Ma vision: un entretien avec le nouveau Secrétaire général de l’OMM

21 mars 2016
  • Author(s):
  • WMO Secretariat

L’OMM a salué le 1er janvier l’entrée en fonction de son nouveau Secrétaire général, Petteri Taalas. M. Taalas a été directeur de l’Institut météorologique finlandais de 2002 à 2015, avec une pause de 2005 à 2007 pour diriger le Département du développement et des activités régionales de l’OMM. Sa carrière à l’Institut a débuté en 1986; il y a été directeur de recherche, scientifique, responsable de l’unité de recherche sur l’ozone et directeur de recherche en télédétection, avant de prendre la barre de l’Institut. Les médias finlandais le surnommaient alors Monsieur Changement climatique.

Le Secrétaire général a œuvré sur la scène internationale tout au long de sa carrière. Il participe depuis 2008 à la coordination et à l’exécution des programmes de l’OMM grâce à son siège au Conseil exécutif. Membre du Conseil du Centre européen pour les prévisions météorologiques à moyen terme de 2002 à 2005, il remplit à nouveau cet o ce depuis 2007. Il a présidé, de 2010 à 2014, le Conseil d’EUMETSAT, après en avoir été membre de 2003 à 2005. Enfin, M.Taalas a représenté la Finlande auprès du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat de 2007 à 2015. 

En sa qualité de Secrétaire général, M.Taalas détient un mandat clair du Congrès météorologique mondial. À l’issue de son premier mois d’exercice, le Bulletin l’a interrogé sur la voie qu’il entend suivre. 

Quelles sont vos priorités à ce nouveau poste? 

Mes priorités sont celles qui ont été arrêtées par le Congrès météorologique mondial en mai 2015. Au nombre de huit, elles orienteront les décisions prises au cours des quatre années à venir. Le Congrès a précisément dé ni les domaines prioritaires, telle la météorologie aéronautique qui constitue une source de revenus pour beaucoup de Services météorologiques. La réduction des risques de catastrophes, les services climatologiques et le développement des capacités en font également partie. Par ailleurs, l’Organisation joue un rôle décisif en coordonnant les recherches scienti ques et les services de sécurité qui portent sur les régions arctiques. 

Nous devrons aussi donner suite à trois accords internationaux importants qui ont été conclus l’année dernière: la COP21 a abouti à une entente capitale sur les changements climatiques à Paris, au mois de décembre; le printemps a vu l’adoption du Cadre de Sendai pour la réduction des risques de catastrophe; efin, en septembre, l’Assemblée générale des Nations Unies a approuvé les objectifs de développement durable

Ces trois instruments guideront également notre action, car l’OMM et ses Membres ont un grand rôle à jouer dans leur mise en œuvre. 

Le développement des capacités m’apparaît comme un enjeu majeur pour l’Organisation. La majorité de nos Membres ont besoin d’aide pour offrir de meilleurs services. Grâce au transfert de compétences d’une personne à l’autre et d’un pays à l’autre, entre Services météorologiques et hydrologiques nationaux et institutions apparentées, nous renforcerons tous les Membres et nous enrichirons et étendrons les capacités dans le monde entier.

Des ressources devront être trouvées pour cette tâche de la plus haute importance. Nous devons coopérer de manière plus active et plus étroite avec les donateurs et les autres institutions, telles la Banque mondiale, la Commission européenne, les banques régionales et d’autres, afin que soient dégagées les ressources voulues pour aider nos Membres. Il faut également interagir davantage avec les gouvernements et les ministères si l’on veut que les Services météorologiques jouissent d’une image, d’une reconnaissance et d’un appui qui leur garantissent sufifsamment de ressources publiques pour s’acquitter de leur mission. C’est le tableau général que je brosserais de la situation. 

Comment l’OMM pourrait-elle mieux collaborer et coordonner son action avec les Membres et les principaux acteurs dans les domaines de la météorologie, de la climatologie et de l’hydrologie, qu’ils soient prestataires d’information, intermédiaires ou utilisateurs finals? 

Je pense que la création de partenariats est une priorité. Comme nous sommes encore une organisation de taille modeste, nous devons nous associer à d’autres acteurs. Je souhaite vivement créer des partenariats mutuellement bénéfiques avec des institutions internationales et d’autres instances des Nations Unies, comme la FAO, le PNUE, l’OMS, l’UNESCO et le PNUD. De plus, il faut se rapprocher des organismes donateurs a n de mobiliser des ressources pour nos travaux au Secrétariat, mais surtout au profit de nos Membres. 

