Le rôle éclairant essentiel des observations en science, évaluation et politique du climat

06 octobre 2021
  • Author(s):
  • Dick Dee, Peter Thorne, Simon Noone, Omar Baddour and Caterina Tassone

Les preuves scientifiques des changements climatiques sont claires. Les changements climatiques liés aux activités humaines concernent déjà toutes les régions de la Terre, et beaucoup d’entre elles connaissent des phénomènes météorologiques et climatiques extrêmes plus fréquents. C’est la conclusion à laquelle est parvenu le Groupe de travail I (GTI) du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) dans son sixième Rapport d’évaluation (RE6, GIEC, 2021), en s’appuyant sur divers ensembles de données et sur les réanalyses établis à partir des observations climatologiques (voir la figure 1).

Subset of Figure 2.11 from IPCC AR6 WG1 Figure 1. Détail de la figure 2.11 extraite du RE6, GIEC, 2021, montrant les tendances et les séries chronologiques pour la température moyenne mondiale en surface reconstruite à partir d’observations météorologiques terrestres et maritimes. L’ensemble de données HadCRUTv5 comprend une interpolation importante sur les régions sans données. (Source: GIEC, RE6, figure 2.11)

Les observations constituent notre principale source d’information sur les changements climatiques. Même si leur caractère incomplet est connu, les observations historiques disponibles effectuées par les Services météorologiques et hydrologiques nationaux (SMHN) sont à la base de notre compréhension des processus climatiques clés et des changements climatiques. Les enregistrements à long terme des stations météorologiques terrestres et navales (voir la figure 2), des radiosondes, des satellites et autres instruments d’observation fournissent les données à long terme nécessaires pour comprendre l’évolution rapide de notre climat. Ces données ont été analysées à l’aide de tout un éventail de techniques afin de fournir une base scientifique solide sur laquelle s’appuyer pour entreprendre des évaluations scientifiques et des activités de surveillance.

Centennial station – Sonnblick (Austria)Figure 2. Station d’observation centenaire – Sonnblick (Autriche). Ancienne photo de 1886, photo récente de 2001

Sans observations historiques, il serait impossible de tirer des conclusions définitives sur les changements climatiques. Cependant, dans de nombreuses régions du monde, les observations historiques et en cours disponibles sont insuffisantes pour surveiller et prévoir le climat de manière adéquate aux niveaux régional et local. Cela vaut tout particulièrement pour les phénomènes climatiques extrêmes, qui ont tendance à être plus localisés et de courte durée. Les ensembles de données disponibles sous ClimDEX, qui utilisent les indices applicables aux changements climatiques élaborés par l’OMM, présentent de grandes lacunes dans un grand nombre de régions critiques du globe. Dans ces régions, la surveillance nécessite un réseau beaucoup plus dense d’observations quotidiennes ou synoptiques.

Une évaluation des phénomènes climatiques extrêmes dans plusieurs régions du GIEC n’a pas été possible dans le RE6 étant donné que, dans de nombreux cas, la communauté de recherche scientifique n’a disposé que de données insuffisantes. Cela signifie qu’il n’existe aucune base d’observation permettant de vérifier les projections futures des changements d’impacts dans ces régions et donc aucun moyen de planifier efficacement les mesures d’adaptation qui s’imposeraient. Même si une telle situation résulte souvent de la rareté des observations historiques, il est indéniable que les données historiques existantes ne sont pas mises à la disposition de la communauté scientifique.

Le Système mondial d’observation du climat (SMOC) définit un ensemble de variables climatologiques essentielles (VCE) qui couvrent les composantes atmosphériques, océaniques et terrestres du système climatique, notamment la météorologie, l’hydrologie et la cryosphère. Les observations des VCE sont utilisées à de nombreuses fins:

  • Surveiller le climat, détecter les tendances et fournir des informations sur la survenue des phénomènes météorologiques extrêmes;
  • Permettre à la réanalyse de fournir de longues séries chronologiques de données climatologiques cohérentes pour le passé;
  • Améliorer notre compréhension scientifique du climat et élaborer les projections des modèles climatiques;
  • Fournir les produits d’information nécessaires à l’adaptation.

