Que va faire le temps?

16 novembre 2020

Quarantième anniversaire du Programme de l’OMM concernant les cyclones tropicaux

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  • Cet article se fonde sur les entretiens qui ont eu lieu pour le Bulletin de l’OMM entre le Premier Ministre des Fidji, M. Frank Bainimarama, le Ministre de l’infrastructure et des services météorologiques des Fidji, M. Jone Usamate, et M. Cyrille Honoré
Fijian Prime Minister Frank Bainimarama
M. Frank Bainimarama, Premier Ministre des Fidji

«La férocité des cyclones tropicaux accrue par le changement climatique constitue la plus grande menace jamais rencontrée pour le développement des Fidji. De telles catastrophes peuvent réduire à néant des années de croissance économique aux Fidji et, si l’on n’atténue pas leurs effets, elles nous éloigneront complètement des objectifs du Programme de développement durable à l’horizon 2030», a annoncé M. Bainimarama dans un entretien avec l’OMM. Les cyclones tropicaux (que l’on appelle aussi typhons ou ouragans dans d’autres régions) font partie des phénomènes naturels les plus fréquents, les plus effrayants et les plus mortels. Ils peuvent générer des vents qui ravagent les récoltes et détruisent les maisons et les infrastructures ainsi que des ondes de tempête mortelles et des pluies torrentielles qui déclenchent des inondations, y compris sur les côtes.

Ces 50 dernières années, 1 942 catastrophes ont été attribuées aux cyclones tropicaux, lesquels ont tué 779 324 personnes et causé 1 407,6 milliards de dollars É.‑U. de pertes économiques – soit une moyenne de 43 morts et de 78 millions de dollars É.-U. de dégâts par jour. Le Programme de l’OMM concernant les cyclones tropicaux, qui fête ses 40 ans en 2020, favorise la recherche, la coordination et la communication afin d’améliorer les prévisions de cyclones tropicaux et les systèmes d’alerte précoce. Ces dernières années, il a été principalement axé sur l’amélioration des alertes précoces multidangers axées sur les impacts. L’importance de ces travaux a été soulignée dans une série d’entretiens menés début 2020, après le passage du cyclone tropical Harold aux Fidji.

Atténuer les risques cycloniques pendant le confinement

Lorsque le cyclone tropical Harold a frappé le petit État insulaire des Fidji, en avril 2020, des restrictions liées à la COVID-19 étaient en place. M. Jone Usamate a déclaré au Bulletin: «La COVID-19 a des répercussions sur notre capacité à planifier les catastrophes et à atténuer leurs impacts. Lorsque le cyclone Harold s’est manifesté, la COVID-19 restreignait les déplacements, ce qui a limité notre capacité à aller aider la population». Selon lui, il serait utile d’améliorer encore les alertes précoces afin de donner aux services d’intervention d’urgence un délai d’anticipation plus long dans les périodes de crise telles que celle de la pandémie de COVID-19.

Jone Usamate, Fiji’s Minister for Infrastructure and Meteorological Services

M. Jone Usamate, Ministre de l’infrastructure et des services météorologiques des Fidji

«La prévision numérique du temps a énormément bénéficié des progrès des sciences et des techniques, en particulier pour ce qui concerne les satellites et la capacité avancée des superordinateurs. Aujourd’hui, les prévisions des trajectoires de cyclones tropicaux établies trois jours à l’avance sont aussi précises que celles que l’on élaborait deux jours à l’avance il y a 20 ans», a expliqué M. Cyrille Honoré.

Les avancées de la prévision numérique du temps sont particulièrement utiles pour la prévision des conditions météorologiques extrêmes dans les régions tropicales et subtropicales, mais elles impliquent un énorme volume de calculs et seuls quelques grands centres de prévision des conditions météorologiques extrêmes sont en mesure d’en profiter. L’OMM a donc instauré un processus de prévision en cascade pour les centres météorologiques mondiaux afin de mettre les produits mondiaux à la disposition des centres météorologiques régionaux spécialisés, qui les rassemblent, les synthétisent et fournissent ensuite, aux Services météorologiques et hydrologiques nationaux (SMHN) de leur région géographique, des produits d’orientation sous forme de prévisions quotidiennes à courte et à moyenne échéance des conditions météorologiques dangereuses ou des risques liés au temps. Les SMHN participants ont amélioré leur capacité à prévoir les conditions météorologiques extrêmes et à émettre des alertes fiables en cas de phénomènes météorologiques violents à l’intention des autorités chargées de la gestion des catastrophes et de la protection civile dans leurs pays respectifs. Les alertes sont ainsi émises avec un délai d’anticipation de 3 à 5 jours.

