Les phénomènes hydrométéorologiques à fort impact se jouent des frontières: crues éclair, inondations, glissements de terrain et sécheresses, entre autres, font de nombreuses victimes, causent d'importants dommages matériels et mettent en péril les moyens de subsistance. Afin de réduire sensiblement les pertes causées par ces aléas, les collectivités et les particuliers doivent accroître leurs capacités d'adaptation en s'attachant à tenir compte des informations sur le temps et le climat dans leurs processus décisionnels.
Dans ce contexte, les Services météorologiques et climatologiques nationaux (SMHN) se doivent d'optimiser l'ensemble de la chaîne de prestation de services. Ils amélioreront ainsi les prévisions axées sur les impacts et la diffusion en temps voulu, à l'intention du grand public et d'autres acteurs concernés, d'informations précises et faciles à comprendre. Il s'agit là d'une approche dynamique qui figure parmi les activités prioritaires énumérées dans les Directives de l'OMM sur les services de prévision et d'alerte multidanger axées sur les impacts (2015, OMM- N° 1150) et dans le document Multi-hazard Early Warning Systems: A Checklist (2018) (Systèmes d'alerte précoce multidanger: liste récapitulative), à l'appui du Cadre de Sendai pour la réduction des risques de catastrophe 2015-2030 (Organisation des Nations Unies, 2015).
De nombreux SMHN s'orientent vers la prestation de services de prévision et d'alerte multidanger axés sur les impacts - c'est-à-dire qu'ils associent aux prévisions des phénomènes météorologiques et hydrologiques dangereux, en fonction du lieu et du secteur d'activité concerné, des informations sur leur impact probable et les mesures pour l'atténuer. Le programme Weather- Ready Nation du Service météorologique des États-Unis et les services d'aide à la décision axés sur les impacts (Europe et Royaume-Uni) illustrent cette évolution et, tout comme les Directives de l'OMM mentionnées plus haut, accordent une large place aux mesures préventives en cas d'aléa météorologique.
Il est urgent qu'un plus grand nombre de pays fassent évoluer leurs services de prévision de manière à ne plus viser seulement des prévisions fiables des aléas météorologiques et hydrologiques, mais à souligner aussi l'impact probable de ces derniers. Autrement dit, il ne s'agit plus seulement de savoir ce que SERA le temps, mais, de plus en plus, ce que FERA le temps. Dans ce contexte, le Bureau des affaires internationales du Service météorologique des États- Unis, le Bureau de l'USAID pour les secours d'urgence en cas de catastrophe à l'étranger (OFDA), la Corporation universitaire pour la recherche atmosphérique (UCAR) et le Centre de recherche hydrologique se sont associés à divers SMHN et organismes nationaux de gestion des catastrophes dans le cadre du programme Weather- Ready Nation, actuellement mis en œuvre en Afrique du Sud, à la Barbade, au Costa Rica, au Salvador, au Guatemala et en Indonésie.
Le programme Weather-Ready Nation vise à renforcer les capacités des SMHN et des organismes nationaux de gestion des catastrophes pour qu'ils puissent mieux tirer parti des informations sur le temps, l'eau et le climat et sauver ainsi des vies, alléger les souffrances de la population et atténuer les conséquences économiques des phénomènes hydrométéorologiques. Les SMHN des pays participant ne se contentent donc plus de fournir des prévisions fiables et de diffuser en temps voulu des alertes; ils s'attachent aussi à mieux cerner et anticiper les conséquences probables des phénomènes météorologiques extrêmes sur les populations et l'économie. Ils ont d'ailleurs considérablement amélioré leur manière de communiquer aux parties prenantes des informations sur les impacts.
Grâce aux informations ciblées que fournissent les SMHN et à celles spécifiques qui proviennent des organismes nationaux de gestion des catastrophes (topographie, cartographie des risques en cas d'inondation ou de glissement de terrain, caractéristiques démographiques, coordonnées géographiques des infrastructures essentielles, autres types de vulnérabilité, exposition, etc.), il est possible d'identifier rapidement les populations et les biens menacés, ainsi que les vulnérabilités matérielles et sociales et de procéder à une estimation chiffrée des impacts, de manière à prendre les mesures préventives adéquates.