L’Accord de Paris adopté en vertu de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC), approuvé en 2015, vise à limiter l’impact des changements climatiques en demandant à toutes les Parties à la Convention de prendre l’engagement volontaire de réduire leurs émissions de gaz à effet de serre (atténuation) et d’améliorer la résilience aux effets des changements climatiques (adaptation). Les SMHN peuvent favoriser la réalisation de ces objectifs en fournissant les observations et projections climatiques nécessaires aux fins de l’adaptation ainsi que d’autres services climatologiques. Pour ce faire, les SMHN doivent dépendre d’un système d’échange de données libre et ouvert, et y contribuer.

De nombreuses parties de l’Accord de Paris exigent un accès aux observations météorologiques tant historiques qu’en cours:

  • L’objectif consistant à «contenir l’élévation de la température moyenne de la planète nettement en dessous de 2 °C par rapport aux niveaux préindustriels et en poursuivant l’action menée pour limiter l’élévation de la température à 1,5 °C par rapport aux niveaux préindustriels» nécessite des observations pour surveiller sa réalisation et les impacts des mesures d’atténuation.
  • L’objectif d’adaptation consistant à «renforcer les capacités d’adaptation aux effets néfastes des changements climatiques et à promouvoir la résilience à ces changements et un développement à faible émission de gaz à effet de serre» nécessite des prévisions de changement climatique fondées sur l’observation. Le GIEC a constaté qu’un accès insuffisant aux données représentait un problème important en matière d’adaptation dans certaines régions du monde, notamment sur le continent africain.
  • L’estimation des flux de gaz à effet de serre à partir d’observations (fondées sur des mesures de la composition de l’atmosphère) peut aider les Parties à évaluer les progrès accomplis et contribuer à l’établissement de rapports dans le contexte du cadre de transparence.
  • Les observations de la couverture terrestre et de la biomasse aérienne sont fondamentales pour appuyer les efforts menés en vue de la sauvegarde et du renforcement des puits et réservoirs à effets de serre, y compris les forêts.
  • Les Parties devraient améliorer la compréhension, l’action et l’appui concernant les pertes et préjudices liés aux effets néfastes des changements climatiques. Les observations sont nécessaires pour identifier, attribuer et prévoir les phénomènes météorologiques extrêmes et les événements qui se manifestent lentement, et constituent un élément essentiel des systèmes d’alerte précoce.
  • Informer le public sur l’état actuel et futur du système climatique.
  • Contribuer au bilan mondial, en faisant rapport sur les progrès collectifs accomplis eu égard aux buts et objectifs de l’Accord de Paris.

Il est nécessaire de disposer depuis longtemps d’observations climatologiques présentant des niveaux de qualité et de cohérence suffisamment élevés pour permettre la détection des changements à long terme inhérents aux variations diurnes, saisonnières et pluriannuelles. Les enregistrements des données climatiques fondamentales issues d’observations «originales» doivent être conservés indéfiniment, même s’ils ne sont pas souvent utilisés directement en l’état. Les estimations mondiales obtenues à partir d’observations telles que les réanalyses et autres produits de données de haut niveau sont plus couramment utilisées pour surveiller les changements climatiques, pour étayer l’élaboration et la mise en œuvre des politiques et pour informer le public. Ces ensembles mondiaux de données sont souvent redimensionnés à une résolution plus élevée afin de venir en aide aux services climatologiques locaux. Depuis l’observation jusqu’aux services climatologiques, l’ensemble de la chaîne de valeur dépend toutefois de manière cruciale de la disponibilité et de l’échange libre et sans restriction des données d’observation à l’échelle mondiale ainsi que des sorties des modèles et des données de réanalyse. Des ensembles de données climatiques nouveaux et améliorés, y compris des réanalyses et d’autres produits d’information innovants, vont voir le jour et disparaître – chacun tirant successivement profit des nouvelles connaissances acquises et des nouvelles capacités mises en œuvre – mais ils ne peuvent être produits sans un accès durable aux observations originales.

Il est d’une importance fondamentale que nous partagions et conservions les observations historiques, que nous en assurions la gestion de manière robuste et efficace, et que nous les mettions à la disposition de tous. Il faut que les générations actuelles et futures de chercheurs puissent utiliser et exploiter ces données afin de fournir les produits et services nécessaires à une prise de décision efficace en matière de climat.

