Objectifs communs aux spécialistes de l’hydrométéorologie et de la réduction des risques de catastrophe
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Cadre de Sendai
Le Cadre de Sendai pour le réduction des risques de catastrophe 2015-2030 définit une feuille de route pour renforcer la sécurité et la résilience des communautés face aux catastrophes. Structuré autour de sept objectifs et de quatre priorités, il vise à éviter et réduire l’exposition aux dangers et la vulnérabilité aux catastrophes, à améliorer la capacité à intervenir et récupérer et, sur cette base, à renforcer la résilience.
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Nous envisageons à l’horizon 2030 un monde dans lequel toutes les nations, notamment les plus vulnérables, maîtriseront mieux les conséquences socio-économiques des phénomènes extrêmes liés au temps, au climat, à l’eau et à l’environnement et poursuivront un développement durable grâce aux meilleurs services possible, tant sur terre qu’en mer et dans les airs. La priorité stratégique de l’OMM est d’améliorer la préparation afin de réduire les pertes en vies humaines, en infrastructures essentielles et en moyens de subsistance dues aux phénomènes hydrométéorologiques extrêmes.
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Pour atteindre ces objectifs communs, les deux communautés doivent resserrer leurs liens à toutes les étapes du cycle de gestion des risques climatiques. Elles doivent continuer à collaborer pour comprendre les aspects complexes des risques et les arbitrages qu’ils supposent, pour mieux prévoir les dangers composites et, le cas échéant, les dangers en cascade et, surtout, pour créer les conditions d’une action efficace à même de réduire les impacts des dangers naturels et ainsi d’atténuer les catastrophes imminentes. L’OMM et le Bureau des Nations Unies pour la prévention des catastrophes (UNDRR) ont renforcé leurs relations dans plusieurs domaines d’activité, notamment en créant un Centre commun d’excellence pour le climat et la résilience aux catastrophes. La collaboration avec les spécialistes de la gestion des risques de catastrophe est devenue omniprésente dans les activités de l’OMM. |
Au cours des cinquante dernières années (1970-2019), une catastrophe liée à des phénomènes météorologiques, climatiques ou hydrologiques extrêmes s’est produite chaque jour en moyenne – ôtant la vie à 115 personnes et provoquant 202 millions de dollars É.-U. de pertes quotidiennement. Le nombre de catastrophes enregistrées a été multiplié par cinq pendant cette période de cinquante ans; en cause, les changements climatiques anthropiques, le nombre accru de phénomènes météorologiques extrêmes et l’amélioration de la communication de l’information. Néanmoins, grâce aux progrès des systèmes d’alerte précoce et de la gestion des catastrophes, ces phénomènes ont entraîné presque trois fois moins de décès au cours de la même période. La coopération qu’entretiennent de longue date les milieux de l’hydrométéorologie et de la gestion des risques de catastrophe présente des avantages indéniables pour la société.
Les sciences hydrométéorologiques qui fournissent des services d’alerte précoce à l’appui de la prévention des catastrophes adaptés aux besoins des usagers reposent sur des infrastructures, des échanges de données, une puissance informatique considérable et des capacités professionnelles spécialisées couvrant de nombreux domaines. Il s’agit là de conditions préalables importantes pour comprendre les risques de catastrophe, émettre des alertes utiles avant leur survenue et renforcer la résilience. En 2015, 187 pays ont adopté le Cadre de Sendai pour la réduction des risques de catastrophe 2015-2030, dont l’objectif G consiste à «améliorer nettement l’accès des populations aux dispositifs d’alerte rapide multirisques» et, la priorité n° 1 à mieux «comprendre les risques de catastrophe». De même, la réduction des risques de catastrophe a acquis un degré de priorité encore accru pour la communauté hydrométéorologique.
