Renforcer l'appui des services climatologiques au secteur de la santé dans les Caraïbes

14 novembre 2018
  • Author(s):
  • Adrian Trotman, Roché Mahon, Joy Shumake-Guillemot, Rachel Lowe et Anna M. Stewart-Ibarra

Les spécialistes du climat peuvent jouer un rôle important dans le traitement des questions de santé publique. Les changements de température, de précipitations, d'humidité, du vent et d'autres paramètres environnementaux tels que la qualité de l'air et de l'eau influencent un grand nombre de maladies et de problèmes de santé humains. Les informations climatologiques peuvent alors servir à définir les risques et étayer la surveillance des maladies et la recherche médicale. Dans certains cas, elles peuvent être utilisées pour prévoir les conditions climatiques futures et anticiper le lieu et le moment où des épidémies risquent de survenir.

Adapter les services climatologiques au secteur de la santé peut aider ce dernier à attribuer plus judicieusement des ressources rares (financements, personnel, équipement, médicaments, etc.). Il est aussi plus facile de recenser les communautés très vulnérables grâce à la surveillance des facteurs environnementaux, d'émettre des alertes à destination des populations locales et des agents de santé en cas de conditions nocives et d'intensifier les actions de sensibilisation et de prévention via des campagnes d'éducation et de formation. Tenir compte des informations climatologiques pour prendre des décisions sur la santé peut améliorer l'efficacité des services sanitaires et réduire par conséquent la morbidité et la mortalité dues à des problèmes de santé influencés par le climat.

Les services climatologiques axés sur la santé sont un domaine émergent des sciences appliquées, défini comme l'ensemble du processus itératif de collaboration entre des partenaires plurisciplinaires pour déterminer, générer et renforcer les capacités permettant d'acquérir, de développer, de diffuser et d'utiliser des connaissances climatologiques pertinentes et fiables en vue d'améliorer les décisions prises en matière de santé (OMM/OMS, 2016).

Fournir des services climatologiques au secteur de la santé requiert une collaboration intensive. Or, la complémentarité entre les spécialistes du climat et de la santé n'est pas toujours naturelle et il peut être nécessaire de la promouvoir et de la cultiver. Jusqu'ici, peu d'investissements ont été consacrés à l'étude des enjeux mondiaux relatifs au climat et à la santé, notamment dans les Caraïbes (OMM, 2014).Tel n'est pas le cas d'autres secteurs, comme l'eau, l'agriculture et la prévention des catastrophes, pour lesquels les services météorologiques et climatologiques ont fourni un appui plus documenté et illustré. Toutefois, de nombreux produits climatologiques en lien avec les inondations et les périodes de sécheresse, les cyclones tropicaux ainsi que les épisodes de chaleur et températures extrêmes à diverses échelles temporelles (par exemple, de quelques heures à plusieurs décennies) peuvent potentiellement servir au secteur de la santé dans les Caraïbes.

La demande en services climatologiques axés sur la santé dans les Caraïbes

L'Exemple représentatif dans le domaine de la santé (OMM, 2014), publié par le Cadre mondial pour les services climatologiques (CMSC), vise à répondre à la demande d'une approche cohérente et intégrée de gestion des risques climatiques pour la santé humaine. Il préconise :

  1. De renforcer la communication et les partenariats entre les spécialistes du climat et de la santé à tous les niveaux;
  2. D'augmenter les capacités du secteur de la santé d'accéder aux informations climatologiques et météorologiques, de les comprendre et de les utiliser de manière efficace afin de prendre des décisions concernant la santé;
  3. D'améliorer la recherche sur la santé et le climat et de prouver le lien entre le climat et la santé;
  4. De prendre en compte effectivement les données climatologiques et météorologiques dans les opérations de santé.

C'est sans doute dans les petits États insulaires en développement (PEID) très vulnérables et désargentés qu'il est le plus nécessaire d'investir dans une collaboration systématique entre les spécialistes du climat et de la santé. Ces États sont exposés aux phénomènes météorologiques et climatiques extrêmes, à la hausse des températures et à l'évolution des conditions océaniques et écosystémiques. Ces aspects influent sur la transmission des maladies et les facteurs déterminants d'une bonne santé, comme l'eau potable, une alimentation saine et en quantité suffisante, une économie locale solide et un logement sûr.