Dans le cadre du projet de prévision en cascade et afin de communiquer des informations en retour aux centres météorologiques mondiaux, les SMHN procèdent à des vérifications et évaluations en temps quasi réel à partir des observations de paramètres météorologiques effectuées dans les stations météorologiques locales et des informations recueillies sur les incidences des phénomènes météorologiques extrêmes. De cette manière, les produits des centres météorologiques mondiaux sont constamment perfectionnés.

«Il est crucial d’améliorer la prévision des cyclones, car cela nous donne une occasion précieuse de nous préparer à l’arrivée d’une tempête et offre aux services compétents la possibilité de communiquer des données fiables qui facilitent la prise de décisions en meilleure connaissance de cause», a déclaré M. Bainimarama. «Cela permet une meilleure gestion des risques connexes et favorise la diffusion au public de message clairs contenant des informations essentielles. Cela garantit également une meilleure gestion des ressources rares et une meilleure planification avant, pendant et après les catastrophes. Je suis convaincu que ces travaux contribueront à sauver des vies fidjiennes. Ils aideront à gérer les risques, à les réduire au minimum et à bâtir des collectivités résilientes, composées de familles qui savent à quoi s’attendre et comment réagir efficacement aux cyclones tropicaux».

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Alertes précoces axées sur les impacts

«Lors du passage du cyclone tropical Harold, la population était préparée au cyclone, mais pas vraiment aux ondes de tempête et à l’inondation côtière qui l’ont accompagné. Il est donc manifeste que nous devons améliorer notre façon d’instruire les gens et de leur faire passer le message», a déclaré M. Usamate. «Lorsque vous expliquez une catastrophe, ou un risque de catastrophe, en termes d’impacts, le message passe. Les gens se rendent compte que cela va avoir des répercussions sur leur vie, leur plantation, leur maison. Ils acquièrent une compréhension parfaite de la situation et cela modifie leur comportement et induit l’attitude qui convient». Et d’ajouter: «Nous devons également travailler en partenariat avec d’autres organismes du pays pour nous assurer que les gens soient formés directement à la manière de gérer de tels problèmes».

Les alertes précoces sont un élément clé de la prévention des catastrophes. Elles peuvent prévenir des pertes humaines et réduire les impacts économiques et matériels des phénomènes dangereux, atténuant ainsi les effets des catastrophes. Cependant, pour être efficaces, les dispositifs d’alerte précoce doivent mobiliser les personnes et les communautés exposées, favoriser l’éducation du public et la sensibilisation aux risques, assurer la bonne diffusion des messages et des alertes et veiller à maintenir en permanence un état de préparation aux catastrophes et une capacité d’intervention rapide. Les services correspondants d’alertes précoces multidangers axées sur les impacts convertissent les alertes brutes en impacts spécifiques à des secteurs et à des lieux, et précisent les parades à adopter pour atténuer ces impacts avant que les dangers ne surviennent. Pour favoriser les avancées collectives, les SMHN qui ont adopté cette approche aident d’autres SMHN à faire de même.

«Pour offrir des prévisions et des alertes axées sur les impacts, il est nécessaire de traiter et d’intégrer de grandes quantités de données afin d’adapter les services et les alertes aux spécificités et aux besoins des personnes à risque, y compris les petites communautés. Il est également nécessaire de développer des capacités techniques et d’acquérir des compétences, et de les entretenir sur le long terme», a précisé M. Honoré. Néanmoins, selon lui, l’un des défis les plus répandus consiste à «bâtir de solides partenariats techniques et institutionnels à l’échelle nationale». Afin de produire des prévisions axées sur les impacts et des alertes fondées sur les risques, les SMHN doivent compléter les prévisions et alertes élaborées au moyen du processus de prévision en cascade par des informations spécifiques au pays (telles que la topographie, les cartes de risques d’inondation et de glissement de terrain, la démographie de la population et la localisation des infrastructures essentielles ainsi que d’autres facteurs de vulnérabilité et d’exposition). Ils doivent également participer aux travaux préparatoires avec d’autres organismes gouvernementaux afin de définir rapidement les populations à risque, les biens exposés et les vulnérabilités physiques et sociales, et de soutenir la quantification des impacts en vue d’une action rapide.