Les risques de catastrophe complexes et le système Terre
Les dangers hydrométéorologiques et les risques de catastrophe ne suivent pas des trajectoires rectilignes. De grandes opportunités et des risques complexes surgissent lorsque les populations croissent, se déplacent et s’adaptent aux changements économiques, comme ceux dus à la mondialisation, et aux défis environnementaux, comme le changement climatique. Le système financier mondial, le réseau de l’offre et de la demande, le secteur énergétique et l’économie numérique sont devenus plus complexes et interconnectés. Sur cette toile de fond, la nature et l’ampleur mêmes du risque ont changé, au point qu’elles sortent désormais du cadre des approches établies de la gestion des risques (GAR 2019). Au sein de ce «système de systèmes», les incidences des dangers naturels et autres chocs peuvent se propager, s’étendre au-delà du périmètre initial du danger et provoquer des catastrophes en cascade. En outre, les effets des phénomènes dangereux sont exacerbés par l’urbanisation croissante, les disparités socio-économiques et d’autres facteurs. Il est donc essentiel que l’OMM envisage une approche systémique de la réduction des risques de catastrophe et de la résilience. Le renforcement de la résilience nécessite d’agir collectivement, en coopérant et en nouant des partenariats avec tous les niveaux du gouvernement, le monde universitaire, les entreprises et la société civile.
La priorité de l’OMM est d’assurer la coopération et la coordination des activités menées dans l’ensemble de ses domaines d’intervention – le temps, l’eau, l’environnement et le climat – afin de réduire les risques de catastrophe. Des efforts concertés devront être déployés dans l’ensemble de la communauté hydrométéorologique – sciences, technologies, services et développement des capacités – et il y aura lieu d’adopter une approche intégrée du système Terre, qui considère le système planétaire comme un tout (voir la figure 1). Une telle approche inclut dans son champ l’atmosphère, l’océan et l’hydrosphère, le domaine terrestre, la cryosphère et la biosphère, en décloisonnant les disciplines et en constituant des équipes interdisciplinaires complètes dans lesquelles les sciences physiques, comportementales, économiques et sociales sont représentées. Cette intégration revêt un caractère prioritaire depuis de nombreuses années pour l’OMM et fait partie des facteurs qui ont motivé la récente réforme de l’Organisation. En 2019, le Congrès météorologique mondial a entériné le passage à une «approche fondée sur le système Terre» et approuvé en parallèle le programme de réforme de l’OMM.
Figure 1. Schéma montrant les aspects physiques du système Terre (NASA) |
Les travaux interdisciplinaires sur le système Terre améliorent nos connaissances sur les risques complexes et ouvrent de nouvelles possibilités pour améliorer les prévisions hydrométéorologiques, ce qui nous permet de mieux comprendre et anticiper des dangers qui étaient auparavant imprévisibles. Par exemple, l’amélioration de l’intégration des données d’observation des océans dans les modèles de prévision numérique du temps (PNT) a permis d’affiner la résolution des circulations océaniques, qui évoluent lentement, entraînant une amélioration de la prévisibilité infrasaisonnière et saisonnière à plus long terme et du potentiel de services climatologiques en aval.
Il faut adopter une chaîne de valeur interconnectée et interdépendante pour les systèmes d’alerte précoce, afin de mieux comprendre comment les données, les sciences, les technologies et les services du système Terre peuvent appuyer au mieux la réduction des risques (voir la figure 2). La liste de contrôle relative aux systèmes d’alerte précoce multidangers de l’OMM préconise que les éléments individuels des systèmes d’alerte précoce soient traités comme des composantes interactives et tient compte des relations, processus, apports, contributions, résultats et contextes opérationnels divers de chacun des acteurs de la chaîne. Les alertes peuvent se solder – et se soldent souvent – par un échec lorsque tous les éléments de la chaîne de valeur ne sont pas d’égale robustesse, aussi bien dans les pays en développement que dans les pays développés. De la compréhension des risques de catastrophe à la détection, la surveillance et la prévision des dangers, jusqu’à la diffusion d’alertes et à la capacité de réaction, toutes les étapes doivent être connectées pour garantir la réalisation de valeur. Le système global ne peut pas être plus solide que son maillon le plus faible, et si un élément est compromis, c’est l’ensemble du système d’alerte précoce qui le sera, aggravant les risques pour les vies humaines et les infrastructures. Les Services météorologiques et hydrologiques nationaux (SMHN) doivent être conçus comme des machines bien huilées, capables de fournir en temps opportun des alertes précoces utiles, et doivent intégrer pleinement les plans et processus nationaux liés à la réduction des risques de catastrophe et au changement climatique pour être efficaces. Le rôle de l’OMM consiste à créer un environnement propice au sein de la communauté du système Terre et le long de la chaîne de valeur hydrométéorologique pour favoriser la résilience et la réduction des risques de catastrophe.