Le programme Weather-Ready Nation vise notamment la fourniture, à l'échelle locale, de prévisions pertinentes axées sur les impacts dont on puisse tirer des informations précises, opportunes et faciles à comprendre sur le temps, le climat et l'eau, l'objectif final étant d'améliorer les processus décisionnels. Cette approche, qui se divise en quatre étapes (quoi, où, quand, quelles mesures préventives adopter), s'applique à chaque phénomène dangereux, les informations pertinentes étant dûment incorporées dans les prévisions et les messages d'alerte.
Pour assurer le succès de ce programme, il est essentiel que les SMHN, les organismes nationaux de gestion des catastrophes et les autres acteurs concernés (issus par exemple du secteur de l'agriculture, de l'énergie, des transports, de la santé ou de l'eau) s'engagent à coopérer étroitement au plus haut niveau afin d'échanger données, informations et connaissances. Chacun d'entre eux devra élaborer des plans d'action comprenant des éléments communs de manière à ce que cette collaboration porte ses fruits. Les quatre étapes du programme Weather-Ready Nation sont décrites ci-dessous.
Première étape: Élaboration de matrices pour la prévision axée sur les impacts
Les SMHN et les organismes nationaux de gestion des catastrophes déterminent ensemble, pour commencer, les informations dont ils ont besoin pour prendre des décisions éclairées susceptibles de protéger les personnes, les biens et les moyens de subsistance, et définissent aussi la manière de diffuser des prévisions fiables et adaptées, en tenant compte des facteurs humains, économiques et culturels. Puis ils élaborent conjointement une «matrice des risques». Grâce à cet outil, les SMHN peuvent communiquer des informations sur la probabilité d'occurrence d'un ou de plusieurs phénomènes dangereux et la gravité de l'impact éventuel. Les organismes nationaux de gestion des catastrophes sont ensuite mieux à même de prendre en temps voulu les décisions nécessaires en tenant compte des risques, impacts, coûts et avantages potentiels.
Les deux types d'organismes travaillent de concert pour déterminer de quelle manière associer la probabilité d'occurrence de l'aléa prévu (primaire, secondaire ou tertiaire) aux principaux impacts. L'expérience acquise par les organismes nationaux de gestion des catastrophes en matière d'interventions d'urgence permet aux SMHN de comprendre l'interdépendance des infrastructures et des services essentiels, les données géo-spatiales donnant des informations sur l'exposition et la vulnérabilité. Pour terminer, on élabore des tableaux consultatifs ou des tableaux d'intervention, qui donnent des indications sur les mesures que les SMHN et les organismes nationaux de gestion de catastrophes seront appelés à prendre lorsqu'un phénomène météorologique extrême semble imminent. En regroupant, grâce à des outils appropriés d'aide à la décision, des informations sur la probabilité d'occurrence d'un phénomène dangereux et l'éventuel degré d'exposition ou de vulnérabilité, on pourra identifier rapidement les risques qui pèsent sur les populations et l'environnement.
On répète ce processus pour différents secteurs comme ceux des transports, de la santé et de l'agriculture, ainsi que pour les équipes locales de bénévoles qui interviennent en cas d'urgence. Les matrices et les tableaux sont ensuite adaptés aux besoins de chaque utilisateur. En s'adressant directement aux utilisateurs et en comprenant quelles sont les informations dont ils ont besoin et lesquelles sont superflues, les SMHN et les organismes nationaux de gestion des catastrophes sont mieux à même de cibler les prévisions.
Deuxième étape: Technologie et outils de communication
La mise en place de services de prévision et d'alerte précoce multidanger axés sur les impacts suppose la conception et la diffusion de nouveaux types de produits et d'alertes météorologiques et hydrologiques, ainsi que l'élaboration de nouveaux supports visuels et autres matériels pour présenter ces informations, notamment des cartes, des graphiques personnalisés et des symboles météorologiques, ce qui nécessite un nouveau système de visualisation en ligne, à moins d'utiliser un logiciel existant auquel puissent accéder tant les SMHN que les organismes nationaux de gestion des catastrophes. Grâce à un outil en ligne qui intègre des modèles numériques régionaux haute résolution, des données d'observation et des informations sur l'exposition et la vulnérabilité, le tout complété par une formation adéquate, il sera possible d'améliorer la prestation de services en diffusant des prévisions météorologiques adaptées aux besoins des différents utilisateurs.