Ces dernières années, les épisodes de vent et de précipitations extrêmes ont fait payer aux Caraïbes un lourd tribut humain et socio-économique. Ils ont directement menacé des vies, endommagé ou détruit des logements et des établissements de soins et contribué au développement de maladies psychosociales. L'exposition à de forts rayons ultraviolets, qui peut entraîner des lésions cutanées, est une autre source de préoccupation dans cette région où le tourisme représente un secteur socio-économique important. En outre, de nombreuses maladies influencées par le climat, comme celles transmises par le moustique appelé Aedes aegypti (dengue, chikungunya et virus Zika), ainsi que les maladies transmises par les rongeurs et les maladies véhiculées par l'eau, associées aux inondations (leptospirose, choléra, autres maladies gastro-intestinales, etc.), occupent une place plus importante dans la région. Les experts sanitaires ont également recensé de nouveaux risques pour la santé dus aux niveaux élevés de poussière saharienne et à la chaleur extrême, lesquels peuvent être surveillés et prévus avec l'aide des météorologues.

Maladies à transmission vectorielle

La crise de santé publique sans précédent, déclenchée par des épidémies parallèles dues aux virus transmis par Aedes aegypti, est une priorité sanitaire absolue dans les Caraïbes. Les maladies causées par la dengue, le chikungunya et Zika sont en augmentation rapide ces 30 dernières années et elles exacerbent les pressions physiques et économiques sur des systèmes de santé déjà mal en point. Par exemple, depuis 2013, la Barbade a connu trois épidémies de dengue, une de chikungunya et une de Zika (Lowe et al., 2018). En 2016, quand Zika a été reconnu comme urgence mondiale de santé publique, la Barbade a signalé 926 cas présumés dont 147 se sont avérés positifs, tandis que la Dominique a fait état de 1 263 cas présumés dont 79 ont été confirmés (Ryan et al., 2017). La même année, la Barbade a rapporté 314 cas positifs de dengue (dont 15 co-infections dengue/ Zika) et 3 cas positifs de chikungunya (Ryan et al., 2018).

Chaleur extrême

Il a été démontré que l'exposition à une chaleur extrême, notamment pendant les vagues de chaleur intenses, augmente la  morbidité et la mortalité des populations vulnérables et réduit la productivité au travail. Une exposition à long terme à des températures diurnes et nocturnes élevées engendre d'autres types de stress physiologique. Il est plus difficile pour les personnes souffrant de maladies chroniques non transmissibles, telles que les maladies cardiaques, les accidents vasculaires cérébraux et le diabète, et de problèmes de santé mentale de se réguler thermiquement que pour des adultes sains. Alors que les températures continuent d'être à la hausse dans les Caraïbes (Stephenson et al., 2014), il est devenu fondamental pour les acteurs de santé publique de mieux comprendre l'impact des chaleurs excessives, des canicules et du stress thermique sur les populations souffrant de maladies non transmissibles.

Poussière saharienne 

Chaque année, des quantités significatives de poussière saharienne parcourent des milliers de kilomètres du Sahara jusqu'aux Caraïbes grâce à des vents d'altitude dominants. Dans de nombreux pays, les concentrations de matières particulaires fines (PM2.5) et grossières (PM10) dépassent alors souvent les valeurs recommandés par l'OMS et l'Agence de protection de l'environnement des États-Unis d'Amérique. Les régimes du vent et des précipitations à l'échelle mondiale et les conditions environnementales et climatiques au Sahara ont une influence sur les épisodes d'exposition aiguë au sable et à la poussière, lesquels ont de graves répercussions sur la santé respiratoire et oculaire aux Caraïbes. Les personnes qui souffrent déjà d'asthme et de rhinite allergique peuvent présenter bien plus de symptômes pendant les périodes où les concentrations de poussière et de PM10 sont élevées..

Les Caraïbes ne peuvent plus supporter la lourde charge humaine et économique que représentent les traitements ni les pertes humaines et la dégradation de la qualité de vie dues aux maladies influencées par le climat. Il est donc prioritaire d'anticiper la transmission des maladies grâce aux informations climatologiques en vue de faciliter la mise en place de mesures préventives.

Amélioer les capacités régionales de développement de services climatologiques axés sur la santé

Le lien entre santé et climat et l'importance de la santé publique sont largement reconnus. Néanmoins, les PEID des Caraïbes tardent à saisir les opportunités que présentent le développement des services climatologiques et leur intégration dans les processus nationaux de planification et de pratique de la santé. Un grand nombre de pays de la région n'ont pas ou peu de dispositifs institutionnels, ce qui freine l'instauration d'une vraie collaboration entre spécialistes de la santé et du climat. De plus, ils sont dépourvus de plates- formes intersectorielles ou d'espaces de partage mutuel, ils manquent d'études empiriques localisées et coordonnées reliant le climat à la santé et n'ont guère d'outils et de ressources climatologiques axés sur la santé à intégrer dans les opérations sanitaires.