Figure 2. Hydrometeorological value chain (Fakhruddin, 2021) |
La recherche scientifique sur le système Terre au service de la réduction des risques de catastrophe
Au cours des dernières décennies, les sciences du système Terre ont accompli d’énormes progrès, qui ont conduit à la mise au point de services plus adaptés aux usagers et à des contributions significatives aux diverses initiatives de prévention des risques de catastrophe des Nations Unies. Ce résultat a été obtenu grâce à des efforts de recherche intégrés et systématiques, axés sur les besoins des sociétés et des collectivités aux niveaux local, régional, national et mondial. Les recherches dans le domaine des sciences de la Terre ont amélioré la compréhension des risques de catastrophe, de la gouvernance de ces risques, des domaines dans lesquels il faut investir davantage pour renforcer la résilience, ainsi que des progrès qu’il reste à accomplir pour renforcer l’état de préparation aux catastrophes afin d’intervenir de manière efficace et de «reconstruire en mieux» (Alcántara-Ayala et al., 2021).
L’un des buts à long terme du Plan stratégique de l’OMM 2020-2023 a pour intitulé «Promouvoir la recherche ciblée: Stimuler l’initiative scientifique en vue d’affiner les services reposant sur la compréhension du système terrestre». La mise en application des meilleures connaissances scientifiques dans chaque composante de la chaîne de valeur des systèmes d’alerte précoce améliorera les prévisions et les alertes de l’ensemble des Membres de l’OMM. La chaîne de valeur complète commence avec la recherche sur les risques de catastrophe, qui offre des éclairages systémiques et multidangers pour la gestion et la réduction des risques, pertes et dommages dus aux aléas naturels, avant d’aborder la gestion des risques de catastrophe, contribuant à améliorer la prise de décision et favorisant la mise en œuvre de pratiques et de politiques efficaces fondées sur des éléments scientifiques (par exemple, Shi et al., 2020) (voir la figure 3). Enfin, la chaîne de valeur va jusqu’au «dernier kilomètre», avec la communication efficace de connaissances compréhensibles et exploitables pouvant être appliquées par les utilisateurs finals dans l’objectif de sauver des vies.
Figure 3. Un cadre pour la recherche scientifique sur les risques de catastrophe – schéma illustrant sous la forme d’un système racinaire la structure disciplinaire à trois niveaux (Shi et al., 2020) |
L’ouvrage Towards the Perfect Warning: Bridging disciplinary gaps through partnership and communication, qui sera publié cette année par Springer dans le cadre du projet sur les phénomènes à fort impact du Programme mondial de recherche sur la prévision du temps (PMRPT) de l’OMM, offre de bons exemples de la façon dont l’approche fondée sur le système Terre peut être appliquée tout au long de la chaîne de valeur des alertes précoces. Cette publication destinée aux professionnels de l’ensemble de la chaîne de valeur des alertes précoces comprend un chapitre spécifique sur les systèmes d’alerte précoce et leur rôle dans la réduction des risques de catastrophe.
Le Programme mondial de recherche sur le climat (PMRC) établit des liens avec la réduction des risques de catastrophe sur plusieurs échelles temporelles et dans divers domaines d’étude tels que l’élévation du niveau de la mer, les sécheresses et les inondations liées au changement climatique. Par exemple, les nouvelles activités «Lighthouse» du programme sur les «Safe Landing Climates» (Zones d’atterrissage climatique sûres) visent à comprendre les phénomènes et facteurs à haut risque, notamment l’élévation du niveau de la mer et les ressources en eau sur des échelles multidécennales et à plus long terme. De même, l’activité «Explaining and Predicting Earth System Change» (Explication et prévision des changements du système terrestre) du programme développe des capacités intégrées d’observation quantitative, d’explication, d’alerte précoce et de prévision des changements du système Terre aux niveaux mondial et régional, en se concentrant sur les échelles pluriannuelles à décennales.
