Les services météorologiques et climatologiques destinés aux agriculteurs indiens

03 novembre 2016

La gestion des risques qui accompagnent le changement climatique revêt une importance particulière en agriculture. Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) a mis en lumière les nombreux dangers qui menacent l’agriculture et la sécurité alimentaire, soulignant par ailleurs les possibilités qu’offre l’amélioration des systèmes d’alerte précoce. L’usage judicieux des informations météorologiques et climatologiques aide à prendre des décisions avisées sur le plan des politiques, des mécanismes institutionnels et des mesures locales qui réduisent les risques et élargissent les perspectives, rationalisent l’exploitation de ressources limitées et augmentent la production dans les secteurs de l’agriculture, de l’élevage et de la pêche. Les Services météorologiques et hydrologiques nationaux (SMHN) jouent un rôle important en transmettant ces informations aux agriculteurs, petits ou grands.

  • Author(s):
  • L.S. Rathore and Nabansu Chattopadhyay

Toutefois, les SMHN devront ajuster leurs activités, disposer de plus de moyens et parfaire la formation du personnel pour fournir des services et des produits concrets, adaptés à un emplacement et à un type de culture, qui intègrent les technologies modernes, mettent en œuvre des pratiques éprouvées et parviennent à l’ensemble des exploitants. Le Service météorologique indien (IMD), au sein du Ministère des sciences de la Terre, diffuse des avis qui constituent un modeste pas dans cette direction, puisqu’ils visent à ce que la production agricole soit «à l’épreuve des intempéries».

Les services d’avis agrométéorologiques

En agriculture, les risques de nature météorologique et climatique ont des causes multiples et variées: ressources en eau limitées, sécheresse, désertification, dégradation des sols, érosion, grêle, inondation et gel précoce, pour n’en nommer quelques-uns. De bons services d’information et de conseil sur le temps et le climat éclairent les décisions des exploitants et favorisent la gestion des risques. Ils aident à créer des systèmes agricoles viables et rentables, à améliorer le rendement et la qualité des produits, à diminuer les pertes et les dangers, à abaisser les coûts, à optimiser l’utilisation de l’eau, de la main-d’œuvre et de l’énergie, à préserver les ressources naturelles et à réduire la pollution par les produits chimiques ou d’autres substances qui détériorent l’environnement. D’où l’intérêt des services d’avis agrométéorologiques qui sont maintenant offerts à l’échelle des districts en Inde.

Ces services répondent aux besoins immédiats des producteurs et soutiennent les modes d’exploitation et les stratégies de gestion qui tentent d’améliorer la production agricole/animale et la sécurité alimentaire en tenant compte du temps. Ils peuvent faire toute la différence en aidant à tirer parti des conditions favorables et à se préserver des conditions hostiles.

Mettre en place la structure

L’IMD a commencé dès 1945 à procurer des services réguliers aux agriculteurs, sous la forme d’un bulletin météorologique spécialisé et d’émissions diffusées dans les langues régionales sur All India Radio. Comme le recommandait la Commission nationale d’agriculture, il a lancé en 1971 des services agrométéorologiques complets afin de répondre aux attentes du secteur. En 1975-1976, l’Organisation américaine pour l’aéronautique et l’espace a réalisé, avec l’IMD et les organismes agricoles, l’expérience SITE (émissions éducatives télédiffusées par satellite) qui a conduit à élaborer, pour différentes régions du pays, des services agronomiques fondés sur le temps et adaptés à un type donné de culture. Ces produits intégrés ont été étendus en 2007 et n’ont cessé d’être affinés depuis lors.

L’IMD met actuellement en place une structure nationale à cinq niveaux pour l’agrométéorologie opérationnelle:

1.    Planification des politiques par une instance supérieure à Delhi;

2.    Mise en application par le siège des Services agrométéorologiques nationaux à Pune;

3.    Coordination et suivi par les Centres de météorologie agricole à l’échelon des États;

4.    Définition des zones agrométéorologiques;

5.    Vulgarisation et formation à l’échelon des districts ou des localités en matière de services d’aide à la gestion.

Cette structure comprend des universités d’agronomie au niveau des États, les établissements du Conseil indien de recherche agronomique et l’Institut indien de technologie. Sans cela, les services d’avis agrométéorologiques ne seraient pas viables à l’échelle des districts.

