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Rencontre du Secrétaire général de l’OMM, Petteri Taalas, et du Secrétaire général de l’ONU, António Guterres, au siège des Nations Unies de New York, le 6 mars 2018
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La volonté de l’OMM n’a rien d’exceptionnel: nombreux sont les organismes du système des Nations Unies qui ont entrepris de réformer leurs organes constituants et leurs méthodes de travail. Plusieurs n’y sont d’ailleurs pas parvenus. C’est la volonté de moderniser l’OMM qui a poussé M. Taalas à se porter candidat pour le poste de Secrétaire général. Le Dix-huitième Congrès météorologique mondial (Cg-18) a approuvé en 2019 une série de réformes historiques. Il a décidé de ramener de huit à deux le nombre des commissions techniques au profit des infrastructures météorologiques, climatologiques, hydrologiques et océaniques du système terrestre et de l’élaboration d’une vaste gamme de services multidangers. Le Dix-huitième Congrès a aussi décidé de créer un groupe consultatif scientifique d’experts de renommée mondiale chargé de donner des orientations stratégiques à l’OMM, et a institué le Conseil de la recherche pour aider les Membres à opérer la transition entre science et services.
Le Dix-huitième Congrès a également approuvé une nouvelle Déclaration de Genève encourageant la participation coordonnée du secteur privé aux activités de l’OMM. De plus, un Comité de coordination technique et un Comité consultatif en matière de politiques générales ont été créés pour préparer et rationaliser les décisions du Conseil exécutif et du Congrès.
Le but est de garantir que l’OMM reste à la hauteur de sa mission, gagne en souplesse et mette mieux à profit ses ressources intellectuelles et financières. Il est prévu de confier davantage d’activités «cœur du métier» à des experts des pays les moins avancés et un Congrès extraordinaire est prévu au milieu du cycle de quatre ans actuel de l’Organisation.
De nouveaux grands défis s’annoncent toutefois. L’un des plus redoutables sera le libre‑échange des données, un principe cher à l’OMM, qui se voit à nouveau menacé. Menée sous l’égide de l’Organisation météorologique internationale (OMI), un organisme essentiellement non gouvernemental dont l’approbation remonte à 1873, et de l’OMM (de nature intergouvernementale), la coopération internationale a été conçue dans l’esprit d’une mise en commun pour ainsi dire planétaire des données d’observation et des connaissances scientifiques. Aujourd’hui, les nouvelles technologies placent la communauté de l’OMM devant autant d’opportunités que de menaces – et l’échange libre et gratuit des données, en particulier, est menacé. Il faut revoir les fondements politiques des pratiques actuelles.
L’heure est aussi venue de décloisonner les activités relevant de la météorologie, entre le secteur public, le secteur privé, les scientifiques, les décideurs et les membres de la société dans son ensemble, afin «que soient fournis des services, des prévisions et des alertes de la meilleure qualité et de la plus grande efficacité possible», dans l’esprit de la Déclaration de Genève. Afin de stimuler un dialogue ouvert et constructif entre tous les acteurs à cette fin, l’OMM a mis en place une plate-forme consultative ouverte au mois de juin.
Quel sera l’apport de la plate-forme? Comment l’intégration des secteurs privé et universitaire sera-t-elle renforcée dans le cadre des travaux de l’OMM? M. Taalas, le Secrétaire général, l’explique notamment dans l’entretien qui suit, où il présente la voie qu’il compte suivre durant son second mandat, de 2020 à 2023.
Le calendrier de transition pour la réforme est ambitieux. Pourrez-vous la mettre en œuvre sans perturber les activités de l’OMM? Où commencerez-vous?
M. Taalas: Une réforme est toujours un défi. Nous avons eu la chance de pouvoir faire appel à de nombreux membres du personnel du Secrétariat de l’OMM, à des experts nationaux et à des directeurs pour concevoir le processus de transition et veiller au succès de la réforme.