Données, observations et infrastructures du système Terre à l’appui de la réduction des risques de catastrophe
Au cœur de l’entreprise météorologique mondiale se trouve le mécanisme qui permet de recueillir et échanger des données d’observation, d’effectuer des modélisations pour la prévision numérique du temps et de diffuser des produits à l’échelle mondiale – mécanisme sans lequel les dangers de nature météorologique, hydrologique et climatique susceptibles de provoquer des catastrophes ne pourraient pas être anticipés.
Les observations effectuées dans le monde entier sont intégrées dans les modèles mondiaux de prévision numérique exploités par les Membres de l’OMM, parmi lesquels 10 sont des Centres météorologiques mondiaux désignés par l’OMM. Ces modèles très élaborés se servent des lois de la physique pour construire une image globale en trois dimensions de l’atmosphère, des océans, de la cryosphère, de la biosphère et des terres et pour simuler leur évolution sur des périodes allant de quelques minutes à plusieurs décennies. Les immenses progrès accomplis ces dernières décennies dans le domaine de la prévision du temps ont été rendus possibles par l’intensification et l’amélioration de l’assimilation des observations, l’augmentation de la puissance des ordinateurs et les progrès dans la compréhension des processus dynamiques et physiques.
Le Système mondial de traitement des données et de prévision (SMTDP) de l’OMM facilite la mise au point, l’exploitation et l’amélioration des systèmes mondiaux de production et de diffusion d’analyses et de produits de prévision à toutes les échelles temporelles, ainsi que la diffusion d’avis et d’alertes en cas de conditions météorologiques dangereuses. Compte tenu de l’importance de cette infrastructure, l’OMM s’emploie en permanence à en développer et en améliorer tous les aspects. L’Organisation est en train d’établir une nouvelle activité du SMTDP pour les prévisions infrasaisonnières, qui vise à faire prévaloir une approche sans discontinuité depuis la prévision immédiate jusqu’à la prévision décennale et à développer les activités du SMTDP pour les services hydrologiques.
Politique en matière de données et échange de données
La fiabilité des prévisions numériques des phénomènes hydrométéorologiques à l’échelle mondiale est subordonnée à la disponibilité de données mondiales sur le système Terre et à l’échange et l’utilisation efficaces de ces données. Au-delà même de l’amélioration de la précision des prévisions de phénomènes extrêmes, les fournisseurs de données n’ont que des avantages à retirer des échanges de données, dans la mesure où les données issues d’autres sources auxquelles ils n’avaient pas accès auparavant amélioreront leur propre efficacité et durabilité – considérant qu’ils ne peuvent à eux seuls échantillonner qu’une petite partie de la Terre. La prévision numérique nécessite de disposer d’une combinaison de données provenant de toutes les sources disponibles – des relevés in situ classiques aux mesures effectuées par satellite ou obtenues avec les nouvelles technologies, en passant par celles collectées par les fournisseurs de données privés et universitaires, dont le nombre croît rapidement – alors qu’en parallèle, des pressions constantes s’exercent pour réduire les coûts de production des données. La meilleure façon de faire face à ces difficultés et d’améliorer le rapport coûts-avantages est de partager davantage de données: une utilisation accrue des données augmente également leur valeur.
Le partage des données sur le système Terre passe par la mise en place de politiques, de normes, de documents réglementaires et de technologies permettant d’assimiler différents types de données et la recherche de solutions techniques pour la gestion, la découverte et le partage des données. En octobre 2021, le Congrès météorologique mondial a pris trois décisions historiques en ce sens:
- La création, au sein du Système mondial intégré des systèmes d’observation de l’OMM (WIGOS), du Réseau d’observation de base mondial (ROBM): le ROBM mettra en œuvre une nouvelle série de normes qui amélioreront le système mondial d’observation en temps réel au travers d’une approche qui comblera les principales lacunes en matière de données d’observation et rendra les données accessibles à toutes les parties prenantes. Le ROBM mettra d’abord l’accent sur la prévision numérique du temps, puis étendra ses activités à l’océan, à la cryosphère et à l’hydrologie.
- Pour apporter un appui institutionnel au ROBM, le Congrès a adopté la politique unifiée de l’OMM en matière de données, qui assure un partage transparent et homogène de l’ensemble des données relatives au système Terre (OMM, 2021).