Réanalyse

La réanalyse présente des avantages pour la prévision numérique du temps (PNT) ainsi que pour les études sur le climat. Elle joue un rôle important dans la fourniture de données détaillées et de haute qualité sur le climat du passé et du présent, qui sont nécessaires pour appuyer les décisions en matière d’adaptation. Elle représente avec précision la variabilité à basse fréquence de plusieurs VCE qui ont été assez bien observées à l’échelle mondiale depuis les années 1980 (Simmons et al., 2017), à savoir la température de l’air en surface, les températures de la troposphère et de la basse stratosphère, l’humidité de l’air en surface et les précipitations. Les données de réanalyse fournissent également des informations utiles sur plusieurs VCE qui ne sont pas bien observées, comme les vents troposphériques, l’humidité du sol, le débit des cours d’eau et le ruissellement (Dunn et al., 2020). La réanalyse dépend essentiellement de la disponibilité d’observations de haute qualité à l’échelle mondiale.

La réanalyse mondiale à l’aide de l’infrastructure de PNT

L’évolution du système mondial d’observation, y compris l’infrastructure et les protocoles nécessaires pour permettre l’échange de données en temps quasi réel, a rendu possible la mise en œuvre de systèmes de PNT de plus en plus performants, qui utilisent les observations pour initialiser les modèles de prévision mondiaux. La qualité des prévisions dépend fortement de la disponibilité d’observations au sol et depuis l’espace, sensibles à des variables météorologiques clés telles que la pression en surface, la température et l’humidité de l’air, ainsi que la vitesse et la direction du vent. Au fur et à mesure de l’évolution des modèles vers une représentation plus précise de différents processus physiques et chimiques, de nombreux autres types d’observations – liées, par exemple, à la composition de l’atmosphère, à la biochimie des océans et aux processus à la surface du sol – deviennent importants. Les produits de prévision sont actualisés plusieurs fois par jour au fur et à mesure de la disponibilité de nouvelles observations, et sont diffusés aux utilisateurs en quelques heures. Une étape essentielle de ce processus est constituée par le lancement d’un nouveau modèle de prévision basé sur les ajustements opérés en raison de nouvelles informations extraites des observations les plus récentes. L’«assimilation des données» est l’expression technique qui correspond à ce processus continu de mélange des observations avec la sortie du modèle.

Avec le temps, un système de PNT à l’échelle mondiale générera une longue série temporelle de champs météorologiques pour plusieurs paramètres géophysiques, basée sur des observations et conforme aux lois de la physique, couvrant l’ensemble du globe, depuis la surface de la Terre jusqu’à la stratosphère. Lorsque les systèmes de PNT sont devenus opérationnels dans les années 1970, on s’est vite rendu compte qu’une telle représentation numérique de la circulation atmosphérique, comprenant un historique des événements météorologiques dans le monde, serait inestimable pour la recherche et le développement en sciences de l’atmosphère. Cependant, la création d’un enregistrement de données cohérent couvrant plusieurs décennies nécessite un retraitement ou une «réanalyse» des observations archivées et de qualité contrôlée à l’aide de la configuration fixe d’un modèle de PNT et d’un système d’assimilation des données. Une telle réanalyse doit être répétée à l’occasion lorsque les modèles de prévision, les observations d’entrée et la méthode d’assimilation des données se sont considérablement améliorés et que les nouvelles capacités informatiques permettent une résolution spatiale et temporelle plus élevée des données.

La réanalyse permet au monde universitaire de la recherche d’accéder à la grande quantité d’informations générées par le système mondial d’observation, synthétisées à l’aide de modèles de prévision de pointe, sous une forme qui est pratique à utiliser.

Les centres de PNT sont de grands utilisateurs des données de réanalyse, qui servent par exemple de référence pour l’évaluation de la performance des prévisions à moyenne échéance. Des données de réanalyse de haute qualité sont indispensables pour le développement de systèmes de prévision climatique saisonnière, qui dépendent de la disponibilité d’une large base de données de prévisions a posteriori (c’est-à-dire de reprévisions de conditions historiques représentatives) pour permettre une correction statistique des erreurs systématiques qui ont tendance à se produire dans les prévisions à longue échéance. Les données de réanalyse sont utilisées pour évaluer les climatologies mondiales et les fonctions de densité de probabilité pour différents paramètres météorologiques qui sont à la base d’une série croissante de produits de prévision probabiliste qui peuvent être utilisés pour l’évaluation des risques, les systèmes d’alerte précoce, la planification et la prise de décision. Ces produits comprennent, par exemple, des cartes indiquant les endroits où des phénomènes météorologiques extrêmes sont susceptibles de survenir à courte ou moyenne échéance (voir la figure 3).