Lorsqu'ils fournissent des prévisions axées sur les impacts, les SMHN se doivent de diffuser l'information de manière à faciliter les processus de décision et de planification. Ils ont à leur disposition un volume croissant de données sur la manière dont les populations exposées interprètent et exploitent les informations pour prendre des décisions. En combinant une plate-forme de diffusion avec un outil de prévision axée sur les impacts (basé sur un système d'information géographique), il sera possible de diffuser plus largement les alertes, en tirant parti d'une grande variété de canaux, tels que les téléphones cellulaires, les SMS, la radio, la télévision, les pages Web, Facebook, Twitter et WhatsApp. Il est tout aussi important d'assurer la cohérence du message diffusé et du service fourni avant, pendant et après un phénomène météorologique extrême. Il faut pour cela que les SMHN et les organismes nationaux de gestion des catastrophes diffusent respectivement prévisions et alertes de manière à toucher dans les plus brefs délais le plus grand nombre de personnes possible.
Troisième étape: Élaboration de procédures normalisées d'exploitation
Les procédures normalisées d'exploitation sont conçues pour favoriser et encadrer les mesures préventives face à des phénomènes météorologiques extrêmes - sécheresses, inondations, ouragans, vagues de chaleur ou de froid, etc. - et à leurs conséquences, telles que les flambées épidémiques. Elles décrivent les actions à mener (par qui et à quel moment) en cas d'occurrence probable ou imminente d'un phénomène météorologique extrême, notamment pour en atténuer ou prévenir les effets.
Dans ce contexte, les procédures normalisées d'exploitation offrent un cadre structuré qui met l'accent sur les quatre éléments suivants:
- Informations actualisées et analyses approfondies concernant les incidences prévues des phénomènes météorologiques
- Coordination accrue permettant aux parties prenantes d'intervenir rapidement
- Amélioration des mesures d'anticipation et des plans de prévention au niveau national.
Les procédures normalisées d'exploitation sont destinées aux SMHN, aux organismes nationaux de gestion des catastrophes et aux parties prenantes concernées à l'échelle locale, régionale et nationale.
Quatrième étape: Formation et sensibilisation
La viabilité du programme Weather-Ready Nation passe par le renforcement des capacités des SMHN, des organismes nationaux de gestion des catastrophes et d'autres acteurs susceptibles d'aider les principales parties prenantes avant, pendant et après une catastrophe, ce qui suppose de recourir à des formules d'apprentissage mixtes, combinant cours en ligne (par exemple les simulations), cours individuels et formations en présentiel. Les thèmes ci-après seront traités:
- Formation des utilisateurs aux innovations scientifiques et technologiques
- Communication et collaboration
- Systèmes d'aide à la décision
La formation contribue dans une large mesure à préparer le personnel à intervenir en cas d'urgence dans le cadre d'un travail d'équipe.
Les SMHN et les organismes nationaux de gestion des catastrophes jouent un rôle important dans ce domaine, dans la mesure où ils fournissent du matériel pédagogique et éducatif censé aider les collectivités à prendre conscience des phénomènes météorologiques extrêmes et à faire face à leurs éventuelles conséquences. Les populations et les personnes capables d'appréhender les différents types de phénomènes météorologiques extrêmes, leur impact potentiel et la nécessité d'une bonne planification des mesures de prévention sont mieux à même d'y faire face de manière appropriée et autonome.
Références
Organisation des Nations Unies, 2015. Cadre d'action de Sendai pour la réduction des risques de catastrophe 2015-2030.
Organisation météorologique mondiale, 2015: Directives de l'OMM sur les services de prévision et d'alerte multidanger axées sur les impacts (OMM-N° 1150); 2018: Multihazard Early Warning Systems:
A Checklist
Note
Le programme a pu être mené grâce au soutien du Bureau de l'USAID pour les secours d'urgence en cas de catastrophe à l'étranger (projet de financement N° AID-OFDA-T-11-00002). Les opinions exprimées dans cette publication sont celles de leurs auteurs et ne reflètent pas nécessairement celles de l'Agence des États Unis pour le développement international.
Auteurs
Rochelle Campbell, Hydrologic Research Center
Daniel Beardsley, U.S. National Weather Service, International Affairs Office
Sezin Tokar, USAID Office of U.S. Foreign Disaster Assistance