En tant que météorologue, j’aime beaucoup cette citation. Je m’y réfère fréquemment lorsque j’explique aux gens les changements considérables qui ont touché la météorologie ces dernières années. Il me semble qu’elle saisit parfaitement notre perception croissante des liens inextricables qui unissent le temps, l’eau, le climat et les océans, liens qui nous imposent, aussi bien dans le cadre de nos services météorologiques et hydrologiques individuels que dans nos travaux collaboratifs, d’adopter une approche fondée sur les sciences du système terrestre (ESS). L’approche axée sur le «système terrestre» consiste à considérer la planète comme un tout dans lequel l’atmosphère, l’océan et l’hydrosphère, le milieu terrestre, la cryosphère, et même la biosphère, sont liés entre eux. Chacune de ces composantes a une incidence sur les autres, et la compréhension que nous avons des océans fait partie intégrante de notre capacité à prévoir le système terrestre.
Changements historiques
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Illustration graphique de l’approche fondée sur les sciences du système terrestre, qui relie l’atmosphère, l’océan, l’hydrosphère et la cryosphère tout en incluant les contributions biologiques et chimiques fondamentales et les effets des facteurs humains. (Image reproduite avec l’aimable autorisation de la Corporation universitaire pour la recherche atmosphérique)
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Cette évolution se traduit par des changements importants et historiques dans la façon dont les météorologues accomplissent leur travail et leur mission. Grâce aux progrès technologiques rapides et à la multitude de données et d’informations scientifiques que nous avons à portée de main, nous sommes passés de l’élaboration de prévisions de base à la fourniture de prévisions plus rapides, plus précises et axées sur les impacts, et de produits et services adaptés aux besoins de nos utilisateurs et partenaires pour leurs prises de décision. Ces décisions visent à remédier à la vulnérabilité croissante des sociétés face aux phénomènes météorologiques, hydriques et climatiques extrêmes, tous influencés par l’accélération du changement climatique mondial. En outre, nous assistons à une augmentation de la demande mondiale d’informations stratégiques sur l’environnement, qui couvre souvent plusieurs disciplines. Il est donc d’autant plus important d’intégrer nos prévisions et notre appui à la décision sur l’ensemble du continuum temps, eau et climat.
La vulnérabilité croissante de la société face aux phénomènes météorologiques, hydrologiques et climatiques extrêmes renforce encore la nécessité d’adopter une approche plus intégrée fondée sur l’ESS. La demande d’informations et de services météorologiques, hydrologiques et océanographiques de plus en plus utiles, accessibles et faisant autorité augmente à mesure que nous nous employons collectivement à mettre en œuvre des décisions intelligentes en matière d’atténuation et d’adaptation, émanant du grand public, des autorités à tous les niveaux et des institutions internationales. Ces informations et services sont essentiels pour appuyer les programmes nationaux de réduction des risques de catastrophe et d’adaptation au changement climatique, ainsi que pour renforcer la résilience aux phénomènes météorologiques, climatiques et hydriques extrêmes à fort impact. Ils constituent également un socle précieux pour élaborer et mettre en œuvre les plans nationaux d’adaptation prévus par l’Accord de Paris adopté au titre de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques et répondre aux autres besoins du système des Nations Unies en matière de gestion des crises et d’intervention humanitaire.
Pour relever ces défis, l’OMM est en train d’opérer un changement historique. En 2019, à sa dix-huitième session, le Congrès météorologique mondial a adopté plusieurs décisions cruciales pour donner à l’Organisation et à ses Membres les moyens de briser les cloisonnements bureaucratiques et disciplinaires et ainsi de mieux répondre aux besoins de la société. L’une de ces décisions a été l’adoption du Plan stratégique de l’OMM, qui fixe un nouveau cap pour l’Organisation – l’objectif étant de garantir sa pertinence pour les décennies à venir en fixant un cadre qui permettra aux Membres de répondre avec succès à ces besoins. L’OMM envisage à l’horizon 2030 un monde dans lequel toutes les nations, notamment les plus vulnérables, maîtriseront mieux les conséquences socio-économiques des phénomènes extrêmes liés au temps, au climat, à l’eau et à l’environnement et poursuivront un développement durable grâce aux meilleurs services possibles, tant sur terre qu’en mer et dans les airs. Guidé par une approche intégrée et inclusive, le nouveau Plan stratégique:
- Défend une approche scientifique et technologique fondée sur le système terrestre et entièrement couplée
- Fait progresser la compréhension des besoins des parties prenantes et améliore la prestation des services
- Intègre dans son champ l’évolution et la croissance des partenariats et du développement des capacités, qui contribuent à renforcer les capacités d’observation, de prévision et de fourniture de services des Membres de l’OMM – y compris celles du secteur privé, en pleine expansion.