- Le mécanisme de financement des observations systématiques (SOFF) (OMM, 2020b) a été mis en place avec des partenaires financiers de premier plan dans le but d’aider les pays les moins avancés (PMA) et les petits États insulaires en développement (PEID) à développer et à exploiter leurs réseaux de surveillance.
Le Congrès a également adopté un plan d’action pour l’hydrologie et établi la Coalition sur l’eau et le climat, qui met en pratique l’approche fondée sur le système Terre dans un nouveau cadre collaboratif d’appui à la réduction des risques liés au climat, au temps et à l’eau.
Appuyer la gestion des risques de catastrophe au moyen des données satellitaires
Comme le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) l’a fait observer dans son cinquième Rapport d’évaluation, intitulé «Climate Change 2014» (Changements climatiques 2014), puis souligné dans le sixième Rapport d’évaluation «Climate Change 2021: The Physical Science Basis» (Changement climatique 2021, les éléments scientifiques), «les caractéristiques de ce qui est dénommé événement météorologique extrême peuvent varier, dans l’absolu, d’un lieu à un autre. Lorsque des conditions météorologiques extrêmes se prolongent pendant un certain temps, l’espace d’une saison par exemple, elles peuvent être considérées comme un phénomène climatique extrême, en particulier si elles correspondent à une moyenne ou à un total en lui-même extrême (par exemple, une sécheresse ou de fortes pluies pendant toute une saison).» Cependant, il est nécessaire de surveiller en temps quasi réel les conditions préalables et l’apparition et la progression des phénomènes extrêmes au niveau mondial. L’exploitation opérationnelle des données et des produits satellitaires, en association avec les observations en surface, est essentielle pour une prévention efficace des catastrophes. Grâce à leur couverture spatiale plus étendue, les observations par satellite complètent opportunément les observations en surface, qui sont potentiellement plus précises mais très dispersées géographiquement.
Il est nécessaire de mieux exploiter et d’améliorer la surveillance des extrêmes météorologiques et climatiques depuis l’espace. Les exploitants de satellites, les Centres climatologiques régionaux (CCR) de l’OMM, les SMHN et d’autres parties prenantes travaillent tous à la réalisation de cet objectif. L’OMM a un rôle central à jouer, comme en témoigne le projet sur la surveillance des phénomènes météorologiques et climatiques extrêmes depuis l’espace (SWCEM) approuvé par le Dix-huitième Congrès météorologique mondial (Cg-18) en juin 2019. Le SWCEM a déjà engagé des activités de surveillance des sécheresses et des précipitations sur des périodes relativement courtes allant d’une pentade (période de cinq jours) à un mois. L’OMM organise en outre des initiatives apparentées, telles que les ateliers sur l’analyse satellitaire des cyclones tropicaux, qui visent à améliorer la précision et la fiabilité de l’analyse satellitaire des cyclones tropicaux grâce au partage des connaissances et des technologies entre les spécialistes de la prévision d’exploitation et les chercheurs.
Les perspectives du WIGOS à l’horizon 2040 (WIGOS2040) ont formulé une vision prospective des capacités spatiales requises pour l’observation de la Terre, y compris en appui à la réduction des risques de catastrophe. En réponse à ces perspectives, les agences spatiales coordonnent leurs observations pour fournir des données et des produits essentiels couvrant des domaines d’application tels que la surveillance des sécheresses, des inondations, des incendies et de la qualité de l’air.
Pour jeter des ponts entre les besoins des organismes de secours en cas de catastrophe et les solutions fondées sur les technologies spatiales et contribuer ainsi à atténuer les effets des catastrophes, les agences spatiales ont adhéré à la Charte internationale «espace et catastrophes majeures». Cette Charte prévoit la mise à disposition de données satellitaires à l’appui de la gestion des catastrophes. En réunissant les moyens d’observation de la Terre de différentes agences spatiales, la Charte permet de coordonner les ressources et les compétences pour créer des produits qui renforcent la capacité d’intervenir rapidement en cas de catastrophe majeure (voir la figure 4), aidant ainsi les autorités chargées de la protection civile et la communauté humanitaire internationale. Cette initiative unique mobilise des agences du monde entier et met à profit leur savoir-faire et leurs satellites par le biais d’un point d’accès unique qui fonctionne 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, et sans frais pour l’utilisateur.
