Alertes précoces et réponses rapides pour atténuer les effets des catastrophes en situation de pandémie

16 novembre 2020
  • Author(s):
  • Cyrille Honoré et Sylvie Castonguay, Secrétariat de l’OMM

La pandémie de COVID-19 touche toutes les professions et activités de nos sociétés. Les météorologues, les hydrologues et leurs organisations ne font pas exception. Dans une situation aussi extrême, les Services météorologiques et hydrologiques nationaux (SMHN) devraient-ils bénéficier d’une assistance spéciale pour continuer de fonctionner jour et nuit, sept jours sur sept, 365 jours par an, à l’instar d’autres infrastructures et services essentiels? Oui, sans aucun doute. En effet, le changement climatique, les aléas météorologiques, climatologiques et hydrologiques ainsi que les risques associés pour les vies et les biens ne s’arrêtent pas pendant la pandémie de COVID-19!

Depuis le début de l’année 2020, aucune région n’a été épargnée par les catastrophes naturelles et de nombreux pays ont été confrontés à la difficulté de protéger leurs populations contre les phénomènes extrêmes pendant la pandémie. En avril, le cyclone tropical Harold, de forte intensité, a causé des destructions massives dans les Îles Salomon, à Vanuatu, aux Fidji et aux Tonga. En mai, le cyclone tropical Amphan a ravagé certaines zones de l’Inde et du Bangladesh – un pays qui a ensuite connu en juillet ses pires inondations de mousson depuis dix ans. La saison des ouragans 2020 a été si active dans l’Atlantique que la liste habituelle des noms de tempêtes a été épuisée et qu’il a fallu recourir aux lettres de l’alphabet grec pour la deuxième fois depuis la mise en place de ce système. Des inondations se sont produites sur le continent africain et dans d’autres régions. L’Europe a connu un été de canicule. Les incendies et la sécheresse qui ont accablé l’Australie, la Russie et les États-Unis ont fait la une des journaux. Les conséquences sont graves, en particulier pour les populations les plus vulnérables – réfugiés, personnes déplacées, pauvres – qui sont aussi durement touchées par la COVID-19.

Pleinement conscients de leur rôle premier et de leur responsabilité de servir le bien commun, nos collègues des SMHN du monde entier font de leur mieux pour maintenir les systèmes nationaux d’alerte précoce et les services essentiels qu’ils fournissent à la société et pour soutenir les efforts déployés au plan national afin de renforcer la résilience. La COVID-19 a mis en danger la continuité des activités tout au long de la chaîne de valeur des systèmes hydrométéorologiques et d’alerte précoce – de l’observation (surveillance des dangers) et de la prévision à l’émission d’alertes et à leur diffusion – qui permet de prendre des décisions pour une action rapide.

Enquête de l’OMM auprès des Membres

Au début du printemps, le Secrétariat de l’OMM a enquêté auprès des SMHN de ses 193 Membres afin d’évaluer les répercussions de la crise de la COVID-19 sur leur fonctionnement et de définir les domaines dans lesquels il serait nécessaire d’apporter un soutien. Plus de 140 réponses ont été reçues de la part de 126 Membres. Il est apparu immédiatement que les mesures d’atténuation de la COVID-19, telles que le confinement et les restrictions de déplacement, avaient des impacts variés sur les SMHN en fonction principalement de leurs ressources, de leur statut et de la reconnaissance dont ils bénéficient.

Les centres météorologiques mondiaux de l’OMM, la plupart des centres météorologiques régionaux spécialisés de l’OMM et les membres du Groupe de coordination pour les satellites météorologiques étaient bien organisés et disposaient de ressources suffisantes pour que les restrictions imposées par la COVID-19 ne compromettent pas leur prestation de services au niveau régional ou mondial. La continuité de leurs services témoigne de la pertinence des cadres de soutien de l’OMM et de l’importance des activités menées dans le contexte du Système mondial de traitement des données et de prévision, du Programme de prévision des conditions météorologiques extrêmes, du Système d’indications relatives aux crues éclair et de divers projets.

Au niveau national, moins de 10 % des réponses reçues faisaient état de graves préoccupations ou d’incidences sérieuses. Quelque 30 % des sondés ont déclaré être bien préparés à de tels événements et au moins 55 % ont indiqué maîtriser la situation. Des modalités de télétravail, à différents niveaux et dans des proportions variées, ont été mises en place dans près des trois quarts des SMHN interrogés. Toutefois, le télétravail n’est pas toujours possible pour des tâches telles que la maintenance des réseaux d’observation, les opérations informatiques, les prévisions et les alertes. Des dispositions spécifiques ont été prises pour que les agents d’exploitation puissent venir travailler au bureau, même en nombre limité, tout en se conformant aux directives des autorités sanitaires, mais, dans un certain nombre de cas, il a fallu obtenir des autorisations de déplacement et des dérogations aux restrictions générales. Moins de 60 % des SMHN sondés ont déclaré que leur gouvernement reconnaissait qu’ils offraient un service essentiel et qu’ils devaient donc bénéficier des mêmes exceptions et du même soutien pratique que les autres services essentiels.

Du point de vue des utilisateurs, dans cette situation sans précédent, les activités habituelles de préparation et d’intervention rapide en cas d’alerte ont été bouleversées. Les évacuations, les mises à l’abri et le prépositionnement des ressources liées aux interventions ont dû être effectués dans le respect des directives sanitaires et d’atténuation des effets des pandémies. Il a été nécessaire de désigner des abris supplémentaires pour réduire au minimum la contamination dans des bâtiments surpeuplés. Les voies d’évacuation existantes ont dû être adaptées. Il a fallu réévaluer le délai d’anticipation nécessaire pour évacuer en toute sécurité les personnes à risque. Bien que ces activités ne relèvent pas du mandat des SMHN, les informations et les avis qu’ils fournissent aident les organismes nationaux de gestion des catastrophes à prendre des décisions sur ces questions, comme le montre l’étude de cas ci-dessous.