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Il est indispensable que les plans de gestion des catastrophes comprennent des stratégies d’évacuation dûment testées et éprouvées.

 

Diffusion des alertes

«Nous devons veiller à ce que les prévisions soient communiquées dans une langue que les gens comprennent. Il ne s’agit pas seulement d’opter pour l’anglais ou l’iTaukei, mais aussi de choisir nos mots et de supprimer les termes scientifiques. Parallèlement, nous devons nous assurer que nous utilisons les bons canaux. Évidemment, les journaux ne sont pas un moyen adapté aux zones rurales. La radio est utile, mais ce sont les interactions directes qui se sont avérées être les plus efficaces. Et c’est un effort que nous devons faire», a déclaré M. Usamate.

Les SMHN doivent diffuser des alertes précoces claires et cohérentes de manière rapide et efficace jusqu’aux utilisateurs finaux. Pour ce faire, il existe toujours plus d’outils de communication: sites Web, SMS et applications pour téléphones portables, radio, télévision, Facebook, Twitter, WhatsApp, etc. Les SMHN devraient savoir quel outil convient le mieux à chaque type de public.

Préparation et intervention

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Il est essentiel que la population comprenne les risques auxquels elle est exposée, qu’elle soit à l’écoute du service national d’alerte et qu’elle sache comment réagir à ses messages. Les programmes de sensibilisation et de préparation jouent, à cet égard, un rôle crucial. Il est indispensable, en outre, que les plans de gestion des catastrophes comprennent des stratégies d’évacuation dûment testées et éprouvées. La population devrait bien connaître les comportements à adopter pour réduire les risques et protéger sa santé, les itinéraires d’évacuation disponibles et les zones sûres ainsi que les mesures les plus efficaces pour éviter les dégâts et les pertes matérielles.

Pour atteindre les utilisateurs finaux, de nombreux acteurs clés devraient être inclus dans les initiatives de préparation et d’intervention. Les organismes nationaux et locaux de gestion des catastrophes devraient prendre la tête des activités de planification et de coordination menées avec des organismes scientifiques et techniques tels que les SMHN, les autorités sanitaires, les organismes d’observation des océans et les services de géophysique; les autorités militaires et civiles; les organisations humanitaires et de secours comme certains organismes des Nations Unies, la Croix-Rouge et des organisations non gouvernementales; ainsi que les organisations communautaires et associations locales. Les écoles, les universités, le secteur de l’enseignement informel et les médias peuvent jouer un rôle important dans l’information et la sensibilisation du public.

«Nous avons un bon mécanisme aux Fidji. Le Conseil national de gestion des catastrophes collabore avec toutes les parties. Nous disposons d’un système de groupes réunissant des organisations gouvernementales, non gouvernementales et même nos partenaires pour le développement.

Ainsi, il existe déjà un cadre, un système de comités de consultation sur la gestion des catastrophes naturelles. Nous devons juste nous assurer qu’il fonctionne bien et qu’il continue à être aux aguets chaque fois qu’une catastrophe se profile à l’horizon», a expliqué M. Usamate.

Programme de l’OMM concernant les cyclones tropicaux

Les services de prévisions axées sur les impacts et d’alertes fondées sur les risques facilitent la compréhension des risques que présentent les cyclones tropicaux. Associés à des mesures préparatoires, ils permettent à chacun de prendre des décisions pour atténuer les impacts de ces phénomènes et sauver des vies.

«Nous aurons toujours besoin de l’aide de l’Organisation météorologique mondiale pour améliorer la façon dont nous procédons ici et aussi pour renforcer nos capacités, en nous donnant accès aux meilleures pratiques mondiales afin que nous puissions faire de notre mieux pour préparer les habitants de notre pays à d’éventuelles catastrophes naturelles à l’avenir», a déclaré M. Usamate.

À la fin de l’année 2020, l’OMM publiera des directives actualisées à l’intention des SMHN afin d’encadrer l’élaboration de prévisions axées sur les impacts. Ces directives mettront en évidence les meilleures pratiques et les enseignements tirés par les pays qui ont suivi cette approche. M. Honoré considère qu’elles représenteront pour les SMHN une référence, qui les aidera à améliorer leurs services d’alerte pour faciliter les interventions rapides et une meilleure préparation aux phénomènes dangereux et aux catastrophes potentielles.

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