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Figure 3. Carte de l’indice de prévision d’événements extrêmes (IPE) au 5 octobre 2021, indiquant les zones où des conditions météorologiques anormales sont susceptibles de se produire au cours des sept jours suivants. Les couleurs marquent les zones caractérisées par la probabilité de vents forts (magenta), de fortes précipitations (vert), de températures élevées (jaune/orange) et de températures basses (bleu clair/bleu). L’IPE s’appuie sur les climatologies et les probabilités d’anomalie dérivées des données de réanalyse. (Source: CEPMMT)

La réanalyse climatique

L’utilisation des données de réanalyse à l’échelle mondiale pour les applications climatologiques s’est développée rapidement, malgré l’effet bien connu des biais dans les modèles et les observations sur la représentation de la variabilité du climat et des changements climatiques (Bengtsson et al., 2007). Une réanalyse est une simulation de modèle multidécennale contrainte par des observations; tout changement significatif dans la contrainte d’observation interfère potentiellement avec les signaux climatiques estimés. Les réanalyses actuelles sont davantage en mesure de corriger les biais en raison de la disponibilité accrue d’observations contrôlées de haute qualité, de meilleurs modèles de prévision et des progrès réalisés dans le domaine de l’assimilation des données. De ce fait et preuve du rôle croissant de la réanalyse dans les services climatologiques, il est maintenant courant de faire référence à la «réanalyse climatique».

Parallèlement à d’autres ensembles de données climatologiques dérivés des seules observations, les données issues de la réanalyse du climat sont désormais couramment utilisées dans les rapports annuels sur l’état du climat publiés par l’OMM, la Société météorologique américaine et le Service Copernicus de surveillance du changement climatique (3CS). L’utilisation de l’infrastructure de PNT pour la réanalyse climatique présente plusieurs avantages importants: 1) les données sur les changements climatiques peuvent être actualisées dans les jours qui suivent l’observation; 2) les estimations des VCE couvrent l’ensemble du globe, y compris les régions tropicales et de haute latitude; 3) les estimations sont éclairées par les observations de qualité contrôlée provenant de toutes les sources disponibles; 4) les estimations relatives à de multiples VCE sont physiquement cohérentes entre elles; et  5)  les observations météorologiques sont réutilisées de manière efficace pour le climat, ce qui accroît les avantages de leur échange.

La prise de conscience de plus en plus importante des changements climatiques et de leur impact considérable sur les vies et les moyens de subsistance s’est traduite par une demande croissante de services scientifiques utilisables par différents secteurs industriels. La réanalyse climatique a un rôle clé à jouer dans leur développement. Le secteur de la réassurance fait appel aux données de réanalyse pour élaborer des statistiques et des tendances sur les vents de tempête, les inondations côtières et d’autres événements liés au climat, afin d’estimer les vulnérabilités et les pertes futures. De même, l’adaptation aux changements climatiques dans les secteurs des transports et des infrastructures nécessite des informations sur les tendances et la variabilité en matière de températures et de précipitations, ainsi que sur d’autres variables clés sensibles aux changements climatiques telles que l’humidité du sol, le niveau de la mer et la glace de mer. Le secteur de l’énergie est essentiellement tributaire des données de réanalyse pour fournir les paramètres nécessaires à l’estimation de la valeur potentielle des différentes sources d’énergie renouvelables dans le monde, notamment l’énergie éolienne, solaire et hydraulique. Dans les secteurs de l’agriculture et de la sylviculture, les données de réanalyse sont couramment utilisées pour cartographier le mouvement des zones climatiques ayant des incidences sur la planification des cultures et l’approvisionnement en eau.