Overview of Agromet Advisory Services in India

Services d’avis agrométéorologiques opérationnels en Inde (TIC: Technologies de l’information et de la communication)

NWP: Numerical Weather Product
IVRS: Interactive Voice Response System
KVKs: Krishi Vigyan Kendras

 

Produire et diffuser l’information

Un agriculteur veut avant tout savoir quel temps il fera précisément à l’endroit où il se trouve. L’IMD a entrepris en juin 2008 de fournir des prévisions quantitatives à l’échelle des districts – précipitations, températures maximales et minimales, vitesse et direction du vent, humidité relative et nébulosité – dont l’échéance va jusqu’à cinq jours, ainsi que des prévisions hebdomadaires de la hauteur totale de pluie. Ces produits étaient transmis deux fois par semaine, avec d’autres informations à valeur ajoutée, à 130 unités locales pour la préparation d’avis à l’échelle des districts.

L’utilisation des prévisions météorologiques pour établir des avis destinés à l’agriculture exige une grande exactitude et la définition d’un domaine spatial de validité et d’une plage temporelle. Les messages préparés pour les districts renferment le temps passé, les prévisions à échéance de cinq jours et un avis agrométéorologique avec des indications sur les maladies et les parasites. Ceux qui portent sur une variété donnée précisent le stade phénologique des plantes afin d’orienter les pratiques de culture. Toute l’information transmise a pour but d’optimiser le rendement et d’éviter les dommages et les pertes. Les services d’avis agrométéorologiques bénéficient d’un mécanisme de retour d’information afin d’adapter les services offerts à l’échelle du district en fonction des observations des utilisateurs finals.

Les analyses et les informations d’aide à la décision indiquent, par exemple, comment limiter les parasites si l’on prévoit une forte humidité, une hausse ou une baisse des températures ou encore des vents forts ou faibles, comment moduler l’irrigation selon les prévisions de précipitation et de température, comment protéger les cultures du stress thermique quand des températures extrêmes sont attendues, etc. Cela aide les agriculteurs à planifier l’épandage de substances chimiques, à établir le calendrier d’irrigation, à combattre les maladies ou les parasites et à prendre une foule d’autres décisions, du choix des variétés qui seront cultivées à la fixation des dates où seront effectués les semis, la plantation, la transplantation, la culture intercalaire, les récoltes et les activités subséquentes. Lors d’une enquête conduite récemment par le Conseil national de recherche économique appliquée, 93 % des agriculteurs interrogés ont jugé que la prévision numérique du temps était fiable et ont affirmé qu’ils utilisaient l’information reçue pour prendre des décisions à différents moments du cycle de culture, des semis à la récolte.

Les exploitants reçoivent régulièrement ce genre d’informations concrètes; parallèlement, les rapports de productivité montrent une hausse notable des rendements et, par conséquent, de la production alimentaire et des revenus. Une recherche a établi que les services d’avis agrométéorologiques avaient, dans l’ensemble, réduit de 25 % le coût de production des cultures à l’étude. Dans certains cas, les premiers résultats montraient une majoration de coût allant jusqu’à 10 %, largement compensée toutefois par une hausse finale des revenus nets pouvant atteindre 83 %. Les cultures qui en ont le plus bénéficié sont le riz, le blé, le mil perlé, les fruits et les légumes. Les avantages économiques ont été estimés à 7,575 milliards de dollars É.-U. par an et pourraient s’élever à 32 milliards si l’ensemble du secteur agricole indien intégrait les avis agrométéorologiques dans ses activités.

