économique complet garantissant la durabilité de la plate-forme de recherche de Chacaltaya. Une possibilité serait de l’intégrer à l’une des initiatives d’infrastructures de recherche européennes telles qu’ICOS ou ACTRIS. Il n’est toutefois jamais facile de s’engager à assurer un financement à long terme, même pour un projet de renforcement des capacités aussi fécond que celui de Chacaltaya.
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