Au travers de ce processus, l’OMM a élevé l’océan au rang de composante essentielle du système terrestre. Les membres se sont félicités de cette initiative et ont convenu que l’OMM devait aller de l’avant en adoptant une approche stratégique garantissant que les travaux consacrés à un large éventail d’activités liées à l’océan soient reliés entre eux au sein de l’OMM et fassent l’objet de partenariats essentiels.
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Cérémonie de clôture de la vingt‑et‑unième session de la Conférence des parties (COP21) de la Convention‑cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC) après l’adoption historique de l’Accord de Paris.
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L’OMM et les partenariats pour l’océan
Adopter une approche intégrée du système terrestre suppose également que les spécialistes de l’océan et de l’atmosphère coopèrent plus étroitement et collaborent sur l’ensemble de la chaîne de valeur, qui recouvre l’observation, la gestion des données, la modélisation et les prévisions, et la prestation de services. Cette chaîne de valeur est sous-tendue par les recherches pluridisciplinaires et le renforcement des capacités. À l’appui de cet engagement (également en 2019), le Congrès, à sa dix-huitième session, et la Commission océanographique intergouvernementale (COI) de l’UNESCO, à sa treizième session, ont créé le Conseil de collaboration mixte OMM/COI (JCB). Le JCB est un organe consultatif et de coordination qui vise à favoriser une collaboration de haut niveau et une adhésion de la part des organes compétents de l’OMM et de la COI, afin qu’ils travaillent de conserve à la réalisation de nos objectifs communs.
Le JCB est en train d’élaborer une stratégie commune dans le but de maintenir, renforcer et encourager les liens entre les météorologues, les climatologues et les océanographes afin de concrétiser les visions de la COI et de l’OMM.
Au travers de cette stratégie, nous entrevoyons des possibilités de travailler en collaboration pour améliorer le dialogue scientifique et les services interdisciplinaires, afin de les rendre plus accessibles aux pays en développement. Nous entrevoyons également des possibilités de faire progresser conjointement le système mondial d’observation et de modélisation numérique, pour créer un socle qui permettra de répondre efficacement aux exigences croissantes associées aux décisions portant sur un large éventail d’applications, allant de la sécurité en mer et des transports maritimes à l’agriculture, en passant par l’énergie, la santé et la gestion des ressources en eau.
Le JCB est bien placé pour œuvrer au renforcement de la coordination et de la coopération entre les organes régionaux bien établis de l’OMM et de la COI, tels que les associations régionales de l’OMM et les alliances régionales pour le Système mondial d’observation de l’océan (GOOS). Les Services météorologiques et hydrologiques nationaux (SMHN) des États et Territoires membres de l’OMM et les Instituts océanographiques nationaux auront désormais la possibilité de collaborer plus étroitement pour améliorer les prévisions météorologiques, y compris en ce qui concerne les phénomènes extrêmes. En outre, les partenariats avec d’autres organismes des Nations Unies – par exemple, l’Organisation maritime internationale (OMI) pour le transport maritime et l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) pour la pêche – peuvent être mis à profit pour améliorer les connaissances des États côtiers en matière de collecte de données sur l’océan et d’actions durables fondées sur la science. La Décennie des Nations Unies pour les sciences océaniques au service du développement durable (2021-2030) offrira une autre occasion de démontrer le pouvoir de transformation que recèle l’océan au regard des prévisions météorologiques.
Je pense que nous pouvons relever avec succès ces défis mondiaux en instillant un esprit d’équipe entre les nombreuses disciplines des sciences physiques et sociales. Nous devons tirer parti des avancées réalisées dans notre domaine pour nous assurer que tous les Membres disposent des capacités nécessaires pour faire face à leur vulnérabilité croissante aux phénomènes extrêmes liés au temps, à l’eau et au climat. Ensemble, nous pouvons nous employer à fournir les travaux scientifiques et les services nécessaires pour atténuer les effets des phénomènes extrêmes et protéger les vies et les moyens de subsistance partout dans le monde.
Footnotes
1 NOAA, Administrateur assistant du Bureau de la recherche océanique et atmosphérique; Représentant des États-Unis auprès de la COI; et membre du Conseil de la recherche de l'OMM