Parmi les défis à relever figure la réforme du Secrétariat de l’OMM du point de vue de sa structure et de ses méthodes de travail. Pour la structure et le personnel du Secrétariat, le travail devrait être terminé avant la fin de 2019. En tant que Secrétaire général, j’ai été chargé par le Dix-huitième Congrès de rationaliser les tâches administratives, de moderniser les processus et d’améliorer leur efficacité. L’OMM a déjà publié des postes et sélectionné les membres de l’équipe de direction. Au besoin, nous rédigerons des descriptifs de poste moins spécifiques pour les administrateurs et encouragerons la rotation du personnel. Nous centraliserons davantage les ressources administratives et confierons de nouvelles tâches au personnel administratif à la suite des progrès technologiques.
Selon vous, quels seront les principaux obstacles à surmonter pour mettre en œuvre la réforme dans la structure et la culture de l’OMM? Comment allez-vous vous y prendre?
M. Taalas: Il faudra non seulement modifier les structures des organes constituants et du Secrétariat, mais aussi veiller aux changements culturels. Si nous renonçons au cloisonnement au profit d’un traitement intégré du temps, du climat, de l’eau, des océans et de la composition de l’atmosphère, nous aurons l’occasion de donner une impulsion nouvelle au système terrestre et d’encourager les services multidangers et les prévisions continues à toutes les échelles. Ces perspectives plus larges offriront des opportunités extraordinaires à toute la communauté de l’OMM, ainsi qu’à chaque expert.
Les personnes, comme les organisations, ont une tendance naturelle à s’opposer au changement. Quatre ans, c’est une période relativement courte pour instaurer une nouvelle mentalité et faire en sorte que l’esprit et la culture du cloisonnement ne puisse regagner l’OMM. Quelles stratégies et quels outils allez-vous utiliser pour bien ancrer le changement?
M. Taalas: La réforme a été menée à bien par l’ensemble de la communauté. Le personnel et les Membres de l’OMM ont fait preuve d’un enthousiasme et d’une motivation impressionnants. À mon avis, personne ne voudra revenir en arrière lorsque le processus commencera à porter ses fruits: on demande de plus en plus de compétences spécialisées, de services et de connaissances dans les domaines de la météorologie, de la climatologie et de l’hydrologie. Nos nouveaux modèles opérationnels nous seront d’une aide précieuse pour répondre à cette demande.
Vous évoquiez tout à l’heure de grands défis, tels que le maintien du libre‑échange des données et le décloisonnement. Comment allez-vous les relever au cours de votre prochain mandat?
M. Taalas: En faisant davantage intervenir le personnel du Secrétariat et les experts des États Membres dans la planification et la mise en œuvre du processus qui s’est déjà amorcé. L’un de nos défis – qu’on peut aussi considérer comme une opportunité – est d’associer plus d’experts de tous les États et territoires Membres de l’OMM aux travaux des nouvelles commissions techniques et des nouveaux organes de recherche, comme le prévoit la réforme. Un autre défi est d’œuvrer de concert avec des partenaires pour le développement, tels que la Banque mondiale, le Fonds vert pour le climat et le PNUD, de même qu’avec des organismes apparentés, tels que l’OMS, la FAO, l’UNESCO, l’OACI, l’OMI et le PNUE, afin d’accroître la portée des compétences de l’OMM et d’apporter une aide aux Membres des pays en développement ou des pays les moins avancés.
Vous êtes-vous fixé d’autres missions pour votre prochain mandat?
M. Taalas: Les Nations Unies sont parvenues à soutenir un vaste programme de développement planétaire, notamment en faveur de la santé, de l’atténuation des crises, de l’éducation, de la croissance économique et des genres. Aujourd’hui, l’ONU doit avant tout veiller à l’atténuation du changement climatique, à l’adaptation à ses effets et à la limitation de la croissance démographique. Au sein de la famille des Nations Unies, l’OMM est l’organisation qui joue le rôle le plus prépondérant pour l’atténuation du changement climatique et l’adaptation à ses effets.