Les données – une issue dans la tempête

17 avril 2019
  • Author(s):
  • Stine Degnegaard et Michel Bloch Andersen avec la contribution de Henrik Nordskilde, Institut météorologique danois

«Mais que faites-vous exactement?» Voilà une question que la direction d’un organisme n’aime pas entendre. Elle a pourtant été posée à plusieurs reprises à Marianne Thyrring et Anne Højer Simonsen, respectivement directrice générale et sous-directrice générale de l’Institut météorologique danois (DMI). En fait, la plupart des gens ignorent ce que fait le DMI, à part prévoir le temps chaque jour. Pourtant, l’une de ses tâches est de stocker des données qui vont bien au-delà des prévisions à cinq jours et des avis de grêle. «Des données qui valent de l’or», précise Mme Thyrring.

Strategy FR

En 2016, Marianne Thyrring et Anne Simonsen perçoivent le grand potentiel qu’offre le volume considérable de données brutes amassées en météorologie, notamment par le DMI, réputé pour ses compétences techniques. Elles décident donc de transformer l’Institut. «Les citoyens et les entreprises ne se disent pas soudain: est-ce que le DMI pourrait m’aider dans ce domaine? Très peu de personnes savent ce que nous sommes en mesure de faire. Notre tâche était de redéfinir la façon dont la société voit le DMI et recourt à ses services», raconte Mme Thyrring.

L’Institut acquerra plus d’importance en mettant ses données à la disposition de la population. Il entend collaborer avec d’autres organismes publics afin de créer de nouvelles chaînes de fourniture de ses données brutes. Les acteurs intéressés pourraient traiter ces données afin d’élargir la palette de services offerts au nombre grandissant de parties intéressées par les informations météorologiques. De nombreux secteurs en bénéficieraient, surtout les services publics et l’agriculture. La société Deloitte a estimé en 2016 que les données météorologiques pourraient apporter chaque année 135 millions de couronnes (20 550 000 dollars É.‑U.) de plus à l’agriculture danoise.

Le DMI et les données

Le DMI, dont la création remonte à 1872, relève du Ministère de l’énergie, des services publics et du climat; son budget annuel avoisine 300 millions de couronnes (45 670 000 dollars É.-U.). Il exécute les activités météorologiques au Danemark et au Groenland, ce qui inclut l’observation du temps, du climat et de l’océan et la diffusion de prévisions et d’avis. C’est l’autorité principale chargée des alertes et des services à l’aviation, par exemple, qui occuperont toujours une place centrale dans son mandat. Son volet commercial consiste à fournir des données et conseils au secteur privé et à d’autres organismes gouvernementaux, telles la Direction du réseau routier et la Société nationale des chemins de fer.

Membre fondateur de l’OMM, le Danemark respecte le principe de l’échange libre et gratuit des données entre Services météorologiques nationaux, en tant que bien public universel. Pour offrir un accès totalement libre et gratuit, le DMI devra surveiller de plus près la qualité de ses données et ses systèmes de gestion de la qualité. Trois étapes importantes ont été définies afin de mettre en place la nouvelle politique en matière de données:

  • Accès libre – Certains changements devaient être apportés pour que les données sur le temps et le climat puissent être librement exploitées par les entreprises, les municipalités, les services d’urgence, etc. Le processus débutera cette année avec les données brutes, puis avec les données traitées en 2021 et 2022;
  • Stations d’observation – Le DMI investira davantage dans son réseau de stations d’observation, qui couvre le Danemark, les îles Féroé et le Groenland;
  • Atlas climatique – Les données du DMI serviront à créer une sorte de «boule de cristal climatique» que pourront consulter les municipalités pour planifier les projets de construction et d’infrastructure, entre autres. Un large éventail de données figureront dans l’atlas, par exemple les précipitations extrêmes relevées à un emplacement, précisant la forme (pluie, neige, grêle, etc.), la fréquence et la hauteur.

Une approche stratégique

Mmes Thyrring et Simonsen, convaincues de l’intérêt de l’entreprise, ont opté pour une approche inédite à l’Institut. Elles ont pris la décision stratégique d’élargir le nouveau rôle du DMI en faisant preuve du plus d’ouverture possible. 

Elles ont présenté l’idée directement aux parties qui bénéficieraient le plus du changement: la Confédération des entreprises danoises, le Conseil de l’agriculture et de l’alimentation, les entreprises des secteurs de l’énergie, des transports, de l’infrastructure et bien d’autres. Le dialogue avec ces nouveaux partenaires se poursuit aujourd’hui.

Toutes les parties intéressées ont pu consulter l’ensemble des données du DMI – les rendant beaucoup plus utiles dans le cadre de leurs activités. La réaction a été extrêmement favorable. Mmes Thyrring et Simonsen ont su alors qu’elles étaient sur la bonne voie.

Plus de données dans le domaine public

L’approche du DMI s’inscrit dans la tendance danoise à autoriser l’accès aux données d’un nombre grandissant d’organismes gouvernementaux. Selon Stine Degnegaard, directrice de Deloitte, une étude poussée des modèles économiques au Danemark montre que «bon nombre d’instances gouvernementales offrent dès à présent un accès libre à leurs données, ce qui permet de combiner celles-ci de manière tout à fait nouvelle. Des configurations invisibles auparavant apparaissent soudain. Les possibilités sont nombreuses. On peut mieux prévoir les événements et, par conséquent, prévenir l’apparition de maladies ou d’autres phénomènes. L’intérêt est énorme pour la société.»