L'OMM prend acte des défis que rencontrent les PEID: elle a fait de ces derniers l'un des principaux groupes bénéficiaires du CMSC. De 2013 à 2017, elle a mené le Programme de développement des capacités régionales liées au climat dans les Caraïbes (BRCCC), avec un financement de l'Agence des États-Unis pour le développement international (USAID). C'est l'organe technique de l'Organisation météorologique des Caraïbes, l'Institut de météorologie et d'hydrologie des Caraïbes (CIMH) (en anglais), qui a mis en œuvre ce programme.

À l'époque, le CIMH, était dans sa phase de démonstration pour devenir centre climatologique régional, un statut qu'il a obtenu en 2017. Dans ce contexte, en collaboration avec le réseau régional des Services météorologiques et hydrologiques nationaux (SMHN), il a mis régulièrement à disposition des produits et services climatologiques régionaux, y compris des services de gestion des données climatologiques, des climatologies historiques et de référence, des produits de surveillance du climat, des produits de prévision (saisonnière) à longue échéance et des veilles climatiques.

Le Programme BRCCC était destiné à améliorer l'utilité et le rayonnement du CIMH en développant, testant et diffusant une nouvelle génération d'outils et de produits climatologiques pour soutenir les systèmes d'alerte précoce à toutes les échelles de temps climatiques, notamment en vue de faciliter la prise de décisions dans le secteur de la santé et d'autres domaines prioritaires du CMSC ainsi que dans le secteur du tourisme, principale source de revenus des Caraïbes.

Dans les Caraïbes, ces systèmes sectoriels d'alerte précoce à toutes les échelles de temps climatiques sont destinés à permettre l'intégration totale des informations climatologiques aux premières étapes du processus de décision sectoriel sur la gestion des risques de catastrophe. L'objectif correspond à celui du CMSC, qui est de permettre à la société de mieux gérer les risques et les perspectives liés à la variabilité et au changement du climat par la production d'informations et de prévisions sur le climat scientifiquement fondées et leur prise en compte dans les processus de planification, d'élaboration des politiques et de mise en pratique (OMM, 2011).

Dans la chaîne d'information climatologique, cette intégration commence par l'analyse des vulnérabilités liées au climat dans le contexte des processus opérationnels des utilisateurs finals. Elle se poursuit par l'élaboration conjointe de produits et services pour remédier à ces vulnérabilités sous-jacentes et par la mise en place commune de produits et services de prévision des impacts du climat qui ont été définis par les utilisateurs et dont les résolutions spatio-temporelles répondent aux besoins des utilisateurs finals. Ainsi, en s'attachant à répondre aux besoins des utilisateurs finals en matière d'informations sur le climat et en collaborant pour mettre au point les produits correspondants, il est possible de fournir à des secteurs tels que celui de la santé des informations de meilleure qualité, qui soient adaptées et donc davantage intégrées et utilisées.

Depuis 2015, le CIMH travaille sur un nouvel ensemble de projets multidimensionnels liés à la santé et au climat en collaboration avec des partenaires nationaux et régionaux tels que des ministères de la santé, des SMHN, l'Agence de santé publique des Caraïbes (CARPHA), l'Organisation panaméricaine de la santé (OPS) et des partenaires internationaux de recherche pluridisciplinaire. Le lecteur trouvera ci-dessous de plus amples informations sur ce qui a été observé aux Caraïbes lorsque les principes de l'Exemple représentatif dans le domaine de la santé du CMSC y ont été appliqués pour établir et renforcer les relations aux niveaux national, régional et international afin de perfectionner la conception, le développement et la prestation des services climato-sanitaires dans la région.

Améliorer la communication et les partenariats

Figure 1. Consortium des partenaires qui coordonnent les systèmes sectoriels d'alerte précoce à toutes les échelles de temps climatiques (un groupe composé de six organismes sectoriels et d'un prestataire régional de services climatologiques (CIMH)) et s'engagent à concevoir, développer et fournir ensemble des produits climatologiques axés sur les utilisateurs et exploitables

Le CIMH a commencé à associer les méthodes des sciences sociales aux méthodes habituelles des sciences physiques pour améliorer le développement et la prestation de services climatologiques dans le cadre du Programme BRCCC. Les chercheurs du CIMH ont effectué une évaluation approfondie des conditions initiales ciblée sur les utilisateurs finals, au cours de laquelle les professionnels de la santé ont pu présenter leurs besoins et capacités par rapport aux produits opérationnels de prévision et de surveillance du climat élaborés par le CIMH. L'évaluation a mis en évidence le fait que les professionnels de la santé prennent en considération les saisons sèches et humides pour élaborer leurs plans annuels de santé publique, mais qu'ils ne tiennent pas véritablement compte des informations sur le climat dans leurs processus de planification.