En complément des agences spatiales adhérentes, les organisations nationales et régionales de surveillance des catastrophes apportent également leur soutien à la Charte en tant qu’organismes coopérants. Ensemble, elles viennent en aide aux personnes frappées par des catastrophes majeures et bénéficient de la large diffusion des données permise par la Charte.
Figure 4. Exemple de produit cartographique: eaux détectées par satellite illustrant les inondations qui ont frappé le Mozambique suite à la tempête tropicale Ana. Publié par le Centre satellitaire des Nations Unies (UNOSAT) le 28 janvier 2022. (https://www.unitar.org/maps/map/3454) |
Les services du système Terre à l’appui de la réduction des risques de catastrophe
Pour construire un avenir résilient et durable, nous avons besoin d’un système intégré qui prenne en compte le passé, le présent et l’avenir et reconnaisse que tous les êtres vivants et non vivants sont interconnectés et reliés entre eux. Un tel système devrait également reconnaître l’importance des voix collectives s’exprimant au nom des communautés pour élaborer des solutions viables. Cette collaboration transdisciplinaire et intégrée est un élément clé de la réussite des systèmes d’alerte précoce et des mesures d’anticipation axés sur la réduction des risques de catastrophe.
Le but de l’OMM est d’améliorer les services hydrométéorologiques pour renforcer la prise de décision et la résilience aux catastrophes. Le Système mondial d’alerte multidanger de l’OMM (SMAM), en cours d’élaboration, offrira un cadre qui améliorera l’accès à des avis et des informations autorisés concernant les phénomènes météorologiques, hydrologiques et climatiques extrêmes et/ou à fort impact potentiel à l’échelle régionale et mondiale. (On trouvera tous les détails sur les activités entrant dans le cadre du SMAM dans l'article Le cadre du Système mondial d’alerte multidanger – Soutenir les capacités d’alerte des Membres dans le contexte de la crise climatique).
Le cadre du SMAM et la liste de contrôle relative aux systèmes d’alerte précoce multidangers susmentionnée s’appuient sur les résultats et les activités du Programme de réduction des risques de catastrophe de l’OMM et d’autres programmes apparentés. Le Programme de réduction des risques de catastrophe vise à renforcer la coopération et à améliorer le rapport coût-efficacité des systèmes d’alerte précoce des SMHN afin de les rendre plus systématiques et durables. L’OMM publie des normes techniques et des lignes directrices régulièrement tenues à jour dans le but de renforcer les capacités des SMHN à appuyer les activités de préparation par le biais des systèmes d’alerte précoce, à fournir des informations sur les dangers facilitant la compréhension et l’atténuation des risques, et à s’engager dans les structures de gouvernance des risques de catastrophe à tous les niveaux. Parmi les publications récentes, citons les Directives de l’OMM sur les services de prévision et d’alerte multidanger axées sur les impacts (OMM-N° 1150), qui viennent d’être étendues, et l’Atlas de la mortalité et des pertes économiques dues à des phénomènes météorologiques, climatiques et hydrologiques extrêmes (1970-2019) (OMM-N° 1267). Par ailleurs, des initiatives complémentaires telles que l’Appel à l’action sur les alertes en cas d’urgence lancé avec la Fédération internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge (FICR) et l’Union internationale des télécommunications (UIT), contribuent à sensibiliser l’opinion et à galvaniser le soutien politique concernant les exigences techniques dont dépend la réduction des risques de catastrophe.