Pour attirer ces partenaires, nous devons jouir d’une plus grande notoriété, à l’extérieur de notre branche en particulier. Nous étudions une multitude de questions très intéressantes et stimulantes, comme l’adaptation au climat, la prévention des catastrophes et la sécurité alimentaire. Nous pouvons offrir de nouveaux services, par exemple au secteur de l’énergie en vue d’optimiser l’utilisation d’électricité d’origine solaire, éolienne et hydraulique. Nous surveillons aussi la qualité de l’air, sujet préoccupant dans beaucoup de grandes agglomérations du monde, notamment en Asie. Du fait de l’urbanisation, nombre de villes sont exposées aux crues soudaines, aux inondations côtières et à d’autres impacts des conditions météorologiques, climatiques et hydrologiques. Dans tous ces domaines, on peut fournir de nouveaux services qui rehausseront les retombées socio-économiques des investissements e ectués dans les Services météorologiques et hydrologiques nationaux. 

L’OMM et ses Membres détiennent des compétences et procurent des services extrêmement importants. Il faudrait le faire savoir aux décideurs et aux utilisateurs potentiels de ces services. 

Votre but est donc d’étendre le champ d’action de l’Organisation en ampli ant les services fournis par le Secrétariat?

C’est avec les Membres que j’aimerais surtout renforcer les services. Le gros du travail de l’OMM est accompli par les Membres; le Secrétariat se charge principale- ment de coordonner et de faciliter les activités, comme en témoigne l’excellence des personnes employées et rattachées à l’Organisation. 

Mais les compétences requises pour exécuter les tâches concrètes relèvent des Membres. Nous devons les inciter à faire appel aux personnes les plus expertes pour le bien de tous. Cet aspect a d’ailleurs été souligné pendant la réunion récente des présidents des com- missions techniques. Si nous arrivons à convaincre les Membres d’a ecter leurs experts aux activités de l’OMM sur les thèmes prioritaires qu’ils ont dé nis au Congrès, tous béné cieront en retour des meilleurs services. 

Dans quel domaine l’OMM peut-elle exercer une in uence décisive sur la scène internationale? Et comment? 

Par ses travaux scientifiques, l’OMM est un acteur important dans le domaine de l’atténuation du changement climatique, et encore plus de l’adaptation, à l’échelle mondiale. La réduction des risques de catastrophes est une priorité pour l’Organisation et les Nations Unies, comme le stipule le Cadre de Sendai. Au cours des cinquante prochaines années, les catastrophes causées par les phénomènes météorologiques seront plus fréquentes et plus intenses. En conséquence, l’OMM devra s’employer à développer davantage les services d’alerte précoce – qui constituent concrètement un excellent outil d’adaptation. Il faudra pour cela renforcer les capacités dont disposent les Services météorologiques et hydrologiques de plusieurs Membres.

Les Services météorologiques et hydrologiques nationaux sont la clé de voûte de la gestion des risques de catastrophes, parce qu’ils transmettent les alertes précoces aux autorités de protection publique, aux entreprises privées et à la population de leur pays. Et ce rôle pourrait être élargi à la plani cation de l’avenir. Il faut s’adapter au changement climatique et j’aimerais que les Services météorologiques interviennent – en partenariat avec d’autres institutions nationales – dans la planification de l’adaptation. 

Il est plus que jamais nécessaire de communiquer les découvertes scientifiques aux décideurs et au grand public. Les organismes mis en place par les Membres constituent l’ossature de la climatologie physique. L’OMM héberge le Secrétariat du GIEC. Nous devons surveiller les effets du changement climatique et les concentrations de gaz à effet de serre pour mettre en application l’Accord de Paris. Il est urgent d’adopter des mesures d’atténuation si l’on veut limiter le réchauffement à deux degrés. 

La population veut recevoir plus d’informations de qualité sur les questions environnementales et sur les mesures qu’elle peut prendre. Quel est le rôle de l’OMM à cet égard?

Nous devons nous en tenir aux faits scienti ques, à ce qui a été mesuré par les systèmes d’observation de l’OMM ou à ce qui a été calculé, au moyen de modèles de prévision par exemple, à partir de divers scénarios d’émissions. Nous n’intervenons pas dans le champ politique, mais on ne doit pas sous-estimer l’importance de notre action de communication étayée par les faits.

Il convient aussi de renforcer la capacité d’expliquer les notions de climatologie. Les pays développés parviennent assez bien à transmettre ces informations à leurs citoyens et décideurs, mais la plupart des Membres ont besoin d’assistance. Nous pouvons leur fournir quelques outils de base pour faciliter la communication dans ce domaine. Nous devons soutenir et renforcer l’aptitude à communiquer des Services météorologiques et hydrologiques nationaux et des institutions nationales apparentées, afin que l’on reconnaisse l’importance de leur apport au bien être de la population et au développement durable de leur pays.