Les professionnels de la santé des Caraïbes n'utilisant la climatologie que de façon élémentaire, il était évident qu'ils devaient devenir des bénéficiaires cibles de la nouvelle génération de services climatologiques.

Une des principales initiatives stratégiques du CIMH consiste à faire signer des accords officiels de collaboration interinstitutions en vue du développement des services climatologiques et de leur intégration dans les processus décisionnels. En effet, le CIMH a souhaité rompre avec le fonctionnement cloisonné habituel et faire émerger un nouveau modèle de collaboration interinstitutions afin que les services climatologiques sectoriels aient un impact plus global et plus fort.

Un consortium de partenaires qui coordonnent les systèmes sectoriels d'alerte précoce à toutes les échelles de temps climatiques (un groupe composé de six organismes sectoriels et d'un prestataire régional de services climatologiques (CIMH)) se sont engagés à concevoir, développer et fournir ensemble des produits climatologiques axés sur les utilisateurs et exploitables (figure 1). La CARPHA a rejoint le consortium en 2017 en tant que partenaire régional pour la santé et elle reçoit le soutien de l'OPS à cet effet.

Améliorer les capacités du secteur de la santé

Caribbean Health Climatic Bulletin September 2018

Figure 2. Première page de l’édition de septembre 2018 de la revue trimestrielle Caribbean Health Climatic Bulletin

L'élaboration de bulletins climatologiques sectoriels et leur diffusion opérationnelle aident les secteurs concernés à mieux comprendre et utiliser les informations climatologiques. Ces bulletins réguliers présentent les risques et opportunités possibles en se fondant sur la surveillance et la prévision saisonnières du climat. Les partenaires du consortium ont activement participé à la mise au point de la première génération de produits climatologiques sectoriels exploitables qui synthétisent les répercussions sectorielles du climat à l'aide de la gamme des produits climatologiques techniques du CIMH.

Le Caribbean Health Climatic Bulletin, un bulletin lancé en juin 2017, est le fruit de la collaboration entre le CIMH, la CARPHA et l'OPS (figure 2). Il donne une vue d'ensemble du climat pendant la période considérée ainsi que des informations sur les conditions et phénomènes climatiques récents. Grâce à ses partenaires du domaine de la santé, il renseigne également sur les risques sanitaires que les conditions climatiques observées ou prévues peuvent exacerber. Il offre ainsi des conseils sur de nombreux problèmes de santé influencés par le climat, dont les maladies respiratoires, les maladies non transmissibles, les maladies à transmission vectorielle et les maladies gastro intestinales, ainsi que sur le bien-être et la santé mentale. Ces informations sont destinées à étayer les décisions stratégiques et opérationnelles relatives aux interventions sanitaires et à la gestion des systèmes de santé.

Ce bulletin peut être consulté sur les sites Web du Centre climatologique régional des Caraïbes (rcc.cimh.edu.bb), de la CARPHA (carpha.org/What-We-Do/Environmental-Health-and-Sustainable-Development) et de l’OPS (www.
paho.org/ocpc/).

Améliorer les recherches sur le climat et la santé

Il ressort des premières évaluations que les utilisateurs finals du secteur de la santé considèrent que le bulletin est utile.Toutefois, les avis sanitaires que contient le bulletin se fondent sur les déclarations qualitatives d'experts relatives aux probabilités de risques sanitaires. Ces avis pourraient être améliorés en y intégrant des prévisions quantitatives probabilistes des risques de maladies (Lowe et al., 2018). Il est donc nécessaire de s'attacher à développer des prévisions plus précises des maladies à partir des informations sur le climat.