Figure 5. Production et création collaboratives de systèmes d’alerte précoce centrés sur les personnes (Fakhruddin, 2021) |
Le Cadre mondial pour les services climatologiques (CMSC) rassemble un grand nombre de gouvernements et d’organisations dans le but de développer et d’encourager l’utilisation des informations et des services climatologiques. Il s’appuie sur les initiatives et les infrastructures existantes pour faire évoluer l’ensemble de la chaîne de valeur des services climatologiques depuis les observations, la recherche, le développement et la fourniture de produits et de services jusqu’aux applications de ces services à l’appui de la prise de décision dans les secteurs sensibles au climat. L’ambition du CMSC est de «permettre d’optimiser la gestion des risques liés à la variabilité et à l’évolution du climat et de promouvoir l’adaptation aux changements climatiques par la production d’informations et de prévisions sur le climat scientifiquement fondées et leur prise en compte dans les processus de planification, d’élaboration des politiques et d’application pratique à l’échelle mondiale, régionale et nationale.» Le CMSC aide les pays à concevoir des services météorologiques, hydrologiques et climatologiques pour des structures multipartites – de l’agriculture à l’énergie, en passant par la santé, l’eau et la réduction des risques de catastrophe – afin de favoriser le développement économique et la prestation de ces services à l’échelon des pays.
Le CMSC offre également un soutien à la mise en œuvre axé sur la création collaborative de produits opérationnels (voir la figure 5). La conception et la production en collaboration sont essentielles pour faire face au changement climatique et aux dangers non liés au climat. Ces processus mobilisent les utilisateurs et les secteurs en faveur d’une meilleure harmonisation et cohérence des définitions des dangers, qui augmente la résilience des communautés. Cette approche collaborative s’est avérée efficace pour réduire les pertes en vies humaines et les dommages matériels.
Établis à l’initiative de l’OMM, des SMHN, des institutions régionales et d’autres organisations internationales, les forums régionaux sur l’évolution probable du climat (FREPC) permettent de créer des liens entre les SMHN et les centres mondiaux de production (CMP) de l’OMM dans le domaine de la prévision à long terme. Ces forums accueillent des praticiens et des décideurs issus de divers secteurs – agriculture et sécurité alimentaire, gestion des ressources en eau, production et distribution d’énergie, santé publique, réduction des risques de catastrophe et interventions, et sensibilisation et communication –intervenant aux niveaux national, régional et mondial. Suite aux rapports publiés par ces forums, par exemple, le Système d'alerte précoce contre la famine a publié des prévisions relatives à la sécurité alimentaire fondées sur les produits des FREPC, qui ont joué un rôle essentiel pour la planification des réserves de céréales alimentaires et leur distribution (voir la figure 6). De même, à partir des produits des FREPC, on a pu prévoir que le ruissellement saisonnier des cours d’eau réduirait les risques climatiques pesant sur les ressources hydriques et hydroélectriques dans certaines régions.
Figure 6. Unités administratives où les précipitations (observées et prévues) entre le 1er octobre et le 10 novembre 2021 risquent d’être parmi les cinq plus graves jamais enregistrées (depuis 1981). (Source: Extrait de l’alerte à la sécurité alimentaire du Groupe de travail sur la sécurité alimentaire du Centre de prévision et d’applications climatologiques relevant de l’IGAD, novembre 2021) |
Initiative sur les systèmes d’alerte précoce aux risques climatiques (CREWS)
Comme nous l’avons indiqué au début de cet article, durant les cinquante dernières années, la tendance de la mortalité s’est orientée à la baisse alors que le nombre de catastrophes d’origine météorologique, climatique et hydrologique a été multiplié par cinq. Cependant, les risques de pertes sont en augmentation dans les PMA et les PEID. Des études ont montré que la plupart de ces pays ont une capacité limitée à accéder aux prévisions mondiales et régionales, à les traiter et à émettre en temps utile des alertes qui soient comprises par les populations exposées et suivies d’effets (Bilan mondial sur la réduction du risque de catastrophe 2015 de l’UNDRR, Rapport sur le développement humain 2020 du PNUD et Atlas de la mortalité et des pertes économiques dues à des phénomènes météorologiques, climatiques et hydrologiques extrêmes (1970-2019) de l’OMM (OMM-No 1267)). Pour combler le déficit de capacités, il faut également des mécanismes de financement qui soient capables de répondre à des besoins spécifiques, qui tiennent compte de la totalité de la chaîne de valeur et qui soient suffisamment souples pour gérer les maillons les plus faibles des systèmes nationaux. C’est dans cet objectif que plusieurs pays ont mis en place en 2015 l’Initiative sur les systèmes d’alerte précoce aux risques climatiques (CREWS), dont l’OMM, l’UNDRR et la Banque mondiale sont les trois partenaires de mise en œuvre.