L’état actuel des archives mondiales des données météorologiques historiques

Comme il a été signalé plus haut, les données climatiques d’archives et l’accès libre et sans restriction à ces données revêtent une importance fondamentale. Bien que des améliorations importantes aient été apportées récemment à l’archivage des données climatiques (Noone et al., 2020; Durre et al., 2018), de nombreux obstacles subsistent:

  • Les données peuvent ne pas pouvoir être partagées librement. Dans certains cas, les observations peuvent ne pas pouvoir être échangées au niveau international, autrement que contre paiement.
  • Les données peuvent être disponibles librement, mais un manque de ressources peut en entraver le processus de partage.
  • Les données peuvent être échangées, mais sous certaines conditions, par exemple à des fins particulières ou avec des groupes particuliers.
  • Une mauvaise gestion des données peut empêcher leur recherche et donc leur utilisation, même si elles sont en principe disponibles.
  • Les données climatiques peuvent être perdues: les registres papier se dégradent, les formats électroniques deviennent illisibles, l’absence de sauvegarde et d’archivage adéquat sont autant de facteurs qui peuvent contribuer à la perte de données climatiques.

Historiquement, la responsabilité de la conservation des données a été confiée à un nombre réduit d’institutions, et la communication de données historiques a été de nature parcellaire. Les collections sont plus complètes depuis le début du partage des données sur le Système mondial de télécommunications (SMT), qui a permis d’enregistrer et d’archiver ces données.

Location of land-based stations Figure 4. Localisation des stations terrestres effectuant des observations de température. La figure montre le nombre de stations terrestres opérationnelles pour les températures mesurées de 1750 à 2020 à chaque échelle de temps au moyen d’une échelle logarithmique. (Source: Noone et al., 2020)

Les observations maritimes ont montré la voie à suivre. Depuis plusieurs décennies, des données sont recueillies et rassemblées par l’ensemble international intégré de données sur l’océan et l’atmosphère (ICOADS) (Freeman et al., 2017). Les données sont conservées dans des archives au fonds multivarié et toutes les sources originales font également l’objet d’une conservation. Certes, il reste à n’en pas douter des archives nationales susceptibles être intégrées pour améliorer la couverture. Mais les efforts menés par l’ICOADS ont porté leurs fruits et le processus est bien documenté, avec de bons niveaux d’adhésion de la communauté.

Le Centre mondial de données météorologiques est géré par le Centre national d’information sur l’environnement (NCEI) de l’Administration américaine pour les océans et l’atmosphère (NOAA), à Asheville. En collaboration avec des organisations internationales et nationales, le NCEI acquiert, catalogue et archive des données météorologiques mondiales qui sont mises librement et ouvertement à la disposition de la communauté scientifique et du public via des portails de données et des services en ligne.

Le fonds de l’Integrated Global Radiosonde Archive (IGRA) de la NOAA se compose d’observations par radiosonde et par ballon-pilote provenant de plus de 2 800 stations réparties dans le monde entier, le tout conservé sous forme d’enregistrements multivariés. La collecte de données repose principalement sur les données échangées au moyen du SMT, qui se voient complétées par les efforts spéciaux menés en matière de sauvetage de données. L’IGRA est une propriété exclusive du NCEI en sa qualité de Centre mondial de données météorologiques et bénéficie d’une visibilité et d’une adhésion bien inférieures à celles de l’ICOADS.

Les fonds de données météorologiques terrestres en sont à un stade beaucoup moins avancé et ces dernières sont généralement communes à un mélange d’agrégations de données synoptiques, quotidiennes et mensuelles. La gestion des données est souvent structurée par variable ou par pas de temps et repose sur un projet plutôt que sur une base durable, ce qui signifie que les données ont été désagrégées (Thorne et al., 2017). Il est difficile de reconstituer les données, étant donné que les différentes archives de données utilisent des formats de données et des métadonnées distincts. La figure 4 donne une indication à la fois de la répartition spatiale des fonds actuellement acquis et de la manière dont la disponibilité des données de l’évolution à différents niveaux d’agrégation temporelle a évolué dans le temps. On trouvera d’autres précisions sur la situation actuelle dans Noone et al. (2020).

L’ensemble de données d’observation terrestres et maritimes mondiales (GLAMOD) fait partie du C3S. GLAMOD sera d’une importance capitale pour la réanalyse et la production de services climatologiques.