 

Services climatologiques axés sur les maladies à transmission vectorielle

Les travaux sur la santé en période de canicule ou de tempête de sable/poussière ont consisté à mieux comprendre les processus physiques associés aux seuils de chaleur extrême et au cycle de la poussière dans l'objectif de prévoir les prochaines occurrences de tels phénomènes aux Caraïbes. En revanche, les travaux sur les maladies à transmission vectorielle se sont orientés vers une approche intégrée qui mène à des découvertes majeures sur les liens entre le climat et les maladies transmises par le moustique Aedes aegypti. Ces progrès nécessitent des compétences interdisciplinaires pour combiner et analyser des données climatologiques, entomologiques et épidémiologiques - un jeu de compétences qu'il n'est pas facile de trouver aux Caraïbes. Afin de remédier à ce problème, le CIMH, la CARPHA, l'OPS, les ministères de la santé et les SMHN ont constitué une équipe internationale de recherche interdisciplinaire.

Figure 3. Types d’informations climatologiques (par exemple observations ou prévisions) nécessaires pour établir une prévision relative à la dengue à la Barbade pour octobre. Source: Lowe et al. (2018)

Cette équipe a réalisé une étude pilote à la Barbade et à la Dominique de février à juillet 2017 afin de créer un cadre type. Les résultats de cette étude montrent l'importance du climat dans la variabilité saisonnière à interannuelle d'Aedes aegypti et de la transmission de la dengue. L'étude sert de base à la mise au point d'un système d'alertes climatologiques précoces pour les virus transmis par ce moustique dans les Caraïbes. À ce jour, l'étude pilote a donné lieu à la diffusion de trois publications scientifiques, destinées à partager internationalement les résultats obtenus sur l'épidémiologie des arbovirus et le climat dans les Caraïbes. Par ailleurs, des outils d'alerte précoce innovants, qui pourraient être utilisés dans le secteur de la santé publique pour éviter les épidémies de maladies à transmission vectorielle ou y répondre (figure 3), ont également été conçus.

Dans le cadre de l'étude pilote, des ateliers en présentiel et des webinaires techniques ont été organisés pour renforcer les capacités des professionnels de la santé et des climatologues dans les Caraïbes. Des mesures sont déjà prises pour étendre l'étude à d'autres pays des Caraïbes.

Les travaux menés sur les maladies à transmission vectorielle montrent qu'il est possible de mettre au point des services climatologiques axés sur la santé et qu'il est important d'établir des partenariats forts et solides entre professionnels de la santé et climatologues. Il est probable que ce modèle de collaboration soit reproduit dans les autres domaines santé-climat prioritaires pour le CIMH et ses partenaires. Lorsque seront finalisées ces recherches très diversifiées sur les maladies transmises par Aedes aegypti, sur la chaleur extrême et les maladies non transmissibles ainsi que sur la poussière saharienne et les maladies respiratoires, elles seront à leur tour intégrées dans le bulletin trimestriel susmentionné pour aider les professionnels de la santé des Caraïbes à prendre des décisions qui tiennent compte des facteurs climatiques.

Intégrer efficacement les données climatologiques et météorologiques dans les opérations de santé

Les progrès accomplis récemment pour passer de la recherche à l'exploitation ainsi que l'intégration d'approches participatives basées sur les sciences sociales stimulent l'émergence d'une nouvelle génération de services climatologiques axés sur la santé dans les Caraïbes. Désormais, cette région a accès à plusieurs produits d'alerte précoce en lien avec la santé humaine, y compris un cadre type inédit, créé pour la Barbade et permettant de prévoir les risques d'épidémies de dengue à partir d'informations climatologiques (figure 3). Ce modèle a un fort potentiel de mise en exploitation et d'extension à d'autres pays des Caraïbes, car il repose sur l'utilisation d'indicateurs et de prévisions climatiques que le CIMH produit régulièrement. Grâce à ces efforts, les Caraïbes sont en très bonne voie pour instaurer un système d'alerte précoce axé sur le climat et relatif à la dengue et aux autres maladies transmises par les moustiques.

La phase suivante du projet consistera à faire fructifier les investissements initiaux consacrés à la recherche sur la santé et le climat de façon à mettre en place d'autres composantes nécessaires au développement d'un système d'alertes sanitaires précoces qui soit opérationnel et axé sur les données climatologiques, dans l'objectif d'améliorer la situation sanitaire au plan national et régional. L'une de ces composantes est une plateforme de modélisation, qui s'appuiera sur un système d'information géographique pour intégrer dans une base de données commune, puis analyser, différents flux de données atmosphériques, environnementales, épidémiologiques, entomologiques et socio-écologiques. Ces données alimenteront un modèle de prévision spatio-temporelle pour générer des cartes et/ ou des prévisions des risques saisonniers de maladies qui seront reliées à un système d'alerte et d'intervention en cas d'épidémies destiné à aider les professionnels du domaine de la santé à prendre des décisions fondées sur des preuves.