Les délais et la précision des prévisions météorologiques, hydrologiques et climatiques se sont considérablement améliorés au cours des dernières décennies. Dans l’océan Indien, par exemple, les erreurs moyennes des prévisions officielles à trois jours sont actuellement inférieures à 200 kilomètres. Ce chiffre est inférieur à la moyenne des erreurs de prévision des trajectoire à deux jours constatées lors des saisons cycloniques jusqu’en 2010 (voir la figure 7). En conséquence, les prises de décision pour une intervention rapide peuvent aujourd’hui intervenir 24 heures plus tôt que par le passé. Des prévisions plus précises sont synonymes d’alertes plus efficaces. Par exemple, un suivi plus précis des trajectoires des cyclones tropicaux permet d’obtenir des indications plus claires sur les zones côtières à évacuer (bilan des quarante années du Programme des cyclones tropicaux de l’OMM (de 1980 à 2020)).
Figure 7. Évolution temporelle des erreurs de prévision de la trajectoire des cyclones dans le sud-ouest de l’océan Indien (km), moyennes glissantes sur cinq ans (Météo-France La Réunion, 2022) |
Les SMHN ont besoin de capacités pérennes pour soutenir la chaîne de valeur, depuis la surveillance des paramètres météorologiques, hydrologiques et climatologiques jusqu’à la prévision des phénomènes extrêmes et la fourniture de services connexes. Le Plan stratégique de l’OMM pour la période 2020-2023 énonce que l’Organisation a pour ambition claire de «réduire l’écart de capacité des SMHN des pays en développement et d’améliorer leur capacité d’offrir des services». Toutefois, les pertes en vies humaines et en moyens de subsistance dues aux phénomènes extrêmes ne relèvent pas du domaine de responsabilité des seuls SMHN. Comme cela a déjà été indiqué, pour être efficaces, les services des SMHN doivent être intégrés dans des stratégies et systèmes nationaux de gestion des risques de catastrophe et d’adaptation au changement climatique plus vastes.
L’initiative CREWS vise à renforcer la capacité des PMA et des PEID à accéder aux prévisions les plus avancées et à établir les liens institutionnels et les procédures standard nécessaires pour diffuser des alertes auprès des personnes qui en ont le plus besoin. À travers l’initiative CREWS, l’OMM ambitionne de réduire d’ici à 2030 le nombre de décès dus aux catastrophes dans les PMA et les PEID.
Impératif numéro un: reconnaître que des progrès sont nécessaires
Les travaux menés par l’OMM et ses partenaires sont guidés par des principes reconnus tels que la nécessité d’émettre des prévisions et des alertes axées sur les impacts. Néanmoins, certains principes servant à définir ce que sont des services climatologiques et des systèmes d’alerte précoce efficaces, même s’ils sont bien établis et généralement compris, sont difficiles à mettre en œuvre dans les PMA et les PEID. Renforcer durablement les capacités et la résilience est une entreprise difficile, qui impose à l’ensemble des acteurs concernés un processus d’apprentissage et d’adaptation continu et doit s’appuyer sur des travaux scientifiques solides. On ne peut mettre en place des systèmes et des capacités de diffusion de prévisions et d’alertes garantissant que les personnes exposées à un phénomène sont dûment informées de ses effets potentiels qu’en collaborant avec un ensemble plus large d’institutions chargées du suivi des pertes et des dommages et de l’analyse des risques liés aux phénomènes extrêmes.
Au cœur des initiatives visant à réduire l’écart de capacité et à mieux intégrer les produits et services hydrométéorologiques dans la réduction des risques de catastrophe, il y a la reconnaissance du fait que les progrès doivent être mesurés à l’aune des objectifs nationaux fixés par le Cadre de Sendai, les accords relevant de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques et les objectifs de développement durable (ODD) des Nations Unies.
Authors
Laura Paterson, Dominic Berod, Estelle de Coning, John Harding, Kenneth Holmlund, Yuki Honda, Jürg Luterbacher, Mike Sparrow and Bapon Fakhruddin, WMO Secretariat
References
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UNDRR, 2015: Chart of the Sendai Framework for Disaster Risk Reduction 2015-2030.
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