The hard-copy historical meteorological observations storage Figure 5. L’installation de stockage des observations météorologiques historiques sur papier au NCEI, à Asheville (États-Unis d’Amérique). (Source: S. Noone, 2017)

Combler les lacunes et enrichir notre connaissance

Sauvetage des données climatiques Des centaines de millions d’observations météorologiques réalisées entre le XVIIIe siècle et le début du XXe siècle sont encore disponibles mais seulement sur support papier ou sous forme d’images et risquent d’être perdues pour toujours (Brönnimann et al., 2019). Beaucoup d’autres fonds d’une diversité de bibliothèques, de bureaux d’enregistrement et d’archives antérieurs à la création des SMHN n’ont encore fait l’objet ni de recherches ni d’un catalogage. Si ces observations étaient numérisées et rendues accessibles et consultables, elles compléteraient la couverture temporelle et spatiale des enregistrements existants pour les régions et les périodes pauvres en données, où les études d’impact sur les changements climatiques sont d’une importance cruciale. Cela permettrait de disposer de longs enregistrements de données climatiques propres à étayer des produits de réanalyse de haute qualité à l’échelle centennale (Slivinski et al., 2019). Malgré les énormes efforts déployés en matière de sauvetage de données, il en reste des quantités considérables qui attendent encore d’être traitées (voir la figure 5). Les projets de sauvetage de données connus et un catalogue des données disponibles pour le sauvetage géré par l’OMM sont hébergés par l’Institut météorologique royal des Pays Bas (KNMI), à l’adresse: https://www. idare-portal.org/fr/ et on trouvera des conseils sur les meilleures pratiques en la matière auprès de l’OMM et du C3S (https://datarescue.climate.copernicus.eu/).

Gestion des données

L’accès à des données climatiques de haute qualité et bien gérées est la pierre angulaire des services climatologiques. Toutefois, des normes et des pratiques recommandées applicables à l’approvisionnement, au stockage indéfini, à la gestion, à l’évaluation et au catalogage des données climatiques sont nécessaires, ainsi que l’infrastructure aux fins de leur échange libre et sans restriction. L’évaluation cohérente de la qualité de la gestion des données est un moyen d’établir ou de démontrer la fiabilité des données. Le Cadre mondial pour la gestion de données climatologiques de qualité (HQ-GDMFC, OMM, 2019b) est une initiative de collaboration de l’OMM qui fournit une telle évaluation aux niveaux mondial, régional et national. La portée de la collaboration internationale au sein du HQ-GDMFC repose sur un ensemble de principes:

  1. Promouvoir l’adhésion aux politiques de l’OMM en matière de données;
  2. Enregistrer les ensembles de données à partager au niveau international pour les utiliser dans le cadre des études, de la surveillance et des applications climatologiques;
  3. Faciliter l’accès aux métadonnées et à la documentation correspondante;
  4. Faciliter la sauvegarde et la bonne gestion de toutes les données qui servent ou pourraient servir à la surveillance du changement climatique en les archivant en double pendant toute la durée officielle de leur conservation; 
  5. Évaluer et accroître le degré de maturité et la qualité des pratiques de gestion appliquées aux jeux de données, notamment en classant ces derniers pour faciliter leur recherche et leur consultation, et en encourageant leur prise en compte pour l’élaboration des politiques;
  6. Chercher à obtenir auprès des utilisateurs un retour d’information sur la qualité, l’adéquation à l’usage et l’exploitabilité des jeux de données échangés.

Dans le cadre de la gestion des centres de données (par exemple, le Règlement technique de l’OMM (OMM, 2019)), les gestionnaires doivent s’assurer qu’un plan de continuité des activités est élaboré et maintenu pour atténuer les risques liés à l’interruption des opérations intéressant leurs bases de données. Ce plan devrait comporter des dispositions relatives à la sauvegarde de routine, ainsi que la mention des procédures de restauration rapide de la base de données et de l’infrastructure connexe. Les Membres de l’OMM s’engagent à faire en sorte que les données climatiques soient stockées indéfiniment.

Parmi les nombreux défis à relever aux fins de la mise en œuvre de services climatologiques de qualité, aux niveaux tant mondial que national, figure le fait qu’une grande partie des orientations existantes en matière de gestion des données climatiques ont du mal à suivre le rythme des progrès rapides des technologies, des bonnes pratiques applicables par la communauté et des besoins des utilisateurs. L’OMM a mis au point et établi comme référence la matrice de maturité en matière de gestion des données climatologiques (SMM-CD) (Peng et al., 2019), afin de permettre aux responsables de la gestion des données (par exemple, dans les SMHN) d’évaluer leurs pratiques de gestion des données dans un cadre normalisé à l’échelle internationale, en identifiant les lacunes et les autres éléments de leurs processus qui gagneraient le plus à être améliorés.