Parvenir jusqu’aux utilisateurs

Trois moyens de communication – médias, campagnes de sensibilisation ciblées et échanges personnels – servent à diffuser largement les avis agrométéorologiques. Quelque 19 millions d’agriculteurs reçoivent aujourd’hui les avis par SMS, mais il faut élargir encore leur nombre et convaincre de la pérennité des avantages observés.

Les campagnes de sensibilisation ciblées renforcent le recours aux services dans le monde agricole et aident les utilisateurs à comprendre par eux-mêmes les questions liées au temps et au climat qui influent sur la production. Elles permettent aussi aux agriculteurs de mieux s’adapter en affinant leurs méthodes de planification et leurs décisions de gestion. Une approche participative et interdisciplinaire est suivie pour communiquer l’information météorologique et climatologique et pour sensibiliser ces groupes d’utilisateurs.

L’IMD, les universités d’agronomie d’État, les établissements du Conseil indien de recherche agronomique et l’Institut indien de technologie ont organisé, en collaboration avec des organisations non gouvernementales et d’autres parties intéressées, des campagnes de sensibilisation ciblées dans différentes parties du pays. Les agriculteurs y reçoivent – dans toutes les langues locales – des brochures sur la façon d’intégrer les conditions météorologiques dans leur pratique et des informations sur les méthodes de gestion des cultures, les maladies et les parasites, les phénomènes extrêmes, les variétés résistantes au stress, les plans d’urgence et le bulletin agrométéorologique publié par le district. Cinq pluviomètres en plastique sont remis aux participants les plus convaincus, afin de resserrer les liens entre les prestataires et les utilisateurs et de constituer des réseaux pluviométriques à l’échelle d’une exploitation ou d’un village. Les agriculteurs sont ainsi amenés à effectuer eux-mêmes des observations qui aident à préparer les avis agrométéorologiques. Ces campagnes ont lieu lors des réunions d’associations d’agriculteurs, à l’occasion d’études scientifiques sur place, dans le cadre d’écoles de terrain, etc.

Planifier l’avenir

On a pensé, pour accroître la pertinence des avis agrométéorologiques, offrir les services à l’échelle locale en utilisant des prévisions à haute résolution. Une étude pilote est en cours depuis trois ans dans le Maharashtra. Pour chacun des emplacements choisis, l’IMD établit des prévisions à échéance de cinq jours – précipitations, températures maximales et minimales, nébulosité, humidité relative maximale et minimale, vitesse et direction du vent – au moyen de modèles de prévision numérique du temps offrant une résolution de 25 et de 9 km2. Ces produits présentent une exactitude de l’ordre de 70 %. Ils servent à élaborer les avis agrométéorologiques pour des variétés particulières et des emplacements précis. La productivité de la culture de céréales, d’oléagineux et de légumes a nettement augmenté à ces emplacements. Les prévisions et alertes locales ont accru les gains de 13 % par rapport aux avis émis à l’échelle des districts et ont efficacement protégé les moyens de subsistance de la population rurale dans la région pilote.

Il reste beaucoup à faire. La réduction des pertes et des catastrophes permettrait d’augmenter encore les revenus des agriculteurs. La tâche n’est pas facile pour le gouvernement, l’IMD et les autres parties prenantes. L’IMD s’est donné pour objectif de rehausser l’exactitude des prévisions et de faire en sorte que les services d’avis agrométéorologiques soient plus utiles et davantage axés sur la demande. Il entend aussi se lancer dans les prévisions et avis à haute résolution et à échéance moyenne pour le secteur du bétail, de la volaille et de la pêche.

L’expansion des services d’avis agrométéorologiques en Asie du Sud est une priorité pour l’IMD et pour l’OMM. Les avantages qui en découlent sont mesurables, tout comme l’apport à la sécurité alimentaire et au développement national. Il est extrêmement rentable pour les gouvernements d’investir dans la fourniture de services spécialisés et efficaces en météorologie agricole.

Authors

L.S. Rathore, Former Director General of Meteorology, Indian Meteorological Department, New Delhi

Nabansu Chattopadhyay, Deputy Director General of Meteorology, Indian Meteorological Department, Pune

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