L'intégration des différents flux de données de recherche et développement dans les opérations de santé devrait grandement contribuer à réduire les risques de contracter des maladies influencées par le climat, lesquelles représentent actuellement un obstacle à la productivité et au développement durable dans les PEID des Caraïbes.

Remerciements

Les activités présentées dans cet article ont reçu un appui au titre du Programme BRCCC (rcc.cimh.edu.bb/brccc), financé par USAID (référence de la subvention: AID 538-10­14-00001) avec le généreux soutien du peuple des États-Unis d'Amérique. R.L. a reçu un soutien de la Royal Society via une bourse d'études Dorothy Hodgkin. Les auteurs remercient vivement tous les autres participants de l'équipe de recherche sur le climat et Aedes aegypti: Sadie Ryan, Mercy Borbor, Moory Romero, Cédric van Meerbeeck et Shelly-Ann Cox. Les auteurs savent gré à Shermaine Clauzel, Lyndon Forbes Robertson et Avery Hinds (CARPHA) ainsi qu'à Adrianus Vlugman et Karen Polson-Edwards (OPS) des efforts constants qu'ils ont déployés pour publier le Caribbean Health Climatic Bulletin. Ils remercient enfin Andrea Sealy et Ashford Reyes (CIMH) de les avoir guidés dans leurs activités relatives à la modélisation de la poussière saharienne.

Références

Lowe, R., A. Gasparrini, C.J. Van Meerbeeck, C.A. Lippi, R. Mahon, A.R. Trotman, L. Rollock, A.Q.J. Hinds, S.J. Ryan and A.M. Stewart-Ibarra, 2018: Nonlinear and delayed impacts of climate on dengue risk in Barbados: a modelling study. PLoS Medicine, 15(7):e1002613, doi.org/10.1371/journal.pmed.1002613.

Ryan, S.J., C.J. Carlson, A.M. Stewart-Ibarra, M.J. Borbor-Cordova, M.M. Romero, S. Cox, R. Mahon, A. Trotman, S. St. Ville and S. Ahmed, 2017: Zika virus outbreak, Dominica, 2016. Emerging Infectious Diseases, 23(11):1926–1927.

Ryan, S.J., C.A. Lippi, C.J. Carlson, A.M. Stewart-Ibarra, M.J. Borbor-Cordova, M.M. Romero, S. Cox, R. Mahon, A. Trotman, L. Rollock, M. Gittens-St. Hilaire, D. King and S. Daniel, 2018: Zika virus outbreak, Barbados, 2015–2016. American Journal of Tropical Medicine and Hygiene, 98(6):1857–1859.
Stephenson, T.S., L.A. Vincent, T. Allen, C.J. Van Meerbeeck, N. McLean, T.C. Peterson, et al., 2014: Changes in extreme temperature and precipitation in the Caribbean region, 1961–2010. International Journal of Climatology, 34(9):2957–2971, doi.org/10.1002/joc.3889.

World Meteorological Organization, 2011: Climate Knowledge for Action: a Global Framework for Climate Services – Empowering the Most Vulnerable. The Report of the High-level Taskforce for the Global Framework for Climate Services (WMO-No. 1065). Geneva.

—, 2014: Health Exemplar to the User Interface Platform of the Global Framework for Climate Services. Geneva.

Organisation météorologique mondiale/Organisation mondiale de la santé, 2016: Climate Services for Health Fundamentals and Case Studies for Improving Public Health Decision-making in a New Climate. Geneva.

Auteurs

Adrian Trotman, Institut de météorologie et d’hydrologie des Caraïbes (CIMH), Bridgetown (Barbade)

Roché Mahon,  Institut de météorologie et d’hydrologie des Caraïbes (CIMH), Bridgetown (Barbade)

Joy Shumake-Guillemot, Bureau commun pour le climat et la santé relevant de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) et de l’Organisation météorologique mondiale (OMM), OMM, Genève (Suisse)

Rachel Lowe,Département d’épidémiologie des maladies infectieuses et Centre de modélisation mathématique des maladies infectieuses, London School of Hygiene and Tropical Medicine, Londres (Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord) et Barcelona Institute for Global Health, Barcelone (Espagne)

Anna M. Stewart-Ibarra, Institute for Global Health and Translational Science, SUNY Upstate Medical University, Syracuse, État de New York (États-Unis d'Amérique)

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