Elle déclare ceci à propos du DMI: «Ils ont entrepris une transformation, leur modèle économique vise à offrir le maximum et à contribuer le plus possible à la société danoise. L’Institut sera beaucoup plus tourné vers l’extérieur dorénavant.» Le DMI se prépare à jouer ce rôle totalement nouveau pour lui dans la société.

Afin qu’ait lieu ce «grand ménage» – cette transformation –, Mmes Thyrring et Simonsen avaient besoin d’un appui politique. Pendant l’été 2016, elles se sont adressées au Ministre de l’énergie, des services publics et du climat, Lars Christian Lilleholt, qui a vu le potentiel de la démarche. La diffusion des données a été officiellement acceptée et le DMI a reçu une subvention gouvernementale pour que tout le monde puisse consulter ses données météorologiques et climatologiques. L’Institut est devenu un modèle national, démontrant les avantages d’ouvrir l’accès aux données.

Viser les principaux segments de la société

Le DMI cessera de fournir des jeux de données spécialisés à des clients individuels. Aujourd’hui, par exemple, 60 réseaux de chauffage urbain reçoivent chacun leurs propres données; à l’avenir, le volume sera bien plus grand et il sera question de données brutes et de mégadonnées plutôt que de solutions sur mesure. «Jusqu’ici, l’Institut fournissait des prévisions météorologiques tout en vendant des ensembles de données à différents clients. Cela présentait plus d’inconvénients que d’avantages. Nous procurerons encore des services sur une base commerciale, mais à une échelle réduite», explique Mme Thyrring.

Ainsi, le DMI pourrait offrir un même ensemble de données aux réseaux de chauffage urbain, aux agriculteurs et à divers groupes, auxquels il appartiendrait de rechercher les données qui les intéressent. D’autres acteurs, dont les sociétés privées de météorologie, auraient la possibilité de fournir des services très spécialisés et novateurs à chacun de leurs clients. Ce faisant, l’Institut respecterait la politique de l’OMM en faveur de l’association des secteurs public et privé au profit d’une multitude d’entreprises et de la société.

Dans sa démarche, le DMI s’interroge sur la manière de communiquer les données brutes, la qualité que devraient présenter les données fournies et les incidences possibles sur la recherche et le service à la clientèle. La transformation est bien avancée mais loin d’être achevée – la mise en œuvre à proprement parler est encore à venir. De nouveaux services doivent être intégrés, d’autres doivent être suspendus ou reconduits.

La nouvelle fonction exige également beaucoup de travail à l’intérieur de l’Institut. «Le processus vient juste de commencer», déclare Mme Simonsen. «Nous devons tous changer d’état d’esprit. C’est en fait la partie la plus difficile et la plus importante. Lorsque nous serons dans l’état d’esprit qui reflète la nouvelle stratégie, nous réussirons. »

Un changement conduit de main de maître

En plus de diriger le DMI, Marianne Thyrring est la Représentante permanente du Danemark auprès de l’OMM. Scientifique de renom, elle détient plus de 20 années d’expérience en politique environnementale et climatique et possède d’impressionnantes capacités de direction. Elle a été sous-directrice de cabinet du Commissaire danois à l’environnement à la Commission européenne et secrétaire générale du Ministère de l’environnement.

Mme Thyrring aime «assumer la responsabilité et la mise en place d’un changement par un bon encadrement». Pas étonnant qu’elle ait accepté de diriger le DMI, vu la complexité des travaux qui y sont menés, la pertinence des services offerts et la nécessité de modifier les stratégies et les modèles d’organisation. Elle estime que ses plus grandes réussites à l’Institut se situent dans la recherche et le développement, le libre accès aux données, les technologies modernes et le calcul intensif, toujours dans le but de donner aux citoyens danois des informations utiles et fiables sur le temps et le climat.

Nous vous préparons aux conditions météorologiques à venir en accomplissant notre mission: le DMI contribue à la protection et à l’essor du Danemark 24 heures sur 24 par ses connaissances, données et indications sur le temps, le climat et l’océan fondées sur la recherche; ce sont les tâches essentielles d’un Service météorologique national.
– Perspectives du DMI

Anne Højer Simonsen est entrée au DMI après 20 années de carrière en politique climatique et énergétique. Elle a occupé divers postes de direction pendant les 17 dernières années et était sous-secrétaire générale du Ministère du climat, de l’énergie et du bâtiment avant d’être engagée au DMI. Quand Mme Thyrring l’a fait entrer à l’Institut, elle savait les défis à relever. Il fallait agir sans tarder car l’assise économique de l’Institut était instable. Économiste de formation, Mme Simonsen a apporté une approche nouvelle, axée sur l’utilisateur, qui a aidé à esquisser le chemin à emprunter et a favorisé l’inclusion des parties concernées.

La transformation profonde du DMI ne fait que commencer. Pendant l’été 2018, Mmes Thyrring et Simonsen ont entrepris d’actualiser les bases stratégiques sur lesquelles reposerait le développement. Les travaux se centraient sur deux groupes de travail auxquels participaient les membres de la direction comme les employés. La stratégie définie pour la période 2019-2023, lancée en janvier de cette année, crée une plate-forme d’échange sur les axes à privilégier:

  • Les données en tant que socle et moteur de croissance;
  • Le DMI comme autorité en matière météorologique et conseiller scientifique en matière climatique pour le Danemark;
  • Le dynamisme de l’Institut.

Il faut, au départ, avoir le courage de montrer la voie et trouver des solutions qui valent pour le pays comme à l’échelon international, afin de pouvoir appliquer notre savoir avec d’autres et employer au mieux nos ressources. Le DMI devra, pour cela, s’orienter vers de nouveaux domaines et entretenir un dialogue soutenu avec les parties prenantes.

    Partager :