Le Secrétaire général, M.Taalas, sur le toit de l’Institut météorologique finlandais muni d’antennes de réception des données de satellites géostationnaires 

Pouvez-vous en donner un exemple?

Lorsque le GIEC a achevé la rédaction de son cinquième Rapport d’évaluation en 2014, les Services météorologiques nationaux ont basé leur communication sur les informations et les données présentées sous forme graphique dans le Rapport. Nous aurions pu les aider à élaborer de meilleurs messages. 

La COP22, qui se tiendra cette année au Maroc, offrira une nouvelle occasion de communiquer. L’OMM et les Services météorologiques et hydrologiques nationaux devraient y occuper le devant de la scène. Nous devrions aider les Services nationaux et les institutions de recherche à transmettre au gouvernement  des informations claires et concises avant la tenue de l’événement. Voilà un exemple de ce que nous pourrions faire. 

Quels sont les grands dé s qui attendent l’Organisation selon vous? Et quels éléments de votre carrière vous aideront dans vos fonctions de Secrétaire général?

Il faut moderniser certaines structures et méthodes de travail au sein de l’Organisation. Nous avons un personnel éminent, très quali é, mais on doit revoir certaines pratiques internes, la façon dont se déroulent les réunions – comment on y participe – et la façon dont nous aidons les Membres. Nous préparons une enquête qui indiquera le degré de satisfaction des parties concernées à l’égard de nos activités et de nos structures.

J’ai remarqué avec plaisir que le personnel était tout à fait disposé à remanier les méthodes de travail afin que les ressources servent mieux les Membres. Je suis convaincu, pour ma part, qu’on peut y arriver. La bonne réputation dont jouit l’OMM en tant qu’organisme des Nations Unies pourrait devenir excellente. De plus, l’OMM bénéficie d’atouts exceptionnels, grâce à l’esprit de collaboration qui soude l’ensemble des Services météorologiques et hydrologiques nationaux. 

Mon expérience professionnelle m’a préparé à cette fonction. Je viens des milieux scienti ques et j’étudie la question du changement climatique depuis de nombreuses années. Sous ma direction, l’Institut météorologique finlandais a accru sa capacité de services et a été salué pour son excellence: chaque année depuis dix ans, il est considéré comme le meilleur organisme du secteur public à l’échelon national. L’Institut a prêté assistance à plusieurs Services météorologiques et hydrologiques nationaux, dans toutes les régions de l’OMM. La Finlande est l’un des pays les plus engagés dans la coopération en faveur du développement et dans le partage des compétences. J’ai également présidé le conseil d’une université de taille respectable et siégé au conseil d’administration d’une société internationale du secteur de l’énergie. Et, bien sûr, j’ai travaillé ici à l’OMM, en tant que directeur du développement des capacités et je suis membre du Conseil exécutif depuis huit ans.

Quel aspect devrait-on privilégier pour employer au mieux les ressources humaines et nancières, dans le respect des limites xées par le Congrès?

Nous avons accueilli avec plaisir la légère hausse du budget décidée par le dernier Congrès, qui témoigne de la con ance des Membres envers l’OMM. Il est aussi possible de mobiliser des ressources externes pour étendre nos capacités en matière de services et aider les Membres à améliorer les leurs.

En bonifiant nos processus internes et en revoyant nos méthodes de travail, nous pourrions être plus e caces dans la gestion des a aires courantes. Par ailleurs, j’attache beaucoup d’importance au bien-être des membres du personnel. Nous allons aussi réaliser une enquête auprès d’eux, pour savoir où nous en sommes. L’analyse des résultats nous indiquera ce que nous pouvons améliorer. J’aime voir les gens s’affairer avec le sourire aux lèvres.

Votre entrée en fonction est très récente mais, si on se projette dans l’avenir, comment aimeriez-vous que l’OMM soit perçue à la n de votre mandat?

J’aimerais que l’OMM fasse davantage pour ses Membres, en particulier les Services météorologiques et hydrologiques nationaux, afin qu’ils soient plus satisfaits des services que nous procurons au monde extérieur. J’aimerais que l’OMM soit davantage reconnue pour ses travaux sur le climat et les catastrophes et qu’elle soit perçue comme un partenaire crédible au sein des acteurs internationaux. Surtout, je serais heureux de constater que nous avons contribué au bien-être de la population dans tous les États et territoires qui sont Membres de l’Organisation. 

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