La gestion efficace des données nécessite une combinaison d’efforts soutenus en la matière aux niveaux national, régional et mondial, dans un esprit de synergie. Les SMHN gèrent directement ou non les observations nationales et disposent des connaissances locales nécessaires à la gestion la plus efficace possible des observations effectuées sous leurs auspices. Toutefois, étant donné la nature mondiale du temps et du climat, les données doivent être partagées avec des dépôts régionaux et mondiaux afin de faire en sorte que les nouveaux produits et services dérivés de ces fonds agrégés soient les plus utiles possibles à l’échelon national.

Les données au service de la société

Ces dernières années, de grands programmes internationaux, tels que le Cadre mondial pour les services climatologiques (CMSC) de l’OMM et le C3S de l’Union européenne, ont été établis pour coordonner et organiser les données et les outils climatiques à l’usage des gouvernements, des autorités publiques et des entités privées du monde entier. Leur objectif commun est de créer un ensemble de services opérationnels et de pratiques partagées qui mettent les meilleurs outils et les meilleures connaissances scientifiques disponibles entre les mains de ceux qui sont confrontés aux problèmes d’adaptation et d’atténuation pesant dans l’immédiat sur la population au sein de laquelle ils vivent. Ces programmes reposent sur le principe que l’accès libre et sans restriction à des données et à des informations de qualité assurée sur le climat passé, présent et futur est essentiel pour permettre le développement de sociétés résilientes et intelligentes face aux changements climatiques.

La mise en œuvre du C3S par le Centre européen pour les prévisions météorologiques à moyen terme (CEPMMT) représente un tournant dans l’amélioration de l’accès aux observations et aux outils nécessaires à leur utilisation efficace dans les services climatologiques. Le C3S offre des services opérationnels axés sur l’utilisateur, y compris des services de données fiables et une assistance aux utilisateurs à l’aide d’une base de données climatiques (CDS) particulière. Le catalogue de la CDS comprend de nombreux jeux de données dérivés d’observations répondant à la majorité des VCE du SMOC, ainsi que des réanalyses climatiques de haute qualité générées au moyen de l’infrastructure de PNT du CEPMMT. Le C3S coordonne et appuie un large éventail d’activités visant à assurer la disponibilité continue et l’amélioration de ces jeux de données, y compris le sauvetage des données, la collecte des données, la gestion des données, le contrôle de la qualité, le retraitement des données et la production de réanalyses.

La voie à suivre

Les observations constituent notre principale source d’information sur l’évolution de notre climat. Elles fournissent des preuves directes et convaincantes sur les incidences des changements climatiques, sont indispensables à l’élaboration des prévisions climatiques saisonnières et sont nécessaires pour valider et améliorer les modèles utilisés pour simuler les climats futurs selon différents scénarios d’émissions. Rien de tout cela n’est possible sans un accès partagé à des observations de haute qualité – mondiales, régionales et locales – portant sur le passé, sur le présent et, de manière durable, sur le futur.

Le projet de résolution relatif à la politique unifiée de l’OMM en matière de données, qui préconise l’échange libre et sans restriction d’observations historiques, pourrait changer la donne pour les services climatologiques. Il permettrait d’élargir la disponibilité et d’améliorer la qualité des informations scientifiques nécessaires à une meilleure prise de décision face aux changements climatiques.

Les observations climatologiques comprennent non seulement les observations météorologiques fournies par les SMHN, mais aussi les observations océaniques et terrestres, couvrant la cryosphère, l’hydrologie et la biosphère. La plupart des observations terrestres sont réalisées et financées au niveau national. De nombreuses observations sont échangées librement au niveau mondial. Les observations hydrologiques font exception, étant donné que seules quelques-unes d’entre elles sont échangées à l’échelon mondial (voir l’article 6). La nouvelle politique de l’OMM en matière de données concerne l’échange de toutes les données du système Terre financées par des fonds publics. Les observations «non météorologiques», telles que les observations terrestres et océaniques, sont pour le moment considérées comme des données recommandées dans le cadre de la politique proposée, mais elles pourraient à terme devenir des données fondamentales lorsque les besoins éventuels de les échanger seront justifiés et largement approuvés.

Par Dick Dee, Planet-A Consulting, Estonie, Peter Thorne et Simon Noone, Université nationale d’Irlande à Maynooth et Omar Baddour et Caterina Tassone, Secrétariat de l’OMM

 

References

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