Étude de cas: l’atterrage du typhon Vongfong aux Philippines

Early Warnings and Actions to Mitigate Disasters in Pandemic Situation

Cliché pris par le satellite Himawari-8 montrant l’intensification du typhon Ambo au-dessus des Philippines le 13 mai à 1540 UTC.

Le typhon Vongfong (nommé Ambo aux Philippines) a touché terre pour la première fois le 14 mai à San Policarpo, dans l’est de l’île de Samar, aux Philippines. Ce typhon de catégorie 3 a apporté des vents destructeurs et des pluies intenses alors qu’il se déplaçait vers le nord-ouest en direction de la partie continentale de Luzon et du Grand Manille, une zone très touchée par la COVID-19. Une grande partie du pays était soumise à des restrictions de déplacement et à un confinement, ce qui a compliqué les interventions d’urgence.

Le 10 mai, soit quatre jours avant l’atterrage, l’Administration des services atmosphériques, géophysiques et astronomiques des Philippines (PAGASA) a baptisé «Ambo» la dépression tropicale qui s’était développée à l’est de Mindanao et fourni des informations précoces sur cette menace imminente. (Le Centre météorologique régional spécialisé de l’OMM pour les cyclones tropicaux à Tokyo a donné à ce système son nom international, Vongfong, lorsqu’il s’est transformé en tempête tropicale.) Le 11 mai, soit trois jours avant que le typhon ne touche les côtes pour la première fois, le Conseil national de gestion et de réduction des risques de catastrophes naturelles des Philippines (NDRRMC) a convoqué une réunion d’évaluation des risques pré-catastrophe. En collaboration avec des entreprises de télécommunication, des messages d’alerte ont été diffusés via les téléphones portables des habitants des zones touchées et les centres régionaux d’intervention d’urgence ont été activés. Le Ministère de la protection sociale et du développement a mis à disposition des fonds de réserve et stocké des colis alimentaires familiaux, ainsi que des produits alimentaires et non alimentaires pour un montant de 23,4 millions de dollars É.-U. (1,18 milliard de pesos philippins).

Le Ministère de la santé a conseillé aux autorités gouvernementales locales de prévoir davantage d’espace dans les centres d’évacuation afin d’assurer une distance physique adéquate. Les familles évacuées devaient respecter des normes sanitaires minimales, y compris le port de masques faciaux et une hygiène adéquate, notamment en cas de toux. Le NDRRMC a également insisté auprès des autorités locales pour qu’elles envisagent de désigner d’autres centres d’évacuation. En effet, les écoles ne pouvaient pas être utilisées, car un grand nombre d’entre elles servaient de lieux de quarantaine aux patients atteints de la COVID-19. En plus de son alerte et de ses contributions de départ, PAGASA a suivi l’évolution du typhon et présenté des mises à jour météorologiques en continu tout au long du passage de ce dernier.

Eight-day rack of Typhoon AMBO from 10-18 May 2020

Trajectoire du typhon Ambo sur huit jours (10-18 mai 2020)

Les responsables locaux ont souligné qu’ils étaient confrontés à un double défi, protéger les populations de la COVID-19 et aussi du typhon. Ils ont fait observer qu’il était difficile de maintenir une distance physique dans les abris temporaires. Plusieurs gouvernements locaux ont décrété que les centres d’évacuation ne devaient être remplis qu’à la moitié de leur capacité habituelle pour prévenir la propagation de la COVID‑19. L’Église catholique a proposé d’utiliser ses églises et chapelles comme abris supplémentaires. Certains centres commerciaux se sont également mis à disposition.

Ainsi, il a été possible d’évacuer de manière préventive 46 812 familles, soit 182 916 personnes, ce qui représente près d’un tiers des 140 147 familles, ou 578 571 personnes, qui ont été touchées par le typhon dans le pays.

Des services essentiels

Les gouvernements, les services d’urgence et même le public se concentrent sur la pandémie. Les météorologues et les hydrologues doivent donc prendre des initiatives et anticiper au-delà des dispositions institutionnelles et des politiques nationales qui régissent l’émission d’alertes officielles. Comme le montre le cas des Philippines, des notifications spécifiques et des relations solides avec les parties prenantes nationales font toute la différence lorsqu’il s’agit d’engager des préparatifs précoces et des actions rapides pour atténuer les impacts des phénomènes dangereux.

Les services d’avis et les alertes précoces permettant de réagir sont plus que jamais nécessaires. Présenter clairement les impacts potentiels, en tenant compte de l’incertitude des prévisions, avec une chronologie et une localisation aussi précises que possible permet de mener une action ciblée précoce pour limiter les dégâts et sauver des vies. Répondre à toutes ces exigences combinées est le défi classique auquel la communauté de l’OMM est confrontée depuis des décennies. Voilà pourquoi nous déployons des efforts constants pour faire avancer la recherche ainsi que la compréhension, la surveillance et la prévision applicables au système Terre. C’est aussi la raison pour laquelle tous les Membres de l’OMM partagent les progrès scientifiques et techniques qu’ils accomplissent dans un esprit de coopération. En cette période de pandémie, le défi est encore plus grand pour la plupart des NMHS, qui doivent rester vigilants et se consacrer à offrir des services essentiels d’intérêt général.

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